dimanche 24 août 2008
Bienvenue chez les Ch’tis
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]
Jerry Seinfeld l’annonçait au début de sa carrière : « je veux faire rire en évitant les clichés habituels, le sexe, les gros mots, c’est un peu trop facile, en fait ! Je veux faire un show à partir des petits riens du quotidien, a show about nothing. »
Dany Boon est lui aussi humoriste, plutôt doué, et il sait rire aussi du quotidien. Son sketch sur La Poste était bien vu, son spectacle en Ch’timi était une bonne idée. Mais les adapter au cinéma sans les retravailler n’en est pas une.
Bienvenue chez les Ch’tis est en effet une succession de sketches, certains drôles, d’autre pas. En tout cas, ce n’est jamais un film. Pas de personnages, et des acteurs catastrophiques (sauf Boon), qui surjouent (Zoe Felix), se font péniblement passer pour des Ch’tis (Anne Marivin, Line Renaud), ont raté les cours d’élocution du Cours Florent (Stephane Freiss) ou, tout simplement, ne sont pas là (Kad Merad).
Si l’argument tient debout (un directeur d’agence de La Poste ment pour plaire à sa femme et se retrouve, au final, muté de la Provence dans le Nord-Pas de Calais), le film n’est tout simplement pas écrit. Les sketches s’enchaînent sans liaison ; ainsi découvre-t-on le problème de boisson de Dany Boon, et plus tard, on apprend, un peu par hasard (un personnage nous le dit), que ce problème est lié à un amour contrarié pour une jolie postière. Puis, toujours de manière aussi peu travaillée (un personnage nous le dit, encore), on apprend que la postière en pince aussi pour lui, mais que tout ça est de la faute de la belle mère (Line Renaud). On nous le dit, parce que Dany Boon ne sait pas écrire une scène qui nous le dirait. Il se croit encore seul en scène, oblige d’interpréter tous ses personnages à la fois. Problème récurrent des cinéastes en herbe, qui n’ont pas confiance dans le cinéma. Un geste, une expression, un bon montage est souvent plus signifiant qu’un long discours.
Bienvenue chez les Ch’tis donne, dès le début d’ailleurs*, l’impression de regarder une comédie française des années 60, mais de seconde zone (genre Le Petit Baigneur). Et il ne s’agit pas là de la qualité de ces comédies (il suffit de revoir un épisode des Gendarmes pour voir le boulot qui est derrière, quoiqu’on pense de ces films), non, Bienvenue chez les Ch’tis baigne dans l’ambiance des années 60 : bons sentiments téléphonés, relations de couple gnan-gnan, ambiance de travail complètement irréaliste…
On rit certes, devant certains gags : la reconstitution d’un Bergues sinistré, plus conforme au fantasme de la femme du héros. Mais l’ensemble laisse une telle impression d’amateurisme que le film, tel quel, est irregardable.
* étonnant générique qui commence par un survol des calanques de Cassis avec générique en surimpression, très Gérard Oury, et qui devient soudainement une animation en 3D, on ne sait pas pourquoi…
lundi 11 août 2008
Jeux de Dupes/15 ans et Demi
posté par Professor Ludovico dans [ Brèves de bobines -
Les films ]
Dans l’avion, on est obligés de regarder des films. Mon ami Philippe dirait – sous le fallacieux prétexte que les films d’avion sont censurés et remontés – que ca ne compte pas pour notre Topten annuel. En tout cas, ca oblige à les voir, ces films.
Au programme aujourd’hui : Jeux de Dupes, de George Clooney et 15 ans et Demi, de François Desagnat et Thomas Sorriaux. Dans les deux cas, ça sent la recette de grand mère, dans les deux cas, c’est pas mal sans être transcendant, et dans les deux cas, heureusement qu’il y a des avions pour voir ce genre de films.
Jeux de Dupes, d’abord. Un film qui s’inscrit dans une double tradition : le film de football, et le film Twenties nostalgique. Le pitch : un capitaine de football américain en fin de carrière (George) entrevoit comme seule solution pour sauver son équipe de payer un jeune joueur très doué pour jouer avec eux. Il invente du même coup le foot moderne et professionnel. Il y perdra quelques illusions et arrêtera le foot, mais trouvera une compagne. Sur ce canevas archi-classique, le George nous la joue comédie légère, dialogues cinglants façon Dorothy Parker et petite morale finale sur la nécessité des héros. Mais n’est pas les Coen (O’Brothers) qui veut : si le soufflé est mangeable, il ne monte pas haut.
15 ans et Demi souffre du même problème : sur un canevas tout aussi classique (un père ne comprend plus sa fille ado), le film nous refait La Boum, consciencieusement modernisée par Vincent Ravalec, inspirateur et scénariste du film. Exit My Reality, place à la techno. Le film tient surtout grâce aux seconds rôles (Chabat, et surtout le toujours génial François Damiens (OSS, Dikkenek), et le gentil décalage avec le propos (les hallucinations Barry Lindon/Gore du père). On aurait pu aller beaucoup plus loin dans ce délire, et le film y aurait beaucoup gagné. On apprécie les comédiens (sauf Berléand, ridicule en Einstein/Gimini Cricket), la description réaliste et chaleureuse des ados d’aujourd’hui.
C’est agréable, et ca passera correctement la soirée.
dimanche 3 août 2008
Valse avec Bachir
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]
Ari Folman a bien retenu les leçons de Coppola : la guerre doit être belle, la guerre doit être drôle, sinon, comme disait le barbu, « On ne trouverait pas autant de monde pour la faire ».
Ici, c’est un documentaire en dessin animé. En utilisant cette technique, Ari Folman a peut être enfin trouvé la seule façon de la parler de sa guerre : la Guerre du Liban. Car Ari a un problème : impossible de se rappeler quoique ce soit de son séjour sous les drapeaux, il y a 25 ans de cela. Sur le conseil d’un ami psy, il décide de mener l’enquête auprès de ses copains d’armée. Car les autres se rappellent, et même trop bien, le massacre de Sabra et Chatila, ghetto palestinien « nettoyé » par les phalangistes chrétiens, le 16 et 17 septembre 1982, sous la bénédiction passive de Tsahal.
Petit à petit, les souvenirs remontent, et le spectateur apprend, lui aussi, en même temps que le narrateur…
Certes Valse avec Bachir n’est pas très bien fait, le choix du dessin animé est contestable (pas assez cinématographique pour une fiction, ou trop réducteur pour un documentaire (par empathie, on préférerait voir les vrais témoignages)), mais reste un choc. Il nous rappelle qu’à l’âge où nous dansions sur Enola Gay, d’autres types du même âge, Uzi ou Kalach en main, se battaient dans les rues de Beyrouth. Graphiquement très réussi, musicalement fort bien illustré, Valse avec Bachir doit être vu…
dimanche 3 août 2008
En direct de Lost (part four)
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]
« Vous commencez à faire chier ! » Il a raison Sawyer, les plaisanteries les plus courtes sont les meilleures. Avec tous ces traîtres, tous ces menteurs, ces gars qui disent venir vous sauver et qu’en fait, c’est même pas vrai, la coupe est pleine. On voudrait bien commencer à savoir ; pourtant, cette saison avance à la vitesse d’un cheval au galop ! Ça défouraille à tout va, il y a déjà un paquet de morts, et pas des troisièmes couteaux ! Pire, de nouvelles guerres sont lancées, et même, si par incroyable, on commence à envisager où sont les bons et les méchants, ça nous promet quand de belles soirées à se ronger des ongles… Enfin, s’il en reste.
La force de Lost, c’est d’avoir créé de superbes mécaniques de personnages. Falots au départ, beaux gosses US propres sur eux, ou filles L’Oréal « qui le valent bien », ces personnages montrent au fil des saisons mauvais esprit et failles en pagaille. De vrais êtres humains dans une série grand public, c’est assez rare.
Et puis aussi, cet humour léger, mais toujours présent. Sawyer en tête (il a traité Hurley de « Chicken Little » hier soir), et phrases cultes. Devant son collègue égorgé, répondant à Jack qui lui demandait s’il était au courant, un personnage : « la dernière fois que je l’ai vu, il était en bonne santé »…
Un signe qui ne trompe pas : Madame La Professore, qui avait abandonné l’Ile saison 2&3, est revenue sur le canapé. Elle demande (tout en pestant), qu’on lui repasse la dernière phrase de Locke, « pour être sûre d’avoir tout compris »…
Tout compris ? À Lost ???
samedi 2 août 2008
Hypocrisies
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... -
Pour en finir avec ... ]
L’article sur L’Ile de la Tentation, et une récente conversation entre collègues, m’ont rappelé, s’il le fallait, l’écart entre « ce que je dis » et « ce que je fais ». Et encore, « ce que je dis », c’est plutôt « ce que je voudrais montrer de moi ».
Télé 7 Jours a interrogé récemment les français sur les émissions de télé-réalité ; ils les rejettent en bloc : 73% ne veulent pas d’une saison de plus de L’Ile de la Tentation, 50% refusent de supporter une année de plus les steaks aux chenilles de Koh Lanta, et 69% refusent de découvrir les secrets idiots de Secret Story une fois de plus. Même chez les 15-24 ans, cible de ces émissions, les scores sont sans appel, bien que plus faibles : 61% de cette tranche d’âge ne peut plus supporter Céline Géraud et ses tentateurs une année de plus.
Et pourtant, qu’y aura-t-il l’année prochaine : très certainement L’Ile de la Tentation et Koh Lanta, peut-être pas Secret Story, si l’audience ne se redresse pas. Car l’hypocrisie de tout ça, c’est bien sûr que ces programmes sont en tête de leur tranches horaires, et donc plébiscités par un public qui se compte en millions de personnes.
Lors d’une réunion récente avec des collègues de bureau, j’ai évoqué ma fascination pour L’Ile de la Tentation : cris d’orfraies, évidemment ! Après une désapprobation générale, basée sur l’idiotie du concept, et sa scénarisation, la salle a enchaîné sur les programmes qu’eux regardaient : « Il y a des choses très bien sûr Arte » « J’aime beaucoup la Cinquième, le Dessous des Cartes » « Ushaia, ça c’est une bonne émission » et tutti quanti.
Personne ne semblait regarder le foot ou Joséphine Ange gardien… Mais ai-je fini par dire, « Avec autant de téléspectateurs potentiels comment se fait il que TF1 fasse 30% de part de marché et Arte 4% ? »
Il y a là aussi matière à réflexion pour CineFaster, car c’est bien le même débat qui nous occupe ici. Il y a deux visions du cinéma, qui ne sont absolument pas contradictoires, mais complémentaires. Le cinéma est un art (Kubrick, Welles, …), et c’est aussi un divertissement (Spielberg, Simpson-Bruckheimer, …) Les USA gèrent mieux cette différence, ils l’acceptent mieux. Ils se réjouissent bêtement devant Armageddon, tout simplement parce qu’ils ne cherchent pas à la comparer à Mulholland Drive. Nous, par prétention, nous nous croyons beau parce que nous disons aimer Lynch, Woody Allen et Cassavetes ; mais si ces films font plus d’audience que dans leur pays d’origine, cela reste minoritaire : et nous nous ruons sur les Disney et sur les Spiderman…
Il y a quelques années, des amis travaillant dans le milieu m’avaient proposer de réflechir avec eux à des concepts d’émissions. L’idée était de trouver des concepts innovants, mais de qualité, sur les sujets qui nous intéressaient : la Grande Guerre, le Moyen Age, la Justice, etc. Nous avons brainstormé toute la soirée sur les concepts les plus rigolos et haut de gamme qui nous venaient en tête (je me rappelle d’un Cluedo géant pour expliquer le fonctionnent d’une enquête et d’un Retour vers le Futur pour explorer les grandes dates de l’Histoire de France).
Mais nous avons fini la soirée découragés : la plupart de ces concepts existaient déjà sous une forme ou sous une autre ; soit ils n’avaient pas marché, soit nous en ignorions l’existence. Mais surtout, nous aurions adoré travailler dessus.
Mais de là à les regarder !
samedi 2 août 2008
Des Serpents dans l’Avion
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -
Les films ]
Les recettes, à Hollywood comme ailleurs, ça ne marche pas. Tout le monde croit que ça marche, mais ça ne marche pas. Si ça marchait, on le saurait, et on ne raterai plus jamais un film. Top Gun, ça marche, et Jours de Tonnerre (Top Gun chez les Nascar), ça marche pas. Il en va de même pour Des Serpents dans l’Avion ; on croit qu’en mettant deux films catastrophes en un (des serpents, un avion), on fait un super film catastrophe. On croit aussi qu’en faisant dans la démocratie participative (les internautes pouvaient proposer des scènes qui ont été ajoutées dans le film), on écrit un scénario. Eh ben c’est pas vrai. Faut un type derrière, qui écrit. Et pas un cabinet de marketing.
Moralité, on ne sait pas avec Des Serpents dans l’Avion si on doit rire ou si on doit pleurer. Ca commence potache, avec critique adolescente et esprit slacker : tu baises dans les chiottes ? Tu te fais mordre ! Tu vas pisser, tu parles à ton petit serpent personnel pour l’encourager ? Tu vas t’en prendre un gros, de serpent ! Tout ça pourrait marcher, ou faire sourire, mais le film se prend aussi au sérieux et essaie de nous faire peur… Et là ça marche plus, parce que les serpents en 3D sont aussi peu crédibles que Samuel L. Jackson en acteur. Les rebondissements sont rigolos, mais on peut aussi regarder Airport pour rigoler. Non, Des Serpents dans l’Avion est une vraie perte de temps.
mercredi 30 juillet 2008
L’Ile de la Tentation (part 1)
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... ]
Il existe une île mystérieuse, bien plus mystérieuse que l’île de Lost : c’est L’Ile de la Tentation.
Derrière ce programme de – prétendue – télé-réalité se cache une véritable œuvre de fiction, voire de science-fiction, tant elle flotte « au delà du réel ».
Fiction, L’Ile de la Tentation l’est assurément. Depuis longtemps, même le spectateur lambda sait à quelle point cette émission est castée, costumée, scénarisée. Il l’a compris via Entrevue* depuis sept ans, et au travers des récents procès sur le droit du travail intentés par d’ex-tentateurs : L’Ile de la Tentation n’est pas une île (c’est un bout de côte mexicaine); ce que voient les candidats lors des célèbres feux de camp n’est pas ce que voit le spectateur de TF1, les couples ne sont pas vraiment en couple, etc.
Et tout ça est montée, remontée, bidouillé… Une télé-réalité scénarisée -malgré l’oxymore – ça marche. Comme le titrait brillamment Télé 7 jours: « C’est bidon, les français détestent … mais l’audience ne fait que grimper. »
C’est cette artificialité qui nous intéresse ici, et la proximité avec la fiction. Acceptons donc d’observer l’objet au premier degré, sans ricaner, pour mieux le décortiquer.
Le pitch, d’abord. Quatre couples décident, sous l’œil de multiples caméras, de venir tester leur couple en se frottant séparément aux charmes de tentateurs bien montés et de tentatrices légèrement vêtues…
Bon, sérieusement, qui ferait ça ? Une semaine au Club Med ou au Camping des Flots Bleus peut vous apporter les mêmes réponses, sans risquer d’être la risée de la France entière. Non, la motivation de passer à L’Ile de la Tentation, c’est bien sûr le show business ; la célébrité et l’exploitation mercantile de celle-ci. Fleurissent ensuite dans les boîtes de nuit de France et de Navarre les tournées de « Gaëlle/Lesly/Audrey, de L’Ile de la Tentation ». Pas étonnant que les candidats et les tentateurs se recrutent majoritairement dans le milieu de la Nuit : barmaid, stripteaseuses, chippendales. Passer dans l’émission devient alors une opportunité économique, mieux : une campagne de promotion. Pas étonnant non plus, dans ce contexte, que les couples n’en soient pas vraiment : ex-couples, collègues du Macumba Club se faisant passer pour couple, tout est bon pour passer dans l’émission, surtout que TF1 n’est pas trop regardant sur le background de leurs personnages.
Castés, les candidats le sont à l’évidence. Costumés, aussi, et décorés : on se reportera avec intérêt à l’épisode 1 de cette saison, qui débute par un portrait de chaque couple candidat. Chacun évoluant dans des métiers différents (chef d’entreprise, cadre, chippendale, croque-mort), mais pourtant filmés, chez eux, dans des décors étonnamment semblables, et furieusement tendance : murs colorés, bougies, mobilier moderne, casual mais chic. De même, on raconte que la prod’ récupéra en catastrophe à l’aéroport de Roissy les vêtements prêtés à une tentatrice, obligée d’annuler pour cause d’overdose à la cocaïne dans les toilettes. Les vêtements, évidemment, étant destinés à servir… sur sa remplaçante.
En face, en revanche, c’est l’énigme du côté des tentateurs. On ne saura rien de leur vie d’avant, sinon un improbable et synthétique CV** : « Magaly, top model et baby sitter ». Un prénom qui sent le pseudo, un métier peu crédible, un statut obligatoire (célibataire) et une volonté commune : s’éclater ! Car si on prend au premier degré le concept du show, en faisant abstraction des motivations promotionnelles susmentionnées, quelle est leur motivation, aux tentateurs ? Obligé de sortir avec un(e) candidat(e) qui vous a choisi, tenter de le(la)séduire alors qu’on ne ressent rien, et être rémunéré en cas de succès, n’est-ce pas tout simplement de la prostitution ?
La suite ici….
mercredi 30 juillet 2008
L’Ile de la Tentation (part 2)
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... ]
Nous avons évoqué ici un début d’analyse de L’Ile de la Tentation… Reste à analyser la forme elle-même, incroyablement cinématographique, empruntant à la fois au documentaire, au film d’horreur… et au porno.
Car, abandonnant les codes du Loft (camera cachée), l’Ile de la Tentation est incroyablement bien filmée et montée. Elle intègre les codes dramaturgiques traditionnels ; elle pose l’enjeu (par la traditionnelle question de l’ineffable Céline Géraud, « Repartirez vous ensemble, ou séparément ? ») Elle gère ensuite, comme un JJ Abrams à la française, cliffhanger, arc dramatique et résolution.
Coté genre, elle joue d’abord du mélo, probablement pour mieux amener, par contraste, ce que L’Ile de la Tentation est réellement : une comédie de mœurs. On assiste à la séparation des amoureux, avec larmes et musique folk. « Que sont-ils venus faire dans cette galère ? » se dit-on…
Puis on emprunte au film d’horreur : un Drame se prépare dans la Nuit. Plans répétés de la lune, plans sur la mer calme puis sur une ombre, au premier plan, qui rôde (un iguane), comme dans tout slasher movie qui se respecte. Si on y regarde bien, on s’aperçoit que le jeu surfe beaucoup sur le registre de la peur, et de l’irrationnel. L’émission joue clairement sur la paranoïa des candidats, sur leur schizophrénie ; on grossit des événements anodins en catastrophe, et on finit par perdre la raison, et on se retrouve dans une scène de l’exorciste : « L’homme que j’ai vu sur la vidéo, ce n’est pas l’homme que j’aime, c’est quelqu’un d’autre… que je ne connais pas » « Et qui est-ce ? » « C’est Shoooon ! »
Porno ensuite, puisqu’on ne nous épargne aucun gros plan sur les abdos, les fesses, les seins de ces jeunes gens, mêmes dans des scènes de la vie quotidienne (déjeuner, discuter sur la plage) Dès qu’on peut, on rince l’œil du téléspectateur, comme quand le livreur de pizza arrive dans les films tardifs de Canal+. Et qui surfe aussi sur la mode des webcams et du porno amateur : scènes pseudos volées (retravaillées en noir et blanc !), baisers furtifs, conversations cul à table, etc.
Arrive enfin la scène culte de l’émission, le Feu de Camp, où TF1 semble avoir pioché chez Leni Riefensthal l’esthétique wagnérienne. Feu de bois, visages éclairés au cordeau, légèrement décadrés, ambiance magique et primitive. Et questions de la Grande Inquisitrice Géraud, qui joue très mal la psy (« Qu’avez-vous vu ? »), mais très bien l’infirmière SS « Et là, quand vous voyez Shoon toucher la tentatrice, vous êtes en colère ? » C’est à la fois la scène la plus artificielle qui soit, et souvent la plus chargée d’émotion : engueulades, règlements de compte, pleurs. C’est aussi le pic, le climax de l’épisode, là où les conflits se révèlent, explosent et se résolvent, selon un parcours ternaire immuable. Céline Géraud montre une sélection d’images à charge, souvent disproportionnées par rapport à ce que nous avons vu précédemment. Par exemple, Manu qui semble vraiment épris de sa femme Alexandra, mais qui au milieu d’une phrase, fera un compliment à la tentatrice qui lui tend une oreille compatissante, eh bien c’est cet extrait qui sera montrée à Alexandra. Et si les « trahisons » semblent parfois bien minces, elles déclenchent invariablement des vengeances apocalyptiques (« Tu as dansé avec Linda ? Je vais coucher avec John ! »)
Pire, on ne peut pas être sûr de ce qu’Alexandra a vu, car ce qu’on voit, c’est seulement qu’on tend à la jeune femme un lecteur DVD portable ; elle lance la lecture, et après un grésillement lynchien, on voit le bout de scène compromettante superposé par trucage sur le lecteur DVD. Un trucage volontairement très mauvais, qui cache évidemment ce qui a vraiment été montré…
Deuxième étape, notre ex-judoka fait monter la mayonnaise en asticotant, manipulant les candidats : « Qu’avez vous ressenti ? » Quand il n’y a pas de quoi fouetter un chat (ça arrive), elle réussit quand même à mettre en rogne le (la) candidate, ce qui en général aboutit à une vengeance au retour à Diamante K (bisous au tentateurs, confessions dangereuses à une tentatrice, alcools qui coulent flot, danse collé/serré jusqu’au bout de la nuit, etc., avec à la clef de nouvelles videos compromettantes)
Et puis il y a la résolution, par la confrontation finale « Repartez-vous ensemble, ou séparément ? ». C’est le moment de vérité, où le spectateur peut faire le tri entre les vrais couples au bord de la crise de nerfs et les mauvais acteurs jouant une fausse dispute…
Au final, L’Ile de la Tentation n’est guère différente des autres émission de télé-réalité, hormis ce que nous venons de voir. C’est un miroir social où il est très agréable de se contempler, et de se comparer. Le spectateur sort forcément grandi de L’Ile de la Tentation, car il se compare à ces pauvres créatures en bocal, engluées et stupides, dans le doux miel de l’Expérience « Ile de la Tentation »…
*Entrevue qui joue le jeu de la promotion indirecte de l’émission. On est là dans l’ironie dramatique à double niveau. « Je sais que c’est truqué, mais je regarde quand même, je sais que les « révélations » du magazine sont arrangés, mais j’achète pour être détrompé de ce que je regarde par ailleurs pourtant au premier degré »…
** On peut en savoir plus, sur Tiffany par exemple, en se connectant à tf1.fr. Intégration des contenus, on vous dit !
dimanche 20 juillet 2008
Hancock
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]
Imprévisibles américains ! Au moment où ils nous arrosent d’un deuxième Improbable Hulk, et d’un sixième Batman, si mes comptes sont exacts, surgit du fin fond de nulle part, l’incroyable Hancock ! Un film foutraque, drôle, et incroyablement rafraîchissant.
Les super héros sont une invention purement américaines. Né avec Superman dans les années 40, on peut s’interroger sur leur succès, et sur l’OPA qu’ils ont réalisée sur Hollywood ces dernières années. Certes, il y a là des raisons objectives (coût et rentabilité d’une franchise du type Spiderman / Batman, réservoir de scénarios déjà tout prêts dans les archives de DC Comics ou de Marvel, etc.) On y voit surtout la grande panne d’inspiration qui s’est installé à Hollywood depuis la fin des années 80. Il n’y a pas, c’est clair, de remplaçants à la génération Spielberg/Lucas, capables de créer eux-mêmes des mythologies originales. Force est donc de piocher dans l’imaginaire collectif : comics, et remake de séries TV. Pourtant, cette recette n’est pas toujours une garantie de succès : bides artistiques (Hulk 1) ou commerciaux (Chapeau Melon et Bottes de Cuir).
Mais surtout, il semble que l’Amérique ait particulièrement besoin de héros en ce moment. Problème, la nouvelle génération d’Hollywood a un peu perdu l’innocence des pères fondateurs de l’industrie. Ici, c’est Peter Berg, Mr The Kingdom, et son producteur fétiche Michael Mann, le tout co-produit par la star (Will Smith), qui s’y collent. Et on peut dire qu’ils mettent une branlée au genre.
Hancock est vicieux, alcoolo, mal luné. Il crée plus de dégâts qu’il n’en résout (comme en Irak, M. Berg ?) Et quand il dit qu’il va vous la fourrer où je pense, il passe à l’acte ! En face, un petit couple gentillet (Jason Bateman en spin doctor et la formidable Charlize Théron, prototype de la mère américaine normale) essaient la rédemption type Alcooliques Anonymes, puis les artifices de la communication d’entreprise sur ce singe mal luné. Parodie de super héros, contre parodie des stratégies de communication : 2h de politically incorrect, ça fait du bien…
Et même si le film rate un peu sa sortie, en sortant de son genre originel (la comédie), au final on ressort revigoré… A ne pas rater !
dimanche 20 juillet 2008
Le Beau-Père
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -
Brèves de bobines -
Les films ]
Oh sombre révélation ! Je viens de réaliser, grâce à Imdb, que Terry O’Quinn, l’un des héros de Lost (Locke, pour être précis), n’est autre que Le Beau-Père, dans le film éponyme de 1987.
Quoi, vous n’avez pas vu Le Beau-Père ? Mais quel genre de CineFaster êtes-vous ? L’un des meilleurs films d’horreur des années 80 ! Le pitch est simple : Le Beau-Père est un homme bien sous tout rapport, affectueux, paternel, travailleur, a decent american people, qui séduit des veuves ou des divorcés, et les massacre consciencieusement, ainsi que toute leur famille !
Parce qu’il évitait le gore, mais se concentrait sur l’effroi pur généré par ce contraste, Le Beau-Père me fait encore des frissions dans le dos… Il doit être dur à trouver, mais si vous tomber dessus…
*c’est un film de Joseph Ruben, qui a réalisé depuis Mes Nuits avec Mon Ennemi, Money train, The Good Son (Le Bon Fils), et The Forgotten (Mémoire Effacée)