samedi 13 septembre 2008
Nos Enfants Chéris (saison 2)
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]
Le film était drôle et profond, la série est hilarante, et la saison 2 commence très fort. Même si tout n’est pas parfait, c’est une Vraie Série : on part d’un postulat de départ, et on n’en change pas. On crée une galerie de personnages loufoques très typés, et on fixe un arc à la saison. Cette année, le couple destroy jean-marc et Claire a gagné au Loto, et invite tout ce petit monde à la noce, en Martinique. Catastrophe(s) annoncée(s) !
Les raisons du succès ? Même sur des situations archi-convenues, Nos Enfants Chéris a un vrai ton, loin des habituels consensus de la TV française. Les personnages sont intelligents et méchants, un peu comme dans Seinfeld.
Deux bémols cependant : le recollage saison 1/saison 2 n’est pas parfait, loin s’en faut. Le fameux gain au loto n’est pas annoncé (il a été signalé lors de la campagne promo, mais est absent de la série elle-même), et crime de lèse-majesté, le fabuleux, l’énorme, le grandiose Mathias Mlekuz est remplacé au pied levé par Lionel Abalanski. Je n’ai rien contre cet excellent acteur, mais a) il ne lui ressemble pas du tout ! et b) ça ne se fait plus depuis Ma Sorcière Bien Aimée ! Il aurait mieux valu trouver une astuce scénaristique, même tirée par les cheveux, plutôt que nous imposer cette substitution honteuse.
Bon, mais il sera beaucoup pardonné à nos bien nommés Enfants Chéris, qui nous font rire chaque seconde.
[Edit] Après vétrification, il apparait que le gain apparait dans le dernier épisode de la Saison 1. Mea Maxima Culpa.
mardi 9 septembre 2008
Philip K. Dick est vivant, et vous êtes tous morts
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... ]
Philip K. Dick écrit vite (et mal), mais c’est aussi une sorte de Nostradamus, qui a « vu », avec une acuité troublante, notre monde d’aujourd’hui. Ce qui rend ses livres passionnants : (Ubik, Substance Mort, La Vérité Avant Dernière)
Ainsi, ce matin, sur Europe1, un invité de Marc-Olivier Fogiel affirmait sans rire, dans le but de défendre le fichier EDVIGE, qui fichera notre orientation sexuelle, nos préférences politiques, et ce à partir de 13 ans : « La Police n’a pas seulement pour mission d’arrêter les gens qui ont commis des crimes, mais aussi de les anticiper, avant qu’ils ne soient commis. » Sic.
Ca ne vous rappelle rien ? Grâce à une machine prédictive, les policiers interceptaient les criminels juste avant qu’il ne commettent un crime. C’était la mission d’un certain Tom Cruise, dans Minority Report.
PS Vous pouvez aussi lire la biographie de Dick écrite par le français Emmanuel carrière « Je suis vivant, et vous êtes tous morts » : la vie de Dick, c’est sûrement son meilleur roman.
vendredi 5 septembre 2008
En direct de Lost, dernière transmission
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]
Bon, comme dirait l’autre, toutes les bonnes choses ont une fin, ou encore, les plaisanteries les plus courtes sont les meilleures…
Sommée, – grève des scénaristes oblige – de faire plus court (13 épisodes au lieu de 22), la prod’ conclut la saison avec sa bite et son couteau. Ou plutôt, comme au bac : « Dans 5 mn, je ramasse les copies. Élève JJ Abrams, c’est pas le tout de discuter philo avec vos voisins (Locke, Rousseau), maintenant il faut conclure ! »
Bref, ces trois derniers épisodes sentent plutôt le rapiéçage d’éléments épars, où l’on mélange conclusion d’intrigues anciennes (une love story qui finit bien), et lancement de pistes pour la Saison 5 (un nouveau chef pour l’île, la vengeance d’une femme)…
Ce n’est pas tant que c’est invraisemblable (on n’en est plus là depuis longtemps !), c’est que c’est assez mal fait (dialogues et situation faiblardes, comparé aux 11 épisodes précédents).
Rappelons avec un peu de malice que c’est exactement ce qui est arrivé à Alias, le précédent bébé de M. Abrams, quand il s’est mis à travailler sur Lost. Et que le JJ a justement deux petits projets sur le feu pour 2009 : une nouvelle série (Fringe), et un court métrage (Star Trek 11).
Que Dieu, donc, nous vienne en aide !
PS : Surnage quand même une scène splendide, le retour des naufragés filmé au ralenti, sur la très belle musique de Michael Giacchino. Un vrai moment d’émotion…
jeudi 4 septembre 2008
Kenneth Anger’s Hollywood Babylon
posté par Professor Ludovico dans [ Hollywood Gossip -
Les gens ]
Kenneth Anger, avant de devenir le cinéaste d’avant-garde que l’on sait (Scorpio Rising), était CineFaster, tendance midinette. Enfant, il collectionnait toutes les revues consacrées aux stars de la Mecque du cinéma et il en a tiré dans les années soixante-dix un livre culte, Hollywood Babylon, compilation d’anecdotes trash sur les Golden People, de Harold Lloyd à Jayne Mansfield.
Et bien, force est de constater que nous vivons un période bien terne en matière de scandales hollywoodiens !
Qui, aujourd’hui, peut assassiner tranquillement un homme d’une balle dans la tête, croyant tirer sur l’amant de sa femme, et faire passer le tout pour une péritonite aigüe ? C’est pourtant ce que fit le magnat Randolph Hearst, (l’involontaire héros de Citizen Kane), en tuant l’infortuné Tom Hince, pris par erreur pour Charlie Chaplin. Les témoins de ce malheureux « incident » firent ensuite une belle carrière dans les journaux du groupe Hearst !
Je vous passe les multiples épouses (mineures) de Charlie Chaplin, les sextoys étonnants de Fatty Arbuckle, le virilité problématique de Rudolph Valentino, et les reconstitutions « plus vraies que nature » des orgies viennoises dans les films d’Erich von Stroheim. C’était le bon temps où, si vous retrouviez l’amant de votre fille mort dans la piscine, vous appeliez d’abord le patron de la MGM, et ensuite la police. Tout ca se passait dans les années 20, mesdames-messieurs, et donna naissance au Code Hays, sorte de charte morale établissant les choses à ne pas faire sur l’écran : nudité, drogues, et baisers trop langoureux.
Puis la crise de 1929 survint, et – effet paradoxal – le public américain mûrit, plus préoccupé par la crise que par les affaires de cul du Peuple Doré, qui du coup chuta de son piédestal pour ne plus jamais y remonter.
L’Age d’Or d’Hollywood était bel et bien terminé.
Kenneth Anger’s Hollywood Babylon, disponible en poche, mais en anglais et en allemand uniquement.
lundi 1 septembre 2008
Il y a Longtemps que Je t’Aime
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]
Il y a longtemps, en fait, que je n’aime pas Kristin Scott Thomas, car je n’ai jamais compris ce qu’on trouvait à cette actrice : autant de sex appeal qu’une olive morte, et un jeu d’actrice assez plat.
Pourtant, force est de constater qu’ Il y a Longtemps que Je t’Aime est le chef d’œuvre de Scott-Thomas : elle y délivre une performance exceptionnelle. Le film, lui même, est excellent, jusqu’à un désolant virage scénaristique. Mais pour expliquer cela, il faut en dévoiler la fin. Que ceux qui veulent aller voir le film (ce que je recommande, malgré tout), arrêtent donc leur lecture ici.
Il y a Longtemps que Je t’Aime traite d’un sujet difficile : la réinsertion après la prison. D’autant plus difficile que Juliette sort d’une lourde peine : quinze ans ferme, donc forcément un délit très grave (meurtre ? terrorisme ?), on ne sait pas, et c’est évidemment ce qui accroche le spectateur ? Et pourquoi sa gentille sœur Léa (Elsa Zylberstein) fait tant d’efforts pour l’accueillir, malgré la réticence de son mari (Serge Hazanavicius) ? On l’apprend au premier tiers du film : Juliette a tué son fils.
Et c’est là que le film devient formidable en organisant ce duel à fleuret moucheté entre la cadette hyper-gentille, mère super sympa, entourée de copains, en manque de grande sœur depuis quinze ans, opposée, en face, à la gorgone infanticide, statue de pierre figée dans l’indicible, qui n’attend plus rien du monde.
Le film oscille formidablement entre les deux comédiennes, tout en alternant sur la réinsertion (conversations de café, entretiens d’embauche), qui mettent (et c’est suffisamment rare pour être noté), le spectateur devant ses propres dilemmes moraux. Kristin Scott-Thomas n’est pas castée là au hasard : c’est une star, et elle est là pour inspirer la sympathie du spectateur*, et le mettre dans cette position ambivalente : « J’aime cette actrice/ce personnage, pourtant elle a commis le pire crime qui soit. Comment dois-je réagir ? Dois-je la détester ou essayer de la comprendre ? » : formidable moteur scénaristique…
Le réalisateur, Philippe Claudel, pose le débat avec beaucoup de finesse, en évitant les blablas explicatifs. Claudel est typiquement un réalisateur qui a confiance dans son cinéma ; pas besoin de parlotte, donc, tout est dans l’intrigue et notamment dans les mini-épisodes de la réinsertion de Juliette (trouver un job, un appart, un amant).
Pour asseoir cela, Claudel crée ses personnages avec beaucoup de subtilité et d’ambivalence, alternant fascination et répulsion. Face à « La Meurtrière », il déploie ainsi son antithèse, un papillon nommé Léa. D’abord un peu falote, trop sympa pour être honnête, Léa va progressivement révéler ses blessures et ses contradictions.
Mais alors, qu’est-ce qui cloche ? Eh bien, dans les dix dernières minutes, Philippe Claudel effectue un virage à 180° et sape son chef d’œuvre en le dotant d’une happy end des plus stupides, digne d’un mauvais film américain.
Comment ? Simplement en expliquant le geste de Juliette, geste qui ne réclame pourtant aucune explication : non, Juliette n’est pas une mère indigne, mais elle a abrégé les souffrances de son fils, qui souffrait d’une maladie incurable.
En changeant aussi radicalement de pied, Claudel commet en fait trois crimes contre le spectateur.
D’abord, un crime contre la vraisemblance. Comment Juliette a-t-elle pu cacher la maladie de son fils à son mari, à ses parents, à sa sœur? Comment cet aspect a-t-il pu être ignoré lors du procès** ? Et pourquoi aurait-elle, comme elle le prétend, voulut être condamnée ? Comment une mère aimante peut-elle laisser croire au monde entier qu’elle a assassiné son propre enfant, alors qu’elle avait une « bonne » raison de le faire ?
Ensuite, Claudel change de thème au milieu de son film : on croit parler de réinsertion, mais en fait, en fait, on parle d’euthanasie ! C’est un autre film qui aurait pu être fait, mais qui ne peut survenir comme un cheveu sur la soupe à 10 mn de la fin. En outre, comme on a pu le constater dans l’actualité récente, les mères euthanasistes revendiquent leur action plutôt que de se murer dans le silence.
Enfin, et c’est le pire, Il y a Longtemps que Je t’Aime ne nous donne aucune piste pour prévoir cette issue. Rien ne permet a priori au spectateur d’imaginer que Juliette a une excuse ; au contraire – et c’est toute la force du film – on croit qu’elle n’en a pas. C’est ce qui donne tout le poids du thème « réinsertion ».
Quelque part, c’est trop facile : finalement, le réalisateur peut faire ce qu’il veut, puisque le spectateur n’a aucune clef pour imaginer la suite***.
Au contraire, le cinéma repose sur la complicité entre le réalisateur et le spectateur, qui en sait toujours plus que le personnage principal. Ici, cette complicité existe (on espère la réinsertion de Juliette et la restauration de l’amitié entre les deux soeurs), mais elle est basée sur un mensonge, d’où la déception finale.
Bref, Il y a Longtemps que Je t’Aime subit un sabotage dans les grandes largeurs, et l’on peine à comprendre les motivations de la production, sinon à rendre le film plus consensuel et plus familial. Etonnant de voir un film français de cette qualité tomber dans le pire travers des films américains. Pourtant, répétons-le, il faut aller voir Il y a Longtemps que Je t’Aime, ne serait-ce que pour élucider ce mystère, ou simplement pour ses 105 premières minutes…
*Ce ne serait pas du tout le même film avec Sylvie Testud, par exemple.
** C’est même dit par l’assistante sociale : « Pourquoi n’avez-vous rien dit de ce qui est dans le dossier ? » Et pourquoi n’a-t’elle rien dit ? On l’apprend au cours de la scène finale, digne de la parodie des Inconnus : « Tu ne peux pas comprendre !!! » A tel point que c’est la même scène que le sketch (sans les vases fracassés au sol) : les deux femmes échangent des répliques théâtrales et définitives en regardant la pluie tambouriner la vitre.
*** Comme l’avait théorisé devant mes yeux ébahis mon ami olivier, c’est tout le défaut d’un film comme Les Neufs Reines. Le film est formidable, mais la fin totalement imprévisible. C’est pas du jeu !
dimanche 24 août 2008
Gomorra
posté par Professor Ludovico dans [ Brèves de bobines -
Les films ]
Les vacances sont finies. Il faut donc passer aux choses sérieuses. Gomorra, Majestic Bastille, 19h.
L’argument ? Un film choral sur la camorra : portraits croisés de deux branleurs wannabee Tony Montana, d’un gamin en voie d’être recruté par la pieuvre, du businessman qui enfouit les déchets toxiques, etc.
Derrière cette volonté très pédago (la mafia infiltre toute l’activité du pays), un film pas pédago du tout : narration déstructurée très tendance et caméra portée, tant et si bien qu’on met une bonne demi-heure à comprendre qui est qui et qu’une guerre des gangs ravage la cité. Dommage, car si les histoires ne sont pas passionnantes, les acteurs sont excellents. Il faut donc aller voir Gomorra pour son réalisme terrifiant, mais pas pour ses histoires de mafia déjà vues -en mieux – ailleurs.
dimanche 24 août 2008
Apocalypse Now Redux, du chef d’œuvre au film amateur
posté par Professor Ludovico dans [ Pour en finir avec ... ]
Ceux qui connaissent un peu le Professore savent qu’Apocalypse Now est au pinacle de son panthéon cinéphilique ; insurpassable, et inusable bloc de granit noir, que le temps lui-même n’arrive pas à éroder.
Las ! Coppola, constatant que son ex-ami Lucas* avec le remontage-reliftage-charcutage de ses Star Wars avaient engrangé une petite fortune, décida de faire de même avec son opus : Apocalypse Now Redux était né. Depuis, pour notre plus grand malheur, seule cette version est disponible, aussi bien salles qu’en DVD. Nous plaidons donc pour la réédition immédiate de la version originale** mais d’abord, dégonflons la baleine Redux.
Baleine, c’est le mot, puisque le félin racé de 2h33 est devenu un cétacé pesant de 3h22. Au programme : un pseudo Director’s Cut, des scènes coupées, et une version « qui explique tout ».
Director’s Cut : Déjà, on se moque du monde, quand on sait que la production tenta en vain de remettre de l’ordre sur ce tournage qui s’enlisait en Thaïlande (envoyant même le scénariste John « Conan The Barbarian » Milius, qui revint converti).
Non, Coppola ne peut pas mentir : il a fait ce qu’il voulait sur Apocalypse Now. Il vendit même à ses producteurs un scénario guerrier, avec happy end, qu’il s’empressa de déchirer une fois sur le plateau ; et là commencèrent de longs mois d’écriture sous marijuana, tournage, réécriture, etc.
Scènes Coupées
Un autre mythe que ces scènes supprimées. Supprimées par qui !? Mais par Coppola lui-même, jugeant à l’époque que la scène de la plantation française ne marchait pas. Pourquoi la rajouter aujourd’hui, alors qu’elle n’apporte rien au film, et au contraire le dilue ? Idem pour les scènes de Brando rajoutées, pseudo-explicatives, sur sa transformation d’officier exemplaire en tyran sanguinaire. On sait les difficultés qu’eu Coppola avec la star, qui n’avait pas maigri comme il s’y était engagé (ce qui l’obligea à tourner dans le noir, pour le formidable résultat que l’on sait), et qui surtout, n’avait pas appris son texte. De ces improvisations délirantes, Coppola Version 1 tira un fabuleux poème philosophique de vingt minutes. Coppola Version 2 prétend nous donner des explications fumeuses qui justifie plus explicitement le comportement sauvage de Kurtz. Pourtant, il n’en est nul besoin ; les 120 premières minutes nous ayant suffisamment édifié sur l’absurdité de la guerre du Vietnam.
Pire enfin, est peut-être le traitement réservé au héros, le Capitaine Willard, « qui voulait désespérément un mission, et qui pour ses péchés, en recut une ».
Willard est l’un des plus intéressants personnages de fiction de ces 30 dernières années. Cynique, mais finalement juste dans le chaos de la guerre, marin professionnel sur une barque emplie d’amateurs, et qui pourtant, tel un héros grec, devra rencontrer sa Gorgone Kurtzienne pour s’accomplir. C’est assurément LE grand rôle de Martin Sheen (avec The West Wing, dans un autre genre), où son physique à la fois falot et déterminé en fait le point de vue idéal du film. D’abord présenté comme un type suicidaire lors d’une scène d’ouverture d’anthologie, il apparaît pourtant rapidement comme le seul type sensé au milieu de cet abîme qu’est devenu le Vietnam. Dès lors, le spectateur le suivrait jusqu’aux 9 cercles de l’enfer, ce qui ne manque pas d’arriver.
Mais Redux, par deux scènes idiotes, détruit la statue patiemment édifiée par la version originale. Une scène d’orgie avec des playmates*** qui vient à tort humaniser le personnage, et pire, la scène du surf volé à Kilgore, qui en fait soudainement le complice rieur de ses compagnons d’infortune. Dans la version d’origine, Coppola avait plutôt tendu ses efforts vers une difficile relation officier d’active – conscrits branleurs. Tout cet édifice s’écroule dans le sourire complice de Sheen.
Quiconque a eu le bonheur de pratiquer le cinéma en amateur sait la difficulté d’écrire un scénario qui 1) Se tienne 2) Soit intéressant 3) Soit matériellement réalisable. Et comme on est là pour se faire plaisir, il est très difficile de couper au montage une scène qui tient à coeur, surtout si on y a consacré beaucoup d’efforts à la tourner.
Dans le cinéma pro, c’est à cela que servent les producteurs : donner des limites, des contraintes, couper quand il le faut, bref, savoir dire non. Malgré un mythe français persistant, le producteur n’est pas un Dark Vador castrateur de pauvres artistes désintéressés. C’est d’abord un découvreur de talents, et ensuite l’accoucheur de leurs œuvres.
Apocalypse Now Redux, privé de l’indispensable cadre fourni par une production (Coppola étant en l’occurrence seul à bord), transforme son chef d’œuvre en bouillie amateuriste.
*ex-ami car brouillés depuis la période d’Apocalypse Now, comme en témoigne la petite vacherie cryptique : Harrison Ford en officier bégayeur et maladroit dans la scène du briefing : le colonel Lucas
**enfin originale, c’est vite dit, puisqu’il existait déjà plusieurs versions (générique de fin noir, générique avec explosions, etc.)
*** dont l’unique objet était, pour Coppola, d’arriver à baiser l’une de ces authentiques playmates de Playboy, ce qu’il fit.
dimanche 24 août 2008
Cinéma insulaire
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... ]
Les vacances, c’est le grand chambardement : grasse mat’, sieste, apéro. C’est aussi le break avec la routine cinéphilique : UGC CinéCité, places bien au milieu de la rangée, et séance VO du samedi matin sinon rien !
Les vacances, c’est donc le grand n’importe quoi cinéphilique : séance de 20h30 au Rex en VF et on fait la queue ! Pire, on va voir tout ce qui passe : Bienvenue chez les Ch’tis, par exemple, ou un film palestinien, et bien sûr les films avec les enfants (Wallratatoystory).
Sièges en ruine, drap de bain en guise d’écran, gens qui parlent… Mais oserais-je l’avouer ? C’est rafraîchissant ! Quoi de mieux pour un rite que d’être bousculé ?
C’est déjà la rentrée, du travail nous attend (Le Jour où la Terre s’Arrêta>, Miracle à Santa Anna), et on va reprendre les bonnes habitudes (Les Halles à 9h ou Bercy à 22h), avec le plus grand plaisir…
dimanche 24 août 2008
S’incliner devant la multitude
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... -
Pour en finir avec ... ]
C’est l’un des inconvénients de la démocratie : on y pose que la majorité a toujours raison : « 50 000 000 Elvis fans can’t be wrong* », comme le proclamait une pochette célèbre du King.
Eh bien moi je pose le contraire : l’Art est le domaine où l’extrémisme doit être toléré, pire : encouragé. Libre à chacun de ne pas aimer Elvis et d’y préférer la Sainte Trinité (Chuck Berry, Little Richard, Jerry Lee Lewis), libre de ne pas aimer les Ch’tis malgré 21 millions de Français, et libre d’adorer Titanic, même si 21 millions de Français pensent la même chose.
Libre à chacun, donc, d’être son propre ayatollah artistique, de vouer aux gémonies ses propres ennemis jurés (Woody Allen, JP Jeunet, les Beatles, rayez les mentions inutiles), et d’édifier ses propres cathédrales (Pink Floyd ou Sonic Youth, Spielberg ou Kubrick, Simpson et Bruckheimer)…
* Si c’était le cas, les livres Harlequin seraient de la littérature, avec leurs 10 millions de lectrices annuelles en France.
dimanche 24 août 2008
Voyage au Centre de la Terre
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, le cinéma n’est pas une science exacte, et encore moins un livre de recette (« Le Cinéma Américain en 10 Leçons ») dans lequel il suffirait de puiser. Non, au contraire, c’est une industrie de prototypes, qu’il faut à chaque fois réinventer.
Le hasard veut que nous soyons allés, Madame la Professore et moi-même, à deux heures d’intervalle, voir deux films surfant sur cette fausse bonne idée : Voyage au Centre de la Terre et Mes Amis, Mes Amours (je vous laisse deviner qui est allé voir quoi).
Dans tous les cas, voilà deux films qui appliquent une recette : film d’aventures familial (Voyage au Centre de la Terre) ou comédie romantique (Mes Amis, Mes Amours). On a mis les moyens, des producteurs de talent sont derrière (Emmerich, Farrugia), il y a de bons comédiens, et même un scénario.
Dans la cas de Voyage au Centre de la Terre, on procède même d’une mise en abîme originale : plutôt que d’adapter une fois de plus le livre de Jules Verne, on déplace le propos : Trevor, le héros, ne se remet pas de la mort tragique de son frère, spécialiste de la tectonique des plaques, parti trouver un passage jusqu’au centre de la terre. Il part donc à sa recherche, accompagné du fils de son frère, et d’une guide islandaise, qui a aussi perdu son père dans cette quête. Nous voila en terrain connu, un aventurier entouré de ses sidekicks traditionnels, la blonde sexy et l’emmerdeur ado, et dotés de conflits potentiellement riches pour le scénario. Autre idée rigolote : Trevor n’a qu’un guide sur lui : Voyage au Centre de la Terre, le livre ! Le film procède alors de cette ironie dramatique permanente : tout le monde connaît le livre, et on a le film avec James Mason vaguement en tête (mais si, les dinosaures, les champignons géants, ça y est, ça vous revient ?), et c’est parti pour deux heures de cinéma pop corn.
Sauf que.
Il ne suffit pas d’appliquer cette recette éprouvée et d’avoir mis 45M$ dans le bouzin. Il faudrait y mettre un peu de cœur, de talent, d’inspiration. Ainsi une scène a priori culte : nos héros trouvent une mine abandonnée au cœur du volcan : le héros, la blonde et le gosse montent à bord de chariots rouillés pour y descendre, ça vous rappelle quelque chose ? Normal, c’est décalqué plan pour plan d’Indiana Jones et le Temple Maudit.
Alors pourquoi ça marche chez Tonton Spielberg et pas ici ?
Déjà il manque le trio Harrison Ford – Cate Capshaw – Jonathan Ke Quan, autrement plus sexy que les olives en boîte Brendan Fraser – Josh Hutcherson – Anita Briem. Ensuite, il manque une dose de mauvais esprit : ici les dialogues sont raplaplas. Donc y’a des sous, des moyens, mais pas d’âme. Pas un grand gamin derrière qui a envie de construire son petit roller coaster personnel.
Il semble (je nai pas vu le film), que Mes Amis, Mes Amours soit affligé du même syndrome. Des romans qui marchent (Marc Levy), une adaptation qui ne fonctionne pas (La sœur Levy) ; je n’ai pas beaucoup de considération pour l’œuvre littéraire de Levy, mais il me semble que si ça marche, c’est qu’il y a quelque chose, au moins du charme, dans ses romans de gare. Si le film ne marche pas, malgré Lindon, malgré Forresti, c’est qu’il manque aussi ce supplément d’âme.
NB une autre explication potentielle pour Voyage au Centre de la Terre, c’est que c’est avant tout une démo pour les films en 3D. On sent pendant tout le film, par l’utilisation de certaines focales bizarres (le plan sur le mètre dépliable), qu’on veut nous en mettre plein la vue avec ce nouvel effet…