mardi 14 octobre 2008


Halte au marketing, on veut des scénarios !
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... -Pour en finir avec ... -Séries TV ]

Ma copine Alex me disait hier qu’elle était passée devant l’affiche de La Loi et l’Ordre, avait hésité dix secondes, et passé son chemin. « Je savais à l’avance que c’était mauvais », conclut-elle. Venant de quelqu’un qui abandonnerait sans hésiter ses enfants si le Grand Al le lui demandait, cette remarque n’est pas innocente. Elle a du voir tous les De Niro et tous les Pacino, et l’idée de les voir à nouveau ensemble, je ne vous en parle même pas ! Pourquoi ne pas y aller, alors ? Tout simplement, parce que ce film pue le marketing ! Quel est le projet ? Où est le scénario ? N’a-t-on rien de mieux à proposer à ces deux montagnes qu’une énième cop story, peu crédible de surcroît, quand on connaît l’âge des capitaines ?

Non, le cinéma actuel meurt de cela : malade en fin de vie de la photocopieuse Pixar, des projets bodybuildés sans âme (Voyage au Centre de la Terre, Pirates des Caraïbes II et III, Star Wars I, II, III), des auteurs qui se répètent (Les Promesses de l’Ombre (Cronenberg), Noces Funèbres (Burton), des films prétentieux et pourtant intellectuellement peu épais (L’Illusionniste, La Nuit Nous Appartient, Gomorra)…

Quoi de commun à tous ces films ? Absence de scénario, absence d’écriture, absence de style…

Certes, nous sommes vieux, notre coeur est sec, nous avons vu trop de films, nous avons perdu notre âme d’enfant, nous avons la nostalgie mal placée… Mais pourtant ! Il y en a, du talent, à la télé ou même dans le jeu vidéo…

Lâchez les commandes, amis tâcherons d’Hollywood et d’ailleurs! Laissez travailler les professionnels, les vrais conteurs d’histoire ! Laissez Aaron Sorkin, David Simon, Marc Cherry faire les films qu’ils méritent et que nous méritons…

PS : Un ami commun, Guillaume, avait des places pour l’avant-première avec les deux géants. Tous les deux, sans s’être concertés, et pourtant fans transis, avions mieux à faire. Lassitude, snobisme ? Sûrement pas. Nous aimons trop ces deux-là derrière l’écran pour prendre le risque d’être déçu devant.




lundi 13 octobre 2008


The Wicker Man
posté par Professor Ludovico dans [ Brèves de bobines -Les films ]

Neil Labute est un excellent dramaturge (Bash, The Mercy Seat, au théâtre), et un de ces cinéastes américains qui justifie la théorie, CineFastienne, d’un cinéma US proteiforme et non reductible aux seuls disneyeries.

Neil Labute est aussi un grand misogyne et ça donne souvent des chefs-d’oeuvre (Nurse Betty, Entre Amis et Voisins). Mais ca peut aussi donner des nanars, comme ce terrifiant Wicker Man, avec le pauvre Nicolas Cage, dont on se demande où pourra-t-il tomber plus bas.

The Wicker Man est un thriller, pas vraiment le genre de beauté de Monsieur Labute. Nick Cage est un flic, qui, suite à un accident qui le met en disponibilité, part enquêter sur la disparition de la fille de son ex. Celle-ci fait désormais partie d’une secte recluse sur une íle, entièrement féminine, et dédiée au culte de la fertilité (vu la moumoute Cagienne, on la comprend). Mais sur cette íle bien mystérieuse, rien n’est vraiment ce qu’il paraît être.

Honnêtement, la fin est pas mal, et dans les mains d’un technicien (Jon Avnet, Jon Turteltaub), c’aurait été un excellent film de genre. Mais là, on voit bien que tout le monde cachetonne, réalisateur compris.

On peut donc s’interroger sur l’intransigeant Neil Labute, qui sort également un thriller sur les écrans (Harcelés, avec Samuel L. Jackson) : vérification le week end prochain.




dimanche 12 octobre 2008


Le Premier Jour du Reste de ta Vie
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Ah, saloperie de mélo ! On se prépare pendant deux heures une critique CineFast aux petits oignons, sur les facilités scénaristiques du cinéma français, et ce petit salopard de Bezançon, dans les dix dernières minutes, il te choppe par les couilles, et il les lâche plus. Enfin, dans le mélo, on dit « Il te prend par les sentiments », mais c’est pareil, non ?

Le petit con a du lire John Ford, ou alors, il a eu le même prof de français que moi en 5° : « Ce qu’il ne faut pas rater dans un film (une dissertation), c’est l’introduction, et surtout la conclusion. C’est là que je mets tout mon pognon ». Il a bien fait, le petit Bezançon, d’écouter son prof de français, parce que le reste vaut juste la moyenne : tout est un peu lourdingue, démonstratif, utilitaire, bref : pubeux, dans Le Premier Jour du Reste de ta Vie.

Si un type se drogue, ben forcément il a des dreadlocks. Si on fume, ben on attrape le cancer, etc. Tout ça est un peu téléphoné, et il ne faut pas être grand devin pour prédire l’issue de chaque arc scénaristique. On voudrait pourtant un peu de surprise, et quand il y en a (l’accident), ben en fait non, ce n’est pas surprenant…

Mais là où le gars est fortiche, c’est dans le mélo. Bien sûr, le film est drôle, aussi, mais c’est dans le drame qu’il s’impose.

Et ça tombe bien, le mélo, le Professore est client : qu’on lui passe Le Patient Anglais, La Couleur Pourpre , ou Six Feet Under, le Professore chiale comme une madeleine. Alors si un film, c’est la vie qui passe, l’enfance, les parents, avoir des enfants, les voir grandir, c’est succès assuré et gros budget kleenex. Et c’est dans ces scènes-là, notamment à la fin, que le film prend son envol (un peu tardivement), mais qu’il se met à fonctionner.

Un film peut être un peu trop consensuel, mais à voir absolument.




jeudi 9 octobre 2008


Bobby
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Brèves de bobines -Les films ]

L’enfer est pavé de bonnes intentions, et Bobby en est la démonstration.

Bobby, c’est d’abord la réunion de tous les acteurs hystériquement démocrates d’Hollywood : Sharon Stone, Demi Moore, Martin Sheen, et Emilio Estevez, le fils de Martin Sheen, qui réalise. Objectif (louable) : réaliser un film choral sur ce 5 juin 68 où le Bob se fit descendre. « Où étiez vous ce jour-là ? » semble demander le film. Et d’aligner numéros d’acteurs sur numéros d’acteurs, ce qui fait le sel du film : Sharon Stone en coiffeuse trompée, Demi Moore en starlette alcoolique, Shia Lebeouf en drogué débutant, le tout étant censé fournir une fresque représentative des sixties.

Mais le film, justement, pêche par là ; trop lourdement démonstratif, trop appuyé, pas assez subtil sur le racisme, la libération sexuelle, le consumérisme.

Et aussi, a-t-on a rarement vu film aussi hagiographique sur son sujet, démontrant par là-même, l’espoir fantastique qu’avait suscité sa candidature, et la fascination tenace des américains pour la famille Kennedy, même 40 ans après. « Notre Famille Royale », disait fort justement Jamais Ellroy. Rien dans Bobby sur le côté obscur des Kennedy : les liens avec la mafia, le père nazi, les deux frères queutards, non, rien de rien : Saint Bobby meurt dans les bras de son épouse, comme le précise le très respectueux générique de fin, illustré de photos de la Sainte Famille. S’il n’était pas mort, il aurait évité le Vietnam, résolu les conflits raciaux et amélioré la situation économique, rien de moins…

Malheureusement, comme disait Kubrick, « la vie n’est pas comme dans les films de Frank Capra »…




lundi 6 octobre 2008


The Wire, saison 3, suite et fin
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Séries TV ]

Ca y est c’est terminé ! The Wire (Sur Ecoute) réussit là où beaucoup échouent : faire fin, faire subtil. Il y a des arcs dans cette série, des enjeux, des cliffhangers, mais sans panneau « attention, cliffhanger ! » tous les 3 mètres.

Sans musique. Sans plan à la louma pour « faire comprendre » quoi que ce soit. Tout est dans le scénar, les comédiens, et surtout dans une terrible envie, celle des auteurs, de peindre leur ville.

Paint it, Black

Non, The Wire, c’est la classe.




dimanche 28 septembre 2008


Terre, Champ de Bataille
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

Dure vie que celle du CineFaster ! Obligé de se colleter deux heures de Terre, Champ de Bataille, le pensum scientologue de Travolta ! Probablement le plus mauvais film jamais tourné : histoire clichée, scénario confus, acteurs pathétiques…

Une telle plantade ne laisse d’étonner : où est l’intention ? L’adepte Travolta voulait-il, en adaptant l’oeuvre de L. Ron Hubbard, faire don de son vitrail scientologue, comme preuve de sa foi ? Ou, au contraire, exécuter bassement une corvée pour payer ses dettes ? Quand on sait que la spécialité de la secte est de recruter des stars en les sortant de très mauvais pas, tout est possible !

Toujours est-il que le film, si irrémédiablement mauvais, reste pour autant un objet d’analyse filmique.

D’abord, la technique : l’image est d’excellente qualité, mais bizarrement, tous les plans sont inclinés à 45°. Message ésotérique ? Les plans s’enchaînent toutes les deux ou trois secondes, ce qui est souvent mauvais signe : par ce faux rythme, on cherche à cacher une faiblesse, scénaristique ou autre. Et les faiblesses, elles ne manquent pas : si on comprend vite l’argument (la Terre est tombée sous le joug d’un peuple extraterrestre particulièrement méchant (les psychlos), et l’humanité est retournée à la barbarie), il est très difficile de suivre l’intrigue qui enchaîne péripétie sur péripétie. Ainsi, le grand méchant psychlo joué par Travolta utilise des esclaves humains (les héros) pour extraire de l’or, et leur confie sans s’inquiéter outre mesure technologie extraterrestre, vaisseaux spatiaux, armes… Ce qui causera évidemment sa perte…

Le seul truc drôle, c’est que les méchants sont sympas (Travolta et Forrest Whittaker) : bêtes, alcoolos, et un peu obsédés par le pognon et les filles. (Les filles psychlos ont des attraits particuliers, comme une langue trèèès longue, mais à part ça, elles sont habillées comme Mylène Farmer)

Le pire, c’est que ce n’est même pas de la propagande scientologue : les humains se libèrent d’eux mêmes, sans l’apport des habituels accessoires vendus à prix d’or aux gogos pour « s’autoaméliorer ».

C’en est presque décevant…




mercredi 24 septembre 2008


Richard Avedon, Photographies 1946-2004
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... -Les gens ]

Richard Avedon au Jeu de Paume, c’est comme Leibovitz : c’est l’histoire du plus grand portraitiste de sa génération. Sauf que c’est comme Leibovitz, mais en plus vieux, en plus noir et blanc, en plus mort, et surtout, en plus fort. Pendant que la petite Annie soigne ses mises en scène, Avedon, c’est la rigueur Joy Division : un fond blanc, photo noir&blanc, regardez l’objectif siouplai !

Exemple pervers : pour The Family, série réalisé pour Rolling Stone de la campagne électorale 1976, il demande à ses modèles (les 69 personnes les plus influentes des Etats-Unis) de s’habiller « comme ils veulent » Et qui a l’air malin, trente ans après, en costume synthétique et cravate à pois ? Le jeune Donald Rumsfeld, secrétaire d’Etat à la défense, le quadra George Bush père, chef de la CIA !

Et puis il y a une superbe série sur l’amérique de l’ouest, des decent american people, mineurs, SDF, truckers… Fond blanc, netteté parfaite : l’Amérique vous regarde dans les yeux.

Richard Avedon, Photographies 1946-2004 au Jeu de Paume jusqu’au 27/9 (oui, je sais, je sais)




mardi 23 septembre 2008


The Wire (Sur Écoute) Saison 3
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Séries TV ]

Avec des séries à fort degré d’addiction comme Sur Ecoute, une petite appréhension nous saisit au moment d’attaquer la nouvelle saison : « Est-ce que ça sera aussi bien que la dernière fois ? »

La main tremblante, on introduit le DVD dans le lecteur… Logo HBO, nouvelle version du générique de Tom Waits, jusque là, tout va bien…

Et puis ça commence, lentement. Il faut dire qu’avec Sur Ecoute, on est dans l’anti-Lost : pas de révélation, pas de cliffhanger. Images propres, mais pas de mouvement de camera qui traîne… Les personnages sont installés, mais un rythme de sénateur : Barksdale, McNulty, Bodie… Et des petits nouveaux : l’ancien qui sort de taule, le politicard qui en veut… Au bout d’une heure on en saura pas plus, mais c’est comme ça, Sur Ecoute : ça met du temps à démarrer, et 12 épisodes plus tard, ça finit très fort.

Au moment où arrive enfin la reconnaissance critique (Entertainemnt Weekly qui parle de « meilleure série des années 2000 » (après 5 saisons), Télérama qui reconnaît « son erreur »), il est temps de voir Sur Ecoute.

Maintenant.

The Wire, saison 1,2,3 et 4 disponible en France, (au même prix que Joséphine Ange Gardien)




dimanche 14 septembre 2008


La Lance Brisée
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Qu’est-ce qu’un CineFaster, sinon la version moderne du cinéphile ? Cette génération-là (Godard-Truffaut-Rivette) a prouvé en son temps, malgré des premiers films séminaux, qu’elle était bien composés d’excellents critiques de cinéma plutôt que de réalisateurs au long cours.

A CineFast, nous nous inscrivons dans cette démarche critique : faire découvrir que derrière l’arbre Tâcherons d’Hollywood se cache une forêt d’auteurs (Simpson/Bruckheimer, Bay, Mann, Fincher).

Avec comme modèle l’insurpassable Hitchcock par Truffaut, probablement la plus grande opération de réhabilitation cinématographique* qui eut jamais existé.

Tout ça pour dire que nous n’aimons pas le cinéma US actuel, mais bien TOUT le cinéma américain. Regarder La Lance Brisée d’Edward Dmytryk sur RTL9 participe donc de cet effort.

Effort, car La Lance Brisée est un film d’un monde ancien : pas le Far West, mais plutôt les années 50. Valeurs surannées, autoritarisme paternel, amour éternel, autant dire la planète Pluton. Mais une fois plongé dans l’intrigue, le film devient universel.

Un jeune homme, Joe, sort de prison. Ses frères l’accueillent assez fraîchement : des dollars, un lopin de terre en Oregon, mais tu dégages ! Joe veut plus que ça, mais quoi ? Une visite dans une hacienda abandonnée, un portrait tutélaire qui semble dominer les ruines, et nous voilà plongés dans un gigantesque flashback qui expliquera tout…

La Lance Brisée ressemble à un western, mais c’est plutôt une tragédie grecque, avec conflits oedipiens de fils préférés ou délaissés. Et c’est aussi un film sur le racisme et les faux-semblants de la bonne société de l’ouest, à l’orée de l’Age Moderne… La fin du monde en fait : les querelles ne se règlent plus à coup de gunfight, mais au tribunal. Les vieux héros solitaires doivent céder la place au capitalisme des corporations.

Un film qui mérite pour une fois l’adjectif cinématographique habituellement honni du CineFaster : crépusculaire.

*« Hitchcock »
de François Truffaut et Helen Scott
Editions Gallimard




samedi 13 septembre 2008


Annie Leibovitz
posté par Professor Ludovico dans [ Hollywood Gossip -Le Professor a toujours quelque chose à dire... -Les gens ]

J’ai un problème : je vais toujours voir les expos à la dernière minute ; il y a donc peu de chances que vous ayez le temps d’aller voir Annie Leibovitz, A photographer’s Life 1990-2005, à la Maison Européenne de la photo.

Ce n’est pas grave, car les photos de Leibovitz sont partout (Vogue, Rolling Stone, Vanity Fair) ou dans un très beau (et très coûteux) catalogue de l’expo.

En quoi cela intéresse le CineFaster de base ? Eh bien Annie Leibovitz, c’est un peu la portraitiste de ces quarante dernières années, la Gainsborough, la Poussin, ou la David, de la noblesse d’aujourd’hui : plus de Madame de Maintenon, plus de Général Murat, mais plutôt les petits marquis d’hollywood, la noblesse rock, et les vaniteux people. Aussi peint-elle un Daniel Day-Lewis sur son trône hamletien, la détermination mafieuse de l’équipe Bush (qui fait un écho troublant à un autre cliché : la série publicitaire pour Les Sopranos), la folie foutraque de Nicholson, le charme Vegas de Scarlet Johansson…

Annie Leibovitz n’est pas la plus grande, ses photos sont classiques et elle n’est pas un tournant de la photographie ; mais ses photos sont l’époque.