dimanche 27 décembre 2015


Amistad
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

Bien sûr, Amistad n’est pas le meilleur film de Steven Spielberg. Bien sûr, c’est un feelgood movie. Bien sûr, il y a des moments ratés et bien sûr, la musique de John Williams est un peu superfétatoire. Bien sûr, Steven Spielberg essaie de faire sa Liste de Schindler noire, mais bien sûr aussi, le talent de Steven Spielberg éclate plus d’une fois dans ce film à moitié raté.

Parce que contrairement à tous les films réalisés par les agnostiques du cinéma*, Spielberg sait quoi faire avec une caméra, même quand son film n’est pas très bon.

Amistad commence par une mutinerie, un type de scène probablement filmé des milliers de fois depuis les frères Lumière. Comment la filmer une fois de plus ? Spielberg débute donc par un très gros plan sur un visage dans l’obscurité, d’un noir magnifiquement éclairé de quelques zones bleutées. On se doute (car on ne le voit pas), qu’il s’agit d’une cale de bateau, vu le sujet ; et on croit qu’il pleut. Erreur, ce visage est en sueur, car l’homme arrache un clou. Ce clou peut ouvrir un verrou. Ce verrou va libérer les esclaves. Ces esclaves vont se révolter et massacrer l’équipage de négriers. En partant d’une goutte de sueur, Spielberg a déjà raconté une histoire.

Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres. Comme dans tous ses films, Spielberg préfère des métaphores visuelles plutôt que le dialogue. Ainsi une fleur servira de pont entre l’ancien président Adams et l’esclave noir. Une dent de lion sera le symbole du combat que mènent les noirs, en Afrique ou en Amérique.**

Le film a aussi quelques audaces, peu habituelles dans un film Hollywoodien de ce calibre : des dialogues dans les dialectes africains (en VO non sous titrés), engendrant des moments de cocasseries au milieu de la tragédie.

C’est à cela que l’on connaît un grand cinéaste : il n’a pas peur de rester seul avec ses images.


* Un Village Français, Le Gamin au Vélo, Gatsby, Everest, you name it…
**Il faudra d’ailleurs saluer un jour l’immense travail accompli par Spielberg pour la cause noire, lui le petit juif blanc de l’Ohio : La Couleur Pourpre, Amistad, Lincoln.