lundi 30 septembre 2013


Jimmy P. Psychothérapie d’un Indien des Plaines
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Arnaud Desplechin a quitté les terres civilisées de Roubaix et de la Rue d’Ulm pour explorer les grandes plaines, de Browning, Montana à Topeka, Indiana. Son cinéma s’en ressent, plus simple, plus posé, plus convenu aussi. On ne dira donc pas que ce film-là est le chef d’œuvre de sa filmographie, mais plutôt une parenthèse comme Esther Khan ou Leo, en Compagnie des Hommes. On ne s’y ennuie pas, et on est même happé à la fin. Mais on n’y rit pas beaucoup, et on n’y est pas beaucoup ému, ce qui est le thermomètre habituel de toute œuvre d’art.

Il faut dire que le sujet est difficile, aride, même. L’histoire vraie de la psychothérapie d’un indien des plaines, voilà qui n’est pas le plus sexy des sujets. Jimmy Picard (Benicio del Toro) est un soldat démobilisé en proie à des hallucinations auditives et visuelles : est-ce un reste de sa blessure de guerre ? Examiné dans un centre spécialisé, il semble pourtant n’avoir aucune séquelle physique. Reste donc l’approche psychothérapique, balbutiante (nous sommes dans les années quarante). Mais l’indien refuse de s’y plier. On fait alors appel à Georges Deverreux (Mathieu Amalric), un psy et un ethnologue, spécialiste des indiens. Entre le psy un peu délirant et l’indien très sérieux, le courant va pourtant passer.

Voilà l’argument. Filmer une thérapie, c’est en général peu passionnant, même si beaucoup s’y sont penchés (Altman, Woody Allen, Mankiewicz, Hitchcock, Gus van Sant, Moretti…*). Le génie de Desplechin, c’est d’en faire un mélo sans pathos. D’autres auraient surjoué les crises, dramatisé la relation entre les deux personnages, romancé le tout. Desplechin, au contraire, reste assez factuel. Il faut dire qu’il est porté par deux acteurs en état de grâce, et qu’il suffit de les contempler pour faire un film. Benicio del Toro, coincé à l’intérieur d’un corps trop grand pour lui, et Amalric cachant ses angoisses sous une exubérance coutumière.

Rien que pour eux, il faut aller voir Jimmy P.

* Beyond Therapy, Zelig, Soudain l’Eté dernier, La Maison du Dr Edwards, Will Hunting, La Chambre du Fils…