lundi 12 novembre 2012


Skyfall
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Bon, les gars, c’est quoi votre truc avec James Bond ? D’où vient cette passion aveuglante, débilitante, autour de l’agent 007 ? Pourquoi les meilleurs esprits perdent tout sens commun, tout goût cinéphilique, toute élémentaire capacité de jugement dès qu’il s’agit de Mister Bond ? Comment concilier une passion pour Le Trône de Fer, The Wire, Les Sopranos, l’œuvre de Moebius, les écrits de James Ellroy, de Howard Philips Lovecraft, les films de Kubrick et de Lynch, les chansons de Jagger/Richards, j’en passe et des meilleures, et les aventures pathétiques de l’agent 007 ?

Moi, je déteste James Bond. Pire, je l’ignore.

Pour moi, la franchise a toujours été minable, et son succès, incompréhensible.

C’est pourquoi j’avais jeté un regard amical – et surpris – au reboot. Casino Royale ou Quantum of Solace avait le mérite de nettoyer tout ça et de proposer un nouveau départ. Mais là, le ciel nous tombe sur la tête.

Comment en effet, gaspiller autant de talents au service d’une histoire aussi ridicule ? Car du talent, il y en a. Sam Mendes, d’abord, que je ne porte pourtant pas dans mon cœur, mais qui fait là preuve d’une véritable compétence, tant dans les scènes d’action que dans la direction d’acteur, et dans l’émotion brute, composante rare dans l’univers flemingien.

Les comédiens ensuite, qui sont tous excellents, à commencer par Daniel Craig, immense dans la première partie du film. Et la déco. Et les cascades. Et les images, exceptionnelles, qui – malgré tout – vont rester dans nos têtes, comme par exemple Javier Bardem courant dans le crépuscule d’une maison en flammes.

Mais tout cela est mis au service d’une histoire ridicule, un scénario à la San Ku Kai ou à Goldorak, ce que le Professore appelle le cinéma enfantin.

D’où sort une intrigue aussi minable, si ce n’est d’une cour d’école primaire ? Qui d’autre, à part un enfant de sept ans, peut créer un méchant aussi pathétique que Javier Bardem ? Affublé de la pire perruque de la franchise, dont Nicolas Cage ne voudrait même pas, le blondinet Tiago Rodriguez a pour ambition de dominer le monde. Tiago veut aussi se venger du MI6, car c’est un ancien des services secrets, et M l’a « trahi ».

Et plutôt que de la tuer d’une balle de 45 dans la tête, comme John McLane le ferait en toute simplicité, le blondinet préfère faire sauter une bombe dans le bureau de M quand elle n’est pas là, pour attirer l’attention des médias sur le fait qu’il a en sa possession l’identité de tous les agents de l’OTAN infiltrés dans des organisations terroristes, ce qui va amener le gouvernement anglais à convoquer M à une audience publique à Westminster, et ce sera donc plus facile de la tuer (il y aura dix fois plus de gardes, NDLR). Entre temps, James Bond, attiré par un mystérieux jeton de casino trouvé sur un type qu’il vient de tuer à Shanghai, se rendra à Macao et arrêtera Tiago (mais en fait, c’est fait exprès), pasque Tiago, il a tout prévu, et justement, quand il s’échappera par les égouts de l’ancien bunker de Churchill (puisqu’il a détruit les locaux du MI6, vous suivez ?), il aura placé une bombe pile là où James Bond se tiendra, et comme ça 007 prendra une rame de métro sur la tête qui arrivera pile au bon moment. Entre temps, Tiago se sera déguisé en policier parce que deux types à l’attendront pile à la bonne station…

Oui, je spoile, et j’en ai rien à foutre.

Le reste sera tout aussi grotesque : l’évasion vers l’Ecosse pour se retrouver seul contre tous (sic), l’assaut tout en finesse des tueurs chevronnés (tous en ligne, comme dans Barry Lyndon), la maison qui explose, l’hélicoptère, l’Aston Martin, etc., etc.

Dommage, parce que la première demi-heure de Skyfall est extraordinaire. Une formidable poursuite, une James Bond Girl enfin crédible (Naomie Harris), la mort de James Bond et sa difficile résurrection. Et une remise en cause passionnante de l’espionnage à papa, où Craig, Fiennes et Dench excellent. Sans parler de la scène d’anthologie à Shanghai, où Sam Mendes en appelle aux mânes d’Orson Welles, et à la scène aux miroirs de La Dame de Shanghai.

Voilà ce qu’aurait pu être James Bond, dans les mains d’un auteur, et ce, qu’évidemment, il ne sera jamais.


3 commentaires à “Skyfall”

  1. Karl Ferenc Scorpios écrit :

    Chers lecteurs, au secours, il faut réagir le Professore a été kidnappé et c’est un clone maléfique qui anime depuis quelques jours sa gazette électronique. Les preuves ci-dessous. Après l’affaire Lucas Film, un long texte sur star ship machin où je cite :
    • on voit un bout de sein d’une actrice nunuche issue d’une série pour grand traumatisée de guerre,
    • l’ambiance est fascisante et c’est ça qui est bien parce que cela dénonce les choses de l’intérieur. En résumé le vieux fantasme trotskiste d’un gars shooté au cake à la carotte,
    • Star Trek dans la Kriegsmarine soit soudain une vision d’horreur avec le sirupeux William Shatner se téléportant avec papa Schultz.

    C’est certain le vieux grincheux à du se faire pincer par son revendeur de jus de Sapho ou a été séduit par un danseur-visage qui l’a déprogrammé avec l’intégrale des Inrockuptibles (1)
    Maintenant posté depuis quelques jours, le sommet avec la bonne thématique Bond c’est minable et ce n’est pas parque j’y connais rien que je vais fermer ma gueule ! Il nous fait même le coup à la Didier l’embrouille « eh eh les tapettes, Y en a qui aiment les Stones / Lynch / Lovecraft et James Bond , ? ! ». Probablement bogué (2) nous avons pour la 2ème fois en très peu de temps une référence à San Ku Kaï.

    Revenons au plus célèbre des double zéros. Vous le comprendrez aisément, je suis assez d’accord avec l’approche consistant à considérer que James Bond est un minable laquais à la solde d’un gouvernement corrompu qui depuis un bon paquet d’années tente d’empêcher mes confrères de prospérer aisément. Ceci étant je ne loupe aucune de ses aventures cinématographiques. Vous me direz mais « Cher Karlo n’est-ce pas un peu du masochisme vu que vous et Bond vous n’êtes pas nés du même côté de la bourgeoisie ? Genre un peu comme si Oussama Ben Laden collectionnait les aventures de Jack Ryan ? » Oui, je sais mais tout cela ce n’est que du cinéma !

    Reprenons l’affaire du début, et tentons d’expliquer Bond aux hordes de fans de cinéfast.

    Bond le héros de Roman :

    Nous avons beaucoup d’informations sur Bond grâce au dossier « Angliski Spion » du KGB qui nous précise « Un visage à la peau brune, aux traits bien dessinés, où se dessinait sur la peau halée de la joue droite une cicatrice de sept centimètres environ. Taille : 1 m 83 Poids : 76 Kg, cheveux noirs, yeux bleus. Athlète complet : excelle au pistolet, à la boxe, au lancer de couteau ; n’utilise pas de déguisements. Langues : français et allemand. Vices : tabac (cinq cigarettes à l’heure », femmes, boisson Cet homme est un dangereux terroriste professionnel et un espion. Il a travaillé pour le Service Secret britannique depuis 1938 et maintenant porte le numéro 007. Ce double zéro désigne un agent qui a tué et qui est autorisé à tuer en service actif »
    Nous en savons plus au fil des aventures. Sa couleur préférée est le bleu foncé, sa culture générale est un peu vague, bonne connaissance culinaire, ne boit jamais de thé car « c’est de la boue. De plus c’est l’une des deux raisons de la décadence de l’empire britannique ».

    Bond et ses films :

    Tout débute en 1962 avec James Bond contre Dr NO (largement mais pas que inspiré de Docteur No qui n’est pas le premier roman de Flemming) ; Skyfall est le 23ème de la série. Six acteurs ont interprété Bond.Aller hop, si on fait un petit concours du « c’est qui le plus proche des romans » :

    Le scénario « Casino Royale » (film vs livre) :
    Il manque mes excellents clients du SMERSH (3) mais nous avons bien le Chiffre, Mathis et Vesper (dans le livre agent du MVD, maîtresse d’un Polonais de la RAF qui dans le film est algérien et pas tout de la RAF). L’action se passe à Londres et en France. La conclusion à peu près identique « 007 à l’appareil. Communication urgente, transmettez immédiatement « 3030 était un agent double travaillant pour les Rouges. Oui, nom de Dieu, j’ai bien dit « était », la garce est morte ».

    Les interprètes :

    A l’époque du Bond littéraire, les choses sont simples il y a deux camps (Est / Ouest) et le marché du crime n’est pas perturbé par des tonnes d’intervenants (qui à ce propos nous bouffent les marges).Les scénaristes modernes sont obligés de composer avec le 21ème siècle.
    Mettons à part, Sir Roger qui lui a fait du Commander Bond un être plein d’humour et extrêmement galant (4) et faisons un petit trio de tête des très bons Bond : finalement c’est le physique de Timothy Dalton, le caractère de Daniel Graig et la détermination de Sean Connery.

    Les codes:

    Facile de reconnaître un film de Bond car quelques ingrédients sont immuables quelque soit l’époque (avant ou après : la chute du mur, l’interdiction de fumer, le sida, le rap etc.).

    Dans un bond nous avons toujours :

    1. un Supervillain vraiment motivé, atteint généralement d’idiosyncrasie (Ernst et son chat) qui veut a minima détruire le monde non sans avoir auparavant expliqué son Plan à Bond,
    2. une ou plusieurs James Bond Girls très stunning,
    3. des gadgets et de belles voitures de marques britanniques,
    4. des récurrents de service : M, Q, gardes en noirs qui meurent, autres services secrets (souvent russes ou américains), des complices,
    5. des pays « dépaysants » et de jolis hôtels avec des gens bien habillés (au minimum une scène avec smoking),
    6. de très bonnes BO avec régulièrement de grands interprètes,
    7. le générique de Maurice Binder,
    8. un titre qui ne veut rien dire.

    Pour conclure, laissons la parole à l’excellent Francis Lacassin qui nous explique que Bond est le descendant de d’Artagnan et d’Arsène Lupin et que donc c’est forcément bien !

    « James Bond n’est pas seulement une projection idéale de l’auteur, il est celle de chacun d’entre nous. Grace à lui, à travers lui, le lecteur accède aux exploits, bagarres, amours, yachts, hôtels de luxe, clubs très privés, festins, casinos, pays qu’il n’aurait jamais approché de sa vie. Voilà le secret du succès de l’œuvre de Ian Flemming, épopée cosmopolite et nietzschéenne : la catharsis qu’elle procure au public. » (5)

    Il a compris le Professore pourquoi on ne peut pas s’en foutre de Bond où il nous remet un coup de Goldorak ?

    PS : je ne manque aucune des aventures de Bond mais occupé ces derniers temps (une petite affaire au Moyen Orient) je n’ai pas encore vu Skyfall.

    (1) Oui je sais c’est horrible rien que l’idée d’y penser rend sympathique Freddie Krugger ou Buffalo Bill.
    (2) Cela renforce pour moi la piste mentat / jus de sapho / kidnapping.
    (3) SMERSH est la contraction en russe de Smyert Shpioniam (Mort aux espions).A leur tableau d’honneur, l’assassinat de Trotski en 1940 à Mexico. C’est peut-être cela qui bogue le Professore ?
    (4) Une sorte de John Steed sexué et armé. Lorsque le Professore sera sorti de sa crise il nous fera peut-être un jour un article sur les Avengers à la rubrique A vos DVD.
    (5) Francis Lacassin in James Bond 007, « Bouquins », édition 1986.

  2. Professor Ludovico écrit :

    Difficile de répondre à une démonstration érudite. En plus citer Lacassin, c’est le coup de grâce ! le gars qui a regroupé TOUT Lovecraft en 3 volumes, que voulez-vous que j’ y réponde ?

    En fait, je vais faire un pas de côté : la question n’est pas tant de la valeur absolue de saga bondesque (on aime ou on n’aime pas). Mais pour ma part, j’aimais pas ! Là, tout d’un coup, on me propose du caviar : un concept un peu modernisé ; un acteur excellent ; un peu de profondeur psychologique…

    Que n’ont-ils pas poursuivi cette démarche jusqu’ au bout? Pourquoi revenir à une intrigue aussi idiote ? Soit on est dans la GCA, et on y reste (les astéroïdes attaquent !!!), soit in sort Sam Mendes du placard, et on lui confie toutes les clefs du bateau…

    on m’a trop promis, c’est pourquoi je suis déçu…

  3. CineFast » Sicario écrit :

    […] ** quasiment tous les Coen, The Big Lebowski, O’ Brother, Fargo, mais aussi La Dernière Marche, Les Evadés, Passion Fish, Cœur de tonnerre, Sid & Nancy, 1984 ou … Skyfall […]

Votre réponse