mercredi 4 juillet 2012


Un Village Français vs Lost : duel de previously
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... -Séries TV ]

Poursuivons notre exploration de deux séries antinomiques : la fiction de prestige, qualité française, contre le divertissement décérébré US, l’amateurisme frenchy contre le professionnalisme ricain.

Disséquons par exemple les deux séquences de résumé qui introduisent désormais toutes les séries : « Précédemment dans Un Village Français » contre « Previously on Lost* ». La comparaison est intéressante parce que justement, la série de France3 lorgne désespérément vers ce modèle US : série chorale, multitude de personnages et de rebondissements, et comme son modèle, ajoute désormais à la fin de l’épisode, un résumé… de la semaine prochaine (une idée détestable, soit dit en passant).

Dans Previously on Lost*, on résume, dans un montage très cut, l’intrigue des précédents épisodes. Un visage, un sourire de Sawyer, le visage désespéré de Kate, peut signifier très simplement l’enjeu de l’épisode qui va suivre : Jack sauvera-t-il Kate ? Sawyer avouera-t-il son vol ? Etc.

C’est ce qu’essaie de faire Un Village Français. Elle utilise effectivement les images de l’épisode précédent, mais elle y ajoute bêtement une voix off. Et cet ajout dit tout de l’impuissance française, de son athéisme cinématographique : on ne croit pas, ici, au miracle du cinéma. Pays littéraire, la France vénère ses scénaristes, et ne les considère pas comme de simples techniciens. Même si Un Village Français a opté – une nouveauté au pays de Flaubert – pour l’atelier scénaristique, c’est-à-dire une équipe qui écrit les scénarios, elle en n’a pas su en tirer cette jouissance américaine à produire de l’émotion en collant seulement deux plans côte à côte.

Non, nous sommes au royaume de l’écrit ; les images, c’est pour les enfants. Donc, au cas où on n’aurait pas compris, la voix égrène les événements de la semaine dernière : « L’inspecteur Marchetti protège Rita, sa compagne juive. Le sous-préfet Servier est sorti rasséréner du discours du Maréchal, tandis que madame Larcher prépare son exposition de peinture… » On se met à rêver de ce que ferait les producteurs de Lost d’un tel matériau : un regard inquiet de Marchetti, un sourire de Servier, un plan large de l’exposition, tout serait dit en images…

Tout ceci ne serait que détail, si ce n’était le reflet de la médiocrité cinématographique de cette quatrième saison : rebondissements ridicules, personnages aux motivations chaotiques, intrigues inutiles ne servant qu’à alimenter artificiellement d’autres intrigues…

Mais le propos de la série (le dessillement de notre génération sur les fantasmes liés à l’occupation) reste génial et sauve la série : Un Village Français reste un passionnant OVNI.


* dont l’histoire étonnante de la voix off qui prononce ces trois mots est narrée ici