vendredi 14 novembre 2008


Bleu d’Enfer
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Un titre, une affiche, ça peut vous couper tous vos moyens. C’est le cas de Bleu d’Enfer, au titre nullissime (le titre américain n’est pas mieux : Into the Blue), et une affiche qui semble destinée à un ado que je ne suis plus.

Mais la magie du cinéma opère toujours : images Blu-Ray hantant les rayons « écrans plats » de la Fnac et de Darty (Oh les jolis poissons ! Oh la jolie mer bleue !), et puis le film sur Canal+. Que je rate. Et dimanche, voilà qu’il me tend les bras au vidéo-club.

Bleu d’Enfer, c’est un peu ce que les américains savent faire de mieux. Un petit polar aux faibles ambitions, mais qui vous laisse la banane trois jours après ! L’argument est archi -classique, vieux comme le polar : un petit couple gentillet (Paul Walker/Jessica Alba) gagne chichement sa vie aux Bahamas en faisant le promène-couillons en plongée sous-marine pour touristes ventripotents. Leur rêve : découvrir un de ces milliers de galions espagnols coulés là, par dix mètres de fond. Arrive un deuxième couple moins sympa, copains de notre petit couple sympa : un avocat et sa girlfriend de la semaine. Deux blondes sur un bateau, les ennuis commencent…

Lors d’une plongée, ils tombent sur les traces de ce galion tant désiré, mais aussi sur la carcasse d’un avion rempli de cocaïne. Dilemme : pour exploiter l’épave du galion, il faudrait du matériel, de l’argent, et on n’en a pas. Et si on revendait ne serait-ce qu’un kilo de coke ?

Évidemment, c’est ridicule, ils devraient déjà être en train de prévenir la police, mais le Grand Hitch nous a déjà expliqué que le spectateur est gros pervers à qui le réalisme importe peu, et qui par contre adore que le héros se mette tout seul dans le pétrin, pour voir, justement, comment il va s’en sortir…

Une fois cet enjeu, ce dilemme moral posé, le film est donc lancé: la coke ou l’honneur ? Le galion ou l’amour ? L’ami ou l’amie ? Bleu d’Enfer va passer deux heures à répondre à ces gentilles questions, tout en rajoutant obstacles et péripéties en tout genre.

C’est l’autre succès du film : son rythme. Là où le cinéma Next Gen (Fast and Furious, Wanted, XXX) confond rythme et vitesse, vitesse et précipitation, énergie et confusion, Bleu d’Enfer va à son rythme.

Lentement tout d’abord, le temps pour le spectateur de faire le voyage jusqu’au Bahamas, monter sur le bateau, mettre le maillot de bain, et loucher sur les fesses de Jessica Alba ou le dos d’Ashley Scott. Mais petit à petit, le film va monter en puissance, pour finir dans cette apocalypse miniature qui clôt traditionnellement les polars.

Abasourdi, je me rue sur IMdB pour en savoir plus : qui est derrière cette petite perle des Caraïbes ? Bon sang, mais c’est bien sûr ! Into the Blue est réalisé par John Stockwell, qui nous avait déjà gratifié d’un Blue Crush parait-il excellent, et d’un Crazy/Beautiful qui fut, lui aussi, dans le genre romantique, une belle surprise.

John Stockwell, un garçon à suivre…




vendredi 14 novembre 2008


Mensonges d’état
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Quand on s’ennuie au cinéma, c’est toujours le moment de théoriser, ça fait passer le temps.

Incorrigible que je suis, et malgré les tombereaux d’insultes que je déverse sur lui, je suis allé voir le Ridley Scott, Mensonges d’état. Car il a un don, Papy Ridley, c’est de s’attaquer à des sujets toujours très excitants sur le papier : un film de gladiateurs ? J’y vais ! Un duo Russel-Denzel ? J’y vais ! Un duo Crowe-Di Caprio, j’y retourne ! C’est lui qui me fait lever à 8h du mat’ pour aller au cinéma, et sûrement ce qui le rend bankable aux yeux de la Warner, qui lui confie l’adaptation de ce thriller post-11 septembre de David Ignatius.

Alors c’est quoi la théorie ? Eh bien, quand on parle abusivement de « scénario », c’est en fait un ensemble qui fait ce scenario ; un film, c’est la somme d’une intention, d’une histoire, d’une caractérisation, et… d’un scénario !

L’intention, c’est ce qu’on veut faire passer à travers le film, montrer un contexte, dénoncer une situation, etc. L’histoire, c’est en quelques pages, la trame de ce qui va se passer pendant deux heures. Le perso, il va là, il découvre ça, et là, il tombe amoureux de l’infirmière. A ne pas confondre avec le scénario, qui lui comprend toutes l’histoire mais avec les dialogues*. Enfin, il y a la caractérisation, c’est à dire ce que les personnages sont, comment ils parlent, comment ils sont habillés, leurs tics, etc.

Pour en revenir à Mensonges d’Etat, tout est bon, sauf le scénario lui-même !

L’intention est bonne : montrer que les USA, avec toute leur technologie, leurs satellites, leurs drones, leur système Echelon, ont tout faux dans la Guerre contre le Terrorisme. Rien ne remplace la compréhension des problématiques locales, l’infiltration et le retournement des hommes eux-mêmes. Une opposition incarnée par le ventripotent et cynique Russel Crowe, et le jeune et ambitieux Di Caprio, épris du moyen-orient.

L’histoire, aussi, bien vue : Di Caprio est à la recherche d’un terroriste islamiste. Pour cela, il décide – contrairement aux ordres reçus – de collaborer avec les services secrets jordaniens. Une histoire d’amour avec une jeune jordanienne va compliquer les choses. C’est basique, mais ça permet de tisser quelques enjeux dramatiques : solidarité avec le patron bourru et cynique ? Ou avec l’ambigu mais efficace Hani, chef des services secrets jordaniens ? Choisir la voie du coeur (je vivrais bien ici, finit par dire Di Caprio), ou celle de la patrie ?

Mais là où ça se gâte, c’est dans le scénario lui-même, et dans la caractérisation des personnages. Si les deux personnages centraux sont formidables, le reste n’est pas terrible : les terroristes portent le turban, le chef des services secrets jordaniens ressemble à un Andy Garcia classieux, tout cela est très caricatural. Le scénario est à l’avenant : pour indiquer une cible, les terroristes cachent un mot dans une poubelle, écrit en arabe… Et en hollandais ! Lorsque l’amie de Di Caprio est enlevée, celui-ci se propose en échange, et non seulement elle n’est pas libérée, mais ils vont le tuer, lui ! Ces terroristes arabes sont vraiment fourbes !

Non, tout cela est bien dommage, car il y avait matière. Il reste deux belles prestations d’acteurs, un message politique fort, et une belle love story interculturelle…

* Donc à ne pas confondre : Star Wars, scénario de George Lucas, L’Empire Contre Attaque, story de George Lucas, scénario de Lawrence Kasdan. C’était donc ça…




vendredi 14 novembre 2008


The Visitor
posté par Professor Ludovico dans [ Brèves de bobines -Les films ]

Joli film, un peu dépressif, et donc déprimant.

Sur un thème d’actualité – les sans-papiers -, Thomas McCarthy réussit un film honnête et droit. Pourtant, il manque quelque chose. Le personnage principal (Richard Jenkins, le père dans Six Feet Under), est un prof neurasthénique qui accueille, un peu involontairement au début, des sans-papiers chez lui. Mais le personnage est tellement triste, replié à l’intérieur de lui-même, qu’on a du mal à s’identifier à lui. On comprend que le réalisateur veuille jouer de ce contraste (ce renfermement puritain, si profondément WASP, opposé à la volubilité, et aux excès méditerranéens du jeune percussionniste syrien qu’il abrite chez lui. Mais, en contrepartie, le film met une bonne heure à décoller, au moment où, enfin, le jeune homme se fait arrêter. Là, un enjeu est enfin posé, et un deuxième film commence, plus musclé, moins consensuel.

C’est ce film-là qu’il faut aller voir.