dimanche 12 janvier 2014
Don Jon
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]
On aimait déjà Joseph Gordon-Levitt, l’excellent Tommy Solomon, agent de renseignement alien dans Troisième Planète après le Soleil, et le très bon Looper dans le film éponyme. On le découvre acteur, scénariste, et réalisateur dans Don Jon, une comédie plus qu’étonnante, où il se met en scène en jeune prolo bien sous tout rapport ET addict au porno. Tout est dans le ET et pas le MAIS, car comme le dit la pub : « Mon corps, mon appart, ma caisse, ma famille, mon église, mes potes, mes copines, mon porno ». Jon n’a pas de problème avec les filles. Au contraire : ça tombe comme à Gravelotte. Mais le porno, c’est autre chose ; comme une passion, un loisir, une sorte d’innocent hobby. Ce traitement-là est déjà rafraîchissant, dans une époque qui ne sait plus où elle habite, entre le laxisme coupable (publicité, porno dans les kiosques…) et l’hystérie moraliste anti-internet ; le porno est partout et nulle part.
Face à cela, Joseph Gordon-Levitt propose un schéma apparemment habituel : le parcours du héros rom-com typiquement US. Jon est un connard, mais il va rencontrer LA femme. Et pas n’importe qui : Scarlett Johansson ! On se dit à ce moment-là que Don Jon va être la petite comédie romantique sympa et marrante, mais dont on connaît déjà la fin. L’arc Déconnade-Rédemption-Happy Ending. Le héros, comme tous les hommes, est un peu concon ; heureusement qu’il y’a les femmes qui les remettre sur le droit chemin. C’est faire bien peu de cas du talent de Joseph Gordon-Levitt et de Scarlett Johansson.
Car sur cette trame archiusée, le jeune réalisateur va peindre une toile beaucoup plus subtile, beaucoup plus étonnante, notamment grâce à la finesse du jeu de Mrs Johansson. Ce qui serait injurieux, ce serait de vous raconter la suite, car évidement vous allez voir Don Jon.
jeudi 9 janvier 2014
Amour
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -
Les films ]
Le festin nu. Quand on lui demandait d’expliciter l’énigmatique titre de son chef d’œuvre, William Burroughs répondait qu’il s’agissait de « cet instant pétrifié et glacé où chacun peut voir ce qui est piqué au bout de chaque fourchette » ; la réalité, dans sa plus cruelle vérité.
Voir les choses telles qu’elles sont, les montrer sans faux semblants, c’est depuis toujours le programme de Michael Haneke. Violence enfantine (Benny’s Video), violence domestique (Code : Inconnu), violence de la fin du monde (Le Temps du Loup), violence du cinéma US (Funny Games) : la cruauté de la réalité, c’est l’œuvre majeure de Haneke. Filmer sans fard le couple, l’enfant, les immigrés et les bourgeois, la bestialité des rapports humains, le fascisme qui monte, c’est le rôle aride que s’est assigné le cinéaste autrichien.
Il revient aujourd’hui avec Amour, après quelques films décevants (La Pianiste, le remake US de Funny Games). Un film qui propose le même regard acéré sur la vieillesse, la maladie et la mort. Ce programme électrisant et fun est confié à Jean-Louis Trintignant (sûrement notre plus grand comédien vivant) et Emmanuelle Riva.
Dans la première moitié du film, l’actrice de Hiroshima Mon Amour n’est pas très bonne. On comprend le choix Hanekien de ces deux professeurs de musique, bourgeois et cultivés, mais Riva a du mal à tenir la rampe en prof de musique octogénaire, sèche comme un coup de trique. Sa diction empruntée, ses « tandis » et autres « parfois » sonnent faux. Mais dans la deuxième partie, l’AVC, la maladie, l’alitement, elle est extraordinaire. Jouer à 86 ans les ravages de l’âge, la diction imprécise, la folie, le refus de se nourrir est tout simplement inouï.
En face de ces deux monstres, même Isabelle Huppert sonne faux ! Car l’actrice fétiche de l’autrichien (avec Binoche) est en dehors du monde Haneke ; elle croit encore en ces choses vaines que sont l’espoir, la rédemption, le progrès. Depuis Le 7ème Continent, son premier film, Haneke ne croit plus à rien. Et il assassine son personnage féminin en une scène cruelle. Huppert discute avec son père (Trintignant) ; elle pense que l’état de sa mère va s’améliorer, qu’il faudrait rencontrer un autre médecin, avoir un deuxième avis. Qu’il faudrait qu’ils aient, enfin tous les deux, une conversation sérieuse. Et Trintignant est évidemment le casting parfait pour lui apporter la réplique. Pour qui se prend-elle, cette quinqua bobo qui explique à son père ce qu’il doit faire ? Il a trente ans de plus, évidemment qu’il a déjà pensé à tout cela ! Il a vu un autre médecin, et l’état de sa femme ne va pas s’améliorer. Et Trintignant place sa banderille finale ; c’est la Grande Scène. « Sérieusement ? Tu veux qu’on parle sérieusement de l’état de ta mère ? Alors parlons sérieusement. Son état va aller de mal en pis. Et puis un jour, elle va mourir. Alors qu’est-ce que tu proposes sérieusement ? Tu veux prendre ta mère chez toi ? Tu veux la mettre à l’hôpital ? Parce que justement, je lui ai promis qu’elle n’irait plus à l’hôpital. Je vais la garder ici et je vais m’en occuper jusqu’au bout, comme promis… »
Amour annonce, et c’est une bonne nouvelle, le grand retour de Haneke. Qui signe aussi son film d’un dernier plan parfait ; Isabelle Huppert, seule, dans l’appartement vide de ses parents. Qui s’assoie dans un fauteuil. A la place du père, parce qu’il n’y a pas d’autre place possible : nous referons le chemin de nos parents.
Le festin, nu.
lundi 6 janvier 2014
White Tiger
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -
Les films ]
Le cinéma russe, c’est quelque chose ! Quelque chose d’indéfinissable, quelque chose d’incompréhensible au CineFaster, habitué à la grammaire du cinéma US.
Ici, dans Belyy Tigr, des plans interminables. Comme dans Stalker. Des regards caméra, comme dans Requiem pour Un Massacre. Des répétitions, comme dans Stalker ou Requiem pour Un Massacre.
Ce Tigre Blanc est un film nationaliste (et même militariste, soutenu par le gouvernement et l’armée de la Fédération Russe), qui glorifie encore et toujours la Grande Guerre Patriotique, c’est-à-dire la lutte contre le nazisme sur le Front de l’Est. Avec un soupçon de fantastique, d’ailleurs : Naïdenov est un tankiste grièvement brûlé dans son char lors d’un combat. Il va mourir. Mais non, il s’en tire. Avec un drôle de don : il parle aux chars. On va le renvoyer sur le front à la chasse au tigre, un Tiger IV* allemand qui détruit tous les chars russes qui ont le malheur de passer dans sa ligne de mire, et disparaît aussi mystérieusement qu’il était venu.
A partir de cet argument mystico-militaire, Karen Shakhnazarov tire malheureusement un film longuet dont émergent quelques moments poétiques, ou terrifiants, comme ce monologue final d’Hitler, supputant que sa mission sur terre était de détruire les juifs et le communisme, le sale boulot dont toute l’Europe rêvait… Ce qui n’est – malheureusement – pas faux historiquement.
Dommage que le film soit si ennuyeux.
* Selon mon expert personnel, Lieutenant Jeg, du 507ème Régiment de Chars de Combat
jeudi 2 janvier 2014
Laura
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]
Mystère de la cinéphilie. On pense regarder Gilda, avec the wonderful Rita Hayworth et son gant de velours, mais en fait on regarde Laura, avec Gene Tierney. Même sans « put a blame on mame, boy », c’est quand même pas mal, Gene Tierney. Preminger aussi, c’est bien. Preminger c’est monsieur Rivière sans Retour, Carmen Jones, L’Homme au Bras d’Or, Autopsie d’un Meurtre… c’est pas du college football, c’est la NFL.
Pourtant Laura, ça commence mal, comme si le type n’avait pas lu Hitchcock/Truffaut : un whodunit minable. Laura a été tuée. Qui l’a tuée ? Car tout le monde aimait Laura !*. L’inspecteur chargé de l’enquête, McPherson (Dana Andrews), se retrouve devant une belle brochette de vainqueurs : Waldo Lydecker, un vieux beau british, fou d’amour pour Laura, Shelby Carpenter (Vincent Price, mesdames et messieurs !) un benêt de deux mètres de haut qui allait épouser la morte, et Ann Treadwell (une quinqua amie de Laura et déjà amoureuse de son ex-futur mari). Ça pourrait être un pitoyable Cluedo Agatha Christiesque, sauf qu’au bout de vingt minutes, Laura réapparait, pile au moment où ça devenait intéressant ; le flic était en train de tomber amoureux de la morte.
Mais si Laura est vivante, qui a été tué ? Il reste une heure à Preminger pour démonter cette petite intrigue, qui n’est à l’évidence qu’un simple prétexte pour créer des personnages magnifiques et des dialogues hors pair, comme celui-là, Ann Treadwell expliquant pourquoi il lui faut Shelby**. « Ce n’est pas quelqu’un de bien, mais c’est lui que je veux. Je ne suis pas quelqu’un de bien, Laura, et lui non plus. Il sait que je sais. Il sait aussi que je m’en fiche… »
Le cinéma des studios à son apogée.
* Une référence évidemment pour le Twin Peaks de David Lynch, basé également sur « Qui a tué Laura » et qui a aussi son Waldo (le Mainate)
** « He’s no good, but he’s what I want. I’m not a nice person, Laura, and neither is he. He knows I know he’s just what he is. He also knows that I don’t care. We belong together because we’re both weak and can’t seem to help it. That’s why I know he’s capable of murder. He’s like me. »
mercredi 1 janvier 2014
A Touch of Sin
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]
Qu’est-ce donc que ce film, sinon encore un emballement délirant de la critique ? Le même film américain serait jugé « pauvre » « faible, scénaristiquement parlant », mais non, là c’est un chef d’œuvre :
« Une œuvre aussi puissante que subversive »
Le Journal du Dimanche
« Pas un plan qui ne subjugue, pas une trouvaille de mise en scène qui ne suscite l’admiration. Du grand art. »
Le Monde
« Une maîtrise extraordinaire, sublimée par des envolées sidérantes, riche de moments inoubliables… »
Le Nouvel Observateur
« un « Short Cuts » oriental parfumé à la dynamite »
TeleCineObs
« Aucun autre film cette année n’a su avec un tel degré de maîtrise et d’art manier la couleur, le cadre, le plan, la durée, la composition. »
Les Inrocks
Evidemment, rien de tout cela n’est vrai. Le film est mal filmé, souvent flou, en vidéo HD et parfois, ça se voit horriblement. Alors oui, il y a quelque beaux plans, mais rien d’extraordinaire, dans une année qui nous a donné The Master, Le Passé, Zero Dark Thirty ou The Place Beyond the Pines.
Je ne sais pas pourquoi, mais la bande annonce m’avait donné envie d’y aller. Grave erreur : il s’agit de quatre courts métrages vaguement mis bout à bout et reliés par une thématique commune, la corruption et la violence en Chine. Où est Short Cuts ? Il n’y a pas ou peu de lien entre les histoires. Les personnages sont tout juste esquissés. Et on ne voit pas où Jia Zhang Ke veut en venir… Le tout est surtout prétexte à des scènes gores assez inutiles. On n’est pas dans un film de genre, mais bien dans un film politique. Pourquoi filmer les meurtres avec autant de complaisance ?
Certes, A Touch of Sin est sûrement intéressant sur la Chine d’aujourd’hui, mais pour le cinéma ?
L’escroquerie critique de 2013.
mardi 31 décembre 2013
Casse-Tête Chinois
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]
1,2,3, Casse-Tête Chinois ! Que penser du dernier opus de Klapisch ? que dire, sinon qu’on est comme devant le collier de nouilles que votre petit dernier vient de vous offrir… Car il faut bien l’avouer, le meilleur film de Klapisch reste son premier : Riens du Tout, en 1992 : Luchini et un casting de futures stars (Viard, Darroussin, Soualem..), chargés de relancer les Grandes Galeries. On ajoutera aussi Un Air de Famille, même si le scénario est de Bacri-Jaoui. Après, Klapisch a réalisé de bons films (Chacun Cherche son Chat), a changé de genre avec un polar honnête (Ni Pour, Ni Contre (Bien au Contraire)) et a raté ses grandes œuvres, Peut Etre et Paris. Il reste surtout associé à l’immense succès de sa trilogie L’Auberge Espagnole, Les Poupées Russes et ce récent Casse-Tête Chinois.
Certes, c’est une bonne idée que de suivre plusieurs personnages éminemment sympathiques de la vingtaine à la quarantaine. On peut imaginer que ce sera encore exploitable dans deux ou trois autres films. Mais si le premier est un bon film assez saignant, le deuxième est seulement correct, et le troisième qui nous occupe aujourd’hui, Casse-Tête Chinois, très moyen.
Comme dans une sitcom, Klapisch se contente d’y développer la logique de ses personnages : la lesbienne est en couple, elle veut – évidemment – un enfant ; La nunuche est nunuche, mais cadre sup dans l’import-export de thé et fait des affaires avec la Chine (ce qui est aussi peu crédible qu’Audrey Tautou dans un vrai rôle un de ces jours). Et notre héros – romancier à succès – divorce à nouveau et se voit séparé de ses enfants. Sauf s’il accepte de changer de vie et d’aller s’installer à New York où vit désormais son ex. C’est la partie la plus sympa du film, visiblement bien documentée, et donc crédible. De plus, Klapisch filme New York comme on l’a rarement vu, c’est-à-dire sans carte postale : un New York des quartiers, réel et quotidien, au ras du bitume.
Mais pour le reste c’est assez banal ; les péripéties s’enchainent avec comme seul lien une voix off omniprésente. Il est triste que le quinqua Klapisch n’ait rien à nous dire de plus que, si on veut refaire sa vie, on peut ! Qu’il suffit de faire preuve de souplesse, d’abandonner un peu de confort bourgeois (son héros accepte des petits boulots et un appart crasseux pour vivre à New York près de ses enfants). Ok, mais à part ça ? Que le don de sperme, c’est pas si simple ! Ok mais encore ?
Tout cela laisse l’impression qu’hormis l’envie (très bankable) de donner une suite à ces personnages sympathiques, il n’y avait pas de matière. Car il est évident que Cédric Klapisch ne sait que faire de son histoire. Qu’il n’a rien à dire, rien à faire passer sur les problèmes de la quarantaine… Ce qui laisse la douloureuse impression, pour revenir au début de cette chronique, que Cedric Klapisch, en tant qu’artiste n’a plus grand-chose à dire…
Dommage.
mardi 31 décembre 2013
Virtuosité
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... ]
Il y a quelque chose de mystérieux dans le rock, si on n’essaie pas d’analyser cette musique populaire. Pourquoi les virtuoses n’y percent pas ? Joe Satriani ? Jeff Beck ? Jimi Hendrix, dans une moindre mesure ? Pourquoi des mauvais réussissent ? Keith Richards ? les Sex Pistols ?
Pour revenir à notre règle du « TTC », Talent – Travail – Chance, peut-être que les premiers manquent de chance, mais c’est surtout le mot talent qu’il faudrait redéfinir. Le talent, ce n’est pas juste jouer de la guitare dans son dos, ou d’aligner 125 notes par minute. Non, le talent, c’est cette chose magique que possèdent les « mauvais » susnommés… il suffit parfois de quelques notes très espacées (celle de la Sonate au Clair de Lune, par exemple) pour susciter une incroyable émotion.
Ce débat, en fait, irrigue l’art : les peintres pompiers sont d’excellents techniciens, mais inspirent-ils autant d’émotions qu’un Van Gogh ? Et dans le cinéma, c’est la même chose. Il ne suffit pas du plan parfait pour emporter l’adhésion du spectateur. Spécificité du cinéma, il faut déjà agréger plusieurs talents dans la même image : acteur, photo, musique, dialogue, déco… Mais surtout, il faut se garder d’en faire trop : l’acteur qui surjoue, l’image trop léchée, la musique trop bonne qui enterre le film*, le bon mot de trop, le décor trop luxueux… n’est-ce pas Mr Hitchcock ?
Une fois qu’on a réussi tout ça, il faut encore que la scène soit au service du film, et pas l’inverse.
Les virtuoses au cinéma courent souvent le même risque que les guitaristes de heavy metal : en faire trop dans le solo nuit au morceau. Fincher dans ses premiers films, Ridley Scott ou Coppola, le Scorsese de Hugo Cabret… Mais aussi les jeunes loups d’aujourd’hui comme Zack Snyder (Man of Steel), Michel Gondry, Paul Thomas Anderson (The Master), Christopher Nolan (Les Batman, Inception), James Gray (La Nuit Nous Appartient) qui tuent leurs films sous une forme de perfection graphique
Evidemment quand ça marche, on n’est jamais loin du chef d’œuvre : Wes Anderson (Moonrise Kingdom), Steve McQueen (Shame, Hunger), Nicolas Winding Refn (Drive), Lars von Trier (Melancholia)…
La différence, c’est que la virtuosité de ces films-là n’est que le résultat d’un véritable geste artistique, pas une fin en soi.
*Demandez à Barbet Schroeder, obligé de couper dans les compositions du Pink Floyd pour More : « la musique était trop bonne, elle mangeait le film ! » Pas rancunier, il les rengagea pour La Vallée.
lundi 30 décembre 2013
Avant que de Tout Perdre
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]
Bonne nouvelle pour le cinéma français : un jeune cinéaste est né. Enfin si on en juge par son court métrage, Avant que de Tout Perdre, Xavier Legrand est un futur grand cinéaste.
Pour une fois, on pourra spolier car il y a peu de chances que vous tombiez dessus, même s’il passe en ce moment sur Canal+. Le pitch : une femme battue se décide à quitter le foyer familial, avant que de tout perdre … Problème (ou plutôt génie cinématographique), on ne sait rien de tout cela avant la moitié du film. Au contraire, Xavier Legrand procède par petites touches pour nous dévoiler peu à peu son intrigue. Un enfant sort de chez lui au petit matin, dit au revoir à son chien, un geste anodin qui aura beaucoup d’importance par la suite. Il part en sens inverse de l’école. En ces temps d’hystérie pédophile, le suspense est lancé : va-t-il être enlevé ? Fugue-t-il ? Un serial killer rode-t-il dans les parages ? Car rapidement une femme le prend en stop, assez sèchement. On apprendra que c’est sa mère. Puis les deux vont chercher une adolescente qui embrasse fougueusement son petit ami. Trop fougueusement. Quelque chose cloche. On commence à le comprendre.
Tout ce petit monde arrive au supermarché ; c’est là que travaille la mère (l’excellente Léa Drucker). On commence à comprendre, car elle demande à être licenciée. Très vite. Elle appelle sa sœur, qui va venir la chercher dans une autre voiture pour l’exfiltrer. Ça y est, Legrand a créé son enjeu (vont-ils s’en sortir avant que le père ne s’en aperçoive ?), son compte à rebours (deux heures d’angoisse avant que la sœur n’arrive) et bien esquissé (en détaillant toutes ces précautions) le niveau de violence qui règne dans le couple.
L’autre moitié du film n’est là que pour ajouter du poids aux enjeux : bisbilles administratives (on ne quitte pas un boulot comme ça), l’arrivée inopinée du mari, la chef pas au courant qui menace de tout faire foirer. Le tout avec une immense maîtrise, pas de trop ou de trop peu. Xavier Legrand va tenir son sujet jusqu’au bout pendant 25 mn de thriller haletant, se payant même le luxe d’une fin ouverte : cette voiture blanche qui part derrière la voiture est-elle la voiture du mari ?
On est impatient de voir ce que Xavier Legrand va faire de ce talent-là.
dimanche 29 décembre 2013
Où s’arrêtera Mad Men ?
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]
Après une saison 5 étincelante, Mad Men réussit l’exploit de se surpasser dans cette sixième saison. Avec un final lumineux, où l’on rebat les cartes comme peu de séries oseraient le faire, tout en respectant la timeline : on est en 68, l’année du grand chambardement. Tout est possible : refaire sa vie, changer de boulot, arrêter l’alcool, dire enfin d’où l’on vient.
Le tout à la manière Mad Men : sans esbroufe, sans coup de théâtre, ni effet de manche.
Bravo l’artiste. Bravo Matthew Weiner.
vendredi 27 décembre 2013
Le Hobbit : La Désolation de Smaug
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]
Et c’est reparti pour le parc d’attractions tolkiennien gère par ce vieux grigou de Peter Jackson. On préférerait que soit un magicien, genre Gandalf, qui soit aux commandes. Malheureusement, c’est ce vieux Peter, le tenancier du Poney Fringant qui nous vend sa bière éventée et des pommes d’api rances.
A Tolkienland, on ne retrouve que les attractions classiques : la Grande Roue de la Montagne Solitaire, le Train de la Mine Fantôme, avec orques et dragons, et la visite de de Bourg-du-Lac (Lacville dans le film), reconstituée aux petits oignons en polystyrène expansé.
Et le programme habituel des festivités : extermination en masse d’orques (à force d’en tuer un par seconde, Jackson devra un jour répondre devant un Tribunal Pénal International), dialogues de série B fifties dits par des comédiens de seconde zone, tout en froncement de sourcil et accentuation de consonnes : « Ce NN’est PPas NoTTRRe ComBBat !!! »
Une fois de plus, les elfes ne sont pas gâtés, joués par des comédiens nazis et maquillés comme une pub L’Oreal (avec Evangeline Lilly, rescapée de Lost, mais tout aussi bien coiffée que sur l’Ile). Les nains, pourtant magnifiés dans le premier opus, retournent eux aussi à l’état de gadgets, d’étoffe dont sont faits les gags. Leur magnifique retour dans la montagne de leurs ancêtres est torché en 2 répliques. C’est normal : décors en plastique, dialogues en plastique.
Et nous, tels nos glorieux parents, sommes incapables de résister à cet avatar moderne des westerns à bas prix des années cinquante, avec des orques à la place des cheyennes, et Gandalf en John Wayne.
On a toujours le cinéma que l’on mérite.