mercredi 5 février 2014
Actualité de Police Python 357
posté par Professor Ludovico dans [ Brèves de bobines -
Hollywood Gossip -
Les films ]
Les grands films ne meurent jamais.
Les grands acteurs non plus.
On devait regarder les Seahawks battre les 49ers et aller au Superbowl, mais cette saloperie de football américain dure quatre heures et boom ! On tombe sur Police Python 357, le chef d’œuvre d’Alain Corneau. Et on tombe assez tard dans le film pour rester, parce qu’on sait qu’on va enchaîner les 3 Grandes Scènes : Montand qui se défigure à l’acide, Signoret qui le supplie de l’aider à se suicider, et la fusillade finale.
Mais aujourd’hui, c’est surtout la performance de Signoret que l’on retient : un monstre paralysé dans son fauteuil roulant, qui protège les crimes de son mari pour maintenir les apparences de la bourgeoisie de province, mais qui, une fois mise au fait devant le désastre, ne rêve que d’en finir. Sa scène finale avec Montand est un chef d’œuvre du genre. La voix chevrotante, au bord des larmes, Signoret le supplie d’appuyer pour elle sur la détente : « Sinon, je dirais tout. Je mentirais. Je savais très bien mentir quand j’étais vivante. »
Un ange – ou un démon – passe. On ne peut s’empêcher de penser au vrai couple, Signoret-Montand, les deux monstres sacrés du cinéma français. Lui, encore séducteur, et Casque d’Or, devenue une grosse dame moche. Et la trahison qui traine entre eux, depuis l’histoire de Montand avec Marilyn Monroe sur le tournage du Milliardaire.
Signoret puise-t-elle dans ces ressources pour jouer ça ? Sûrement.
Le regard dépité de Montand en contre champ en est le plus bel aveu.
mardi 4 février 2014
Stars 80
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -
Les films ]
C’est devenu la spécialité de Thomas Langmann ; s’asseoir sur un tas d’or et ne pas savoir qu’en faire. Après Astérix aux jeux Olympiques, voici Stars 80. Une licence en or, avec les droits des chansons mythiques des années plastique, et une tournée live qui a déjà prouvé que l’idée de réunir Femme libérée, Eve lève-toi et Voyage Voyage était en or massif… Toutes ces chansons, pour plagier Le Faucon Maltais qui plagiait Shakespeare, fait de l’étoffe de la nostalgie.
Pire, Langmann avait une bonne histoire ; une BOATS qui pouvait tenir la route, l’histoire de deux producteurs à la ramasse (Hugues Gentelet et Olivier Kaefer), qui créent la RFM Party 80, à base de chanteurs ringards interprétant uniquement leurs tubes 80’s. Vider les poubelles de l’histoire, ramasser ces one hit wonders, et en faire une tournée, au succès que l’on sait. Tout est là, en germe, pour faire un bon scénario. La success story auquel personne ne croit, le méchant banquier, le showbiz incrédule, les associés qui se prennent le melon ou les caprices des ex-stars, réels ou inventés.
C’est en fait la seule réussite de Stars 80. La vraie/fausse réconciliation de Peter et Sloane, les caprices de Jeanne Mas, et la performance hallucinante de Jean-Luc Lahaye, patron de boîte biker qui se la joue, donc pas très loin de la réalité…
Il n’y a rien de plus horrible que de voir une belle idée gâchée. A fortiori gâchée par la fainéantise et la mégalomanie de Langmann qui veut à tout prix, comme dans Asterix, signer le film, alors qu’il n’est ni cinéaste, ni scénariste. Il aurait dû se contenter de produire, ce qu’il fait plus qu’honorablement (Mesrine, The Artist). Ici, on sent à chaque plan son ombre de producteur interventionniste qui cache le scénariste frustré ou le monteur amateur : Coupe là ! C’est trop long ! Rajoute la musique ici ! Plus fort !
Malheureusement, il y a des gens dont le métier c’est d’écrire et d’autres de monter. Les dialogues de Stars 80 sont donc parfaitement plats, les gags lourdement appuyés, les situations jamais amenées. Climax : le plantage d’une des meilleures idées du film (Gilbert Montagné en révérend gospel) qui n’hésite pas à plagier plan pour plan la scène de l’église – trampoline compris – du Blues Brothers de John Landis*.
Heureusement, il reste les chansons, et leurs chanteurs. Ces quinquas, déjà ringards en 1982, usés par l’âge, les rides, la graisse, et détruits par ce show business qui élimine toute part d’humanité en vous. La grande surprise du film, c’est qu’ils sont formidables, malgré la faiblesse du scénario. Ce sont eux, la bonne idée du film : créer de vraies-fausses intrigues basées sur la personnalité des chanteurs. Peter et Sloane se sont engueulés ? Inventons une réconciliation. Sabrina était une bombe sexuelle ? Un des personnages est toujours amoureux d’elle. Jeanne Mas se la pétait ? Faisons-en une Mylene Farmer inaccessible… ; bref mettons de la fiction dans le biopic.
Une des rares scènes réussies illustre cela : la première date de la tournée est un bide ; on se retrouve au restaurant et pour faire passer le blues qui s’installe, on se met à boeufer autour du piano, dans ce restaurant familial. Évidemment, trois chansons plus tard, il y a le feu dans le restaurant. Qui n’a pas dansé sur Tropique, en se disant que la plus belle fille de la fac ressemblait vraiment à Muriel Dacq ? Qui ne s’est pas vanté de connaitre par cœur le rap de Nuits de Folie** ? Qui n’a pas regardé en douce le Lui « spécial Sabrina/Samantha Fox » ?
Tout d’un coup, le cinéma de Stars 80 incarne une idée ; celle de notre rapport ambivalent à la culture pop. Nous détestions cette musique en 1980, parce que nous n’avions pas d’argent, nous n’étions pas à la mode, nous n’avions pas de mocassins Weston , pas de Golf GTI… Nous étions de l’autre côté de la barrière : Les Clash, les Dogs, les Rita Mitsouko, Frenchy but Chic dans Best, les Motels, les Specials : une musique bien plus intéressante, et nos titres de gloire aujourd’hui, à l’heure de l’expo EuroPunk. Mais si tout le monde fait la moue devant Sabrina, ses paroles idiotes, et ses seins « accidentellement » à l’air dans la piscine, comment nier qu’elle est un souvenir très importante de notre vie de mâles adolescents ?
Stars 80, avec un peu de travail, aurait pu être cela, une comédie douce-amère sur notre jeunesse. The Big Chill avec des paillettes, et des Golf GTI. C’est tout ce qu’ont lui reproche.
* Même le Professorino s’en est rendu compte (12 ans)
** Et tu chantes danses jusqu’au bout de la nuit
Tes flashes en musique funky
Y a la basse qui frappe et la guitare qui choque
Et y a le batteur qui s’éclate et toi qui tient le choc…
dimanche 2 février 2014
R.I.P. Philip Seymour Hoffman
posté par Professor Ludovico dans [ Hollywood Gossip -
Les gens ]
Le Temps d’un Week-End, Twister, Boogie Nights, The Big Lebowski, Happiness, Magnolia, Séquences et Conséquences, Dragon Rouge, Truman Capote, Presque Célèbre, Punch-Drunk Love, La 25e Heure, Mission Impossible 3,
7h58 ce Samedi-Là, La Guerre selon Charlie Wilson, Les Marches du Pouvoir, Le Stratège, The Master, …
Martin Brest, Roger Donaldson, David Mamet, Cameron Crowe, Joel et Ethan Coen, Paul Thomas Anderson Spike Lee, J.J. Abrams, George Clooney, Mike Nichols…
Que dire de plus ?
vendredi 31 janvier 2014
Topten 2013
posté par Professor Ludovico dans [ Les films -
Playlist ]
C’est l’heure du sacro-saint Topten, le classement rituel qui ne veut rien dire de plus que les Césars, Oscars, Palmes d’Or et autres cérémonies où la profession, comme bien d’autres professions, se congratule. Disons que c’est une tentative maladroite de bâtir une hiérarchie dans nos goûts, et que ça, ça a finalement du sens ; le vrai palmarès est celui du cœur. La filmographie de sa vie.
Et aussi, une tentative un peu vaine d’essayer de convaincre l’autre de découvrir un de ces films qui ont enchanté notre année.
Pour ma part, j’ai eu bien du mal – et c’est la première fois ! – de trier dans l’ordre les films les plus intéressants. Considérons donc qu’il s’agit des dix meilleurs films de l’année. Un très bon cru, selon moi :
1. Ma Meilleure Amie, Sa Sœur et Moi
2. Inside Llewyn Davis
3. The Place Beyond the Pines
4. Prisoners
5. Grand Central
6. Frances Ha
7. Zero dark thirty
8. La Vie d’Adèle
9. Don Jon
10. Jimmy P.
Quant au BottomFive, idem : rien de honteux, mais il faut bien trouver les pires :
1. Man of Steel
2. The Desolation of Smaug
3. Star Trek into Darkness
4. Hannah Arendt
5. Elysium
Pour mes petits camarades, au contraire, le consensus s’est dégagé autour du Dupontel, qui l’emporte haut la main. Les autres films, a contrario, ont des votes éclatés, ce qui crée beaucoup d’ex-aequo :
1. Neuf Mois Ferme
2. ex aequo : Les Garçons et Guillaume, à Table et Frances Ha
4. Quai d’Orsay
5. ex aequo Wajda et Le Majordome
7. ex aequo Prisonners et Le Temps de l’Aventure
9. Star Trek into Darkness
10. Ma Meilleure amie, Sa Sœur et Moi
Notre BottomFive n’a pas de sens. Deux Topteniens détestent Valerie Lemercier, ce qui met 100% Cachemire premier, mais une trentaine d’autres films ne recueillent qu’un vote.
Que faut-il tirer comme conclusion de cet éclatement ? Chronique à venir …
mercredi 29 janvier 2014
Actualité d’Apocalypse Now!
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -
Le Professor a toujours quelque chose à dire... -
Les films ]
Chose promise ici, chose due : depuis je me suis acheté un lecteur Blu-ray et que j’ai trouvé un jeune vierge en la personne de Magic Arno (un gars qui bosse dans le cinéma depuis vingt ans avec les plus grands réalisateurs français et qui n’a jamais vu Apocalypse Now! Si c’est possible.)
Après avoir fébrilement ôté l’enveloppe plastique, le moment tant attendu est arrivé, non sans angoisse : Coppola n’a-t-il pas salopé le boulot ? Après 10 ans d’infamie redux, voilà enfin le retour la vraie version d’Apocalypse Now! 2h17 de perfection cinématographique, sans plantation française, sans Willard voleur de surf, sans Brando en pyjama. Et une première immense satisfaction : l’édition est splendide, magnifiquement remasterisée, dans peut-être la meilleure version – malgré 10 visionnages – que le Professore ait jamais vue. Les dix fois précédentes, dont la première, émoliente, en 1980, dans un petit cinéma du Quartier Latin, étant toutes entachés par un petit défaut technique. Mauvais format. Son crachotant. Rayures sur la bobine… Mais là, par la magie du numérique, tout est parfait. Une version qui rend grâce à la cathédrale de Chartres de Vittorio Storaro : chaque plan est un tableau parfait dans la composition, dans la lumière, comme une veduta de Canaletto (les jonques sur le delta), un autoportrait de Bacon (le visage camouflé de Willard) ou un paysage de Turner (les couchers de soleil sur la rivière Nung).
Après, le chef d’œuvre n’a pas changé d’un pouce : perfection esthétique bien sûr, mais aussi perfection scénaristique, perfection du montage, de la musique, des acteurs. Et quoiqu’on en dise, le final de Brando, certes long, est la clef de voûte du film, sa conclusion morale. Et c’est bien sûr ce que voulait Coppola : pas le film de guerre de plus, mais une réflexion philosophique sur l’humanité, comme il est dit au début par le Colonel Corman « Because there’s a conflict in every human heart, between the rational and irrational, between good and evil. » Prenant pour prétexte le livre de Conrad, Au Cœur des Ténèbres, et l’adaptant au Viêt Nam, Coppola déroule sa thèse. D’un côté l’occident chrétien, sûr de son bon droit, de l’autre le Viêt Minh, qui n’a jamais laissé un occupant chinois, français, ou américain l’envahir trop longtemps. Face à la détermination morale, les dollars ne servent à rien.
A la fin, dans une image sublime, le guerrier Nietzschéen Willard, mi bouddha, mi guerrier, a remplacé Kurtz qu’il vient de tuer. Dans la main droite, une faux, dans la main gauche, les mémoires de Kurtz. L’Arme et le Livre. L’Ordre et la Loi. Willard lâche l’arme. Son combat est fini. Il ne reste que la mémoire. Car la guerre est finie.
mardi 28 janvier 2014
Charlotte Gabris
posté par Professor Ludovico dans [ Les gens ]
J’avais bien accroché à la voix légèrement sensuelle et délurée de Charlotte Gabris, quand elle chroniquait la saison dernière chez Drucker* sur Europe1. J’avais accroché à ce personnage de hâbleuse ne doutant de rien, et son mélange sucré/salé de séductrice comique.
C’est ce que j’ai cherché en allant voir Charlotte Gabris au théâtre. Si les textes ne sont pas d’égale qualité, on y retrouve ce charme, et surtout, on est face à une vraie comédienne. C’est ça, la magie du théâtre. Elle est là, Charlotte Gabris, devant vous. Pas de mensonge. Pas d’artifice. Pas de plan de coupe. Pas de deuxième prise. Il faut être bon tout de suite. Jamais la possibilité de refaire une seconde fois une bonne première impression, comme on dit.
Gabris démontre cette capacité de passer du rire au drame en quelques secondes. On voit, en train de naître, une grande comédienne potentielle. Potentielle, parce qu’il faudra maintenant des rôles, et des bons, et des succès, au cinéma ou au théâtre. C’est tout ce qu’on lui souhaite.
*Il faudra rendre un jour grâce à Michel Drucker, formidable découvreur de talents, s’il en est.
dimanche 26 janvier 2014
La Mort Suspendue
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD ]
Ça commence par une escroquerie fomentée par la Princesse Elfe. Tu aimes les films d’alpinisme ? Ben oui, j’adore ! Moi qui ai le vertige, j’ai dévoré Premier de Cordée, Tragédie à l’Everest de Jon Krakauer, et j’aime le décrié mais pourtant très bon Cliffhanger, le thriller montagno-terroriste de Stallone…
Tiens, me dit-elle, voici La Mort Suspendue. Tu m’en diras des nouvelles ! J’insère le DVD dans le lecteur et là, horreur : ce n’est pas une fiction, mais un horrible docudrama.
Un docudrama, vous voyez ce que c’est ? Un mélange d’interviews face caméra sur fond noir chichiteux, des reconstitutions minables, vaguement dialoguées, et surlignées au stabilo par une voix off qui est censée vous faire comprendre les enjeux terribles auxquels les personnages sont confrontés.
Mais bon, j’ai confiance dans la Princesse Elfe et j’ai decider de poursuivre mon chemin en direction du Siula Grande, un petit sommet andin de 6 344m.
Car c’est à lui que s’attaquent Joe Simpson et Simon Yates, 25 ans ; l’ascension d’une voie inédite, sur l’un des sommets les plus difficiles de la Cordillère des Andes. Et ils y arrivent, au bout de deux jours d’efforts.
C’est en redescendant que se noue le drame. Joe se brise une jambe. Au prix d’immenses efforts, les deux montagnards britanniques décident de poursuivre leur descente en glissant. Mais perdus dans le brouillard et la tempête, Joe glisse et tombe dans le vide au milieu de la tempête. Il n’est retenu que par sa corde ; lieu commun (cf. Tintin au Tibet) de la tragédie alpinistique : soit on meurt tous les deux, soit on coupe la corde et seul un des deux y passe. Croyant que Joe est déjà mort, Simon Yates coupe la corde. Puis il redescend jusqu’au camp de base au prix d’immenses difficultés.
Mais Simon n’est pas mort. Par chance extraordinaire, il est tombé au fond d’une crevasse qui a amorti sa chute. Impossible de remonter, cependant. Va commencer alors cette odyssée extraordinaire où un homme blessé, affamé, déshydraté, va se traîner sur des kilomètres jusqu’au camp de base, au bout de toutes ses ressources psychologiques et physiques.
Si La Mort Suspendue est un docudrama, alors il est très bien fait. Les reconstitutions sont tellement bluffantes qu’on se demande si les alpinistes acteurs n’ont pas refait l’ascension*.
Mais évidemment, ce sont les témoignages qui emportent le tout. Nos deux british de Sheffield que l’expérience a transformé pour toujours. Mais pas dans une happy end convenue à l’américaine. Dans le Making of qui suit le film, on retrouve nos deux compères obligés de retourner sur les lieux du drame, vingt ans après. Et c’est sûrement la partie la plus passionnante. Si Touching the Void, le film, est électrisant par la force même du drame, le making of est tout à fait passionnant. On a confié une caméra vidéo à Joe, pour tenir une sorte de journal intime. D’abord rigolard, son visage se ferme à l’arrivée au village, puis commence à montrer de l’angoisse pure quand ils arrivent au bord du lac, leur ancien camp de base. Car Joe Simpson est convaincu que ce terrible accident a été une forme de bénédiction pour lui. Une chance incroyable d’avoir réussi à survivre, puis un événement qui a changé sa vie. Apres ses dix opérations de la jambe, il a écrit Touching the Void pour disculper son camarade. Puis d’autres livres, qui lo’ont rendu célèbre. Et si la chance, maintenant que la boucle est bouclée, se vengeait ? Et s’il n’était venu que pour mourir ici, une bonne fois pour toutes ?
Si Joe a toujours soutenu le geste fatal de son compagnon (y’avait-il autre chose à faire ?), Simon, pour sa part, vit – sans l’assumer – sa culpabilité d’être « le mec qui a coupé la corde ». Et d’assener finalement cette révélation peu politiquement correcte : « nous n’avons jamais été amis et nous ne les serons jamais… Nous ne sommes que des compagnons d’escalade »
Ici encore, le festin nu.
*En fait, personne n’a jamais refait cette voie depuis. Le film a été tourné en partie sur place et en partie dans les Alpes.
vendredi 24 janvier 2014
Pyramide du Louvre et Sanisette Decaux
posté par Professor Ludovico dans [ Hollywood Gossip -
Le Professor a toujours quelque chose à dire... -
Les gens ]
Pour une fois, on est d’accord avec Jean Pierre Jeunet. Eh oui, tout est possible sur CineFast.
Sur 20minutes.fr, l’auteur du multichromatique L’extravagant Voyage du Jeune et Prodigieux T.S Pivet déverse sa bile sur le cinéma français, un reproche qu’on fait souvent au vieux Ludovico. En deux mots, Jeunet fustige la faible qualité des films français « moches, mal montés, mal filmés, mal joués, mal sonorisés, mal écrits… plus c’est moche, plus c’est de l’art ! » Et de jouer, non sans raison*, à l’historien du cinéma : « C’est encore la tradition de la nouvelle Nouvelle Vague qui nous pourrit la vie. »
Et voilà l’auteur immortel d’Un Long Dimanche de Fiançailles qui part sur cette magnifique métaphore, dite Syndrome de la Pyramide du Louvre : « Le long-métrage français, c’est quand même à 90% l’apothéose de la laideur et ça ne dérange personne. J’appelle ça le syndrome de la Pyramide du Louvre et des chiottes Decaux. La pyramide du Louvre, en verre, ça ne peut pas être plus beau et ça avait fait tout un scandale. Les chiottes Decaux, c’était des horreurs, mais je n’ai jamais lu une critique négative. La laideur ne dérange personne et la beauté choque, et ça c’est très français. »
La formule est rigolote et en plus, on est d’accord avec toi Jean-Pierre ! Même si l’excès inverse – dont tu te fais le champion – qui préfère l’esthétisme à tout crin aux dépens de vrais personnages et d’une histoire qui tienne debout n’est pas forcément la solution.
* La Nouvelle Vague fustigea dans les années cinquante la « Qualité Française » des René Clair et autres Claude Autant-Lara, héritier d’un certain cinéma de qualité, mais conformiste et éloigné de la réalité. Tandis qu’eux s’emparaient des toutes nouvelles cameras 16mm et filmaient dans la rue… technique dont allait s’approprier Dennis Hopper pour Easy Rider, et ses suiveurs du Nouvel Hollywood.
lundi 20 janvier 2014
And then, booooom!
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... ]
Sacrés français.
Comme chacun sait, regarder un film dans un avion s’apparente à une épreuve pour le cinéphile*. Remontés, coupés, hachés, au grand mixeur de la censure. Pas plus de 2h. Pas de film catastrophe. Pas de violence. Pas un bout de nichon ou de fesse.
C’était oublier la France, les français… et Air France.
Cette histoire est arrivée à Joan (the most francophile girl on the Puget Sound), de retour d’Inde pour un passage éclair à Paris sur notre compagnie nationale. Francophile as ever, Joan en profite pour regarder un film français. Blue is the Warmest Color, autrement dit La Vie d’Adèle. À sa droite, son mari, Barry, la septantaine passée, à sa gauche, un hindou célibataire. Au début, Joan est plutôt sensible à l’analyse marxisto-kechichienne…
And then, booooom!
Elle sent soudain les deux regards mâles qui convergent sur l’écran central. Nous venons d’entrer dans la partie porno lesbien de La Vie d’Adèle.
Choquée, Joan décide d’arrêter le film et tente de dormir malgré la vision dantesque de Lea Seydoux et Adèle en plein scissors. Elle enfile son cache-yeux logotypé Air France. Mais quelques minutes plus tard, elle se réveille : le film qu’elle avait mis sur pause est reparti. Tout seul. Mystère de l’informatique… A sa droite et à sa gauche, on nie. On dénègue. Elle se rendort. Le film repart à nouveau. Magie de l’écran tactile.
Bref… soyons sérieux une minute. Sans être particulièrement père-la-pudeur, (ce n’est pas particulièrement le genre de la maison, qui préfère le porno façon Don Jon aux amourettes façon Jane Austen), c’est quand même fort de café de programmer La Vie d’Adèle dans un avion, non ?
*A tel point que le Seigneur d’Avalon refuse de tenir compte des films visionnés en avion pour l’attribution des points au Topten**
** A venir prochainement dans ces colonnes
vendredi 17 janvier 2014
Friday Night Lights
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]
Allez, un peu de sociologie US ! Les américains se sont créé deux sports terriblement anglais, le foot américain (succédané du rugby) et le baseball (un cricket simplifié). Deux sports similaires à leurs albionesques ainés, mais surtout, ô grand surtout, absolument pas anglais. Tellement idiomatiques qu’ils sont inexportables, tandis que le football a conquis la planète.
Ces deux sports ne représentent pas la même idée de l’Amérique : le baseball, c’est un regard nostalgique et passéiste. Ses grands héros sont morts : Joe di Maggio, Babe Ruth. C’est aussi un sport plus intellectuel, cote est, avec ses yankees new yorkais et ses red sox bostoniens, si chers à Stephen King.
Le foot américain, c’est une certaine idée du futur. Un sport brutal, puissant, viril : le sport du heartland, du sud, du Texas. Bien plus qu’un sport. L’idée que l’Amérique se fait d’elle-même. Une idée presque fasciste, d’ailleurs. Un sport martial, ressemblant à une forme de service militaire, et qui produirait de futurs guerriers. Et en face, des cheerleaders. De jolies jeunes filles sportives et élancées. Le lieu commun, maintes fois illustré – ou critiqué par le cinéma US – le capitaine de l’équipe épouse la cheftaine des cheerleaders. Un rêve hitlérien en somme, où le meilleur de l’Amérique s’unit pour le meilleur de l’Amérique.
C’est tout le propos de Friday Night Lights. Un cadeau de l’ami Phiphi (qu’on a connu moins branché sport). Un cadeau empoisonné, parce qu’évidemment, maintenant on ne dort plus.
Qu’est-ce que Friday Night Lights ? Un petit miracle, en vérité. En 45 minutes d’épisode, à la fois une ode à ce sport majestueux, à l’Amérique, à ses valeurs (honnêteté/courage/sens du collectif) et une dénonciation sans fard de ces excès. Hooliganisme, passion irraisonné pour ce sport, violence, dopage, racisme.
Le pitch est à l’image d’un très grand film admiré ici : Le Plus Beau Des Combats. La même histoire transposée par Peter Berg dans la petite cité texane (fictive) de Dillon. Les Panthers, l’équipe high school se lance dans une nouvelle saison avec pour objectif de gagner le championnat du Texas. Ce qui devrait être facile, avec leur quarterback star Jason Street, qui va sûrement passer pro l’an prochain. A piece of cake pour le nouvel entraîneur Eric Taylor (Kyle Chandler), qui débarque à Dillon avec femme (la sublime Connie Britton de Spin City, maintenant cougar sublime) et fille (Aimee Teegarden). Mais lors du premier match, Jason est gravement blessé lors d’un choc. Va-t-il finir paralysé ? Et comment va faire le coach, déjà sous pression, pour gagner le championnat ?
Le coup de génie de Friday Night Lights, c’est celui-là. Poser sa caméra sur un championnat minable aux enjeux minuscules (gagner le championnat de l’état l’équivalent d’une quatrième ou cinquième division de foot en France) et montrer à quel point c’est un enjeu terrible pour tous les personnages. Pour le coach, qui refuse de pactiser avec le diable (agent véreux, dopage… ), pour une certaine éthique du sport. Pour la femme du coach, obligée de subir obligation sur obligation liées au métier de son mari… Ou la fille du coach, 15 ans, qui se fait menacer par un supporter parce que d’un père a perdu un match. Ou pour le jeune et maladroit nouveau quarterback, Matt Saracen, chargé de remplacer la star adulée, tout en gérant d’autres problèmes comme un père en Irak et une grand-mère au bord de l’Alzheimer.
C’est ça, Friday Night Lights, un mélange de Frères Scott pour la chronique familiale, et L’Enfer du Dimanche pour la critique acerbe du sport préféré des américains. Car rien n’est esquivé : corruption, drogue, racisme, népotisme, conflits d’ego, impunité des joueurs tant qu’ils gagnent, et mise au ban s’ils perdent.
Friday Night Lights emprunte la technique de camouflage de A la Maison Blanche : derrière cette éloge du mode de vie US qui a permis à NBC de faire durer la série pendant 5 saisons, se cache une critique en règle de la face noire de l’Amérique, ses corsets moraux et religieux, sa corruption rampante, et la décadence qui guette.
Friday Night Lights est tout simplement magnifique.