dimanche 11 septembre 2011


Jayne Mansfield 1967
posté par Professor Ludovico dans [ Hollywood Gossip -Le Professor a toujours quelque chose à dire... -Les gens ]

C’est d’un livre dont il s’agit aujourd’hui, qui m’a fait de l’œil dans ma librairie favorite, et que j’ai dévoré : Jayne Mansfield 1967, de Simon Liberati. Sarcastiquement sous titré Roman, il s’inscrit dans la lignée des François Bon (Rolling Stones, une biographie, Dylan, une biographie et Rock’n roll, un portrait de Led Zeppelin), c’est-à-dire une biographie de fan, ultra-documentée, mais qui en même temps, ne prétend pas à la rigueur et à l’exhaustivité historique d’un travail universitaire ou journalistique. Au contraire, c’est un portrait, un triptyque médiéval, centré autour de 1967 : l’accident fatal à Biloxi, l’incident six mois plus tôt à San Francisco, qui éjecta Jayne du star system, en passant par un petit détour satanique, et la dernière soirée en Louisiane, les dernières heures de la star.

Jayne Mansfield 1967 est court (200 pages), mais puissant et détaillé. Il n’est pas exhaustif, mais il sonne juste (la description de l’accident, au milieu du bayou louisianais est un petit chef d’œuvre). Une lecture qui s’impose, même si on n’est pas cinéphile, tendance Kenneth Anger.

Car Simon Liberati s’inscrit dans la veine Hollywood Babylon, il s’en vante, même. Cette cinéphile toute particulière, collectionneuse de ragot, qui aime se rouler dans la fange de l’envers glauque de l’industrie du rêve : meurtres, suicides, violences familiales, satanisme, tout est bon dans le chaudron Angerien.

Jayne Mansfield est un morceau de choix dans cette veine. Sa carrière cinématographique est minuscule (à part l’excellent La Blonde et Moi, qui doit plus à Gene Vincent et à Little Richard), qui pourrait citer une autre œuvre Mansfieldienne, si ce n’est sa mort ?
Son accident de voiture, sa quasi décapitation, voilà la grande œuvre, la porte de sortie grandiose vers le firmament Hollywoodien. Quand on n’a pas de carrière, il faut une vie tragique (Paris Hilton, Britney Spears, Diana).

Sous-Marilyn, malgré son QI de 163, Jayne n’a fait que poursuivre le rêve Hollywoodien. Et inspirer, comme l’a si bien fait remarquer JG Ballard dans Crash**, notre passion quasi-érotique pour les stars, les accidents de voitures, et les accidents de voiture de stars.


*La Blonde et Moi (The Girl Can’t Help It) fait partie de ces projets foireux dont Hollywood a le secret. Le film de Frank Tashlin avait pour but de ridiculiser la scène rock’n’roll naissante (le film date de 1956), et la bêtise de ces nouvelles stars que leurs enfants s’étaient mis à aduler. Jayne Mansfield y incarnait Jerri Jordan, une bombe blonde, qui à la place de chanter, se contentait de pousser un cri à la fin de chaque refrain. Les chanteurs du moment (Eddy Cochran, Little Richard, Gene Vincent), vinrent se déhancher devant un public de jeunes écervelés. Pas de chance : le film fut un énorme succès auprès des teenagers, et permis, ô douce ironie du sort, de populariser encore plus ces musiciens.
**et le film éponyme de Cronenberg…




samedi 10 septembre 2011


Platane
posté par Professor Ludovico dans [ Les gens -Séries TV ]

J’ai beau me forcer, Eric et Ramzy ne me font pas rire. Je vois le principe dans H, mais je ne ris pas. Je comprends l’absurdité qui préside à Steak, mais je n’ai pas envie d’y aller.

L’humour, c’est vraiment une question de génération. Pierre Dac ne nous fait pas rire, et mes enfants ne comprendront pas Desproges. C’est aussi pourquoi le rire, et les comiques en général ne sont pas artistiquement reconnus comme les tragédies : ils ne sont pas éternels, ils n’auront jamais la postérité pour eux. Pourtant c’est très difficile de faire rire, beaucoup plus difficile que de faire pleurer.

J’ai donc essayé Platane, sous l’influence de la méga promo, et pour les beaux yeux cendrés de Monica Bellucci au Grand Journal.

Malgré les efforts louables (qualité technique, originalité), je n’ai pas marché… L’argument est louable : au moment où Eric et Ramzy lance une suite à H, Eric percute un platane et sombre dans le coma. Il se réveille un an après, la série a continué sans lui (et l’intérêt de Platane est bien dans la satire de Canal+ et du monde du cinéma) Le voilà obligé de se trouver un nouveau projet… Mais évidemment, ce n’est pas une sinécure, car Eric n’est pas si sympa qu’il en a l’air…

Je tenterais une deuxième incursion, mais je ne vous promets rien…




mardi 6 septembre 2011


Magie… du réel
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... ]

Coïncidence : hier je passe au métro Jourdain, quartier que je fréquente rarement, et je me dis « Tiens cette placette me dit quelque chose ! » Deux coups de pédale plus loin (Oui, Le Professore ne se déplace qu’en Velib’), la réponse est là : c’est l’adresse de Karin Viard et Danny Boon dans Le Code a Changé, que TF1 avait eu la bonne idée de diffuser la veille…

C’est la magie du réel, quand l’univers projeté dans les salles obscures se révèle exister dans la réalité. Le voyage aux Etats Unis est une obligation pour le cinéphile ; on y découvre qu’aucun film, même La Chevauchée Fantastique, n’arrivent à rendre grâce à Monument Valley, ou Grand Canyon… au Grand Canyon.

De même, la visite à Los Angeles est indispensable : l’incroyable métropole bat non seulement au rythme du cinéma, elle en est l’écrin. Ainsi, c’est avec stupéfaction que le Professore découvrit en 1990 (son premier voyages d’études) que LA et ses environs servaient de décor à 90% de ce qu’il avait vu depuis 25 ans. Horrible révélation : Starsky et Hutch se passait à LA, et pas à NY. Mais aussi les Têtes Brûlées, probablement tournée dans les collines de Mulholland.

Aller là bas, c’est se retrouver dans les films, le monde des rêves.

Le plus maniaque ira plus loin, à Snoqualmie Falls par exemple, se prosterner sur les lieux du culte Twin Peaks. Et constatera, les yeux emplis de larme, que les Twin Peaks n’ont qu’un sommet (l’autre fut ajouté par trucage), que le Twede’s Café est bien petit (et son fameux café, franchement dégueulasse), que le commissariat est le bureau de la scierie, que le wagon de Ronette Pulaski est en plein centre ville, etc.

Évidemment, Lourdes ne déçoit jamais le croyant…

Reste le trip ultime, aller spécifiquement en voyage sur les traces de l’oeuvre ; Portmeiron, par exemple, sur la côte du Pays de Galles, dans l’espoir (un de ces jours, Eric ?) d’y croiser le fantôme du N°6…




lundi 5 septembre 2011


La Dernière Piste
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Derrière ce mauvais titre (Meek’s Cutoff, le raccourci de Meek) se cache un très bon film, un western à mi-chemin entre le Gerry de Gus van Sant et La Conquête de l’Ouest de Henry Hathaway. Car c’est bien de cette extraordinaire aventure humaine dont il s’agit : l’envolée vers l’ouest, au milieu du XIXème siècle, de milliers d’américains au delà des rocheuses. Pour cela, les familles investissaient leur maigre fortune dans un chariot, jetaient ce qui leur restaient dedans et partait pour cette traversée de milliers de kilomètres à travers l’inconnu avec femmes et enfants.

Au début de La Dernière Piste, trois familles ont déjà fait un mauvais choix, celui de quitter la piste de l’Oregon, et une caravane de plusieurs chariots, pour suivre les conseils d’un Buffalo Bill d’opérette, Stephen Meek (Bruce Greenwood). Les voilà vite perdus, en plein territoire Nez Percé, avec une réserve d’eau qui fond à vue d’œil. Il ne s’agit pas à proprement parler d’un désert, mais plutôt d’une plaine infinie, avec de maigres arbustes secs, et pas d’eau. Ceux qui sont allés là-bas, même en Buick climatisée, n’ont pu empêcher d’être étreints d’effroi devant cette immensité, guettant de l’œil la prochaine station service.

Ici, Kelly Reichardt joue à contre courant des codes du Western, rejetant le cinémascope de rigueur, pour adopter au contraire le rigoriste format carré 1:33. D’où l’impression d’être pris au piège, coincé dans cet Oregon désertique. Elle joue aussi la carte du réalisme : chariot tiré par les bœufs (plus résistants que les chevaux), les hommes marchant à côté, même les femmes enceintes (pour charger le chariot au maximum), un peu d’eau, de la farine, et une bible.

Après un début aride, dans tous les sens du terme, Meek’s Cutoff va se décoincer, par les femmes évidemment. Devant leurs hommes qui pataugent dans la semoule (kékonfé ? On passe par le Nord ? On continue à l’Ouest ? On tente le Sud ?), elles vont s’imposer dans la conversation, alors qu’on ne leur a rien demandé. Et résister au grand crétin de Meek, qui pérore sur les serpents, et les indiens qu’il a tué à mains nues…

Déroutant, puis entêtant, La Dernière Piste est une sorte de remix entre Antonioni et John Ford. Hautement recommandable donc.




samedi 3 septembre 2011


Tabou(s)
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

Tabous s’appelle en anglais Towelhead, tête de serviette, en un mot : bougnoule. Ça aurait été plus clair, mais probablement que l’ami Fulci ne l’aurait pas acheté (en plus de la bouche purpurine de Summer Bishil), et que je ne l’aurais donc pas vu.

Tabous est le nouveau paradoxe d’Alan Ball : scénariste d’American Beauty, créateur de la fabuleuse série Six Feet Under, mais aussi de True Blood, on a du mal à imaginer ces différentes créations dans la tête du même artiste. Autant Six Feet Under était subtil, autant American Beauty et Tabous ne le sont pas. Les deux films sont d’ailleurs très semblables ; la haine de la Banlieue Américaine y est tout aussi présente qu’inexpliquée, le sexe y est tout aussi répressif, et, les mêmes causes produisant les mêmes effets, les quadra US sont des grands frustrés qui ne rêvent que de se taper de nubiles adolescentes.

Pourtant, contrairement à American Beauty, je m’y suis intéressé jusqu’au bout. Il y a dans Tabous une ambition toute autre que d’y enfiler des clichés.

Pourtant il y en a des clichés : Jasira, adolescente de 13 ans, fille d’un couple americano-libanais, vit chez sa mère. Devant le comportement libidineux de son compagnon, la mère décide plutôt de se séparer de sa fille et de l’envoyer chez le père libanais, ingénieur à la NASA, à Houston. Rifat Maroun est une caricature du type qui veut s’intégrer à tout prix. Bannière étoilée dans le jardin, Vierge Marie dans la bagnole, mais devant sa télé, Rifat espère secrètement que Saddam gazera tous les yankees.(L’intrigue se déroule en 1991, pendant la première Guerre du Golfe). Intolérant, raciste, rien ne lui est épargné. En face, ce n’est pas mieux : Travis Vuoso, (excellent, comme toujours Aaron Eckhart) est un pur produit redneck : réserviste, patriote, mari frustré face à une épouse frigide… Au milieu de la bataille, le couple de gauche qui écoute forcément Edie Brickell and the Bohemians (Toni Colette et Matt Letscher) et qui veut faire le bien, même malgré elle, de la pauvre Jasira. La Nouvelle Lolita subit certes le racisme texan (towelhead !) Mais va surtout découvrir sa sexualité et comprendre le pouvoir qu’elle peut exercer sur les hommes…

Nous avons donc d’un côté, un décor d’opérette et des personnages à la limite de la caricature, mais au service d’un propos des plus rafraîchissants : et si la sexualité était quelque chose de positif ? Et si malgré un père abusif, un beau-père peloteur, un voisin mateur, on pouvait survivre ? Rien que pour ça, et pour la candeur de l’actrice principale, Tabous vaut le détour.




jeudi 1 septembre 2011


La Ballade de l’Impossible
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Stanley Kubrick disait avoir choisi Shining comme sujet, car « les romans de gare sont plus faciles à adapter que les chefs d’œuvres ». Ce qui explique probablement l’impossibilité d’adapter La Ballade de l’Impossible, le joyau d’Haruki Murakami.

Tr?n Anh Hùng (L’Odeur de la Papaye Verte) se contente donc de suivre la trame du livre et seulement celle-ci : Watanabe est amoureux de la dépressive Naoko, mais soudain le jolie Midori apparaît dans sa vie.

Que choisir ? La fidélité ou la vie ? L’amour est-il éternel ? Ce sont les questions que posent le livre et le film…

Mais un vrai livre, comme le rappelait tout à l’heure King of Cote, c’est avant tout un style. La force de Murakami est là, dans ce style langoureux et nostalgique, où chaque digression est une vague supplémentaire de l’océan de ses romans.

En n’adaptant que la trame, le film devient un simple squelette. Malgré les acteurs, très bien, les décors japonais (sublimes, forcément sublimes), on s’ennuie, parce qu’on ne sait pas où l’on va. Qui plus est, Tr?n Anh Hùng s’est cantonné à l’année 1967, oubliant les fabuleuses premières lignes de La Ballade de l’Impossible : « J’avais trente-sept ans, et je me trouvais au bord d’un Boeing 747. L’énorme appareil descendait à travers de gros nuages chargés de pluie, et s’apprêtait à atterrir à l’aéroport de Hambourg. la pluie froide de novembre obscurcissait la et terre et tout absolument tout, du personnel technique revêtu de cires aux drapeaux quoi flottait mollement sur le bâtiment de l’aéroport, baignait dans la mélancolie classique des peintures flamandes. Une fois encore, j’étais de retour en Allemagne.

L’avion s’immobilisa sur la piste et les voyants lumineux d’interdiction de fumer s’éteignirent, et la douce musique d’ambiance s’écoula des haut-parleurs fixés au plafond : c’était la mélodie de Norwegian Wood. »

La nostalgie était cachée là, cher Tr?n Anh Hùng.




mardi 30 août 2011


A la Maison Blanche / La Conquête
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... ]

Me voilà regardant les vingt dernières minutes de A la Maison Blanche, au fallacieux prétexte de vérifier une info Wikipedia (Aaron Sorkin serait présent en cameo-hommage dans le dernier épisode), et la comparaison s’impose évidemment avec La Conquête.

A la Maison Blanche, pourtant bavarde, sait faire confiance au cinéma ; deux exemples en guise de démonstration.

Pour illustrer la fin d’une époque, et le début d’une autre, et la cruauté afférente à l’exercice, John Wells multiplie les symboles.

Scène 1 : pendant la cérémonie d’investiture au Capitole, on s’affaire à la Maison Blanche. Pour quoi faire ? Déménager pardi ! En une heure, on doit faire disparaître les derniers vestiges de la présidence Bartlet. Wells filme ainsi le dévissage du portrait présidentiel, vite remplacé par celui de son successeur. Simple, certes, mais efficace : dans une ambiance crépusculaire, gros plan sur la dévisseuse électrique. Pas de cérémonial, mais une bête séance de bricolage. Après huit ans au service de la plus grande puissance du monde, on est peu de choses.

Idem en bas de l’échelle, scène 2 : Charlie, ancien assistant du président, voit la nouvelle équipe arriver dans les bureaux. Il essaie d’être sympa, donne un conseil sur le réglage de la clim’. L’autre plonge dans ses cartons, et ne répond pas. Contre champ sur le petit sourire désabusé de Charlie. Pas de dialogue, tout est dit. On a beau être des good guys (démocrates, of course), il y a ceux qui partent et ceux qui arrivent aux affaires.

Ces deux exemples sont à la portée de n’importe quel scénariste, de n’importe quel acteur. Il faut juste refuser les facilités de la toute puissante réalité (les Dardenne, La Conquête, les BOATS façon Clint Eastwood).

Il faut juste croire à la puissance de la fiction.




lundi 29 août 2011


La nouvelle nouvelle guerre des boutons
posté par Professor Ludovico dans [ Hollywood Gossip -Le Professor a toujours quelque chose à dire... -Les gens ]

C’est l’histoire d’une guerre, souterraine, secrète, mais une guerre quand même. Cette guerre, c’est la guerre des boutons. Rappel des faits : en 1912, Louis Pergaud écrit La Guerre des Boutons, le livre, qui deviendra un film drolatique d’Yves Robert, en 1955. (Je peux écrire drolatique, parce que je ne l’ai pas vu, le film….)

Mais grâce à lui, les aventures de Petit Gibus deviennent cultes, comme les répliques « Si j’aurais su, j’aurais po v’nu ! »

Aujourd’hui, le livre est tombé dans le domaine public. Marc du Pontavice, ancien de la Gaumont et producteur de Gainsbourg, Vie Héroïque, flaire la bonne idée, pas chère (pas de droits à payer, malgré une notoriété inentamée : faisons un remake !). Un projet est lancé, sous la direction de Yann Samuell (Jeux d’Enfants) avec notamment Alain Chabat et Mathilde Seigner.

Mais Thomas Langmann (Astérix, Le Boulet) a eu la même idée. Il a monté lui aussi un projet, autour de Christophe Barratier (Les Choristes) et de Kad Merad et de Gérard Jugnot. Le conflit ne peut se régler devant les tribunaux, puisqu’il n’y a plus de droits cédés. Ca sera donc la guerre. On appelle comédiens, techniciens, décorateurs, et on menace « si tu fais La Guerre des Boutons avec Machin, tu ne travailleras plus jamais dans le cinéma français* », entre autres amabilités.

Moralité : deux films sortent, à une semaine d’intervalle (14 et 21 septembre), sans argumentaire marketing sérieux pour faire pencher la balance. D’un côté, l’humour Nuls, la sensibilité et l’esthétisme façon Yann Samuell, de l’autre le plus franchouillard, façon Choristes, Barratier-Merad-Jugnot. Il n’y aura à l’évidence aucun vainqueur, mais deux perdants. D’abord parce que personne de sensé n’ira voir les deux. Et que même si l’un l’emporte sur l’autre, il perdra quand même, mathématiquement, une bonne partie des entrées de son adversaire.

Petits dégâts collatéraux : comment sera géré la promo ? Invitera-t-on en même temps Kad Merad et Alain Chabat aux Enfants de la Télé ? Osera-t-on leur poser une question sur le ridicule de la situation ? Et si on ne le fait pas, c’est l’interviewer qui sera ridicule, d’enchaîner ainsi, sans rien dire, la promo du même film. Et cela promet aussi une belle foire d’empoigne lors des diffusions télé : « Si tu achètes la Guerre de Machin, n’espère pas avoir mon Astérix IV ! »

Rien de grave à tout cela, mais plutôt un sujet de rigolade, assez fréquent si on y regarde de plus près : il y a deux Borgia à la rentrée : celui que Canal+ a produit, écrit par Tom Fontana, et celui que Canal+ a acheté à Showtime, et qui est déjà diffusé partout dans le monde. Si Canal l’a acheté, c’est pour éviter de se faire griller deux fois. Une fois à l’international (c’est fait, personne n’achètera les Borgia façon Canal), et une fois en France (pas question que M6 ne diffuse un Borgia Showtime avant le mien)…

De même, 1998 vit l’affrontement titanesque de Deep Impact et d’Armageddon, sur le même sujet météoritique : Le Simpson-Bruckheimer l’emporta localement, laissant la victoire international au mélo de Mimi Ledder…

*Selon la formule célèbre de Julia Philips : « You’ll never eat lunch in this town again », titre de son livre de révélations sur Hollywood, et menace sous-tendue si elle publiait lesdites révélations. Quatre prostituées d’Hollywood reprirent l’idée dans leurs propres confessions « You’ll Never Make Love In This Town Again »




samedi 27 août 2011


La Conquête
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Comme le dit très justement la Professora (qui a adoré), La Conquête est un objet filmique qui n’existait pas jusqu’à aujourd’hui ; c’est à dire une re-création de la réalité par la fiction, un documentaire qui diffuserait des images qui n’ont pas été filmées, des conversations qui n’ont pas été enregistrées. La Conquête produit donc un fort effet nostalgique à la Perec (« Je me souviens de Nicolas Sarkozy embrassant Cécilia Place de la Concorde… »), mais pas une véritable émotion cinématographique. On peut également douter de la postérité (ou simplement de l’exportabilité) de La Conquête, entièrement basé sur les connaissances, encore toutes fraîches, du spectateur français en la matière. Deux raisons qui rejettent le film de Xavier Durringer hors du périmètre des œuvres d’art.

Pourquoi ça ne marche pas, alors ?

– la facilité : quand la réalité dépasse la fiction, pourquoi chercher à faire mieux ? Avec un dramaturge pareil (Nicolas Sarkozy), et les meilleurs dialoguistes de leur génération (Sarkozy, Villepin, Chirac), il suffit pour raconter cette histoire de mettre bout à bout, dans l’ordre, les « petites phrases ». Rien n’est moins vrai, pourtant… Car assembler des dialogues, ce n’est pas un histoire, encore moins un film. Ce qui rend le film extrêmement bavard, et même lassant de ce point de vue. Sans aucune respiration pour une quelconque pause dramatique ou une envolée lyrique.

– le respect du genre ; la forme artistique, c’est une des marottes du Professore, et La Conquête en est un excellent exemple. Durringer n’a pas choisi de forme, et ça se voit : La Conquête est elle une comédie satirique du pouvoir? Dans ce cas, elle n’est pas très drôle. Est-ce une tragédie, et la plus belle qui soit : l’histoire d’un homme qui obtient enfin tout ce qu’il veut mais qui perd sa femme dans le processus ? La Conquête n’est alors pas assez aux côtés de son personnage principal. Si Sarkozy est un personnage de tragédie, il ne fait pas le montrer seulement les dents longues, drôle et agressif, mais mettre clairement le spectateur de son côté. Il faudrait le rendre peut être pas sympathique, mais au moins empathique : pourquoi tant de haine ? Pourquoi séduire toutes les femmes et vouloir garder celle-là ? Qu’a-t-elle de plus ? Durringer et Rotman (son scénariste) n’ont probablement pas la réponse, mais la fiction, elle, l’a sûrement.

– la confiance dans le cinéma : rien, absolument rien de cinématographique dans La Conquête : plan fixes, champs contre champ, dialogues autour d’une table, personnages pérorant immobiles dans un décor et des accessoires inexistants. On est dans la pire dramatique télé façon ORTF.

Il n’en reste pas moins que La Conquête reste un OVNI passionnant pour notre génération, une sorte de best of de la droite des dix dernières années. Saluons également le courage de pionniers qui entoure cette entreprise, les producteurs étant les premiers à se jeter dans le bain du film politique, un genre cruellement absent en France, qui plus est sur un sujet aussi brûlant.

On se délectera aussi des performances hallucinantes de Bernard Le Coq en Chirac et Denis Podalydès en Nicolas Sarkozy. Rien qui pour ça, La Conquête vaut ses 10 euros.




vendredi 26 août 2011


Captain America First Avenger
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Nous voilà partis, avec Mr Malakansar, pour voir Melancholia, le Deep Impact danois de Lars von Trier. Complet ! Vraiment pas de chance ! Nous voilà obligés d’aller voir Cowboys et Envahisseurs (my choice) ou Captain America First Avenger (his choice).

Le croirez-vous ? Pour une fois, j’ai abandonné tout dogmatisme (et cette loi interne qui m’interdit d’aller voir des mecs crypto-gays en collants bleu-blanc-rouge), pour suivre enfin la Voie de la Raison : aller voir un film réputé bon (selon les critères de Ludo Fulci) plutôt qu’un film descendu par la critique, mais qui me faisait envie. Et me voilà chaussant ma paire de lunettes 3D, qui pèsent une tonne sur mon nez pointu et qui gâche toute la chatoyante colorimétrie de Captain America First Avenger.

Eh bien, j’ai bien fait : Captain America est une excellente surprise, un très bon divertissement, drôle, subtil et amusant.

D’abord, parce que devant la ringardise de son héros (Captain America, c’est quand même très tarte), les scénaristes font preuve d’une exceptionnelle finesse. Exposition en détail du background (le gringalet héroïque qui veut faire la guerre comme tout le monde), et qui résonne étonnamment avec le fabuleux documentaire The War de Ken Burns : oui, beaucoup de jeunes américains la voulaient, cette guerre, ne serait-ce que pour échapper à l’ennui.

Deuxième finesse, quand l’action commence, on croit que c’est parti, et pourtant non. Voilà notre Captain America, tout en muscle, qui ne sert plus à rien. Sauf, peut-être, à vendre des Bons du Trésor. Joe Johnston nous entraîne alors dans dix minutes étonnantes (Chorus Girls, tournée pan américaine façon Mémoire de Nos Pères), ce qui permet au passage (ce deuxième effet Kis-Cool n’est pas innocent) de torpiller la gangue « héros de propagande » qui entoure ce pauvre Captain dans notre imaginaire Marvel.

Ensuite, évidemment (au bout d’une heure !), First Avenger devient un peu plus business as usual, et notre héros peut enfin kick some ass.

Mais là aussi, on est dans le tout bon : Nazis, Ordre de Thulé, Yggdrasill, Base Secrète, un folklore qui fleure bon le Weird War 2, et les Twisted Forties…

Et dès que le film risque de se prendre un peu au sérieux, un humour omniprésent vient décaper tout ça, grâce au génial Tommy Lee Jones…

A ne pas rater, même si on n’aime pas les mecs en collant…