vendredi 10 août 2012
Les Joueurs
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -
Les films ]
Les Joueurs est un film culte chez les amateurs de poker, souvent l’une des « Madeleines » à l’origine de leur passion. Le film de John Dahl (Last Seduction, Red Rock West), sorti en 1998, est effectivement – et tout à la fois – un panégyrique du Texas Hold’em, un film pédago (« comment gagner au poker en 10 leçons« ), une défense morale du jeu (« ce n’est pas un jeu de hasard, mais un jeu de stratégie« ) et un mélo/film d’action dans la plus grande tradition américaine.
Au début, le héros, Matt Damon perd une grosse somme contre John Malkovich (caricatural en grand méchant russe). Matt décide d’arrêter pour l’amour de sa jolie fiancée blonde proprette (Gretchen Mol). Heureusement une chaudasse brune tourne dans les environs (Famke Janssen) et surtout Lucifer lui-même, Edward Norton, escroc à la petite semaine, grand joueur de poker, et roi des embrouilles. Évidemment, tout va partir en vrille, et les deux vont vite devoir 25 000$ à Malko lui-même.
Selon le vieux principe GCA (objectif inatteignable + horloge qui tourne), le suspense est à son comble ! Comment va-t-il faire ? Comme Perceval, il va gagner « à la régulière » contre le Dragon Russe, qui, bon prince, acceptera sa défaite.
Le film est plaisant, pas trop caricatural sur le poker, et donne furieusement envie d’aller piquer du blé aux touristes d’Atlantic City…
vendredi 3 août 2012
The Rocky Horror Picture Show (a love story)
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... -
Les films ]
Récemment, j’ai fait quelque chose que je m’étais interdit de faire : j’ai emmené ma fille voir The Rocky Horror Picture Show. RHPS, ce n’est pas un film. Le RHPS, ce n’est pas quelque chose qu’on peut posséder, et a fortiori, donner. Aucune VHS, aucun DVD, aucun Blu-ray ne peut donner une idée juste du Rocky, car c’est un rite initiatique. Une franc-maçonnerie. « On en est », ou « on n’en n’est pas » !
Quand on entre dans LA salle (eh oui, le film ne passe que dans une salle en France depuis 30 ans), l’impétrant doit d’ailleurs répondre à la question rituelle : « Y’a-t-il des vierges dans la salle ? » En clair, des gens (les pauvres !) qui viennent au Rocky pour la première fois. Et le choc peut être rude. Il faut être prêt à entendre (authentique) des gens hurler pendant le film, chanter, danser sur la scène (sic), jeter du riz (véridique) ou de l’eau, et plus souvent qu’à son tour… bref, c’est une performance.
De quoi parle le Rocky ? Au fond, cela a peu d’importance, c’est le destin même du film qui est passionnant. Mais pitchons quand même ! Un couple d’étudiants coincés (Brad et Janet), décident, au mariage de leurs amis, de se fiancer, car Janet a attrapé le bouquet de la mariée. Puis ils rendent visite à leur Professeur et ami le Dr Scott, mais sur la route, crèvent un pneu. Sous une pluie battante, les voilà contraints à trouver un endroit pour téléphoner (nous sommes en 1973, pas de portable !) Mais qui sont ces gens dans cette étrange bâtisse, et qui semblent attendre un incroyable événement ? A l’issue d’une nuit initiatique (à tous points de vue) Brad et Janet se réveilleront le lendemain matin plus tout à fait les mêmes.
On le voit, l’histoire est plutôt abracadabrante, le film étant avant tout une parodie/hommage des films de la Hammer (Frankestein, Dracula…), aux serials des années trente (King Kong, Flash Gordon), aux films de SF des fifties (Tarantula, Le Jour où la Terre s’Arrêta, etc.)
C’est aussi le prétexte à chansons et danses, car le Rocky est d’abord une comédie musicale, créée en 1973. L’œuvre de Richard O’Brien parodiait ces films cultes en rajoutant transsexuels, drogue, et Rock’ n’ Roll. Comédie musicale à succès, à Londres, puis à New York : Hollywood s’empare immédiatement du sujet et monte un film avec une partie du cast. On y ajoute une jeune star montante (Susan Sarandon), mais le tournage en Grande Bretagne est épouvantable, les acteurs frôlant la pneumonie dans le château glacial qui sert de lieu de tournage.
Le film sort néanmoins en 1975, et, à la surprise générale, est un bide intégral. Il va quitter le réseau des salles quand un petit malin du marketing de la 20th Century Fox a le réflexe d’étudier attentivement les chiffres. Certes, le film ne marche pas, mais certaines salles ont un taux de remplissage maximum. Pourquoi ? Creusant les maigres données en sa possession, la Fox découvre que le film marche très fort en double feature, les projections façon « Dernière Séance » où l’on peut voir deux films pour le prix d’un. Et plus particulièrement dans les salles des grandes villes (NY, LA, Chicago…) proches des campus.
En assistant à une séance, il découvre l’embryon de ce que va devenir le RHPS : certains spectateurs se sont passionnés, au premier ou au second degré, pour le film, ont appris les chansons et les répliques par cœur, en ont inventé de nouvelles, souvent salaces et parodiques ; certains viennent même déguisés comme les personnages ! Le film est devenu un barnum interactif qui attire chaque jour plus de monde…
La Fox revoit alors sa distribution : une salle par grande ville, une seule séance le samedi soir, et une exclusivité 50km autour. Le phénomène s’amplifie, débarque en Europe et s’installe de la même manière : ainsi, le Studio Galande a l’exclusivité du Rocky pour Paris et sa Banlieue. S’il est projeté dans cette zone, c’est ce cinéma qui s’en occupe et récupère les sous. Et ce sont ces deux seules séances hebdomadaires du RHPS qui font vivre, au milieu d’une quinzaine d’autres films, ce cinéma Art et Essai depuis 30 ans.
Pour sa part, le Professore a découvert le Rocky dans une convention de SF à Rambouillet, précédé d’un étrange avertissement : « merci de ne jeter ni riz, ni farine, ni eau pendant la projection ». Évidemment, sa seule envie fut d’en savoir immédiatement plus. Un coup d’œil sur L’Officiel des Spectacles (l’Internet des années 80) permit d’identifier l’unique salle qui diffusait le Rocky : le fameux Studio Galande. Dans son écrin du Quartier Latin, nous fîmes – avec le camarade AG Beresford – la découverte de Frank, étudiant gay irlandais qui nous initia… aux subtilités du Rocky.
Car le film est vivant et repose entièrement sur la tradition orale transmise par le « Cast », la troupe d’amateur qui l’anime pendant deux ou trois ans avant de partir ailleurs, c’est à dire fonder une entreprise de semi-conducteurs ou une famille en Ardèche. Les blagues sont donc ultra-générationnelles : le discours de Nixon dans la voiture situe l’action en 1973, mais nos blagues, en 1986, tournaient autour du slogan du PS « Au secours, la Droite revient ! », hurlé en chœur quand la Créature est poursuivie par une meute de chiens… Aujourd’hui, les blagues tournent autour de Ségolène Royal (la salle vide du discours final de Frank’n’Furter)… c’est la permanence du Rocky, c’est sa force, au-delà des blagues de cul potaches…
Mais assister au Rocky, c’est avant tout un Rite Initiatique, il y a un avant et un après Rocky. Une sorte de service militaire cinéphilique…
Le Rocky, c’est une phase de la vie, entre l’adolescence et la vie de couple, à l’image des héros du film, déniaisés par des adultes (certes un peu au-delà de la moyenne). D’un côté le narrateur, vieux casse-burnes tradi, de l’autres une bande de transsexuels de la planète Transsexual, Transylvania : choisis ton camp, camarade ! Mais c’est surtout pour le spectateur, le vrai, pas celui qui vient une fois au Rocky pour voir, mais bien celui QUI Y RETOURNE… une fois que l’on fait partie du truc, c’est une famille, une bande… L’idée de participer à quelque chose d’excitant et de transgressif, et de partager ça… Mais aussi, une sorte d’arbre généalogique de la cinéphilie : Sarandon, elle a fait quoi après ? Ah bon, Barry Bostwick, c’est le maire de NY dans Spin City ? Et Tim Curry, l’officier russe dans Octobre Rouge ?? Et c’est quoi cette histoire d’empeachment de Nixon… ???
Au Rocky, on rencontre toujours des gens cultivés et cinéphiles… Avouez qu’il y a pire voisinage…
mercredi 1 août 2012
La Fièvre au Corps
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -
Les films ]
Replongeons nous encore et toujours dans les années 80 : « Il fait chaud » et donc c’est le climat parfait pour revoir encore une fois le chef d’œuvre de Lawrence Kasdan.
La Fièvre au Corps, c’est à la fois la rencontre d’un producteur à succès (Alan Ladd, qui sort de Blade Runner) et d’un réalisateur débutant (Kasdan*) et la naissance d’un couple mythique : William Hurt** et Kathleen Turner***. Pour les plus jeunes, imaginez Angelina Jolie et George Clooney.
En 1981, toutes les filles sont folles de William Hurt, son doux sourire, et sa touche de folie, et elles aimeraient avoir la classe – estampillé âge d’or d’Hollywood – de la Turner.
Le film va les révéler et leur ouvrir en grand les portes du succès.
Mais c’est quoi, ce film ? Kasdan n’y fait que moderniser le polar des années 50 ; femme fatale, corruption et mari gênant. Mais il y ajoute une touche moderne, érotique et brûlante, sur fond de Floride corrompue, qui ne sera pas pour rien dans son succès de l’époque.
Au début du film, Ned Racine (William Hurt) en est l’illustration même : avocat queutard, incompétent, et vivotant sur des affaires minables. Il va rencontrer LA femme, qui va évidemment faire dérailler cette locomotive déjà bien branlante. Les scènes de sexe, torrides pour l’époque mais surtout pour les USA, le langage cru et la sexualité qui y est dépeinte n’ont que peu d’équivalent dans la cinéma US mainstream, même aujourd’hui.
Mais ce n’est pas le seul intérêt du film. Non seulement l’intrigue est brillante, se complexifiant seconde après seconde, mais les personnages sont sculptés au laser. Chacun a sa personnalité, subtile et détaillée. Les seconds rôles ne sont pas les simples faire-valoir de notre duo de star, mais viennent au contraire enrichir l’intrigue, et approfondir la toile de fond. Ainsi, Ted Danson, le procureur danseur, J.A. Preston, le flic droit et honnête, et Mickey Rourke, qui en deux scènes rafle la mise, viennent ajouter leur touche au tableau intimiste peint par Kasdan.
Quant aux deux principaux acteurs, ils sont époustouflants, changeant en permanence de registre, alors que l’intrigue part en vrille, jusqu’à l’explosion finale.
La Fièvre au Corps est un classique.
*Kasdan illuminera les eighties : Les Copains d’Abord (1983), Silverado (1985), Voyageur Malgré Lui (1988), Grand Canyon (1991), tout en signant quelques petits scénarios au passage : L’Empire Contre-Attaque, Le Retour du Jedi, Les Aventuriers de l’Arche perdue et Bodyguard. Puis il périclitera dans les années 90.
**William Hurt ne dépassera pas cette première célébrité, mais sera toujours en guest quelque part…
***Kathleen Turner sera LA bombe classy des années 80 : A la Poursuite du Diamant Vert, Les Jours et les Nuits de China Blue, l’Honneur des Prizzi, Peggy Sue Got Married, La Guerre des Rose, puis l’alcool aura raison d’elle. Pour mieux parfaire la légende, Kathleen Turner se retirera des plateaux pour se consacrer au théâtre (refusant de « s’infliger ce que les actrices s’infligent (NDLR : de la chirurgie esthétique) pour continuer à travailler ». Elle a fait depuis quelques apparitions – mémorables – Virgin Suicide, par exemple, et en père de Chandler (sic) dans Friends.
lundi 30 juillet 2012
The Dark Knight Rises
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]
Aïe aïe aïe ! Quel gâchis ! Que de talents (déco, acteurs, mise en scène) gâchés ! Et tant d’argent investi* ! Heureusement, ça va rapporter….
C’est vrai que les deux premiers opus étaient brillants, et que The Dark Knight Rises se devait de conclure en beauté la trilogie. Qui d’ailleurs, de ce point de vue, est l’une des plus réussies.
Pourtant, The Dark Knight Rises ne casse pas deux pattes à un canard.
Pourquoi ? Certes, l’histoire ne tient pas plus debout que dans les deux autres épisodes, mais là, trop, c’est trop ! Pire, on s’ennuie ferme. D’abord parce qu’il y a peu d’action (il y en avait trop dans le deuxième épisode), ensuite parce que l’histoire est abracadabrantesque, et qu’elle est écrite par (et pour) des enfants de huit ans. Même scénarisée avec talent, même repeinte avec cette pseudo couche « adulte » dont le marketing nous bassine les oreilles, ça ne passe pas.
Cette fois-ci, les méchants c’est « Occupy Wall Street » et ils font la révolution au centre de Manhattan, (Gotham a été inexplicablement téléportée de Chicago à NY City).
Pourquoi Wall Street ? Pour introduire un virus (les méchants n’ont pas Internet.) Pourquoi un virus ? Pour ruiner Bruce Wayne. Pour quoi faire ? Pour qu’un Petit Méchant, qui croit que le Grand Méchant travaille pour lui, mais découvre finalement que c’est l’inverse, puisse prendre le contrôle de Wayne Industries… Pourquoi ? Euh là, ça devient plus très clair parce qu’ils ont déjà tout cassé.
Pourquoi le Professore vous raconte tout ça, malgré la politique résolument « no spoiler » de CineFast ?
Parce qu’on s’en fout royalement, des rebondissements dans les rebondissements des rebondissements… Et même si c’est la marque de fabrique de M. Nolan, on finit par se demander s’il n’est pas payé au rebondissement dans le rebondissement…
Quant au propos du film, il est confus également : on ne sait pas très bien où est Nolan là-dedans ; et on se dit qu’ils ont raison les damnés de la terre. Car Nolan filme avec jubilation la dépossession des richards de Manhattan, expiant leur richesse révolue. Avec, en chœur grec, Miss Hathaway en costume moulant de Catwoman**.
On finit se demande si Nolan ne penche pas vers cette révolution possible, tout en montrant les errements. Même confusion côté Forces de l’Ordre, où Nolan, puisque la Police ne fait pas son travail, semble pencher pour le retour de Vigilantes. C’est à peu près le contraire qu’il défendait dans les deux précédents opus…
Venant d’un film qui va rapporter un milliard de dollar, et qui est loin de l’ambiguïté de Fight Club, on reste pantois. L’Amérique semble dans le film se poser soudain des questions existentielles (pourquoi autant d’argent ? pourquoi autant de violence dans nos villes ? pourquoi sucer le sang des pays pauvres ? pourquoi vivre dans une opulence insolente sans se préoccuper de l’avenir de la planète ?)***, tout en proposant des solutions moralement douteuses pour en sortir….
Bref, cela laisse l’image peu rassurante d’une Amérique post-11 septembre, qui cherche à se faire peur : ce Cinéma de Petit Garçon que nous postulions dans Batman Begins, et qui prend ici une amère saveur.
* 250M$ quand même le budget de Titanic, un record à l’époque
** très moulant, le costume ! Photoshop ? Quant à la citation « There’s a storm coming, Mr. Wayne. You and your friends better batten down the hatches, because when it hits, you’re all gonna wonder how you ever thought you could live so large and leave so little for the rest of us »
*** Notons que ces questions sont systématiquement posées par les méchants de la trilogie
dimanche 29 juillet 2012
Moonrise Kingdom
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]
L’été, « C’est le temps des copains, et de l’aventure« , c’est aussi le moment de rattraper l’actualité ciné. On avait raté Moonrise Kingdom, on y va. Et on applaudit des deux mains.
Car Wes Anderson fait partie de ces gens, comme Lars von Trier, Arnaud Desplechin, ou Christopher Nolan, qui, dans des genres totalement différents, croient encore dans le pouvoir magique du cinéma.
C’est particulièrement vrai chez Wes Anderson, car il ne s’accorde aucune facilité. Pour commencer, il jette par dessus bord toute tentation de réalisme. Ses célèbres cadrages « perpendiculaires », ses maisons-maquettes, ses personnages au cordeau, tout est là pour dégoûter a priori le spectateur. Sans parler de son goût pour le pitch bizarroïde, dont on imagine l’inquiétante étrangeté qu’elle doit dégager dans un bureau d’un cadre de la Fox ou de la Warner : « L’action se passe en 1965 sur une île, c’est un jeune scout de 12 ans qui fugue, car il est tombé amoureux de la fille des Bishop (Bill Murray et Frances McDormand seraient parfaits dans le rôle, by the way), sinon je verrais bien Bruce Willis en Chef de la Police et Edward Norton en Chef Scout. Et Harvey Keitel en Commandant Scout… Ça s’appellerait le Royaume de l’Aube ! »
Mais non, Wes Anderson trouve ses acteurs, finance sa reconstitution sixties aux petits oignons, et trouve le temps là-dedans de nous faire rire et de nous émouvoir. Car ce sens de l’absurde, cette fascination du cadre parfait pourrait se révéler stérile, comme chez Jeunet. Mais chez Anderson, tout cela n’est qu’habillage, il y a derrière de vrais personnages, de vraies tragédies, il y a un cœur qui bat derrière cette maîtrise.
Et pour revenir à notre antienne, le cinéma de WA a beau être naïf, Douanier-Rousseauiste, happy-endiste, il n’a rien de gentillet.
Continuez, mon petit Wes, vous irez loin.
samedi 28 juillet 2012
Alien, le 8ème visionnage
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -
Brèves de bobines -
Le Professor a toujours quelque chose à dire... -
Les films ]
Dans la cadre de notre programme « Transmission des Savoirs et des Compétences », nous avons montré Alien, le chef d’œuvre de Ridley Scott, à la Professorinette. D’abord pour éviter qu’elle ne le voit n’importe comment avec Kevin ou Klara, en mangeant des Chupa Chups tout en zappant sur Secret Story. Ensuite pour qu’elle voie la bonne version, c’est à dire pas l’horrible Director’s cut où Ridley Scott cru bon d’ajouter en 2003 tout ce qu’il avait bataillé pour enlever en 1979*.
Verdict de la Professorinette : « C’est bien, mais ça fait pas peur… »
Avant de hurler sur les ados blasés, incultes, drogués aux jeux vidéos et incapable de séparer le bon grain (les conneries des années 80) de l’ivraie (les conneries des années 2010), tentons d’analyser le phénomène. Et laissons parler l’adolescente.
« Je n’ai pas eu peur, » confie-t-elle à CineFast, « contrairement à Shining, qui lui, fait vraiment peur (brave petite !) Et l’Alien, tu m’avais dit qu’on ne le voyait pas du tout, pourtant on le voit plusieurs fois ! Et en plus, j’avais déjà vu la créature : dans Martin Mystère, il y a un type qui se déguise en alien. Et la scène des œufs, elle est aussi dans un dessin animé que j’ai vu petite. »
Voilà, tout est dit : Alien est tellement important qu’il a déjà laissé son empreinte dans la culture populaire, même enfantine. On ne peut avoir peur de quelque chose qui est déjà présent partout, on ne peut avoir peur de quelque chose que l’on découvre dans le confort du canapé**, et pas pas dans le noir absolu de l’espace… d’une salle de cinéma.
* pour l’anecdote, j’avais interdit à ma sœur de le voir sur une télé, lui promettant de l’emmener au cinéma dès qu’il ressortirait. Finalement, nous l’avons vu en 2003, dans cette maudite version.
** Moi qui le connaît par cœur, j’ai sursauté deux fois. Quand Ripley fait tomber une boite à l’infirmerie, et quand le chat s’échappe !
jeudi 26 juillet 2012
Les Enfants de Belle Ville
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]
Il est 21h au MK2 Hautefeuille, quand soudain, les mâchoires d’acier d’Asghar Farhadi se referment sur vous. Vous venez de comprendre ce que vous êtes venu faire aux Enfants de Belle Ville. Car, comme dans A Propos d’Elly ou Une Séparation, Farhadi prend tout son temps.
On ne vous racontera pas ce qui se passe dans Les Enfants de Belle Ville, parce que c’est justement le plaisir Farhadiste et impressionniste de découvrir, par petites touches, la vraie nature des personnages, leur parcours, qui part souvent du noir et blanc (le jeune détenu, la femme mariée, le père chagriné) à gris, c’est à dire des personnages bien plus ambigus.
C’est par cette installation progressive des personnages que l’intrigue – en apparence monolithique – progresse, mais elle va accoucher des dilemmes cornéliens si chers à Asghar Farhadi. Car Les Enfants de Belle Ville est sûrement ce qui se rapproche le plus aujourd’hui de la tragédie classique, dans notre beau modèle cornélio-racinien. Sachez simplement qu’il sera question de pardon : comment le donner, ou comment l’obtenir.
Si cette fois-ci on change de milieu, en quittant la bourgeoisie iranienne pour les Barrios de Téhéran (voie ferrée et voitures en ruine), on ne change pas les obsessions du réalisateur : montrer les ambiguïtés de la vie sociale, de la morale, et de la religion. Et de demontrer qu’à une question, il y a toujours plusieurs réponses.
Même si on sent un Farhadi débutant (éclairage et jeu parfois hésitant des acteurs*), Les Enfants de Belle Ville (2004) est un film indispensable de 2012.
*sauf la lumineuse Taraneh Alidoosti, déjà dans le rôle d’Elly
mercredi 25 juillet 2012
The Dark Knight
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -
Les films ]
The Dark Knight pose un problème majeur au CineFaster. Œuvre à la croisée des mondes, mi-auteuriste (réflexions sociologiques sur l’évolution des sociétés contemporaines), mi-GCA/conte de fée avec explosions en cascades et poursuites haletantes.
Son succès colossal (1 milliard de dollars), et la place qu’a pris Christopher Nolan sur ce terrain (il est aux commandes de l’autre grande franchise DC Comics, Superman (Man of Steel, dirigé par son concurrent Zack Snyder), pose question.
Qu’est-ce qui remue autant les foules autour de Batman ? On en parle ici, mais le succès colossal de l’épisode 2 est intriguant. Il y a bien sur la performance du Joker, et le suicide par overdose de son incroyable interprète Heath Ledger, qui a boosté la curiosité autour du film. Il y a aussi la personnalité du Joker (on en parle ici), véritable métaphore du refoulé américain.
Mais le film ? Bien sûr, on est abasourdi devant un tel feu d’artifice : personnages innombrables, casting Triple A, intrigues qui s’accumulent et rebondissent dans tous les sens (la fameuse scène du ferry), poursuite et combats ininterrompus… le CineFaster ne peut qu’applaudir à deux mains devant tant de talent, supérieur au déjà très bon Batman Begins. Mais à la fin, que reste-t-il ? Pas grand’ chose…
On aura du mal, par exemple, à raconter l’histoire de The Dark Knight, à part un improbable affrontement entre le Joker, Batman, des mafieux, et la naissance d’Harvey Dent, ancien District Attorney reconverti (de manière assez ridicule, comme d’habitude dans les comics) en superméchant vengeur, Double-Face.
Comme ailleurs, le talent de Nolan cache mal la pauvreté du propos. Et l’on avance ceci : si Zack Snyder, plus léger, plus fun, en un mot plus Bruckheimerien, faisait finalement un cinéma plus sérieux ? 300 laisse un souvenir plus clair, L’Armée des Morts est devenu un classique du film de zombies, Watchmen a une histoire compréhensible, et certes Sucker Punch était fun mais raté, mais on le savait dès le scénario…
Allez faisons un pari : dans vingt ans, on s’étonnera du succès benhurien de la trilogie Batman, qui sera passé du statut d’eskimo sucré à celui peu enviable de choucroute irregardable…
mardi 24 juillet 2012
Batman Begins
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]
Bon alors, Batman commence… Dès le début, on est pris par ce sentiment ambivalent qui ne nous quittera plus, entre ce que Nolan a de bon (une très grande maîtrise technique) et de moins bon (ce sens du truc qui ne tient pas debout.)
Donc voilà notre Bruce Wayne qui a perdu ses parents à cause de sa phobie des chauves-souris. Il veut se venger, mais n’y arrive pas, alors il décide de devenir lui-même un bandit (J’avoue avoir lâché à cet endroit précis…) Bandit, oui, mais en Chine ??? Mais il est récupéré par Liam Neeson qui lui propose de rejoindre une secte Ninja, dont le but millénaire est de détruire les grandes cités corrompues (Babylone, Rome… Gotham), c’est bien, y’en a qui suivent !
Notre gars Bruce accepte, jusqu’au jour où on lui demande de prouver son courage en tuant de ses propres mains un assassin, mais là, Bruce Wayne, il est pas d’accord ! Il est très en colère, mais c’est dans le fond un américain humaniste. Bruce détruit Shangri-La et tous ces salopards de Ninjas et retourne gérer la boite à papa, dirigé par Rutger Hauer (ça sent l’embrouille). Mais Bruce rencontre un tas de gens sympas prêts à l’aider, en souvenir de papa Wayne, qui était une sorte de bienfaiteur de l’humanité des temps modernes. Du majordome (Michael Caine), au super ingénieur (Morgan Freeman), tout le monde aime Bruce.
Toute cette mise en place du mythe Batman est pas mal du tout, mais ça tourne vinaigre quand on passe aux scènes d’action : car les méchants débarquent, avec leur plan machiavélique : lancer une drogue de panique à travers toute la ville. Je vous la fait courte, Batman pétera la gueule à tout ce petit monde et ramènera l’ordre, non sans se poser quelques questions existentielles…
Où est la fameuse touche Nolan dans tout cela ? Eh bien, évidemment, dans cette couche philosophico-politique qu’il superpose aux trépidantes aventures de notre héros en collant noir. Et cette partie est tout à fait réussie : bien filmée, mise en scène parfaitement jouée par ce casting extraordinaire que la franchise a réussi à recruter. Autre apport : le scenario façon Nolan, c’est-à-dire tout emberlificoté dans ses fameux flash-backs, qui cachent un peu la misère.
Car pour le reste, non seulement les combats sont confus, et Christian Bale parfaitement ridicule avec sa grosse voix de Batman, mais ça reste du pur Batman, c’est à dire à dormir debout. Le Professore appelle ça du Cinéma de Petit Garçon : « On dirait que Batman il aurait été fait prisonnier par le Dr Crane, mais il arrive à s’échapper, sauf que sa Batmobile, elle a été sabotée !!! »
Bref, on rigole bien, mais il ne faut pas prendre les vessies du Professore pour une Laterna Magica.
mardi 24 juillet 2012
Batman begins, returns, rises
posté par Professor Ludovico dans [ Les films -
Pour en finir avec ... ]
Ça y est je me suis lancé enfin dans la « Trilogie Nolan » ; j’ai vu Batman Begins, The Dark Knight, et bientôt en salle : The Dark Knight Rises.
En prolégomènes (ça fait toujours bien de dire « en prolégomènes »), je dirais ceci : on peut habiller une vache avec une robe de mariée, ça restera toujours une vache. Même quand Karl Lagerfeld s’appelle Christopher Nolan.
Car Batman, arrêtons ce relativisme geek et honteux, c’est quand même pas Dostoïevski ! Les comics, c’est pas Tintin ! C’est pas Moebius non plus… Si l’on extrait quelques œuvres marquantes (From Hell par exemple), le reste tient plus de la littérature jetable, certes parfois de qualité, mais jetable quand même.
Donc, quand Christopher Nolan joue l’ambition (« Vous allez voir ce que vous allez voir ! »), on peine à oublier la faiblesse du propos : des méchants sont en ville, ils ourdissent un plan capillo-tracté de domination mondiale et de destruction universelle, tandis que Batman se pose des questions métaphysico-existentielles, et finit par résoudre ces questionnements jungiens à coup de latte dans la gueule.
Mais prétentieux ne veut pas forcément dire ennuyeux, donc, dans le détail, ça commence juste en dessous.
Batman Begins
The Dark Knight
The Dark Knight Rises