mercredi 14 novembre 2012


Les Marches du Pouvoir
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

Le cinéma engagé de Clooney et Soderbergh est éminemment sympathique a priori, puisqu’il reste le seul à proposer un cinéma de gauche aux Etats-Unis qui soit à la fois réaliste, indépendant, intéressant, et passionnant sur la forme et le fond.

Quand on relit ces 7 critères, on verra que ça disqualifie beaucoup de films indépendants, de Little Miss Sunshine à La Nuit Nous Appartient, et qu’il reste peu de cinéastes américains disponibles sur le créneau.

Les Marches du Pouvoir fait donc partie du dispositif, écrit été réalisé par Clooney, produit par Di Caprio, et interprété par Ryan Gosling, Paul Giamatti, George Clooney, Philip Seymour Hoffman, et Evan Rachel Wood.

C’est bien, c’est intéressant, fort bien joué, mais il manque un tout petit peu d’épice pour que ça soit parfait.

Cette histoire de jeune conseiller idéaliste (Gosling) qui travaille pour le grand manitou des primaires (Philip Seymour Hoffman) commence comme beaucoup d’autres, de Primary Colors à Bob Roberts. Clooney va insérer petit à petit du venin dans son scénario, tout en se réservant le second rôle (le candidat aux Primaires), Démocrate parfait. Pourtant chacun va perdre ses illusions. Ainsi va la politique.

Bizarrement, Les Marches du Pouvoir n’a pas la force brute (et drôle) de Primary Colors, n’a pas le temps (comme The West Wing) de développer ses personnages, ce qui fait que tout cela nous laisse un petit goût de pas mal, mais qu’on aurait du mal à chaudement recommander.

En même temps, c’est ça ou Qui Veut Épouser Mon Fils ?




lundi 12 novembre 2012


Skyfall
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Bon, les gars, c’est quoi votre truc avec James Bond ? D’où vient cette passion aveuglante, débilitante, autour de l’agent 007 ? Pourquoi les meilleurs esprits perdent tout sens commun, tout goût cinéphilique, toute élémentaire capacité de jugement dès qu’il s’agit de Mister Bond ? Comment concilier une passion pour Le Trône de Fer, The Wire, Les Sopranos, l’œuvre de Moebius, les écrits de James Ellroy, de Howard Philips Lovecraft, les films de Kubrick et de Lynch, les chansons de Jagger/Richards, j’en passe et des meilleures, et les aventures pathétiques de l’agent 007 ?

Moi, je déteste James Bond. Pire, je l’ignore.

Pour moi, la franchise a toujours été minable, et son succès, incompréhensible.

C’est pourquoi j’avais jeté un regard amical – et surpris – au reboot. Casino Royale ou Quantum of Solace avait le mérite de nettoyer tout ça et de proposer un nouveau départ. Mais là, le ciel nous tombe sur la tête.

Comment en effet, gaspiller autant de talents au service d’une histoire aussi ridicule ? Car du talent, il y en a. Sam Mendes, d’abord, que je ne porte pourtant pas dans mon cœur, mais qui fait là preuve d’une véritable compétence, tant dans les scènes d’action que dans la direction d’acteur, et dans l’émotion brute, composante rare dans l’univers flemingien.

Les comédiens ensuite, qui sont tous excellents, à commencer par Daniel Craig, immense dans la première partie du film. Et la déco. Et les cascades. Et les images, exceptionnelles, qui – malgré tout – vont rester dans nos têtes, comme par exemple Javier Bardem courant dans le crépuscule d’une maison en flammes.

Mais tout cela est mis au service d’une histoire ridicule, un scénario à la San Ku Kai ou à Goldorak, ce que le Professore appelle le cinéma enfantin.

D’où sort une intrigue aussi minable, si ce n’est d’une cour d’école primaire ? Qui d’autre, à part un enfant de sept ans, peut créer un méchant aussi pathétique que Javier Bardem ? Affublé de la pire perruque de la franchise, dont Nicolas Cage ne voudrait même pas, le blondinet Tiago Rodriguez a pour ambition de dominer le monde. Tiago veut aussi se venger du MI6, car c’est un ancien des services secrets, et M l’a « trahi ».

Et plutôt que de la tuer d’une balle de 45 dans la tête, comme John McLane le ferait en toute simplicité, le blondinet préfère faire sauter une bombe dans le bureau de M quand elle n’est pas là, pour attirer l’attention des médias sur le fait qu’il a en sa possession l’identité de tous les agents de l’OTAN infiltrés dans des organisations terroristes, ce qui va amener le gouvernement anglais à convoquer M à une audience publique à Westminster, et ce sera donc plus facile de la tuer (il y aura dix fois plus de gardes, NDLR). Entre temps, James Bond, attiré par un mystérieux jeton de casino trouvé sur un type qu’il vient de tuer à Shanghai, se rendra à Macao et arrêtera Tiago (mais en fait, c’est fait exprès), pasque Tiago, il a tout prévu, et justement, quand il s’échappera par les égouts de l’ancien bunker de Churchill (puisqu’il a détruit les locaux du MI6, vous suivez ?), il aura placé une bombe pile là où James Bond se tiendra, et comme ça 007 prendra une rame de métro sur la tête qui arrivera pile au bon moment. Entre temps, Tiago se sera déguisé en policier parce que deux types à l’attendront pile à la bonne station…

Oui, je spoile, et j’en ai rien à foutre.

Le reste sera tout aussi grotesque : l’évasion vers l’Ecosse pour se retrouver seul contre tous (sic), l’assaut tout en finesse des tueurs chevronnés (tous en ligne, comme dans Barry Lyndon), la maison qui explose, l’hélicoptère, l’Aston Martin, etc., etc.

Dommage, parce que la première demi-heure de Skyfall est extraordinaire. Une formidable poursuite, une James Bond Girl enfin crédible (Naomie Harris), la mort de James Bond et sa difficile résurrection. Et une remise en cause passionnante de l’espionnage à papa, où Craig, Fiennes et Dench excellent. Sans parler de la scène d’anthologie à Shanghai, où Sam Mendes en appelle aux mânes d’Orson Welles, et à la scène aux miroirs de La Dame de Shanghai.

Voilà ce qu’aurait pu être James Bond, dans les mains d’un auteur, et ce, qu’évidemment, il ne sera jamais.




lundi 12 novembre 2012


Vestiaires en Access Prime Time !
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]

Pour une fois, citons L’Express, le magazine du Hollande-Bashing. Mais c’est pour la bonne cause : « Une humoriste handicapée du rire se fait remplacer par des handicapés, qui font vraiment rire » Et oui, comme disait Desproges, il ne suffit pas d’être heureux, encore faut-il que les autres soient malheureux…

Car c’est Anne Roumanoff, la comique chansonnière fifties et son humour rassis façon Théâtre des Deux Anes, qui se fait éjecter du créneau le plus hot de la télé (19h50). Éjecter, pas par n’importe qui, mais par les copains, c’est-à-dire Avalon Films, et leur série comique sur les handicapés ; oui, vous avez bien lu – aucune ironie là dedans – une série. Humoristique. Sur des sportifs. Handicapés.

Vestiaires.

Ils oeuvraient jusque là en Division d’Honneur, vers 13h, les voici en Premier League, juste avant Pujadas. Allez donc y jeter un coup d’œil, c’est drôle, et décomplexé.

Et ça rendra le Professore immensément riche. Evidemment.

Vestiaires, saison 2
France 2
Du lundi au vendredi à 19h50




samedi 10 novembre 2012


Looper
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Looper, c’est le genre de film qui combat la morosité cinéphilique. Le film que tu te cites à toi-même pour te motiver à retourner au cinoche : « Allez, on sait jamais, ça sera peut-être une bonne surprise, comme Looper ! »

Parce que c’est une sacrée bonne surprise, Looper. Un scénariste réalisateur qui sort du diable-vauvert (vous les avez vu, vous, Une Arnaque Presque Parfaite ou Brick ?), un scénario en béton, une interprétation et une réalisation aux petits oignons.

Looper commence pourtant comme une bonne GCA, un-kilo-deux-elle-fait-un-peu-plus-je-vous-la-mets-quand-même : en 2044, Joe (Joseph Gordon-Levitt) est un Looper, un tueur à gages qui exécute des contrats qu’on lui envoie du futur via une machine à remonter le temps. Se débarrasser d’un corps dans le passé, en voilà une bonne idée !! Jusqu’au jour où l’on vous envoie vous-même avec trente ans de plus, ce qui s’appelle boucler la boucle. Pas facile de se tuer soi même, surtout quand c’est Bruce Willis, le Vous avec trente ans de plus, à dézinguer !

A ce moment-là de Looper, on s’installe confortablement dans son fauteuil, on arrête de mater la voisine et on reprend du pop corn. Intuitivement, le CineFaster sait qu’il n’est pas chez Rivette.

Mais en fait, Looper va décoller imperceptiblement, vers des sommets totalement inattendus. Par exemple, avec le voyage dans le temps. Dès le début, ce gros malin de Rian Johnson nous a prévenus, au travers de l’excellent Jeff Daniels, qui joue un caïd du futur enjoué : « On va pas s’emmerder avec ça, paradoxes temporels et tutti quanti, je pourrais t’expliquer comment ça marche, mais ça nous prendrait la journée… »

Piège.

Car si Johnson envoie bouler le spectateur en lui rappelant qu’il est au ciné, et pas à un cours sur la physique quantique, il va en fait appliquer sa feuille de route à la lettre, sans avoir l’air d’y toucher*.

C’est l’atout rafraîchissant de Rian Johnson : il n’a pas l’air de se prendre la tête, mais son film est éminemment sérieux. Sérieux, comme un exposé bien fait. Sa reconstitution du futur n’est pas réjouissante (les USA au bord de la famine, les européens à la ramasse, et les chinois qui prennent tout), elle est bricolée avec trois bouts de ficelle (je te prends des voitures européennes, je te colle des fils électriques dessus et des panneaux solaires, et ça fait le plat pour saucer)… Mais petit à petit, le film prend de l’ampleur. Les enjeux augmentent. D’un simple film de gangster SF, on passe à une quête plus personnelle (comment passer du petit con égoïste à l’homme mûr ? qu’est-ce qui fait un tueur ? son caractère ? ou son enfance ?). Et on change allègrement de genre : polar SF, comédie, drame psychologique, love story…

Rian johnson prend tout son temps. A plusieurs moments, le film semble long, et pourtant, sentiment extraordinaire et inouï pour le Professore, on ne s’en plaint pas.

Car Looper se positionne à l’exact opposé de la scène US actuelle : pas de bastons interminables, pas de plan de coupe tous les dixièmes de secondes, pas d’effets spéciaux qui se la pètent. Non, l’argent est là où il doit être, quand c’est nécessité par l’intrigue : une véritable révolution copernicienne pour le cinéma de genre habitué à la photocopieuse à scénario et au marteau-piqueur comme outil de montage.

Rian Johnson au contraire installe son histoire dans ce Kansas mythique (Le Magicien d’Oz), ses personnages, et le contexte si spécifique des loopers. Il a quelque chose à raconter, et ne se laissera pas distraire par aucune tentation, et notamment la tentation de la grandeur.

Quand son film atteindra les plus hautes altitudes, c’est qu’il sera terminé.

*De même, le spectateur ferait bien de s’intéresser à une sombre histoire de portée de tir, ça pourrait resservir.




dimanche 4 novembre 2012


Starship Troopers
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

Comme bien d’autres, Paul Verhoeven fait partie de ces réalisateurs européens qui ont fait le voyage à Hollywood ; la grande Usine à Rêves, telle la déesse Kali, dévorant les jeunes talents pleins de fougue pour nourrir son ventre toujours plus gros.

Comme ses illustres prédécesseurs (Lubitsch, Hitchcock, Lang), Verhoeven a essayé d’insinuer un peu de poison dans la machine, un peu de cerveau européen dans le muscle américain, un peu de subversion dans un cinéma disneyé à l’extrême.

Starship Troopers en est la plus élégante démonstration. La plus pernicieuse, aussi.

Au départ, il y a un livre très réac, Etoiles, Garde à Vous ! écrit par Robert Heinlein en 1959. L’histoire est la même : des jeunes gens s’engagent dans l’infanterie mobile pour devenir des Citoyens. La guerre fait rage contre les extraterrestres, des arachnides grouillants n’obéissant qu’à un unique cerveau (si vous n’avez pas compris l’allusion à la vermine communiste, merci de changer de blog). Par leur courage indéfectible, nos jeunes fantassins infligent une terrible défaite aux arachnides. Le livre est particulièrement mauvais, même dans le contexte de la Guerre Froide.

Le coup de génie de Verhoeven, c’est de refuser absolument de moderniser l’histoire, mais au contraire de l’adapter telle quelle. Car son projet est autre : jouer le premier degré, c’est en effet exposer sa connerie au grand jour. Et Verhoeven ne va pas faire les choses à moitié : d’abord, il caste des beaux gosses incroyables et des filles sublimes dans les profondeurs du soap américain (Casper Van Dien et Dina Meyer (Beverly Hills), Denise Richards et Patrick Muldoon (Melrose Place), bref, que des dents blanches parfaites, des brushings au carré, même quand le sang verdâtre alien leur dégouline sur le visage.

Coup de vice supplémentaire, il va plaquer, en loucedé, une esthétique nazie sur l’ensemble. Costumes afrikakorps grisés pour l’aéronavale, aigle comme symbole de la Fédération, blonds aux yeux bleus à droite et à gauche, mais surtout, des scènes, piquées plan pour plan au Triomphe de la Volonté, le chef d’œuvre de Leni Riefenstahl (idéologie mise à part, évidemment !) sur le congrès de Nuremberg en 1934. Par exemple, la première scène, où chacun se dit prêt « au combat », ou une plus loin, une scène expurgée depuis : « D’où viens-tu soldat ? » « De Buenos aires ! » « De Dublin ! » « D’Austin, Texas ! », répondant aux mêmes plans de volontaires dans Triumph des Willens : « De Rhénanie ! De Franconie ! De Bavière ! »

Évidemment, ces allusions ne passèrent pas inaperçues à la sortie, et depuis, certaines scènes ont été coupées. Mais ces ajouts au roman initial, si profondément inclus dans la trame du film, ses dialogues, ses décors, transforme radicalement le propos.

Désormais, Starship Troopers a deux couches : un film d’action très réjouissant, Full Metal Jacket rigolard (les séquences d’entraînement plutôt gore), western insectoïde façon Alamo (le fortin assiégé), Star Trek dans la Kriegsmarine (batailles dans l’espace kitschissimes), Love Story à deux balles (un homme, deux femmes, la guerre). Au service de cela, le casting ultra brite, le ton enjoué des dialogues « C’mon you apes, you wanna live forever? », la déco ultra kistch et ultra propre des vaisseaux, des costumes, et des fusils en plastique.

Mais dans le même temps, Verhoeven peint sa deuxième couche autoparodique : les combats sont extrêmement réussis, violents et gore (éventration, suçage de cerveau, membres tranchés dans le vif avec giclées de sang sur la camera) ; on voit des seins (assez rares dans le cinéma US), et si les décors et les vaisseaux sont peu réalistes, les arachnides sont incroyablement modélisés en 3D.

Mais le coup de maître, c’est quand Verhoeven ajoute ces fameuses séquences informatives, parodie d’Internet « Do you want to know more? », du Triomphe de la Volonté, et de Why We Fight, les films de propagande US réalisés par Capra pendant la guerre.

Le piège se referme alors sur le spectateur : si on aime ces personnages, ces scènes d’action hypervitaminées, et ces films d’endoctrinement très drôles, alors en quoi est-on différent des nazis ?

Ce fut l’explication de Verhoeven à l’époque « La guerre rend tout le monde fasciste ». son humour caustique, dévastateur, est évidemment une attaque déguisée contre l’Amérique proprette qui se veut toujours le parangon de la démocratie. Mais comme le dit Jean Rasczak, le Professeur redevenu Lieutenant d’Infanterie : « le droit de vote, c’est un pouvoir ; le pouvoir, c’est exercer une violence* ».

Insérer une leçon de morale politique bien cachée au fond d’une GCA, il fallait le faire, Verhoeven l’a fait.

Rien que pour ça, il faut voir Starship Troopers.

* « When you vote, you are exercising political authority, you’re using force. And force, my friends, is violence. The supreme authority from which all other authorities are derived. »




vendredi 2 novembre 2012


Victoire de l’Empire
posté par Professor Ludovico dans [ Hollywood Gossip -Le Professor a toujours quelque chose à dire... -Les gens -Pour en finir avec ... ]

Depuis 48h, la rédaction de CineFast est assaillie de demandes d’interview exclusive. Du monde entier, du Magyar Nemzet de Karl Ferenc, de l’Osservatore Romano de Ludo Fulci, on souhaite recueillir l’avis du Professore.

Ses assistantes, Magenta et Columbia, prennent les appels, mais ne savent que répondre : le Professore est injoignable. Il travaillerait à un livre-somme sur Starship Troopers ou à une analyse détaillée de l’influence de Kubrick sur l’art de l’origami au Japon.

La vérité oblige à dire qu’il n’en est rien. Le Professore s’en fout.

Comme de son premier pyjama Star Trek, de ses DVD de San-Ku-Kaï, ou de son 45t de Capitaine Flam dédicacé par Richard Simon.

From day one, le Professore n’aime pas George Lucas. Ce petit voleur à la tire de la SF sans talent, qui a construit son œuvre, tel le Facteur Cheval, en accumulant des bouts du travail des autres (Dune, Flash Gordon, les films de guerre aérienne des années quarante, les Chevaliers de la Table Ronde) pour écrire son petit univers minable de gentils et de méchants galactiques qui a, à notre grand désespoir, conquis la planète, tandis que les chefs d’œuvres de la SF croupissent dans les tiroirs d’Hollywood, attendant une adaptation*…

George Lucas est un escroc. Un bon producteur (Star Wars, Indiana Jones), mais un réalisateur lamentable (Star Wars, le film), un scénariste pitoyable (Star Wars 1-2-3). Les meilleurs Star Wars ont été réalisés par d’autres (Irvin Kershner) et scénarises par d’autres (Lawrence Kasdan).

George Lucas n’a rien fait d’autre après. THX 1138 est intéressant, American Graffiti pas mal, mais en dehors de ça ?

Donc, si vous voulez mon avis (et que vous n’êtes pas encore allez vous réfugier sur Oth, comme toute racaille Rebelle qui se respecte), le rachat par Disney est une BONNE nouvelle. Même pour vous, les lucasseux ! Cette franchise de produits dérivés va enfin produire de vrais films, les premiers depuis L’Empire Contre Attaque. Ça sera toujours aussi sirupeux et passionnant que les amourettes galactiques de Luke Skywalker, mais au moins il y aura une début, une fin, trois actes, des comédiens dirigés, des effets spécieux lisibles, et une musique audible.

Bienvenue dans le cinéma professionnel !

* Je fournis une liste personnelle, au cas où Bob Iger jetterait un coup d’œil à CineFast, une fois fini la lecture de Variety : Chroniques Martiennes, Les Monades Urbaines, La Ruche d’Hellstrom, Croisière sans Escale, Babel 17, L’Orbite Déchiquetée, Ubik, La Grande Porte, Demain les Chiens, Martiens go Home, Les Voyages électriques d’Ijon Tichy , La Guerre Eternelle, Radix, et, en heroic fantasy : Terremer, Le Cycle des Épées, Elric le Necromancien, L’Ombre du Bourreau, Les Neuf Prince d’Ambre…




jeudi 1 novembre 2012


Case Départ
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

Case Départ, c’est un peu Retour Vers le Futur aux Antilles. Qui n’a pas la prodigieuse construction de son ancêtre (accumulation d’enjeux jusqu’à l’explosion de rires finale), mais qui n’est pas sans attrait. D’abord le sujet, car il y a très peu de films sur l’esclavage, encore moins français, et encore moins de comédies sur le sujet.

Le pitch déjà est étonnant ; lui aussi : deux noirs d’aujourd’hui, caricatures assumées. Joël (Thomas N’gijol), est un petit voyou, braqueur de vieille dames, père à la ramasse, obsédé sexuel, mais se prétend « victime du racisme », et qui prétend avoir trouvé la rédemption dans l’islam. Une paire de fesses dans un jean trop moulant l’écartera rapidement de cette nouvelle vocation. Régis (Fabrice Eboué) est tout le contraire : un métis très intégré, trop intégré. Conseiller municipal, il se croit obligé de rires aux blagues FN de son maire, et fait la leçon aux africains qui ont le malheur de passer dans son bureau. Marié à une femme blanche moins raciste que lui (Blanche Gardin, qu’on aimerait voir plus souvent et dans d’autres rôles que seconds), il mange du Pont l’Evêque, et écoute Laurent Voulzy.

Un coup de téléphone va les réunir : leur père est mourant. Les voilà demi-frères. Ils se découvrent et, évidemment, se détestent. Sur son lit de mort, Le père leur livre un ultime héritage, le trésor de la famille : le document qui émancipa leur ancêtre en 1780, et en fit un homme libre.

Pour une fois, les frères sont d’accord : cet héritage, c’est de la merde ! Furieux de ne pas hériter d’un vrai trésor en doublons sonnants et trébuchants, les deux compères déchirent le parchemin, au grand dam de leur tante. Pas de chance, celle-ci est une mambo, une sorcière vaudoue. D’un nuage de fumée de sa pipe magique, elle les envoie d’où ils viennent : les Antilles, 1780.

Comment rejoindront-ils leur présent ? Trouveront-ils la rédemption ? C’est le sujet de Case Départ.

La première réussite du film est d’utiliser ses deux caricatures pour traiter, dans les grandes largeurs, les thématiques habituelles du Jamel Comedy Club. Et comme le fit cette nouvelle scène, d’apporter un nouveau souffle à la comédie à la française, en abordant des thèmes jusque là interdits aux comiques français de souche, comme dirait la famille Le Pen. On peut enfin traiter le racisme sous tous ses angles, sans complexe, comme par exemple l’homophobie noire. Gag récurrent de Case Départ (avec un final pour le moins attendu), les deux personnages s’efforcent de démontrer pendant tout le film « qu’ils ne sont pas pédés ». De même, l’épisode des Neg’ Marrons montrent nos personnages prêts à tout, enfin presque.

Le seul regret que l’on pourra opposer à Case Départ, c’est probablement une caricature trop appuyée des blancs, trop gentils ou trop méchants (mais quand on voit le traitement du camp d’en face, difficile d’appuyer trop longtemps cette critique).

Plutôt, on leur reprochera de n’en avoir pas assez fait. Il y avait matière à saturer Case Départ de gags (à l’image du running gag du T-Shirt Scarface), et de pousser ses gags le plus loin possible.

A coup sûr, on guettera les prochaines productions Ngijol & Eboué.




mardi 30 octobre 2012


Homeland, divided we fall
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]

« Pourquoi tuer un homme, si on peut tuer une idée ? » s’interroge un personnage de Homeland dans le Season Finale.

C’est, très simplement, ce que fait la série : tuer une idée, sa propre idée ontologique, celle qui donnait envie de rester coincé le jeudi en éteignait les portables, les tablettes, les iMachins et les iChoses. Une belle idée, en vérité. L’idée de décrire la culpabilité qui traverse la démocratie américaine depuis le 11 septembre. De trancher dans le vif, Guantanamo, l’Afghanistan, Haliburton et les échecs de la CIA et du FBI.

Malheureusement, à force de tordre ses concepts de départ : Armée – Famille – Patrie et de voir ce qu’il en reste après le tsunami al-qaedesque, Homeland montre ses limites, jusqu’à l’implosion.

C’est ce que le Professore appelle le « cinéma adolescent ». Un cinéma Mouai-Euh, On-Dirait-Que, Ho-Là-C’est-Trop-Injuste… Vous vous rappelez de ça, non ? Quand vous jouiez dans la cour de l’école à refaire Mission : Impossible ? Mais voilà, maintenant on est dans la cour des grands, on n’est plus censés jouer. Les américains, si. Et Homeland, c’est ça : quand tout à coup, effrayé de sa propre audace (un de ses GI, le cœur de l’Amérique, serait passé du côté obscur), il se sent obligé de tempérer son propos. D’expliquer sa conversion (en idéalisant l’Islam, voir chronique précédente). De justifier sa décision (les petits nenfants irakiens tués par les méchants drones américains). De pitcher évidemment, sa saison 2 (en relançant le suspense d’une manière abrupte)… Qui y perd là dedans ? Le réalisme, évidemment. On ne croit plus à ce personnage, qui semble aimer ses enfants, mais est prêt à détruire son pays, voire plus. Qui arrête son geste, parce que sa fille lui demande… qui peut être machiavélique et aimant à la fois… et invoquer les mânes de Gettysburg tout en voulant détruire le gouvernement américain ? On retombe là sur les fondamentaux US, décrits déjà dans Armageddon (oui, oui, le film avec le météore) : l’Ennemi est intérieur, ce qui nous guette c’est la tyrannie, c’est Washington.

Pitié.

Comme l’a dit De Villepin « c’est un vieux pays, la France, d’un vieux continent, l’Europe, qui vous le dit aujourd’hui, qui a connu les guerres, l’occupation, la barbarie… » Ce n’est plus possible de filmer de telles conneries (c’est le Professore qui ajoute), de faire un cinéma qui a peur de son ombre, de ses audaces à deux balles, et qui court se mettre à couvert quand les obus commencent à tomber.




samedi 27 octobre 2012


Damsels in Distress
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Une des choses les plus pitoyables au monde, c’est je crois, une salle où tout le monde rit, et vous ne comprenez pas pourquoi. Cela m’est arrivé plusieurs fois, et c’est un sentiment assez désagréable. Tout comme son extrême inverse : rire tout seul, comme un idiot, tandis que la salle ne semble pas comprendre l’humour glacé et sophistiqué de Whit Stillman, scénariste et réalisateur de Damsels in Distress.

C’est facile d’être fan de Whit Stillman, il n’a réalisé que quatre films : Metropolitan, Barcelona, Les Derniers Jours du Disco, et Damsels in Distress. On peut donc très rapidement devenir un expert mondial de Whit Stillman, le Woody Allen WASP, mais qui n’aurait fait que des bons films.

Car son cinéma est lui aussi très circonscrit : il ne s’intéresse qu’à ces blancs riches et protestants qui naissent et meurent dans l’est des Etats-Unis, tout en se reproduisant entre eux. Pire, il ne s’intéresse qu’à la jeunesse dorée WASP, dans ses rallyes de fin d’année (Metropolitan), ses pitoyables tentatives d’expatriation (Barcelona), son passage à l’âge adulte (Les Derniers Jours du Disco) ou ses pérégrinations Ivy League (Damsels in Distress).

Voici donc trois jeunes filles de bonne éducation, Violet, Heather et Rose, formatées robe beige et chaussures plates, qui recueillent sous leur aile Lily, la petite nouvelle en Converse et jean, mais très loin pour autant de la punk à skateboard.

Ces jeunes filles ont des idées sur tout et surtout des idées, gèrent un Suicide Prevention Center sur le campus à l’aide de donuts et de chocolat chaud, fréquentent quelques balourds de la Fraternité locale, et ont pour objectif de « laisser une trace dans l’histoire », en lançant une nouvelle danse à la mode, par exemple.

On parlera aussi de Baisers Volés, de Godard et de Truffaut, du Catharisme et de l’arrogance des journalistes, de Fred Astaire* et de l’odeur corporelle, de Zorro et de balle anti-stress.

Cette génération dorée, qui ne doute de rien et croit tout savoir, parce qu’elle gouvernera le monde demain ou épousera quiconque le gouvernera, Stillman a le génie de s’en moquer que légèrement. De toute évidente, il fait partie de cet univers. Au contraire, il pose sur eux un regard empathique… Ses personnages sont arrogants, voire carrément stupides (et tout particulièrement les garçons), mais le réalisateur de Metropolitan préfère enchaîner les petits gags, les phrases nunuches, qui, en se superposant tout au long du film, font naître les situations les plus abracadabrantesques, sans jamais détruire complètement ses personnages.

A la fin de la séance, je patientais aux toilettes quand une jeune fille, avec seulement quelques années de plus que ces demoiselles en détresse, me demanda en souriant, de ce sourire béat que l’on peut avoir à la fin du séance de cinéma : « Vous avez aimé ? » Son point d’interrogation n’était que formel.

Ça y est, nous étions deux.

* Damsel in Distress (Une demoiselle en détresse) est aussi le titre d’une comédie musicale de Fred Astaire de 1937




dimanche 14 octobre 2012


Copland
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

J’ai résilié mon abonnement à TCM, parce que je n’y regardais jamais rien. Mais il me reste encore un mois, et en zappant, on ne tombe pas que sur Arsenic et vieilles Dentelles ; on peut aussi tomber sur Copland, le chef d’œuvre de James Mangold, pour ceux qui n’étaient pas nés dans les années 90.

Copland, c’est le surnom d’une petite ville fictive du New Jersey. Le shérif de Copland n’est autre que Sylvester Stallone, qui signe là son plus grand rôle, loin des bêtises sur la boxe ou le Vietnam. La vie du shérif Heflin est tranquille, entre accidents de voiture et chiens perdus sans colliers. Et pour cause ! Copland porte bien son nom : elle n’est peuplée que par de flics New Yorkais, venus trouver un havre de paix pour leurs familles, pas loin de la grande cité.

Mais derrière cette vision idyllique, se cache une organisation parallèle, quasi-mafieuse, organisée par des flics ripoux, et dirigée par Ray Donlan (Harvey Keitel), qui gère tout, de l’attribution des logements aux chantiers de construction, et qui se rémunère par de généreux pots de vin.

Une bavure, que l’on tente de couvrir tant bien que mal, va déclencher un tsunami dans cette bourgade bien tranquille, et amener les flics du BIA (la police des polices americaine) à s’intéresser à Copland. Au milieu de l’action, Heflin, le flic un peu benêt (en fait à moitié sourd) va finalement se révéler héroïque.

Si vous n’avez pas encore vu Copland, il est temps de réviser ses classiques. Son scénario est implacable, sa description des caractères impitoyable (de l’ex-cocaïnomane (Ray Liotta) au flic frustré du BIA (Rovert de Niro). A la tête d’un casting impeccable, où l’on retrouvera les plus grandes star télé des années 2000*, siège Sylvester Stallone, immense en héros handicapé, tentera de ménager la chèvre et le chou jusqu’au bout, car solidaire de la communauté qui le protège depuis toujours. Mais sa profonde honnêteté aura-t-elle le dessus ?

C’est tout l’enjeu de Copland, que je vous laisse découvrir.

* Peter Berg (futur réalisateur de Hancock et Battleship), Robert Patrick (X-Files), Michael Rapaport (Prison Break), John Spencer (The West Wing), Frank Vincent ou Edie Falco (Les Soprano), John Doman (The Wire, Borgia)