samedi 22 décembre 2012


C’est les fêtes !
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... ]

Joyeux noël, bonne année, et tout le toutim ! Mais cette année, surtout, le père noël des cinéphiles est passé, on ne sait par quel miracle, sur vos programmes télé !

Bien sûr il y a Peau d’Ane, comme d’habitude, mais pas que ça, pour une fois. Blade Runner, Le Tigre du Bengale (Fritz Lang, période indienne), Frankenweenie (le court métrage), Ed Wood, un cycle Hitchcock, un cycle James Bond, Treme saison 2, Titanic, et tout ça sur les chaînes hertziennes ! Que demande le peuple ?

Alors oubliez les cadeaux des gosses, le saumon fumé à acheter, les parents à appeler : coupez le téléphone ! Allumez la télé !

C’est noël, vous dis-je !!!




mercredi 19 décembre 2012


Mad Men, saison 5
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]

La mauvaise rumeur, venue d’Amérique*, voudrait que cette saison de Mad Men soit moins bonne que les autres. Où ? Quand ? Déjà quatre épisodes, nimbés de perfection weinerienne : aucune trace de faiblesse, aucun repli tactique vers des rebondissements éhontés, souvent signes d’un manque d’inspiration. Mad Men est toujours là, ce sont juste les Mad Men qui sont fatigués.

Nous sommes en 66, et le vieux monde est en train de disparaître : LSD, ségrégation raciale, rébellion de la jeunesse, tout est en place pour détrôner nos anciens rois du monde. Don Draper à la ramasse avec sa jeune et nouvelle épouse, Betty et ses vingt kilos de trop. Des noirs, enfin, à des postes normaux. Des jeunes loups qui menacent l’ordre publicitaire établi. Tout est en place, en fait, pour le grand chambardement à venir, deux ans plus tard.

Et tout cela est filmé avec la perfection, la légèreté, et le sens du non-dit qui a porté Mad Men au – tout petit – pinacle des séries américaines.

Si toutes les séries vieillissent comme cela, on achète !

* mais liée aux dures négociations financières qui ont retardé la saison 5 ; probable que les fans en ait tenu rigueur à Weiner, et par extension, à la série




vendredi 7 décembre 2012


Polisse
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

Il est des films qui vous arrivent comme dans un coup de poing dans la gueule. Par dandysme, je ne voulais pas voir Polisse à sa sortie. Trop de consensus, trop de branchouillerie Canal+, trop d’amis qui ne vont jamais au cinéma, mais qui t’expliquent que c’est le chef d’œuvre de l’année.

Hier, je cherchais un film pour me divertir (sic), pas trop long (il était déjà tard). Tiens Carnage, 76mn, why not ? Sauf que dans ma mémoire éléphantesque résidait une autre information, la péremption des films. Sur Canal à La Demande, les films restent deux ou trois mois, et après, nada. Va jusqu’au bout de la liste, Professore. Ils sont là, les films que tu dois voir en priorité.

Bam.

Polisse. Expire le 21 décembre. Allez, courage… On en regarde une heure, et on regardera la fin demain.

Comme le disait John Ford, il faut mettre la moitié du budget d’un film au début, et l’autre moitié à la fin. Le spectateur entre tout de suite dans l’histoire, et repart sur la meilleure des impressions, qui lui donne envie de revoir votre prochaine œuvre.

C’est exactement le programme de Polisse, qui vous scotche dès les dix premières minutes, s’arrange pour ne pas trop vous lâcher en route, et finit de manière grandiose. Pour sûr, j’irais voir le prochain Maïwenn.

Parfaitement servi par son cinéma-vérité, qui colle ici parfaitement au propos (la vie, la vie, rien que la vie), Polisse va enchaîner les morceaux de bravoure. Mélangeant les horribles témoignages des enfants abusés, les scènes de vie du commissariat (où l’on glande aussi), les vies annexes de la flicaille (anorexie, divorces, cocufiages divers).

Maïwenn souffle le chaud et le froid, alternant, avec un sens parfait du rythme, tragédie et comédie. Son art consommé du montage, qui semble capable de tirer parti de n’importe quel bout de pellicule, ou des multiples improvisations des acteurs. Et quels acteurs ! La Viard, impériale as usual, Marina Foïs, parfaite en vraie-fausse bonne copine de la précédente, Joey Starr, géniale oxymore dans un rôle de flic.

Bien sûr, il y a quelques faiblesses : le chef de brigade est un peu raté (et très mal joué), et le grand chef flic, franchement caricatural. Des choses marchent moins que d’autres : l’amourette Joey Starr-Maïwenn sent un peu le journal intime de la réalisatrice, et Mrs Maïwenn avec son Leica ne ressemble pas vraiment à un photographe embedded.

Mais tout ça ne sont que peccadilles, devant un film qui vous emporte, vous émeut, mais aussi vous fait rire. C’est la grande force du film, que de traiter d’un tel sujet en deux heures, si souvent mal-traité ou expliqué, et, de réussir à en faire le tour. Sans concession, mais pas sans compassion. Aborder les roms ou l’inceste sans se voiler les yeux, mais sans non plus tomber dans les clichés misérabilistes. Ça se passe ici, Paris Capitale de la France, pas à Outreau, et pas dans un bouge, mais dans une famille huppée, ou dans un gymnase, avec des petits blonds, ou des arabes…

J’ai fini le film à une heure du matin, et je n’étais plus fatigué.




mardi 4 décembre 2012


Fear and Desire
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Comme dirait notre regretté président de la république, « On va pas s’mentir, on va s’dire les choses » : Fear and Desire n’est pas un bon film. Un Kubrick, mais pas un bon film. Mal fait, mal monté, avec des dialogues pas terribles du tout et une mise en scène à l’arrache.

Et si on veut vraiment regarder les choses en face, Le Baiser du Tueur n’est pas un très grand film non plus. Kubrick ne devient un cinéaste qu’à partir de l’Ultime Razzia, et un génie, seulement à partir de 2001.

Pourtant, il faut aller voir Peur et Désir. D’abord parce que c’est une chance exceptionnelle qui vous est donné, cinéphile, de voir enfin ce film en salle. Kubrick l’avait violemment renié, avait essayé de détruire les copies existantes, ce qui est déjà en soi révélateur d’un étrange goût pour la perfection…

En fait le film ressemble à un film de fin d’études, avec quelques fulgurances arty (les scènes de combat stylisées, le montage des voix dans la forêt…), mais la plupart du temps, Kubrick enchaîne les erreurs de montage, de cadrage, et clairement, les acteurs ne sont pas dirigés.

Pourtant, toute l’œuvre de Kubrick est déjà là, en devenir. A travers une histoire très basique : un soldat, un caporal, un sergent, un officier, survivants du crash de leur avion. Mais ils sont en territoire ennemi. Comment retourner derrières leur lignes ? Leur officier, un beau gosse arrogant et sûr de lui (futur modèle du supérieur, à Stars and Stripes, de Mathew Modine dans Full Metal Jacket) a un plan beau comme une ligne droite : on construit un radeau et on se laisse filer sur la rivière. Le sergent n’aime pas le plan du lieutenant, et il n’aime pas le lieutenant tout court. Il n’est que haine des officiers. Le caporal se tait, et le jeune soldat, idéaliste, est en panique, bouc émissaire rêvé des trois autres.

Les structures sociales, si chères à Kubrick, sont en place ; le peuple, la caste dominante, la violence obligatoire : « on ne va pas faire la révolution maintenant ! », dit le lieutenant. Quoique.

Arrivés à une maison, ils tuent deux soldats à la baïonnette pour s’emparer de leur nourriture ; évidemment, ce sont les soldats, et pas l’officier qui se charge de la sale besogne. Cette scène est la seule véritable occasion de mise en scène : Kubrick filme seulement les mains des victimes, leurs pieds dans un bol de porridge, leur visage, et pas la violence de l’assaut. Néanmoins, l’effet reste saisissant.

Une fois rassasiés, les soldats repartent et tombent sur une femme, évidemment objet de leur convoitise. Laissée seule avec le jeune soldat, il commence à la caresser, elle simule le plaisir, et en profite pour s’enfuir. Il la tue, devient fou et disparaît. Dans cette scène, et dans d’autres de Peur et Désir, apparaissent pour la première fois les Masques, chers à Kubrick. C’est à dire le visage humain utilisé comme un masque grec, chargé des expressions les plus élémentaires : la folie (Peter Sellers dans Dr Folamour, Nicholson dans Shining), la convoitise, la peur, la bêtise crasse.

Entre-temps, le sergent a réussi à convaincre le lieutenant d’aller assassiner le général ennemi. Là aussi, thème Kubrickien par excellence : la pulsion de mort, la violence, que l’on habille des habits de la raison (tuer un officier, acte de bravoure ou vengeance sociale ?). Ou que l’on détourne à des fins étatiques (Orange Mécanique).

Quant à la femme, (jouée par la première Madame Kubrick, très belle), elle est toute emplie d’ambiguïté : terrorisée, objet sexuel promis à la convoitise des soldats (comme la deuxième madame Kubrick dans Les Sentiers de la Gloire)

Le final se termine façon Apocalypse Now, (toutes proportions gardées). Deux soldats sur un radeau remontent le fleuve, dans la brume, comme perdus, pour toujours, dans la folie de la guerre.

Reste l’étrange sentiment d’assister à l’éclosion d’une œuvre, et la naissance d’un génie.




mardi 4 décembre 2012


Le Stratège, deuxième
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

Un bon film, c’est un film qui vous hante. On continue donc de repenser au Stratège, et surtout à une scène en particulier (Brad Pitt qui écoute les matches de son équipe sur une petite radio, puis, nerveusement, coupant le volume, le remettant, le recoupant, comme pour éviter les péripéties du match – trop consommatrices de battements de cœur – et ne connaître que l’évolution du score.

Alors re-citons (récitons) Don de Lillo, qui a consacré son plus beau livre, Outremonde, à un balle de base ball :

« J’avais une radio portable que je trimballais partout. A la plage, au cinéma – là où j’allais ma radio allait. J’avais seize ans. Et j’écoutais les matches des Dodgers sur le toit. J’aimais être seul. C’était mon équipe. J’étais le seul fan des Dodgers dans le quartier. Je mourais intérieurement quand ils perdaient. Et c’était important de mourir seul. Les autres me dérangeaient. Il fallait que j’écoute tout seul. Et la radio me disait si j’allais vivre ou mourir. »

Impossible de croire qu’Aaron Sorkin n’a pas lu Outremonde, parce que cette scène, avec Brad Pitt seul dans un stade vide (on comprendra plus tard que son équipe joue à l’extérieur, et que Beane ne va jamais voir un match), le doigt sur le bouton volume d’un poste radio. Même s’il ne veut pas voir le match, Beane veut le résultat. Savoir, tout simplement, s’il va vivre ou s’il va mourir. Et dans ces cas-la, mieux vaut être seul, non ?




mardi 27 novembre 2012


La Neuvième Porte
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

Un grand film, c’est quoi ? C’est un film qui passe sur NRJ12 (en VF mal doublée), qu’on prend au milieu, et qu’on regarde jusqu’au bout, malgré l’alléchant Mad Men S05e1 qui nous attend sur Canal à la Demande.

Malgré tout ce qu’on a pu entendre sur ce film (à part un excellent plaidoyer, à l’époque, dans les Inrocks), La Neuvième Porte n’est pas un petit Polanski. Ou, au contraire, les petits Polanski sont les meilleurs Polanski (comme Ghostwriter, par exemple).

La Neuvième Porte, c’est une sorte de traduction cinématographique idéale du fantastique, un idéal qu’il a été quasiment le seul à atteindre. Pourquoi ? Parce que le genre y est enfin représenté en majesté, sans les habituels effets spéciaux, acteurs au rabais, scénarios gore ou inutilement violents. Pour une fois, on effleure le genre, en restant très proche du réel, ce qui le rend bien plus séduisant. Et bien plus terrifiant.

Les effets spéciaux, par exemple. Il y en a quelques-uns dans La Neuvième Porte, mais ils sont utilisés avec parcimonie. Pas de flot sanguinolent, pas de tête tranchée, pas de caméra virevoltante au-dessus du lit des damnés. Juste une petite musique entêtante, un regard de travers. Comme dans la vraie vie, quand soudain, l’irréel semble surgir du trottoir.

Parce que ce sont enfin de grands acteurs aux commandes (Johnny Depp, Frank Langella, Lena Olin, Emmanuelle Seigner, Barbara Jefford), qui jouent de vrais gens (bouquiniste voyou, millionnaire assoiffé de pouvoir, jet-seteuse sataniste à la petite semaine, sorcière du sabbat, vieil écrivain). Clichés de la littérature fantastique, ils sont enfin incarnés.

Parce que les décors sont réels. Le Paris des bouquinistes, le New York de la finance, le château à la campagne : tout sonne vrai.

Et parce qu’au milieu de cette trame simpliste (retrouver les 9 éditions d’un livre « écrit par Lucifer »), Polanski n’oublie pas de faire l’auteur, parsemant son film d’indices (les nombreuses portes, les représentations du diable (le chauffeur de taxi, le chien…)), ou en glissant son humour bien à lui dans une histoire, qui, sinon, se prendrait probablement trop au sérieux.

C’est ce mélange de terreur sourde et d’humour slave qui font de La Neuvième Porte un film étonnant, qui prend lentement – mais sûrement – sa place dans la cinéphilie.




dimanche 25 novembre 2012


Le Stratège
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

Le baseball, Aaron Sorkin, Brad Pitt, Soderbergh (puis finalement Bennett Miller aux commandes), voilà une affiche alléchante. Les américains sont passés maîtres dans le film sportif, probablement parce qu’évoluant dans une société plus égalitaire, le mépris du sport qui règne dans nos contrées n’existe pas outre-atlantique. Hollywood ne rechigne pas à faire des films sur le sport, sa beauté, son ingérable dramaturgie. La France, qui a pourtant de belles histoires sportives à raconter (France 98, le Tour de France, Noah, Tabarly…), nous en prive depuis toujours. La faute à la bourgeoisie française, qui fournit son quota de réalisateurs, et, partant, ses préoccupations et ses sujets.

Ici, Le Stratège entre dans cette longue lignée de film sur le baseball, mais amène un truc en plus, une modernité troisième millénaire qui est son principal atout : un film intelligent, subtil, pas si empathique que ça avec son héros. Un antihéros, plutôt : Brad Pitt est Billy Beane, ex-grand espoir du national pastime, mais qui a raté sa carrière de joueur et est devenu manager général des Oakland Athletics, les A’s. Problème : son équipe a un tout petit budget et chaque année, elle se fait piquer ses meilleurs joueurs par les Yankees ou les Red Sox.

Comment faire, alors, si ce n’est innover ? Au détour d’une négo pour acheter un joueur, il repère Peter Brand, un geek du baseball, qui connaît par cœur toutes les stats des 20 000 joueurs de la MLB. Uniquement à l’aide de ces chiffres, le stratège va bâtir une équipe moins chère, mais efficace. Avant, il devra combattre les réticences internes, les barons du baseball, les medias, et même sa propre famille. C’est la que Le Stratège est le plus intéressant.

Brad Pitt, qui prouve une fois de plus son immense talent, malheureusement masqué par son aura de star, incarne un Beane sympathique, mais pas plus que ça : un type entièrement centré sur son objectif, sans état d’âme, capable de virer un type en deux phrases.

Le contraire, somme toute, du mélo wagnérien façon Bruckheimer, Le Plus Beau des Combats, pourtant film-étalon du film sportif selon le Professore.

La bonne nouvelle là-dedans, c’est que la télé vient enfin régénerer le cinéma moribond, via Aaron « Maison Blanche » Sorkin. Le Stratège serait alors en fait être l’évolution naturelle du biopic, modernisé par l’inévitable Sorkin, qui ré-invente le genre après The Social Network avec ce motto : nous émouvoir sur le sort d’un connard génial.




mercredi 21 novembre 2012


Impossible… d’aller voir Impossible
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... ]

Là, trop c’est trop : on a l’habitude des bandes annonces qui mettent tous les gags du film en 2mn (Les Seigneurs) ou qui racontent l’histoire à l’avance (99% de la GCA).

Ainsi, Twilight part faïve – selon nos dernières informations – se termine très probablement par un affrontement général dans la lande enneigée, les Vampires en Peignoir contre les Vampires en Converse. C’est regrettable, mais pas tragique, car à vrai dire on s’en doutait un peu (et surtout on s’en fout).

La bande annonce d’Impossible fait de même : elle pose l’enjeu (jusque-là, normal) : une famille heureuse qui se trouve plongée dans la tragédie du tsunami de 2004. L’enjeu, dans une telle histoire, c’est évidemment « le héros va-t-il, à force de courage et d’abnégation (et de belles rencontres avec la populace locale) retrouver sa femme et ses enfants ? Et seront-ils toujours en vie à ce moment-là ? »

Malgré les apparences, je ne suis pas en train de me moquer. Aller au cinéma, c’est accepter de se laisser faire, de lâcher prise, et c’est un gars qui vénère Titanic qui vous dit ça.

Mais là, patatras, au bout de 30 secondes, on sait que la famille du petit Ewan McGregor est en vie. Et au bout d’une minute, qu’ils se retrouveront à la fin.

Impossible est la première bande annonce à se spoiler elle-même.

Il faut vraiment être très peu sûr de soi pour vendre son produit ainsi. Ou tout simplement, vouloir absolument rassurer son public : ne vous inquiétez pas les filles, vous n’allez pas voir un drame triste ; la vie est trop dure en ce moment (Triple A, mariage gay, victoire bretonne au Parc). Non, venez sans crainte : tout est bien qui finit bien.

Me voilà rassuré. Mais plus envie d’aller au cinéma.




dimanche 18 novembre 2012


Qui Veut Épouser Mon Fils ?
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... ]

Ca y est, c’est le retour du freak show de TF1, le moment où même la cinéphilie ne fait plus le poids. On arrête tout, et on regarde le crossover de l’année ; Maupassant vs Spartacus, chroniques paysannes vs marché aux esclaves ; Freaks et Twin Peaks en 6 épisodes… Inratable !

Que vient faire QVEMF dans CineFast ? Il faut maintenant admettre que la téléréalité est scénarisée, castée, filmée, montée, comme une véritable œuvre de fiction. Même si elle repose sur une certaine forme de réalité (les pauvres cobayes qui fournissent la matière première), elle use en fait à la perfection des techniques cinéma : la caractérisation, le cliffhanger, l’ironie dramatique, etc. ou des séries (arc, épisodes…)

La forme
Avouez que c’est remarquablement bien fait : la musique, sirupeuse sur les ralenties, hitchcockienne sur le reste, assénant les coups de théâtre / répliques, n’hésitant pas à pomper les pizzicati de Desperate Housewives quand il s’agit de souligner un mauvais coup qui se prépare… et les décors, incroyable chatoiement de pastels sixties, qui s’accordent aux tenues des biatches que QVEMF appelle pudiquement « prétendantes » : talons aiguilles, body en résille, et maquillage esthéticienne.

Le casting
C’est évidemment là où est tout le travail de TF1 : trouver, comme dans une sitcom, suffisamment de caractères pour plaire à l’audience la plus large : on aura donc l’idiot bogoss (Alexandre), le « chef d’entreprise » (David) et sa Barbie de mère complètement folle (Rachel), le sidekick pompier et sa môman (Fréderic), l’anomalie père fils au lieu de la traditionnelle mama (les deux agents immobiliers autobronzés, Julien, et son père), le freak (le pianiste belge, et sa mère, sortis de, réponse a) un film de Tim Burton, (b), d’un clip de Prince, (c) de Twilight : Annihilation.)

Les Dialogues
De ces personnages naissent évidemment des dialogues tous trouvés, moitié Audiard (« Moi, j’aime le caviar, pas le pâté de foie en boite ! »), moitié Labiche « Oui Manman ! ») Avec de tels dialoguistes, pas besoin d’en faire des tonnes « Pour moi, ta famille c’est un caillou. Et ma famille, c’est un aut’ caillou. Quand on les réunit ensemble, ça fait pas un gros caillou, ça fait un émir ! »

Six épisodes à ce rythme, on va défaillir…




jeudi 15 novembre 2012


Fear and Desire en salle !
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Grande nouvelle pour les amateurs de Kubrick : Peur et Désir, son premier moyen métrage, sort en salle. C’est un double événement : Fear and Desire est un film maudit, renié par Kubrick (il a tenté de faire détruire toutes les bobines existantes, et en disait beaucoup de mal). Il était impossible à voir jusqu’ici (même si une version de très mauvaise qualité tournait sur le net). Mais voilà qu’il sort remasterisé, et en salle !

Peu importe les réelles qualités du film (qu’on imagine faibles) : il faut aller voir Peur et Désir pour plusieurs raisons, et d’abord pour savoir ce qu’est un Kubrick imparfait. Jusqu’ici, nous ne savions pas ce que c’était.

Ensuite, cette obsession de cacher ce film, (même pour les cinémathèques !), est pour le moins troublant : qu’est-ce que Kubrick a à cacher, à part cette mineure imperfection de jeunesse ?

Pour le titre, aussi. Peur et Désir. Comment mieux résumer l’œuvre kubrickienne ? Dans chacun de ses films, le cinéaste mêle Eros et Thanatos.

Et parce qu’à l’évidence, ce film est séminal : c’est là que Kubrick esquisse son thème de la patrouille perdue. Des soldats se sont égarés en territoire ennemi, ils ont peur, et s’attaquent à une femme (la madame Kubrick de l’époque) ; voilà l’histoire de Peur et désir.

Ce thème, on va le retrouver sous de multiples avatars dans l’œuvre Kubrickienne : Les Sentiers de la Gloire commencent par exemple par une patrouille qui se perd une nuit de 14, dans les tranchées ennemies. Un homme est tué accidentellement, et deux soldats innocents le paient de leur vie, tandis qu’une femme manque d’être violentée (la future Madame Kubrick). Dans Dr Folamour, une patrouille de B-52 se perd au dessus des Iles Kouriles, sans radio, sans commandement, et déclenchent par erreur l’apocalypse tandis que le général, Jack D. Ripper (sic) s’interroge sur sa virilité.

Dans Barry Lyndon, le héros se perd derrière les lignes ennemies. Dans Full Metal Jacket, la patrouille s’égare dans les ruines de Hue, et finit par tuer une femme Viet Minh. Et Eyes Wide Shut peut-être vu comme un homme seul en territoire ennemi (la nuit new yorkaise) où il sera, là aussi, confronté à sa sexualité…

Il faut donc, pour remonter à la source de l’œuvre kubrickienne, (et son trauma originel ?) voir enfin Peur et Désir.