jeudi 26 octobre 2023


Les Grandes Familles
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

En 1958, Jean Gabin est dans sa seconde carrière. Après avoir joué le beau gosse rebelle des années 30 dans sa pentalogie magnifique (Pépé le Moko, La Grande Illusion, Le Quai des Brumes, Le jour se Lève, Remorques) il revient fatigué dans les années 50. Le Gabin d’après-guerre se spécialise dans les rôles de vieux con paternaliste. Ça donne des merveilles comme Le Président ou les Maigret, ou des coups de moins bien comme ces Grandes Familles

Le film commence comme une comédie où une voix off, sarcastique, énumère ce qui fait une Grande Famille : un général, un académicien, un mandarin… Au milieu de tout ça, Noël Schoudler, le patriarche, Jean Gabin himself, le seul comme d’habitude à avoir les pieds sur terre. Mais de fait, cela devient rapidement irritant. Schoudler fait la leçon à tout le monde, à son fils qui veut moderniser son journal, à une gamine enceinte dont on ne connaît pas le père, à son cousin, le dilettante qui dépense l’argent qu’il ne gagne pas (Pierre Brasseur, génial comme toujours…)

On imagine bien ce que pense le grand public à cette époque, celle de la  France d’OSS 117 et de René Coty : qu’est-ce qu’il leur met, le père Gabin ! Heureusement qu’il est là pour tenir la baraque, pour incarner les valeurs familiales !! On imagine également, exaspérés, les jeunes de 1958, du rock ‘n’ roll naissant et de la Nouvelle Vague…

Mais voilà, c’est à ce moment précis, où l’on commence vraiment à se lasser du show Gabin, que le film prend une drôle de tournure… Schoudler, dont on a pas vu une seule trace d’amour pour son fils (Jean Desailly), décide de lui donner une leçon financière. Il lui confie la gestion des sucrières Schoudler, le joyau familial, pour mieux démontrer son inaptitude, tout en confondant le dilettante. Il croit faire d’une pierre deux coups, ou, comme on dit en anglais, tuer deux oiseaux avec la même pierre. Il va en tuer un.

On comprend alors le piège tendu au spectateur par Denys de La Patellière : vous aimez bien Gabin ? Et bien voilà ce que ça donne, en réalité…

Comme dans un film américain, néanmoins, le film n’ose pas conclure aussi frontalement, ce serait trop noir pour la star Gabin. Un final un peu tiré par les cheveux va l’exempter d’une partie de la responsabilité, dans une pirouette qui ne trompe personne. Mais le ver est dans le fruit, la Nouvelle Vague arrive…