mardi 20 décembre 2022


Le 7ème continent
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

Bienvenue – si l’on peut dire – dans l’univers glacial de Michael Haneke, l’homme qui a hérité de la Chaire d’Entomologie Stanley Kubrick.  Dans ce premier film, qui fut à l’origine un téléfilm refusé par la télévision autrichienne, tout le talent clinique de Haneke est déjà là.

Description robotique de la vie quotidienne en Occident – métro-boulot-nettoyage auto – on suit la vie d’un jeune couple qui a l’air normal et heureux… Le mari en pleine ascension professionnelle, la femme ophtalmologiste qui travaille avec son frère et une petite fille charmante, mais qui un jour, simule l’aveuglement en classe.

Une fille d’ophtalmologiste ? L’aveuglement ? Les Hanekiens savent à quoi s’en tenir : la catastrophe est en route. On ne déflorera pas la suite (atroce, comme d’habitude) parce que le talent de l’autrichien est toujours de filmer ce que William Burroughs aurait appelé le festin nu, c’est à dire la réalité toute crue. Ici, l’implosion, l’effondrement, est rendu d’autant plus abominable qu’il est lent, inexpliqué, et calculé. Aucune explication psychologique ne viendra sauver le spectateur, lui fournir un quelconque exutoire. Haneke filme tout, de manière répétitive. Cela pourrait être gênant, pénible ou tout simplement chiant. C’est justement pour cela que l’autrichien insiste. Là où les cinéastes traditionnels caressent les spectateurs, Haneke les prend par le col, leur brise les cotes, et leur plonge la tête dans la boue glacée en les obligeant à rester les yeux ouverts.

On peut vouloir ne pas être brutalisé au cinéma, mais c’est rater quelque chose, car seul Haneke a cette franchise-là…