dimanche 5 mars 2017


Show me a Hero
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]

Il y a deux sortes de séries signées David Simon. Les séries au long cours, comme The Wire, ou Treme, où Simon déploie ses talents de romancier russe, ses quarante personnages dont on ne connait pas le nom et leurs intrigues enchevêtrées. Et puis il y a la version courte, Generation Kill ou Show me a Hero. Simon y est moins à l’aise, parce qu’il a toujours trente personnages, mais seulement six heures pour déployer ses ailes.

De fait, ces séries apparaissaient de prime abord un feu fades (rappelons que The Wire décollait à la troisième heure, ce qui explique le peu d’aficionados lors de sa diffusion).

Et puis, traditionnellement, elles ne se révèlent que dans le dernier épisode ou dans la dernière scène. C’est le cas de Show me a Hero : une série compliquée sur un programme immobilier social dans le Yonkers des années 80. On a connu plus vendeur, plus fun.

Mais le simonien fidèle sait être patient. Il se laisse exposer la galerie de personnages sur fond de Springsteen, et l’intrigue se déployer lentement. Peu importe si on ne comprend rien à ces histoires de zoning, de ballot vote et de majority leader, on sait qu’on aura tout compris à la fin.

Il y a des logements sociaux à construire à Yonkers, dans la banlieue de New York, pour loger la population noire qui s’entassée dans des tours de moins en moins salubres et gangrenées par le trafic de drogue. Ces logements sociaux doivent être dézonés, c’est à dire construits là où il n’y en a pas : chez les blancs. Qui n’en veulent pas, évidemment. NIMBY, not in my back yard. Toute ressemblance avec une situation française serait purement fortuite.

Il y a un procès en cours. Un jeune homme, Nick Wasicsko (Oscar Isaac, qui devient de film en film notre Al Pacino millenial), s’est fait élire contre ce programme de logements. Pas de chance, la ville perd le procès et menace d’être ruinée par les amendes.

Wasicsko prend ses responsabilités, et, contre sa base électorale, applique la sentence. Montre-moi un héros, je t’écrirais une tragédie, disait Fitzgerald. David Simon, avec Paul Haggis à la réalisation, déploient, au travers de ces vies minuscules (une junkie, une mère de famille, une retraitée) ou majuscules (le maire, ses adversaires, ses alliés), l’histoire en marche. L’histoire marche lentement, mais elle est implacable et tragique.

Aidé d’un casting énorme, connu (Catherine Keener, Alfred Molina, Bob Balaban, Jon Bernthal, James Belushi) ou inconnu (Ilfenesh Hadera, Carla Quevedo), Simon déplace sa montagne. Très lentement. Mais force est de constater, au dernier épisode, que c’est lui le plus fort.