dimanche 11 mars 2012


Moebius
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... -Les gens ]

Jean Giraud, alias Gir, alias Moebius, quasi inconnu du grand public, est une légende. Cette légende vient de s’éteindre à 73 ans, et c’est bien trop tôt pour tout le monde.

Car Moebius était un immense dessinateur, aux techniques multiples, un défricheur, et une grande influence sur le cinéma mondial.

Son histoire elle-même est étonnante : dessinateur classique, chapeauté par son mentor, le scénariste Jean-Michel Charlier, Jean Giraud crée Blueberry, probablement la série la plus passionnante de la BD francaise, faisant évoluer son personnage (et son dessin) de manière incroyable en 50 ans d’existence. Mais c’est la rencontre avec Druillet et Jean-Pierre Dionnet, qui mènera à la fondation du magazine Métal Hurlant, qui sera l’élément déclencheur.

Comme cela est magnifiquement raconte dans Métal Hurlant, La Machine à Rêver, de Gilles Poussin et Christian Marmonnier, c’est le jeune Dionnet (28 ans) qui pousse au cul le plus vieux (Jean Giraud, 37 ans), le plus expérimenté, le plus connu, à sortir des sentiers battus, n’hésitant pas à refuser purement et simplement ses planches trop conformiste du dessinateur-star. Il « décoince » Giraud, l’incitant à faire ce qui lui plait (de la SF) ; il fait sortir de la chrysalide Giraud le papillon Moebius. Un chef d’œuvre en éclôt : Le Garage Hermétique. Une œuvre tellement influente que quand Métal, au sommet de sa notoriété, ouvre sa succursale US en 1977, des petits jeunes méconnus (Spielbarg, Lucas, Ridley Scott…) se pressent au cocktail new yorkais pour rencontrer la légende.

C’est ainsi que Moebius allait devenir cette référence graphique, et participer à quelques chef d’œuvres (le projet avorté Dune, Alien, Blade Runner, et évidemment, le très Moebiusien Tron), puis Willow, Abyss, Le Cinquième Élément.

Souvent citée par les réalisateurs, son œuvre dessinée, trop délirante, trop poétique, n’a pas encore connu d’adaptation satisfaite. Même Blueberry, écrit au cordeau par Maître Charlier, a (parait-il) été massacré par Jan Kounen.

Pour l’anecdote (que je tiens de Michel Vaillant lui-même), Jean Giraud vint un jour déjeuner sur le plateau de Blueberry. Ils se mettent évidemment à parler BD, et Jan Kounen confie sa passion pour Moebius. « J’aimerais bien le rencontrer » conclue-t-il, avant que la tablée n’éclate de rire.

Espérons que son décès libère désormais l’imagination des adaptateurs.