samedi 27 août 2011


La Conquête
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Comme le dit très justement la Professora (qui a adoré), La Conquête est un objet filmique qui n’existait pas jusqu’à aujourd’hui ; c’est à dire une re-création de la réalité par la fiction, un documentaire qui diffuserait des images qui n’ont pas été filmées, des conversations qui n’ont pas été enregistrées. La Conquête produit donc un fort effet nostalgique à la Perec (« Je me souviens de Nicolas Sarkozy embrassant Cécilia Place de la Concorde… »), mais pas une véritable émotion cinématographique. On peut également douter de la postérité (ou simplement de l’exportabilité) de La Conquête, entièrement basé sur les connaissances, encore toutes fraîches, du spectateur français en la matière. Deux raisons qui rejettent le film de Xavier Durringer hors du périmètre des œuvres d’art.

Pourquoi ça ne marche pas, alors ?

– la facilité : quand la réalité dépasse la fiction, pourquoi chercher à faire mieux ? Avec un dramaturge pareil (Nicolas Sarkozy), et les meilleurs dialoguistes de leur génération (Sarkozy, Villepin, Chirac), il suffit pour raconter cette histoire de mettre bout à bout, dans l’ordre, les « petites phrases ». Rien n’est moins vrai, pourtant… Car assembler des dialogues, ce n’est pas un histoire, encore moins un film. Ce qui rend le film extrêmement bavard, et même lassant de ce point de vue. Sans aucune respiration pour une quelconque pause dramatique ou une envolée lyrique.

– le respect du genre ; la forme artistique, c’est une des marottes du Professore, et La Conquête en est un excellent exemple. Durringer n’a pas choisi de forme, et ça se voit : La Conquête est elle une comédie satirique du pouvoir? Dans ce cas, elle n’est pas très drôle. Est-ce une tragédie, et la plus belle qui soit : l’histoire d’un homme qui obtient enfin tout ce qu’il veut mais qui perd sa femme dans le processus ? La Conquête n’est alors pas assez aux côtés de son personnage principal. Si Sarkozy est un personnage de tragédie, il ne fait pas le montrer seulement les dents longues, drôle et agressif, mais mettre clairement le spectateur de son côté. Il faudrait le rendre peut être pas sympathique, mais au moins empathique : pourquoi tant de haine ? Pourquoi séduire toutes les femmes et vouloir garder celle-là ? Qu’a-t-elle de plus ? Durringer et Rotman (son scénariste) n’ont probablement pas la réponse, mais la fiction, elle, l’a sûrement.

– la confiance dans le cinéma : rien, absolument rien de cinématographique dans La Conquête : plan fixes, champs contre champ, dialogues autour d’une table, personnages pérorant immobiles dans un décor et des accessoires inexistants. On est dans la pire dramatique télé façon ORTF.

Il n’en reste pas moins que La Conquête reste un OVNI passionnant pour notre génération, une sorte de best of de la droite des dix dernières années. Saluons également le courage de pionniers qui entoure cette entreprise, les producteurs étant les premiers à se jeter dans le bain du film politique, un genre cruellement absent en France, qui plus est sur un sujet aussi brûlant.

On se délectera aussi des performances hallucinantes de Bernard Le Coq en Chirac et Denis Podalydès en Nicolas Sarkozy. Rien qui pour ça, La Conquête vaut ses 10 euros.