dimanche 30 décembre 2007


This is the end…
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... -Séries TV ]

Voilà c’est fini, la dernière saison des Sopranos est terminée. L’occasion pour CineFast de revenir sur ce débat brûlant : qu’est ce qui distingue une bonne série d’une autre, sinon la fin ?

Précisons d’ores et déjà que c’est une simple vue de l’esprit : les séries ne sont pas conçues comme ça, (c’est-à-dire comme un film), avec un début et une fin. Les séries sont faites pour être extensibles à l’infini, et leur argument de départ doit être suffisamment souple pour permettre une adaptation semaine après semaine, en fonction des études d’audience que les télés réalisent après chaque épisode. Charge aux auteurs de suivre alors les goûts du public : étoffer tel personnage apprécié par le public féminin, rajouter de l’action pour le public masculin, etc.

Ainsi, Twin Peaks a commencé sur un coin de table : Mark Frost et David Lynch ont dessiné un plan de la petite ville du Northwest sur la nappe du restaurant, placé le collège, la station service, le bureau de shérif, puis ils se sont demandé qui faisait quoi ! Le tournage a même débuté sans savoir qui avait tué Laura Palmer !

Tout cela pour une bonne raison : les chaînes achètent en général le pilote, et, si ça marche, 12 épisodes, voire, en cas de confiance absolue, l’intégralité d’une saison, soit 24 épisodes. Pour 24, les producteurs avaient prévu 3 fins différentes en fonctions des réactions de la Fox. Si ça n’avait pas été un succès, ils auraient probablement tué Jack Bauer au dernier épisode.

Donc, auteur ou commerçant, le scénariste-créateur de série ne sait jamais bien où il va, et sûrement pas comment ça va finir. D’où le sentiment d’intense frustration à la fin d’Alias, des X-Files, bref de toutes ces séries qui avaient fait de leur intrigue addictive un fond de commerce… Une fois la décision prise de ne plus réaliser de saison supplémentaire pour X-Files, Chris Carter a relié comme il le pouvait tous les éléments de la série pour apporter un semblant de solution, avec le résultat ridicule que l’on sait. De même pour la dernière saison d’Alias : personne ne comprenant plus rien à la série, on a fini par demander au créateur quelques explications. Réponse, sans rire, de JJ Abrams « Je n’en sais foutre rien, je suis en train de préparer Lost à Hawaï », ce qui, entre parenthèses, promet tous les affres du désespoir aux fans du Projet Dharma…

Mais c’est là la dure réalité, le cercle vicieux : les téléspectateurs se lassent, l’audience chute, la chaîne décide d’arrêter et l’artiste passe à autre chose : il y a en quelque sorte une conspiration collective contre la série.

C’est pourquoi les fins réussies, réalistes, « dans l’esprit », sont rarissimes. Dans mon panthéon personnel, il y en a deux, aux deux extrêmes de la production : Le Prisonnier, qui finit dans l’absurde métaphysique qui procède dans toute la série, et Seinfeld. La plus grande sitcom US de tous les temps (et aussi la plus profitable : Jerry Seinfeld rapportait tellement d’argent à NBC qu’il obtint 5% de la chaîne pour une neuvième saison !) finit elle aussi en apothéose : un double épisode en forme de procès condamnant les héros à la prison, où Jerry se retrouve – ô symbole – obligé de continuer à faire son show pour distraire les taulards.

Dans la catégorie « chef d’œuvre, bien fini », on mettra évidemment Les Sopranos. Par une pirouette scénaristique la série termine là où elle avait commencé, c’est-à-dire nulle part. Pour cette série ultra-réaliste, qui n’avait d’autre ambition que de filmer la vie quotidienne d’une famille américaine des années 2000, (certes au travers du prisme de la mafia), il était hors de question de finir avec Tony Parrain des Parrains ou Tony en prison. Les Sopranos finiront donc dans une sorte « coïtus interruptus », mais je vous laisse le découvrir vous-même.

Dans la catégorie « pas loin du chef d’œuvre, et bien fini », on peut mettre Six Feet Under : après un horrible passage à vide (saison 3&4), la série nécrophage a su s’achever de manière exceptionnelle, dans un ultime épisode où évidemment… tout le monde mourrait. On peut mettre aussi NYPD dans cette catégorie.

Pour les autres, on l’aura compris, il faudra faire le deuil d’une fin correcte et accepter tel quel le plaisir que le show a bien voulu nous donner, pendant une, deux, trois, cinq années…

NB on consultera avec profit le site Jump the shark, qui recense, par vote des internautes, la saison exacte où votre série a « sauté sur le requin », ou, en bon français, est devenue irregardable…




dimanche 30 décembre 2007


La Nuit Nous Appartient
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Au risque de me fâcher avec toute la critique post-moderne qui rôde aux alentours, sur le net ou dans la presse, La Nuit Nous Appartient est un film raté. Et la déception est d’autant plus grande qu’avec un type comme James Gray, on est dans la Premiere League, et pas chez un obscur tâcheron sorti des griffes de Miramax. James Gray, c’est Monsieur Little Odessa, Monsieur The Yards (déjà un peu en dessous). Mais là, pscchhttt !, comme on disait avant la sarkosie.

Précisons tout de suite que c’est superbement filmé et photographié, on se croirait chez William Eggleston, la musique est superbe, les acteurs géniaux. Y’a juste deux problèmes, le scénario et les dialogues.

L’argument n’est pas ridicule : Bobby (Joaquin Phoenix) est propriétaire d’une boîte branchée à la fin des années 80. Il se défonce et s’éclate avec sa girlfriend portoricaine (Eva Mendes). Mais il est vite sommé de prendre parti : soit rester avec les malfrats et plonger dans le trafic de drogue, soit rejoindre sa famille (son père et son frère sont policiers) et devenir un indic. Il optera finalement pour la seconde solution et finira même par… vouloir s’engager dans la police (Sic) qui… l’accepte (re-sic !) On file un badge à l’ex-drogué, au bad boy, et il se met quasiment à diriger l’enquête ! Déjà, quand le père – parti à la retraite – avait repris l’enquête, on avait froncé les sourcils, mais là ça commence à piquer les yeux… Sérieusement, on ne peut plus faire des films comme ça ! Le Justicier dans la Ville, les premiers Eastwood, passe encore. Mais aujourd’hui, ce n’est plus acceptable, c’est du cinéma de papa !!! Il n’a pas la télé, James Gray ? Il n’a jamais vu un épisode des Sur Ecoute? De NYPD ? Des Experts ? Il ne sait pas qu’on ne devient pas flic en 48h ? Que tous les truands russes ne sont pas obligés d’être tous habillés avec des cuirs noirs et de queues de cheval ? Qu’on n’invite pas un type qu’on ne connaît pas dans son labo où il y a toute la réserve de coke ?

Tout ça ne serait pas un problème si on était dans Batman : Robin a vu la scène du crime, le Commisioner Gordon lui fait jurer sur la Bible serment d’allégeance à la Police de Gotham City et hop, dans la Batmobile ! Mais là, on est loin de « l’opéra crépusculaire », le « drame shakespearien » que nous promet la hype parisienne depuis deux mois :

« Ce drame cornélien emprunte à nouveau le langage du polar mais aussi ceux du western et peut-être du film de samouraï, (…). Il constitue une éclatante leçon de mise en scène, mêlant réalisme et exacerbation formelle » POSITIF

« De la tragédie grecque aux récits bibliques, les paraboles du bon et du mauvais fils sont ici traduites en vertiges, ponctuant son affaire de scènes d’anthologie » L’HUMANITE

« les tourments psychologiques (…) sont exprimés par des acteurs parfaits (…) la mise en scène de James Gray (…) transcende ce polar aux relents de tragédie grecque. » LE MONDE

« Le brio du film est surtout d’avoir parfaitement transposé l’aspect shakespearien de cette histoire de rivalité et de loyauté dans un contexte précis » TELERAMA