mercredi 23 avril 2014
The Town
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -
Les films ]
On va commencer par ce qui défrise : une trop grande proximité avec le modèle avoué, l’Heat de Michael Mann. Le même argument – éternel – du polar : un gars bien, mais gangster, veut s’en sortir en réalisant un coup ultime. Pour enfin se défaire de ses amis, de sa famille, de ses encombrants protecteurs. Tout ça pour l’amour d’une femme, évidemment. Mais tout aussi évidemment, c’est impossible… Eternel argument du manuel de scenario. Machin veut quelque chose, mais tout concourt à ce qu’il ne puisse l’obtenir.
Si The Town est loin d’accéder à son modèle, c’est qu’appliquant la règle, il ne sait pas y apporter un peu de subtilité, un peu de déviance, qui rendrait le truc à la fois moins prévisible et plus original. Comme en musique, il y a un thème, et il faut jouer avec, pas le reproduire note pour note.
Pareil pour les acteurs : ils sont tous bons, mais Ben Affleck n’ose pas aller trop loin, il ne leur en demande pas assez. Il manque une forme de profondeur qui les distinguerait des archétypes qu’ils sont censés représenter : le gangster intègre (Ben Affleck), l’amour de ma vie (Rebecca Hall), la cagole irlandaise (Blake Lively), le copain embarrassant (Jeremy Renner), le flic déterminé (Jon Hamm), le parrain destructeur (Pete Postlethwaite).
C’est ce qui faisait la différence chez Mann, cette intensité, cette capacité à transformer le polar Heat en chef d’œuvre choral : flics ou voyous avaient une épaisseur, une profondeur, qui les distinguait de clichés en carton-pâte.
Cela étant dit, The Town est un excellent divertissement, parfaitement réalisé. Les acteurs sont bons, parfois très bons. On ne s’ennuie pas une seconde. Et la fin, pour le coup, est originale, en proposant une morale différente de Heat.
lundi 21 avril 2014
Twin Peaks forever
posté par Professor Ludovico dans [ Brèves de bobines -
Séries TV ]
C’était hier, et nous reprenions, après un an d’abstinence*, notre ultime virée dans Twin Peaks land, son RR Café, le bureau du sheriff, la scierie, le Great Northern Hotel, le Jack-N’a-Qu’un-Œil… Ultime, car il n’est pas sûr que la Professorinette ait envie d’aller jusqu’au bout d’une série qui, comme chacun sait, échoua dans la saison 2 tout ce qu’elle avait réussi dans la saison 1.
Bref c’était L’épisode, celui où l’on sait enfin qui a tué Laura Palmer, La Grande Scène.
A vrai dire, je ne m’en rappelais plus. Une scène à la fois absolument terrifiante, uniquement rythmée par le crachotement d’un 33 tours en bout de piste, mais aussi contrebalancée par une autre scène magnifique, juxtaposée, où tous ceux qui ont connu et aimé Laura (Dale Cooper, Donna, Bobby) sont pris d’une horrible mélancolie, tandis que Julee Cruise interprète une chanson d’amour.
Tout Twin Peaks est là-dedans, et tout Lynch, pourrait-on dire : ce que la vie a de plus beau et de plus noir, concentré en une seule scène.
* due à une malencontreuse erreur de manipulation, qui avait révélé à la Professorinette, avec un épisode d’avance, le secret de Twin Peaks
samedi 19 avril 2014
Le test de Bechdel
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... -
Séries TV ]
Avez-vous entendu parler du test de Bechdel ?
En trois petites questions, il permet de mesurer le niveau de bienveillance d’une oeuvre vis-à-vis de la gente féminine. Par exemple, le film que vous êtes en train de regarder comporte-t-il :
1. au moins deux personnages féminins identifiables par un nom?
2. Ces deux femmes se parlent-elles ?
3. Parlent-elles d’autre chose que d’un homme ?
Cherchez-bien, ça ne court pas les rues…
Et ça ne marche pas toujours : Desperate Housewives remporte le test haut la main. La série est-elle pour autant bienveillante envers les femmes ? Poser la question, c’est y répondre.
jeudi 17 avril 2014
Fincher perd son Jobs
posté par Professor Ludovico dans [ Brèves de bobines -
Hollywood Gossip -
Les gens ]
On l’annonçait, la bave s’écoulant des babines : le duo de choc Social Network, Sorkin-Fincher, était reformé pour s’attaquer au biopic du Commandeur des Croyants, le génial designer de Lisa et du Newton, monsieur Steve Jobs lui-même.
Malheureusement, Fincher a osé demander ce qu’il demande à chaque fois : le final cut*. Ce qui n’a pas plu à monsieur Sony, exit donc David Fincher.
Reste à savoir qui cuisinera la recette Sorkin, une bonne surprise n’étant pas à exclure. Et vu le sujet, il reste de grandes chances qu’on aille voir le film quand même. On n’est pas sectaires.
* Pour Social Network, Fincher avait formulé trois exigences : tourner le scénario tel quel sans y changer une virgule, l’assurance des avocats du studio que le film ne risquait aucun procès de la part de Marc Zuckerberg**, et, évidemment, le final cut.
** Le Zuck, grand prince, invita tout le personnel de Facebook à une projection privée de The Social Network, et se contenta du commentaire suivant : « They got the clothing right. »
mardi 15 avril 2014
Les Garçons et Guillaume, à Table !
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]
La cinéphilie est parfois affaire d’opportunité. Des films que vous n’iriez voir pour rien au monde, et qui s’offrent à vous par le plus grands des hasards.
C’est le cas des Garçons et Guillaume à Table. On est au ski, et c’est le seul film potable chargé sur l’iPad. Et puis c’est ça ou subir, ne serait-ce qu’auditivement, les grandes émissions culturelles favorites des enfants : Les Marseillais à Rio ou Les Anges de la Télé-Réalité – Australie.
Le casque bien vissé sur les oreilles, nous entamons donc Les Garçons et Guillaume, à Table !, malgré notre répugnance traditionnelle à regarder un film sur un écran 12 pouces. Après tout ce n’est pas Tree of Life.
Faux, car c’est plutôt bien filmé. C’est ce qu’on retiendra, avec quelques bons choix musicaux (Queen, Supertramp), et Guillaume Gallienne dans le rôle de sa mère, formidable.
Parce que le reste ne fonctionne pas. Ce n’est pas inintéressant, mais ce n’est pas très bon non plus.
Mais Guillaume Gallienne en Guillaume Gallienne, ça ne va pas. Ce qui marche au théâtre ne marche pas au cinéma. Au théâtre, on accepte un certain nombre de conventions, comme Gallienne jouant tous les rôles. Au cinéma, on s’attend à plus de réalisme*. Et pas à Guillaume Gallienne jouant la folle qu’il n’est pas. De là à penser que le succès du film est du à de mauvaises raisons (se moquer des pédés tout en faisaient apparemment preuve de tolérance), il n’y a qu’un pas. Tout comme – à l’inverse -, le succès du film aux César soit dû avant tout un message politique bien pensant envoyé par l’Académie.
Deux pas que le Professor s’empresse de franchir, évidemment.
* On a ainsi beaucoup de mal à accepter le pardon final du fils à la mère tyrannique…
dimanche 13 avril 2014
True Detective, season finale
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]
C’est peu dire qu’on attendait beaucoup de True Detective, après un générique fracassant, un casting d’enfer, une complexité séduisante, une intelligence rare, intriqué dans des références cultes.
C’est peu dire aussi, qu’on craignait le pire. Nous étions au septieme épisode et rien n’était réglé. Comment Nic Pizzolatto allait conclure son polar Southern gothic sans decevoir ?
Il déçut, un peu. Car il fallait effectuer quelques virages à 90 degrés pour amener les personnages dans leur posture finale, emprunter quelques raccourcis douteux pour résoudre l’intrigue, et se perdre dans le bayou des questions qui, de toutes façons, resteraient sans réponse. Et tout cela en cinquante deux minutes.
C’est comme si finalement, il avait manqué deux ou trois épisodes à True Detective pour conclure. Un comble, pour une série qui vante son statut d’anthologie (une saison, une enquête, des comédiens différents à chaque fois ).
Et l’on n’est pas tant déçu par la conclusion, mais bien par la forme de cette conclusion, légèrement inférieure au standard proposé par True Detective depuis ses débuts faramineux. L’évolution des personnages et des situations, contractées en si peu de temps, deviennent forcément caricaturales. L’intrigue se résout mais elle est reste absconse si on ne va pas fureter sur les sombres recoins d’ Internet pour éclaircie la solution,
Ce n’est pas grave. Nous avons gouté un festin. Seul le dessert était un peu raté.
jeudi 10 avril 2014
Amy Adams
posté par Professor Ludovico dans [ Les gens ]
Amy*, Lois Lane**, Peggy Dodd***, Joan Vollmer****, et bien sûr, la Princesse Giselle***** : par quelques apparitions et un grand rôle dans une fantaisie pour enfant, Amy Adams s’est imposée comme une grande actrice. Elle ne paye pas de mine. Elle est jolie, mais elle est rousse (ce qui ne simplifie pas la vie d’une actrice mainstream à Hollywood) mais c’est une très bonne actrice…
Faites plus attention à ses prochains films, ils seront sûrement très bons.
*Dans Her.
**Dans Man of Steel.
***Dans The Master.
****Dans Sur la Route.
*****Dans Il Etait Une Fois.
mercredi 9 avril 2014
True Detective, épisode 5
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]
A chaque épisode, True Detective nous prend à rebrousse-poil, ce qui est pour le Professore la définition même d’une grande série.
On croit être dans un polar classique, avec tueur en série, flics hard boiled et tutti quanti ? On découvre, parsemé ici et là*, quelques références à un grand auteur fantastique américain. On croit être dans une procedural classique, deux flics, un cadavre, une enquête ? Un assaut en plan séquence de six minutes, digne des meilleurs Scorsese, vient vous plaquer au sol. On se croit dans une série d’action ? C’est une longue réflexion sur le temps qui passe, et sur cette salope qui bousille tout, amour amitié, famille : la vie elle-même. On croit que c’est fini ? La série vient rebattre ses propres cartes pour exploser les minuscules certitudes que vous aviez acquises.
Il faut dire qu’au-delà de ses dialogues extraordinaires, et malgré néanmoins quelques faiblesses (on y reviendra peut-être un jour), True Detective repose entièrement sur les performances hallucinées de deux acteurs extraordinaires, Matthew McConaughey et Woody Harrelson, que le cinéma hollywoodien a honteusement ignoré ces vingt dernières années, parce qu’ils n’avait pas (Harrelson) ou trop (McConaughey)** la tête de l’emploi et qu’ – évidemment – la télé installe au sommet pour toujours.
* Huit mots, seulement huit mots, en cinq épisodes…
** Avec quelques exceptions notables dans le cinéma indépendant : Lone Star, Magic Mike pour McConaughey, Tueurs Nés, la Ligne Rouge, No Country for Old Men pour Harrelson.
mardi 8 avril 2014
Her
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]
Sur Spike Jonze et son Dans la Peau de John Malkovich, le Seigneur d’Avalon avait eu cette phrase magnifique, qui a beaucoup resservi depuis : « un film avec une tête, mais pas de cœur ».
C’était donc notre angoisse numéro un en pénétrant dans la salle, qu’est-ce que Her avait dans le ventre.
Beaucoup, en fait. Un acteur toujours plus extraordinaire (Joaquin Phoenix, plus vrai que nature dans ce personnage de cadre timide et coincé). Scarlett Johansson, présence intense, alors qu’elle ne joue qu’une voix. Amy Adams, encore dans un rôle secondaire, même si elle a tout d’une grande. Et un futur proche fabuleusement reconstitué dans un décor aux petits oignons.
Il reste l’histoire, très originale et fort bien traitée. Un homme sort d’une rupture difficile, et tombe amoureux d’une intelligence artificielle. Ce conte voltairien pourrait être lourdingue, il est léger comme une plume, en slalomant discrètement pour éviter tous les poncifs.
Reste que le film est un peu long. Her ralentit, se répète comme si Spike Jonze cherchait à dérouler toutes les implications de son idée de départ.
Et Her s’apitoie un peu trop sur son personnage, ce qui finit par le rendre inutilement larmoyant. Dommage, on n’était pas loin de la perfection.
dimanche 6 avril 2014
Flight
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -
Les films ]
Quel étrange film que voilà ! Un film qui commence mal, finit mal, mais est passionnant le reste du temps. Bien fait, bien joué, et profondément américain dans sa façon de voir les choses, tout en proposant une étonnante ambiguïté.
Dès le début, pourtant, on s’inquiète voir Denzel Washington en commandant de bord, fumer, boire, sniffer un rail de coke en compagnie d’une hôtesse de l’air complètement à poil, oui, full frontal, vous avez bien lu le Professore. Le lecteur habitué de ces colonnes sait qu’il y a quelque chose qui cloche. Denzel, notre Denzel, Mr USS Alabama, Coach Boone du Plus Beau des Combats, Malcom X chez Spike Lee, Mister Right en personne, fidèle à sa femme au point de refuser d’embrasser ses partenaires, protestant dévot (Le Livre d’Eli), pris en pleine fornication et abus de boisson ? Hypothèse immédiatement avancée par la Professora : rédemption puissance 10 garantie à la fin du film. Surtout qu’on enchaîne avec un deuxième personnage (interprété à la hache par Kelly Reilly, débarquant de chez Klapisch) : une photographe devenue junkie, qu’on imagine, par on ne sait quel revers de fortune, rencontrer notre Denzel.
Bref, notre commandant de bord prend son envol, reprend un petit coup de bibine (visiblement tout le monde est au courant) et décolle en plein tempête. L’avion, mal entretenu, perd alors une pièce. Part en vrille. Mais Denzel, tout bourré qu’il est, manœuvre comme un chef. Tandis que tout le monde est pris de panique, se met à prier et à appeler la petite famille pour lui faire ses adieux, Denzel redresse l’avion, le fait voler sur le dos, l’écarte des zones habitées et finit par le crasher sans trop de dégâts (2 morts quand même).
Et c’est là que le film devient passionnant : car au lieu de débiter l’habituel film de procès, Zemeckis dessine le portrait d’un homme rebelle, pas du tout en lutte avec lui-même (du moins en surface), très pragmatique, voire hautain. Je n’ai rien à me reprocher, j’étais saoûl, certes, mais j’ai sauvé l’avion et la plupart des passagers, et l’avion était défaillant. Et je n’ai pas peur d’un procès, car il me donnera raison.
Mieux, quand la compagnie, le syndicat des pilotes, les amis, tentent le damage control, Denzel se rebiffe. Il n’a peur de rien. Là où l’on s’attendait à une figure classique de la rédemption : de rédemption, point.
A partir de là on bascule dans un autre film, et un personnage rarement vu dans le cinéma US grand public. Un noir, alcoolo, absolument pas en quête de rédemption, et convaincu de son bon droit. Et même si ce personnage va subir une évolution toute prévisible, celle-ci n’intervient qu’en toute dernière fin, laissant à Zemeckis le temps de développer confortablement ce personnage étonnant, interprété magistralement par Washington. Car s’il est capable du pire (Training Day, Déjà Vu, Le Livre d’Eli) mais aussi de performances extraordinaires.
Rien que pour lui, il faut jeter un œil à Flight.