lundi 9 juin 2014
Edge of Tomorrow
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]
Edge of Tomorrow commence comme Pacific Rim : cinq minutes débiles de mise en situation, sous la forme archi-convenue d’extraits de journaux télévisés mis bout à bout. Avec – comble du mauvais goût – notre Tom Cruise national, en haute définition, maladroitement collé sur des images d’archives low-res tirées de la Guerre du Golfe. On a soudain envie de vomir et on quitterait bien le cinéma s’il n’y avait pas James Malakansar à vos côtés. C’est ça le cinéma, c’est un engagement. Devant la télé, on peut déserter.
Ça tombe bien, Tom aussi veut déserter. Le Major Bill Cage avait sa petite agence de pub avant la guerre, il veut bien faire les RP de l’armée en lutte contre la menace Mimic (des aliens mécaniques façon Matrix), mais de là à aller les combattre sur les plages de Normandie (sic), faut pas pousser Tom dans les orties.
Menotté, voilà notre Major Cage tombé dans les mains de l’Escouade J, sous les ordres par du fringant sergent Farrell, qui ne déparerait pas dans Full Metal Jacket. Le lendemain, voilà Tom à l’assaut des plages normandes avec ses nouveaux petits camarades, où ils se font consciencieusement massacrer. Quand Tom Cruise meurt, c’est là, évidemment, que ça devient intéressant. Matrix devient Un Jour Sans Fin, et ce n’est pas juste un gadget scénaristique. Notre Major devra refaire cent fois ce terrible assaut pour comprendre pourquoi il ne meurt jamais et revient systématiquement 24 heures plus tôt, et qu’il croise l’obsédante image de Rita Vrataski (Emily Blunt), le héro(ïne) de la Bataille de Verdun (resic).
On ne va pas tout vous expliquer non plus, car tout le charme du film est là, dans cette intrigue adolescente et pourtant rondement menée : c’est un excellent divertissement qu’on vous propose là, et vous devriez le découvrir en salle.
On ajoutera néanmoins qu’une fois de plus le talent de Tom Cruise vient grandement enrichir le film. Dans les trente secondes de vraie tragédie qui lui sont accordées, au milieu d’une heure cinquante-trois minutes de ta taa ta ta ra ta taa, Cruise amène cette petite touche de crédibilité dramatique qu’ont rarement les acteurs de ce genre de film. C’est tout dire que Tom Cruise, l’acteur, mériterait tellement mieux.
Le pire, c’est qu’il le sait.
lundi 9 juin 2014
5 mn de Pacific Rim
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]
Il m’a fallu cinq minutes de visionnage de Pacific Rim pour valider ma théorie de l’Étiquette de la Bouteille de Pinard, c’est à dire qu’en cinq minutes, en jetant un œil distrait au rayons « vins fins » de l’épicerie Del Toro, on peut identifier la piquette qui se cache derrière le marketing prétendument japaniso-cthulhuien de Pacific Rim : Kaiju, Jaeger, et combat final aux poings. Robots en plastoc, monstres en plastoc, personnages en plastoc, argumentaire bidon (il faut deux cerveaux pour piloter les robots), contexte torché en deux minutes, le Mur..
Pacific Rim est une bouse. Pas besoin de perdre deux heures de ma vie pour le vérifier.
jeudi 5 juin 2014
Mad Men, le retour… Et la fin
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]
Mad Men revient donc pour une dernière fois nous hanter… sur la pointe des pieds. Canal en effet n’a pas mis les petits plats dans les grands, comme si le chef d’œuvre de Matthew Weiner n’était qu’une vieille tante indigne, qui pique et qui sent des pieds : pas de promo, pas de VF, et pour la première fois, le générique n’a même pas été traduit.
On s’en fout à vrai dire. Mad Men n’a jamais marché sur Canal, mais nous, nous savons que c’est la plus belle série du monde. En fait, nous le saurons dans douze épisodes, car une bonne série se juge à la fin. Elle peut errer pendant deux ans comme Six Feet Under, du moment qu’elle finit en beauté. Mais elle pourrait aussi avoir brillé comme Lost, comme les X-Files, comme Homeland pendant quatre épisodes et sombrer à cause d’un mauvais final.
Cette inquiétude, à vrai dire, nous l’avons à chaque reprise, car, comme d’habitude, pour ce premier épisode, Mad Men ne fait pas dans la facilité. Matthew Weiner se fiche bien qu’on ne se rappelle pas ce qui s’est passé il y a un an ; il entre dans l’action, in media res, au milieu d’un pitch pour Accutron. Les dialogues absconds, si proches d’une conversation normale, qui font le style Mad Men, n’aident pas non plus. Et plongent donc dans l’effroi la communauté Madmenienne, qui sait qu’en matière de série, la Roche Tarpéienne n’est pas loin du Capitole.
Mais non, en deux plans de fin d’épisode, Weiner nous prend par les tripes : ami téléspectateur, bienvenue sur Madison Avenue, New York, 1969. Ses pitchs publicitaires, ses épouses trompées, ses femmes humiliées, et ses quadras au bord de la crise de nerf. Bienvenue dans un monde qui change, et qui ne sera plus jamais le même.
Et toi qui entre ici, abandonne tout espoir.
mardi 3 juin 2014
Only God Forgives
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -
Les films ]
Nicolas Winding Refn est-il un cinéaste chrétien ? On peut se poser la question, dès le titre, puis après une séance d’Only God Forgives.
Car au-delà de la claque esthétique – le danois semblant vouloir faire toujours mieux que son précédent film – c’est bien la question que pose le film. Une interrogation, en forme de polar hard boiled hongkonguisant, sur l’homme sauvage, primitif, Ancien Testament, œil pour œil – dent pour dent, avant la révolution chrétienne du pardon.
Sur le papier, Only God Forgives n’est qu’une longue litanie de vengeances. C’est souvent ce quon reproche à Refn : une vision compassée et esthétisante de la violence. Pourtant, si cette thématique est au cœur des films du Danois (Pusher 1, 2 et 3, Bronson, Valhalla Rising (Le Guerrier Silencieux), Drive), il semble qu’il y ait toujours à matière à réfléchir. On est plus chez Scorsese que chez Jia Zhang Ke ou Millenium. Ici, la violence est bijective entre flics et voyous au cœur d’un Bangkok d’opéra. Tu tues une prostituée, le père te tue. Tu tues le père, car il a tué ton frère. Un flic te pourchasse ? Tu essaies de le tuer, et lui aussi. Ca serait presque drôle.
Mais là où Refn devient intéressant, c’est sur la morale de l’histoire, comme toujours. Car la solution serait évidemment de pardonner, et de laisser faire la Loi, l’évolution majeure de nos sociétés depuis 10 000 ans. Passer de la violence au sacré. Résoudre les problèmes par l’intérêt général, c’est à dire la religion ou l’état, et pas par la violence. Laisser la société s’intermedier dans les conflits, quels qu’ils soient. Mais c’est impossible ici, entre une famille d’Abel et de Caïn pilotés au talion par une mère castratrice, dominatrice et incestueuse, et un flic qui se rêve en Archange silencieux de la Vengeance. La seule solution, tout aussi archaïque, sera de se couper les mains pour s’empêcher d’agir.
L’auteur du Guerrier Silencieux met en scène ces vengeances sans fin dans une orgie de couleurs. Ce qui serait pathétique dans n’importe quel autre film touche ici au sublime. Chambres rouges, visages bleus, yeux dorés, cigarette orange, tout est magnifique, du bordel de luxe à la rue populaire de Bangkok. Le son, la musique de Cliff Martinez, étant, comme dans Drive, l’indispensable contrepoint de cette photo parfaite signée Larry Smith, le chef op’ d’Eyes Wide Shut. Pas un hasard qu’on pense pendant tout le film à la perfection formelle (et permanente) d’un Apocalypse Now ou d’un 2001.
Et les acteurs – certes hiératiques, certes désincarnés, certes réduits à des caricatures d’humanité – sont très bien, avec une mention particulière pour Kristin Scott Thomas, qui trouve enfin un rôle à sa mesure, c’est à dire à cent lieues de son personnage habituel de grande bourgeoise anglaise.
Ce choc esthétique finit par un symbole, le policier chantant sur scène devant ses équipiers. Une chanson sentimentale, d’amour et de beauté, tandis qu’un double noir, son ombre portée d’Ange de la Mort fait de même.
La violence et l’amour, le pardon et la vengeance, la sentimental et l’implacable, réuni en une seule personne humaine.
dimanche 1 juin 2014
La Chambre Bleue
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]
Mathieu Amalric confirme toute l’étendue de son talent, qu’on savait immense. Acteur d’abord, double/Antoine Doisnel de Desplechin, acteur chez les Larrieux mais aussi chez Spielberg ou James Bond… Et maintenant réalisateur d’un film remarqué, Tournée, ode foutraque à la scène et au monde du spectacle. Cette fois-ci, Amalric s’attaque à plus gros : Simenon et sa Chambre Bleue.
On n’a rarement vu, à vrai dire, un fait divers aussi bien adapté. Si l’on oublie quelques péchés véniels au début, certains acteurs faibles, et des dialogues qui auraient pu être réécrits pour sonner plus contemporains, le reste est parfait.
De l’histoire, au début, on ne sait rien, si ce n’est que le héros, Julien, concessionnaire en matériel agricole, a une relation adultère avec la pharmacienne d’un petit village au cœur de la Beauce… Par petite touches, la vérité ça se dévoile. Quel crime a été commis ? Par qui ? Pour quoi ? On ne saura pas tout mais une partie du voile sera levé.
Mais ce n’est pourtant pas l’intrigue qui intéresse Amalric, pas plus que Simenon d’ailleurs. Ce que veut Amalric, c’est montrer de l’intérieur le cauchemar de se retrouver embarqué dans la tragédie d’un faits divers. Faire de mauvais choix innocents (tromper sa femme, avec la mauvaise maîtresse) et se retrouver en enfer.
C’est pour ça qu’il a choisi de se confier le premier rôle, celui d’un homme veule et indécis, balayé entre sa fille, ses femmes (Léa Drucker, décidément excellente, et Stéphanie Cléau), et les arcanes de la justice… jusqu’à se demander s’il n’est pas devenu fou.
La forme de cette Chambre Bleue est au service du fond, comme cette moissonneuse-batteuse luisante, insecte illuminé dans la nuit beauceronne… Ou ce bleu que l’on trouve partout, ou encore ce motif des guêpes que l’on trouve au début et à la fin du film.
Amlaric atteint l’objectif fixé par William Burroughs – déstructurer le langage artistique comme la pensée, qui est fragmentée – en découpant d’un film au gré de l’inconscient de son personnage principal. Au milieu d’un interrogatoire, le souvenir d’une mouche sur le nombril de sa bien-aimée. Ou pendant le réquisitoire, alors que le procureur prononce des mots terribles, son cul.
Amalric a su entendre la petite musique de Simenon, et la restituer dans toute sa subtilité. Il a su faire l’artiste tout en restant compréhensible, chapeau Mathieu.
vendredi 30 mai 2014
Frénésie en séries
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... -
Séries TV ]
Depuis quelques semaines, pour des raisons techniques, je fais les trois/huit devant mon téléviseur. Pas assez de place sur ma Free Box donc obligation de regarder Real Humans le plus vite possible, délai de péremption sur Canal à La Demande, donc nécessité d’écluser en une épuisante course contre la montre, les épisodes de Newsroom et Girls saison 2.
Quant aux enfants, la pression est immense, à peine rentré à la maison, me voilà sommé de répondre à la question rituelle : Friday Night Lights ce soir, papa ? Sans parler de Game of Thrones, qui chaque semaine s’enrichit d’un giga supplémentaire et que j’ai très envie de voir. Et sans parler de la 7ème et ultime saison de Mad Men en approche…
La soirée commence donc par FNL et sa quatrième saison exceptionnelle, sorte de The Wire feelgood (elle recycle même deux acteurs baltimoriens). Après cette heure de drama, un peu de peps sorkinnien agrémenté d’idealisme journalistique ne peut pas faire de mal. Mais si l’on est d’humeur plus sombre, on peut aussi se pencher sur l’humaine condition des robots de Äkta Människor. Si on est encore courageux, minuit approche, on prendra trente minutes de limonade acide de Girls, excellent pour la digestion, et qui vous garantit une nuit calme.
Parce que demain, il faut aller au boulot.
lundi 26 mai 2014
Babysitting
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]
Des fois, je fais ce qu’on me dit. Quand le Prince d’Avalon me dit de tenir la position à Newsroom, je patiente (et il a raison, le Prince). Quand le Prince d’Avalon me dit d’aller voir Babysitting, je le fais aussi.
Il faut dire que c’est bien vendu, Babysitting : un mix de Projet X et Very Bad Trip, why not ?
Mais ce mix, c’est à la fois sa principale qualité de Babysitting et son horrible mètre-étalon. Le film de Philippe Lacheau et Nicolas Benamou a pour lui la progression implacable, hyperbolique de Projet X mais pas la rigueur scénaristique de Very Bad Trip.
Projet de potes, Babysitting recycle ces mêmes amis (Philippe Lacheau, Julien Arruti, Tarek Boudali en acteurs principaux). Pire, il leur confie la réalisation. Défaut commun dans le cinéma français, car il est plus facile pour les premiers films d’un réalisateur d’obtenir le sceau du CNC*…
On dirait une bénédiction, mais c’est un piège. Quoi de plus dur, en effet, que se diriger soi-même ? De fait, la petite bande n’est pas excellente. C’est un peu surjoué, exagéré, là où le tongue in cheek anglosaxon ferait merveille. Ce qui gâche un peu les gags, pourtant très drôles, et les dialogues. En contrepoint, qui ressort ? C’est la chouchoutte Charlotte Gabris, qui dans un rôle très mineur de trente secondes, installe son personnage de standardiste vulgos.
Pour cela – entre autres – il faut aller voir Babysitting.
* Il existe une commission pour les premiers films et une commission pour les autres. Plus facile de se battre contre Belle Epine, de Rebecca Zlotowski que contre le prochain Desplechin.
[edit] Je me suis fait taper sur les droits par le Prince d’Avalon ; Babysitting n’a pas demandé l’avance sur recettes, plutôt réservé aux films d’auteurs. Ce qui est plutôt incroyable, c’est que le film a été refusé par tout le monde, Canal+ et gros studios français, et c’est Universal qui a emporté l’affaire. Et maintenant, le film fait un carton… 1.8 million d’entrées au 20 mai.
mardi 20 mai 2014
Mille vies
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... ]
« Le lâche meurt mille morts, tandis que l’homme vaillant ne meurt qu’une fois », disait Shakespeare
Dans Game of Thrones, George Martin inverse cette phrase pour faire l’éloge de la lecture. Comme elle me plait beaucoup, je vous la livre telle quelle :
« Un lecteur vit mille vies avant de mourir. Celui qui ne lit jamais n’en vit qu’une. »
C’est tellement vrai qu’on pourrait l’appliquer à la cinéphilie.
lundi 19 mai 2014
Goldfinger
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -
Les films ]
Malgré ses airs d’ayatollah hitchcocko-kubrickien, l’imam Ludovico est un être tolérant, juste et bon. Il accepte la contradiction, le débat d’idées, il est capable de se mettre dans le paysage de ses interlocuteurs.
C’est pour cela qu’il s’est décidé, sur la pression amicale de quelques amis, à jeter un œil à Goldfinger. Et pas – comme le voudrait une méchante rumeur – parce que le film contiendrait quelques allusions saphiques.
Eh bien avouons-le : Goldfinger, c’est pas mal. En fait, c’est un vrai film. Avec un scénario (et son ridicule argument habituel*, mais on me dira que « C’est du James Bond »), des acteurs (et l’excellent Gert Fröbe dans le rôle du méchant, sorte de James Gandolfini blondinet), des James Bond girls très sexy dont la fameuse Pussy Galore et ses galorettes). Des décors excellents signés Ken Adam (Dr Folamour, Le Limier, Barry Lyndon). Un début, une fin, des répliques drôles, des gadgets, des bagarres, des poursuites en voiture… et un méchant intéressant : la théorie de Maître Fulci, qui préside la Chaire d’Etudes Bondiennes à l’Université de Ferrare, se vérifie : « Les bons Bond sont les Bond avec des bons méchants ». Hormis l’allitération, Fulci a tout Bond. Ou tout bon.
* Goldfinger veut faire sauter une bombe nucléaire « sale » à Fort Knox. La réserve d’or américaine, devenue radioactive, précipitera les Etats-Unis dans une crise sans précédent, au plus grand profit des chinois et de Goldfinger, dont les réserves personnelles d’or s’apprécieront d’autant. Bref, les Accords de Bretton Woods Pour Les Nuls.
jeudi 15 mai 2014
Friday Night Lights, troisième et quatrième saison
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]
Voilà un bon bout de temps qu’on ne vous a pas parlé de Friday Night Lights, pourtant la série occupe toute nos soirées depuis des semaines, à raison d’un épisode par jour.
Mais hier, me voilà admonesté par le Professorino : « Eh dis donc, t’as rien fait sur la saison 3 ? » En bon père de famille je m’exécute. Sans trop me forcer à vrai dire parce que la série footballistico-texane est tout simplement géniale. Pas parfaite, mais géniale.
Et c’est ça le problème : il est plus difficile de dire du bien que de se venger d’une mauvaise série (et des cinquante-deux minutes de vie qu’elle nous a fait perdre), que de louer le bonheur quotidien que nous procure Friday Night Lights.
Malgré ses défauts, son manque de constance, sa timeline hasardeuse, FNL ne fait pourtant qu’aligner les touchdowns. Sous la couverture moelleuse et confortable d’une glorification du Texas, de l’American Way of Life (bière High Life, jolies filles, football), des valeurs morale puritaines (hard work and decent american people), Peter Berg trace chaque jour un portrait plus profond de l’Amérique, de ses incroyables divisions sociales et raciales, questionne la famille, la religion, le couple, l’école, et la réussite à tout prix…
A ce niveau-là, on ne voit que A La Maison Blanche, la régularité en moins.
Si vous n’avez pas encore pris votre billet pour Dillon, Texas, c’est à n’y rien comprendre.