lundi 20 juin 2011
CineFast à l’école !
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... ]
Depuis deux ans, l’ami François me fait l’honneur de m’accueillir dans sa classe d’anglais, en Classe Européenne. Il croit que je lui rends un service, mais il me fait le plus beau cadeau du monde : deux heures, rien qu’à nous, pour éduquer dans la langue de Shakespeare, de jeunes esprits à la cinéphilie.
Tout cela a commencé l’an dernier, quand la Professorinette a arboré un T-Shirt CineFast en classe (eh oui, on ne lésine pas sur le street marketing à CineFast). Intrigué, ledit François va alors sur cet honorable blog et demande dans la foulée si le Professore ne voudrait pas intervenir sur le cinéma, pendant un cours du mois de juin.
Après s’être calé ensemble sur le programme (j’avais proposé « Philosophie Politique d’Armageddon », il avait proposé « Woody Allen et Citizen Kane chez Shakespeare », on a transigé sur Titanic, évidemment.
L’objet du premier cours était de montrer comment se construit un film hollywoodien, et Titanic est parfait pour ça : vingt minutes pour poser les enjeux, trois heures pour les résoudre. François, qui avait déjà fait travailler ses élèves sur la cinématographie, s’est arrêté de son côté sur la représentation du bateau lui-même : fort et puissant au début, théâtral au milieu*, et minuscule et fragile îlot de lumière au mitan, quand justement le film amorce sa descente : iceberg, collision, naufrage.
Les élèves ont ensuite travaillé sur le calme et le frénétique, les deux fins de Titanic. En effet, nous avions posé avec eux qu’il y avait deux films en un : un film pour garçon (les vingt premières minutes, pleines de testostérone : sous-marins, hélico, cigare, chasse au trésor, Brock Lovett). Vingt minutes macho, hard boiled, et d’ailleurs toutes bleues. S’y succédaient vingt autres minutes tout de rose vêtues (vieille dame, jeune fille, chapeaux et corsets, peignes, miroirs d’argent et émotions, Rose Calvert) : un film pour filles. Il fallait donc deux fins pour parachever Titanic ; une fin action : bateau qui casse, cris, explosions, méchant puni. Mais aussi, ensuite, une tragédie calme, le silence, Rose et Jack seuls face à l’immensité de l’univers. C’est ce qui fait le succès de Titanic, d’ailleurs, et sa grande réussite : ce mélange tous publics de film catastrophe et de romance également réussis…
Le deuxième cours, destinée aux Troisièmes, était consacrée deux jours plus tard à la Sitcom. Sur la base du visionnage du Pilote de Friends, l’objectif était de comprendre la structure narrative spécifique de la sitcom, et les contraintes marketing afférentes (court, pas cher, formaté et répétitif, pour garantir les taux d’audience). Sur le même principe de pédagogue éclosive (regarde et découvre toi-même !) les élèves ont encore fait des étincelles.
Car ce qui frappe de prime abord, c’est la culture, le dynamisme, la fraîcheur des élèves sur ces sujets. Enfants de la télé, du téléchargement, et de la culture US, ils sont impressionnants d’érudition et de questionnements. Et n’hésitent pas à renvoyer le Profess(eur)ore dans ses 22. Une jeune fille de Quatrième que visiblement je bassinais sur le genre très marqué de Titanic (a film for boys, a film for girls), me reprit, sarcastique : « Alors les filles n’ont pas droit aux films d’action ? » Et deux garçons de m’interroger sur le créneau Sitcom du jeudi sur NBC : « En France c’est plutôt mardi, non !? »
Tout ça pour dire que je me suis régalé ; d’abord parce qu’il n’est rien de plus valorisant que d’apprendre quelque chose à quelqu’un, surtout à nos enfants. Et ensuite parce que nous partageons avec François cette même vision : plutôt que d’esquiver Internet et la télé, l’école (ou les parents) ont tout intérêt à apprivoiser ces outils pour donner aux enfants les grilles de lecture pour les comprendre et les décrypter.**
Ensuite parce que ce genre d’exercice renoue avec la magie intacte du cinéma. Plongez une classe d’ados dans le noir, projetez-leur Titanic sur l’écran pas terrible d’une salle de collège, passez la scène de la mort de Jack, et amusez vous compter les filles en pleurs***…
« On meurt, on passe un bout de temps à rêver, et on revient… » : c’est ce que dit David Lynch à propos du cinéma, et on ne saurait mieux dire.
*François m’a ainsi permis de remarquer que lors de la séquence culte du baiser, la proue, et le poste de commandement du Titanic sont carrément redessinés, idéalisés façon Vérone 1912 : un écrin orange parfait pour nos Roméo et Juliette cameroniens, et leur Amour Eternel).
** A l’instar, par exemple, de la démarche d’un Daniel Schneidermann en 2001, au lancement de Loft Story. Plutôt que de se lamenter sur la-télé-qui-décervèle-nos-enfants, Arrêt sur Images avait abonné une classe de CM2 à la Chaîne du Loft, et leur instituteur les avait fait travailler dessus. Des gosses de dix ans avaient compris – avant tout le monde – que Loft Story était entièrement scénarisé par Endemol, malgré toutes leurs dénégations.
*** Autre anecdote intéressante : je commence mon intervention en interrogeant les élèves ce qu’ils savent du vrai Titanic. Ils savent pas mal de choses (les femmes et les enfants d’abord, les riches qui ont survécu, l’iceberg, le SOS…), et que le bateau a coulé, évidemment… Puis je plonge la salle dans le noir, et on lance le film : cinq minutes plus tard, quand on demande aux élèves les questions que posent le début du film, ils répondent en chœur : « On se demande si le bateau va couler… » Magie, du conte, du théâtre, du spectacle encore et toujours, et pour toujours…
lundi 13 juin 2011
Valhalla Rising (Le Guerrier Silencieux)
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -
Brèves de bobines -
Les films ]
Malgré le Théorème de Rabillon, on ne peut pas tout voir. Pour preuve, Valhalla Rising. Un film qui a tout pour plaire au CineFaster : une histoire de vikings pré-chrétiens, une réputation sulfureuse (et inédite) de gore réaliste, une hype insensée de film d’esthète : Conan The Barbarian meets 2001.
Mais voilà, pas le temps, pas l’énergie, pas les copains pour y aller. Quand ça passe sur Canal, on stocke et on regarde.
On classera Valhalla Rising dans une petite boîte très pratique : les films courts. En 1h30, le guerrier silencieux s’arrête pile où il faut, parce que plus loin, ça pourrait gaver. Pas de dialogue, des images sublimes, mais hiératiques, une musique noisy parfaite mais forcément répétitive : le génie de Valhalla Rising est de s’arrêter à temps.
Porté de bout en bout par le mutique Mads Mikkelsen – le premier méchant de la nouvelle série des James Bond – Valhalla Rising déroule son programme : paysages splendides, violences chrétiennes contre violences païennes, réalisme sordide, à l’exact opposé des bons sauvages sauce Malick.
Valhalla Rising a tout pour plaire.
jeudi 9 juin 2011
The Tree of Life
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]
Voilà le Professore bien embêté : que dire de The Tree of Life ? Bien parti pour en dire du mal (cf. infra), je ne me suis finalement pas ennuyé au dernier Malick. Je n’ai pas été ému non plus, me direz-vous…
Tâchons donc de peser le pour et le contre. A son actif, et ce n’est pas une révélation, The Tree of Life est un film d’une incroyable beauté, comme l’était ses prédécesseurs, depuis les couchers de soleil de Badlands, à la nature incandescente de La Ligne Rouge. Malick sait composer un plan, et on sait qu’il peut attendre des heures la lumière idéale.
Ensuite, The Tree of Life est un grand film. Et ce n’est pas que de la hype d’attaché de presse. C’est un film ambitieux. Non content, comme d’habitude de s’interroger sur le sens de la vie, Malick rajoute ici plusieurs couches à son intrigue (si on peut utiliser le mot sans froisser la bande des Malickiens pur jus ?)
L’intrigue, parlons en : on la découvre par bribes subtiles, mais compréhensibles : c’est le puzzle d’une vie qui s’assemble devant vous, et qui cette fois brode autour d’une fratrie, sous la coupe d’un père autoritaire dans le Texas des années Soixante.
Pour une fois, l’intrigue est plus qu’un prétexte : on sent que Malick a du mettre plus d’un bout de son enfance là-dedans. Les relations père-fils, sont traitées avec une subtilité qui reste sa marque de fabrique : rien ne sera dit, mais tout sera compris. De la naissance, des premiers pas, de la naissance des frères, des premières traces de jalousie que cela engendre… De la nécessité de fixer des règles pour le père (Brad Pitt, formidable). De la même nécessité d’enfreindre ces règles pour le fils (Hunter McCracken, tout aussi génial). Et il en tire cette scène magnifique, et purement américaine, dans un pays où il n’y a pas de clôture entre deux jardins : le père trace une ligne invisible sur le sol. Et le fils s’en amuse, passant l’invisible frontière, puis revenant dans le territoire autorisé.
Avec l’âge, les consignes du père deviennent de plus en plus autoritaires, et le fils de plus en plus transgressif, jusqu’à envisager, dans une autre scène magnifique, le pire.
Une autre façon d’aborder le libre arbitre, Malick a du lire Saint Augustin ! Car The Tree of Life attaque évidemment ses antiennes fétiches, ses interrogations ontologiques sur la destinée humaine : sommes-nous du côté de la Nature (des bêtes sauvages, indisciplinées, vaguement retenues du meurtre par quelques conventions sociales ?) Ou au contraire, sommes-nous du côté de la Grâce Divine, émanant d’une puissance supérieure, Enfants de Dieu destinés à l’Amour ?
A cette question (élève Ludovico, vous avez deux heures !), évidemment, Malick ne répond pas.
Au contraire, il enchaine sur un deuxième thème, qui fait de The Tree of Life le film le plus ambitieux de toute l’histoire du cinéma : raconter l’histoire de l’univers, tout simplement !
Pour une raison qui reste volontairement mystérieuse, Malick introduit dans son histoire deux parenthèses galactiques. L’une après l’introduction, en forme de documentaire sur la création de l’univers (big bang, création des planètes, apparition de la vie sur terre, tout y passe). Et conclut son film façon Paradis de Dante, où tous ceux qui s’aiment retrouvent leur Béatrice à la fin des temps (père et mère, fils et frères).
Dans quel objectif ? On ne sait. Ces séquences sont parfois splendides, parfois ratées, parfois lourdement chargées de pédagogie (le dinosaure qui épargne son semblable), mais en tout cas, elles induisent un effet de perspective : c’est la magie de la vie, et son mystère insondable. Qui nous a mis là, au milieu de l’espace, entre le froid terrifiant du vide interstellaire et les chaleurs infernales des galaxies en formations ? Dieu, ou le Hasard ?
On le voit, si vous avez envie de réfléchir, vous serez servi par The Tree of Life. C’est son coté Docudrama sur la 5. C’est aussi son point faible, car cette distance toute kubrickienne ne convient guère au sujet. On voudrait – c’est la lâcheté du spectateur moyen – être un peu ému.
Il y a pourtant de quoi. La difficulté d’être père, la difficulté d’être fils, d’être ou ne pas être le fils préféré, de protéger ses enfants ou de les préparer aux difficultés de la vie… tout cela devraient nous toucher profondément. Surtout, si comme Le Professore, vous avez eu vous aussi cette enfance à la campagne : la caresse d’une sauterelle dans le creux de la main, le bruit de l’eau qui ruisselle sur les galets de la rivière, le soleil dans les draps qui sèchent… Les images sont magnifiques, elles vous parlent. Mais, assez inexplicablement, on n’arrive pas à décoller. Peut-être parce que Malick se refuse à toute facilité, à toute empathie, et garde ses personnages à distance, comme ces insectes qu’il observe.
Cette posture kubrickienne ne fonctionne pas ici, parce que le sujet n’est pas le même. Chez Kubrick, le sujet, c’est la Misanthropie. L’homme est-il bon ? demandait l’Arzach de Moebius. Kubrick répond que non, il est jaloux, querelleur, vaniteux, violent. Malick ne répond pas, il pose la question. Dans cette hypothèse, il devrait essayer de nous faire apprécier ses personnages.
C’est aussi pourquoi La Ligne Rouge est un grand film, car c’est le film le moins manichéen dans la filmographie de Malick : les personnages y sont Kubrickiens, c’est à dire des insectes pris dans l’incendie de la fourmilière de Guadalcanal, et le cinéaste les observe, avec leurs qualités et leur défauts, mais aussi, contrairement à Kubrick, beaucoup d’empathie. C’est également le seul film de Malick basé sur un roman – excellent au demeurant*.
Les autres films sont purement Malickiens, et on sent notre prophète rousseauiste un peu perdu dans ses pensées mystiques.
Au final, on conviendra que c’est un film qu’il faudra avoir vu.
Qu’il vous plaise ou non sera une autre affaire.
*La Ligne Rouge
James Jones
vendredi 3 juin 2011
A la Maison Blanche, le meilleur pour la fin
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]
Comment rester au sommet ? Surtout, comme A la Maison Blanche, pendant 7 saisons, même en perdant son Père Fondateur, « Magic » Sorkin, devenu scénariste à succès Facebookien avec Mr Fincher ?
C’est le mystère intriguant d’A la Maison Blanche, dont j’ai fini par me résoudre à regarder la dernière saison. Résoudre, parce que c’est comme une friandise qu’on garde dans le frigo, sachant que c’est la dernière. Bon, mais une fois avoir fini les Tudors, Battlestar Galactica, le Tournoi des VI Nations, la L1, il faut bien se résoudre à visiter une dernière fois l’Aile Ouest, et se préparer à des adieux – forcément déchirants – avec la bande à Bartlet.
Le pitch de la Saison 7 : c’est la dernière année de la Présidence, et donc la campagne des candidats démocrate et républicain pour le remplacer.
Mais justement, qui oserait violer ce tabou, le tabou majeur des séries ? Qui, en effet, lâcherait la plupart de ses personnages principaux (Bartlet et ses conseillers) pour passer à de nouveaux personnages (les équipes de campagnes) ? À part Sur Ecoute, qui a joué à ça pendant cinq saisons, on ne voit pas.
Mais A la maison Blanche, c’est la Premiere league, et on n’a peur de rien : scénarios millimétrés, ultra complexes (mais avec cette pédago subliminale qui a fait le succès de la série), personnages attachants mais jamais simplistes, même quand il s’agit d’ennemis évidents (la droite chrétienne traditionaliste, par exemple).
Sur la même recette depuis sept ans, cette Maison Blanche n’en finit pas s’étonner…
mercredi 25 mai 2011
Source Code
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]
Belote et re. Après l’excellent Moon, le jeune Duncan Jones récidive avec Source Code, un film d’action Dickien qui se passe dans un train.
Problème : soit vous savez de quoi ça retourne, et ça ne sert à rien de le répéter ; soit vous ne savez pas, et ça serait bête de vous ôter ne serait-ce qu’un millimètre de surprise.
Vous irez donc voir Source Code pour la seule et bonne raison que le Professsore vous a dit d’y aller.
Vous pouvez disposer.
samedi 21 mai 2011
Mitterrand-Chirac
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... -
Les gens ]
Paris Première avait eu la bonne idée, il y a quelque temps, de rediffuser Le Choc des Titans, euh, pardon, le débat de 1988 Mitterrand-Chirac.
Ce n’est pas tant du cinéma, c’est plutôt le contraire, c’est l’objet de cette chronique.
Car la mise en scène, volontairement pauvre, ne se réduit qu’a deux plans par candidat, un plan pour le tandem de journalistes (la pauvre Michèle Cotta, et le pompeux Elie vannier, réduits à compter les coups… euh pardon le temps imparti), et c’est tout.
Pas de plans de coupe.
C’est à dire pas de plan sur l’adversaire quand l’autre parle. Interdit. C’est bien dommage. On voudrait voir la mine de Mitterrand quand il se fait démolir par Chirac sur la Nouvelle Calédonie. C’est l’un des rares moments où Chirac est bon, en vrai passionné de cultures primitives (une qualité que l’on découvrira bien plus tard.) On voudrait surtout voir Chirac déconfit quand Mitterrand réplique juste après ; on se demande ce que Mitterrand peut répondre, tant Chirac a prouvé sa connaissance du dossier, sa passion pour le problème Caledonien (11 voyages là bas, tout de même). Cotta vient de donner deux minutes à Mitterrand, et celui-ci, sec comme une trique : « Ce n’est pas la peine de perdre deux minutes pour répondre à de telles bêtises »
Pas besoin de Jean-Pierre Jeunet, quand on a de tels acteurs, et de tels dialoguistes ; Audiard d’un côté « ce soir, vous n’êtes pas Président, et je ne suis pas Premier Ministre. Nous sommes juste deux candidats, devant les français », et Henri Jeanson de l’autre : « Mais vous avez raison M. Le Premier Ministre ! » Ou « Je serai ravi de travailler à ces sujets, avec M. Le Premier Ministre, quand il sera retourné à la vie politique normale, après le 8 Mai. C’est à dire, sans les responsabilités »…
mercredi 18 mai 2011
Le Théorème de Rabillon
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... ]
« Vu le thème rarissime mais combien cher à nos cœurs quand il s’agit d’Antiquité, de Quête Médiévale et d’Epopée Sombre » ; c’est par ces mots que commencent le fameux Théorème de Rabillon, connu aussi comme la Loi de l’Obligation Maximum.
Ledit Rabillon est un ami du Professore, et théoricien CineFaster à ses heures. Pour faire simple, son théorème démontre que si la droite RC (i .e. la Rareté Cinéphilique d’un thème donné) rejoint en un point la droite TF (i.e. la Trajectoire d’un Film sur le même sujet), et quel que soit sa qualité intrinsèque, toutes choses égales par ailleurs, le spectateur est obligé d’aller voir le film en question.
Par exemple quand la droite (Rome/Guerre Punique/Thermopyles/Gladiateurs/Pyramides) rejoint Gladiator, 300, Troie, tu es obligé d’y aller ! Quand la droite Templier/Cathare/Quête du Graal rejoint Le Dernier Templier, Indiana Jones et la Dernière Croisade, Da Vinci Code, tu es obligé d’y aller ! etc…
Même si ce théorème a été élaboré de manière empirique, à base d’échanges avinés, à la sortie d’une « Assiette du Sud Ouest » ou d’une « Calzone 4 fromages » à Bercy Villages, il se trouve qu’il se vérifie toujours.
Sinon, comment expliquer que nous sommes allés voir (et revoir) Dune, de David Lynch ou Le Seigneur des Anneaux remix de M. Jackson ?
mardi 17 mai 2011
Tree of Life, l’Arbre médiatique qui cache la forêt critique
posté par Professor Ludovico dans [ Les films -
Pour en finir avec ... ]
Nous avons déjà dit ici tout le bien que nous pensons de La Ligne Rouge, le chef d’œuvre militaro-rousseauiste de Terrence Malick. Nous avons aussi, ensuite découvert le reste de l’œuvre – parait-il culte – de Malick, Badlands, Les Moissons du Ciel… Comme nous avons dénoncé la pauvreté scénaristique d’Un nouveau Monde.
Nous n’avons pas encore vu Tree of Life, et nous irons le voir, évidemment, mais il est étonnant de voir la propension naturelle de parler d’un film que personne n’a vu. « Nouveau chef d’œuvre », « 2001 de Malick », « œuvre prophétique », : que n’avons nous pas entendu sur ce film que personne n’avait pu voir. Il y a deux jours, L’Express crevé l’abcès, avant la projection à Cannes ; le film est lourdingue, matinée de philosophie New Age, et trop long.
Tout ça pour ça.
C’est oublier que les films de Malick, en dehors de La Ligne Rouge, ne sont pas géniaux. Ils sont très beaux, élégiaques, pastoraux, tout ce que vous voulez, mais pas géniaux.
Mais la presse, et le public – son meilleur complice – ne veut pas rater la prochaine hype.
Voilà donc Malick bombardé Kubrick.
On attendra encore un peu pour se prononcer.
mercredi 11 mai 2011
L’Aigle de la Neuvième Légion
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]
Un film de rêve. J’en ai rêvé, Kevin Macdonald (Le Dernier Roi d’Ecosse) l’a fait : un peplum ré-a-liste ! Dès le départ, Le Professore est aux anges. Tout colle : la boue sur le casque du centurion, l’angoisse dans les yeux des soldats, le blé qui ondule dans le vent : L’Aigle de la Neuvième Légion réussit là où un paquasse de films a échoué : le film subtil sur l’antiquité. Pas une bouillie scénaristique façon Gladiator, pas de clichés américano-américains façon Troie, et pas un peplum-baston version 300. Non, L’Aigle de la Neuvième Légion est un film ambitieux.
Le pitch… Marcus Aquila, centurion romain, s’est engagé là où personne ne veut aller : en Bretonnie, sous la menace permanente des tribus celtes, qui, près du Mur d’Hadrien, lancent des raids contre l’envahisseur romain. Mais Marcus Aquila a une cause, secrète : restaurer l’honneur perdu de son père, qui a combattu ici, et a disparu, avec le symbole de la Neuvième Légion : un Aigle en or massif.
Marcus Aquila va se faire aider par Esca, un jeune esclave qu’il a sauvé des arènes. Mais celui-ci le déteste, car il appartient aussi à cette histoire : sa famille a été massacrée par ces mêmes romains. Lié par son code de l’honneur, il accepte néanmoins de le servir : les voilà tous les deux en quête de l’Aigle.
Pendant une heure, le film est formidable. Formidable, d’érudition, de subtilité, et d’ambition. Formidables par ses acteurs, Channing Tatum, Jamie Bell et notre Tahar Rahim ! L’Aigle de la Neuvième Légion reste évidemment un film d’aventure, mais qui pose, comme un futur classique, des questions essentielles : qui est le Civilisé ? Qui est le Barbare ? Qui est le Maître ? Qui est l’Esclave ? Car en terre étrangère, qui connaît les chemins, la langue, distingue l’ami de l’ennemi ? Tout cela évidemment, entre en résonance avec quelques thématiques modernes : un soldat US perdu dans les montagnes afghanes avec son guide pourrait faire l’affaire…
Mais malheureusement, le film est adapte d’un livre, pour ado, parait-il. Et voila que petit à petit, on sent que le livre tire son adaptation cinématographique vers le bas. L’intrigue devient de plus en plus prévisible, les clichés de plus en plus gros, et la conclusion, très décevante.
Décevante ? Après tous les compliments que l’on vient d’en faire ? C’est que tout simplement, on ne pardonne rien à un film ambitieux, mais tout à un film modeste.
Prenez Le Roi Arthur, par exemple : tout le contraire de L’Aigle de la Neuvième Légion : gros budget, Jerry Bruckheimer aux commandes, Clive Owen beau comme un dieu, Kheira Knightley à moitié à poil (mais maquillée en bleu), des dialogues qui tuent, de la grosse baston. Dès que Le Roi Arthur va faire preuve d’un tout petit peu de subtilité (irruption du christianisme, fin des romains comme des celtes…), on applaudit à deux mains. Nous voilà tout content de voir un pour cent d’intelligence offerte gratuitement dans un Blockbuster.
À l’inverse, un film ambitieux comme L’Aigle de la Neuvième Légion, ou Battlestar Galactica (voir plus bas) qui déraille cinq minutes avant la fin, et nous voila déçus comme des pierres : c’est la malédiction du CineFaster.
Que ces quelques mots amers ne vous découragent pas ; comme je l’expliquerais prochainement devant vos yeux ébahis, en démontrant le fameux « Théorème de Rabillon » : vous n’avez pas le choix.
Et vous ne regretterez vos dix euros.
mardi 10 mai 2011
Battlestar Galactica gagne la finale
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]
Voilà, c’est fini. On tant ressassé les mêmes mélodies… Battlestar Galactica (BSG pour les intimes) s’est clos sur cet épisode interminable (deux heures et quelque, sans compter les sauts spatio-temporels), à l’image de cette quatrième et ultime saison, un peu longuette elle aussi.
BSG meurt comme elle a vécu : un anti-Lost. Une série ambitieuse, mais mal faite, versus une série parfaite, mais sans aucune ambition.
Mal faite, Battlestar Galactica l’est assurément, from Day One. Sans unité graphique (des épisodes sublimes, d’autres carrément flous), sans dramaturgie solide, sans suivi, le Battlestar de l’Amiral Adama a fini par d’échouer dans les marais des séries. La quatrième saison est à cette image : trop longue, cacophonique, au genre oscillant, à la trame hésitante. Pire, Ronald D. Moore donne parfois l’impression de s’attaquer à l’Himalaya avec un piolet, c’est à ça qu’on reconnaît les cons, ils osent tout.
Dans cette hypothèse, Moore est le plus gros con que la terre des séries ait porté : il ose absolument tout. Le mélo, la bataille spatiale, le combat de rue, la citation dylanienne, le débat philosophique, l’exégèse religieuse, l’herméneutique paléolithique, rien ne l’arrête. Mais voila, BSG a beau être mal faite, mal jouée, brumeuse et trop longue, la série – et ses personnages magnifiques – ont accumulé un tel capital de sympathie qu’on leur pardonne tout.
Ronald D. Moore a aussi le génie, et ce n’est pas du tout négligeable – à l’aune de toute l’histoire de la télé – de proposer une solution très originale à son postulat de départ. Trouveront-ils la Terre ? Beaucoup auraient répondu bêtement à cette question eschatologique. Par un procès (X Files). En pétant le bouzin (Le Prisonnier). La Vie, la Mort et le Reste (Lost).
Non, Moore s’est au contraire creusé la tête pour trouver autre chose, que je vous laisse découvrir. Une conclusion originale, ambitieuse : à l’image de la série, donc. Mieux, il prend son temps pour l’exposer, cette solution, alors que beaucoup aurait torché le final en cinq minutes.
Tout ça pour dire qu’il sera beaucoup pardonné à BSG, qui restera comme un événement, tant télévisuel que SF : une série aura prouvé, après toutes ces années de disette, qu’on peut faire intelligent à la télé, intelligent avec de la science fiction, intelligent avec peu d’argent, et même avec peu de talent. Regarder BSG reste donc un must, quatrième saison comprise.
C’était le Professor Ludovico, reporter embedded à bord du Battlestar Galactica. A vous Caprica…