mercredi 8 juin 2022


La Scandaleuse de Berlin
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

Drôle de film, pour un film pas drôle. Pourtant, il y a marqué Billy Wilder dessus. Un film réputé auprès des cinéphiles, même si on apprend que le film fut un échec à sa sortie.

Le film commence, et on ne rit pas. On n’est pas triste non plus. Il y a quelque chose d’incompréhensible, d’amer… Quand il y a quelque chose qui cloche, c’est là que le cinefaster enquête.  

La Scandaleuse de Berlin se déroule à l’époque même du tournage : 1948 dans Berlin en ruine. Une tournée d’inspection du Sénat menée par la jolie (et frigide) sénatrice de l’Iowa enquête sur les soldats américains, qui se la coulerait douce dans l’ex-capitale nazie. La coinçouille Phoebe est interprétée par une tonitruante Jean Arthur (la Bonnie Lee de Seuls les Anges ont des Ailes). En face, on compte sur le Capitaine Pringle (le pâlot John Lund) pour la décoincer. Mais celui-ci profite de situation pour abuser d’une belle aristocrate allemande, Erika von Schlütov (Marlene Dietrich herself). Contre quelques faveurs, l’ex-nazie obtient des bas, des pâtisseries ou un matelas.

Ce pourrait être un triangle amoureux parfaitement réjouissant, mais tout ça semble étonnant étonnamment sordide, étonnamment anti-américain. Car Billy Wilder prend à plusieurs reprises le point de vue des Allemands : en montrant leur ville rasée, en montrant les soldats américains profiter des femmes allemandes, mais aussi en moquant cette commission d’enquête qui semble oublier que les G.I. se battent depuis des années. On voit même quelques soldats soviétiques qui chantent.

C’est là que, tout d’un coup, le mystère se révèle : Billy Wilder le Berlinois a quitté sa ville en catastrophe en 1933 (tout comme Dietrich). Il revient sur les lieux du crime, probablement pour les subventions (comme dans I was a Male War Bride, le film de Howard Hawks), mais il vient surtout revoir Berlin. Et sa ville est entièrement détruite ; la capitale de la culture se niche désormais dans des cabarets minables. Dietrich chante, mais au milieu des ruines.

C’est comme si Dietrich/ von Schlütov, une femme déjà vieille et triste, chantait la complainte du Berlin perdu, que lui a composé Wilder.

Une curiosité.


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