mardi 8 novembre 2005


Elisabethtown
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Courez voir Elisabethtown. D’abord parce que c’est un film de Cameron Crowe : on aime ou on n’aime pas, mais c’est un cinéaste plutôt doué. Ensuite parce qu’une critique désastreuse lui réserve au mieux 4 semaines d’exploitation ; enfin parce que c’est un très beau film, peut-être le meilleur de l’année (soit on est un européen cynique et on préfère Closer, soit on est un américain optimiste et on préfère Elisabethtown.)

Cameron Crowe est un américain optimiste. Depuis le début, il laboure le même sillon : pour vivre il faut choisir, et donc savoir renoncer. Renoncer au succès et à l’argent, comme Jerry Maguire, si l’on veut avoir quelque principes. Renoncer aux rêves, aux fantasmes, à l’immortalité, pour vivre, tout simplement, comme dans Vanilla Sky.

Elisabethtown est donc un film sur le deuil. Le deuil du père, qui vient de mourir, et que le héros (Orlando Bloom) doit aller chercher sous forme de dépouille mortelle. Le deuil de la réussite : designer à succès chez un fabricant de chaussure (on reconnaît Nike sans peine), le héros se fait lourder pour avoir fait perdre 947 M$ avec son dernier modèle.

Le deuil de la branchitude, puisqu’il faut se coltiner les vrais gens, ou les péquenots (selon le point de vue) du Kentucky. C’est en effet là, dans la famille originelle, que papa a eu la bêtise de mourir.

Il faudra enfin choisir d’aimer, et pas seulement de copiner / baiser avec Kirsten Dunst, une décision pas si facile que ça à prendre.

On le voit, rien que de bien traditionnel au merveilleux pays de la comédie romantique à l’américaine (« choisir d’aimer », « rédemption chez les ploucs », « quelle belle chose que la famille », « zut, papa est mort »).

Le génie de Cameron Crowe n’est pas là. Il assume complètement le genre. Mais son talent est de ne jamais y sombrer. Quand on se moque des ploucs, on se moque gentiment. Quand on exhorte leurs qualités, on n’en fait pas des héros non plus. Orlando Bloom ne finit pas éleveur de chevaux à Louisville, Kentucky.

Courez voir Elisabethtown. C’est un film qui aime les gens (pas comme Bataille dans le ciel*) ; C’est un film qui aime l’Amérique, enfin celle que nous aimons : la route, les petites villes, le blues… Courez voir Elisabethtown. C’est du hamburger, mais du bon.

* Voir plus loin. Télérama a detesté Elisabethtown et encense Bataille dans le ciel. Comme quoi, y’a une logique.


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