jeudi 31 octobre 2024


Anora
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Sean Baker nous a encore pris par surprise. Après Tangerine, errance angeleno sur iPhone avec les travelos de Los Angeles, il récidive avec Anora, un film qui vous glisse des mains comme une carpe.

Anora, ça commence comme un documentaire sur le lap dance : dans son gentlemen’s club newyorkais, une jeune stripteaseuse, Ani (qui n’aime pas qu’on l’appelle Anora), est orientée vers un très jeune client, Vanya, parce qu’elle parle un peu russe. La lap danseuse fait son show, Vanya en redemande. L’argent coule à flot et bientôt, le jeune russe lui propose une girlfriend experience. Ani sera sa petite amie officielle : elle emménage dans la luxueuse mansion du garçon, visiblement très riche… Le film bascule alors dans une comédie romantique, avec demande en mariage à la clef… Mais voilà que débarquent les gros bras. Et le film devient une parodie scorsesienne, façon Affranchis.

Sean Baker va ainsi déjouer toutes les attentes. A chaque fois que le film frôle l’ennui, Baker repart. Un rebond de l’intrigue, un changement de genre, une métamorphose de la mise en scène, servie par des acteurs inconnus mais excellents…

Dans Tangerine, le trash talk des travestis de Los Angeles révélaient des vérités plus profondes sur les protagonistes, et les coulisses peu reluisantes de la Californie. Dans Anora, il en va de même. Derrière la vulgarité évidente de son sujet, Sean Baker cache un propos bien plus pénétrant.

Ani – qui n’a pas sa langue dans sa poche non plus – dit en creux la colère des petits contre les riches, jusqu’à ce qu’une fin magnifique lui révèle des vérités plus profondes sur elle-même.

Derrière la fable, le film de Baker cache une satire marxiste sur la lutte des classes et les ultrariches. Et en dernière extrémité, tout au bout de la comédie, une interrogation sur la profonde tristesse de nos vies…