vendredi 10 novembre 2023


Killers of the Flower Moon
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

« Des hommes on peut dire ceci, qu’ils sont ingrats, changeants, simulateurs et dissimulateurs, fuyards devant les périls, et avides de gains…»

On ne sait pas si Martin Scorsese a lu Nicolas Machiavel mais ces Tueurs de la Lune aux Fleurs ne raconte que ça :  comment l’humanité ne change pas, comment l’humanité ne changera jamais…

Quand on va voir un Scorsese, on sait qu’il y a un style Scorsesien : montage virevoltant, violence débridée (mais non dénuée de morale), et Gimme Shelter à un moment ou à un autre…

Mais ici, on va de surprise en surprise : Martin Scorsese semble avoir pris son temps pour raconter cette histoire d’indiennes Osages épousées, puis assassinées méthodiquement, afin de s’emparer de leurs terres…

Non seulement le film est long (3h30), mais le rythme aussi. Pourtant on ne s’ennuiera pas une seconde. La violence, cantonnée à sa clinique description, n’en sera que plus atroce, et plus surprenante à chaque fois. C’est comme si Martin avait littéralement laissé tomber son costume de Scorsese. Sans aucune affectation stylistique, se cantonnant à de simples champs-contrechamps, à des plans fixes, rien ne viendra contrarier la description, lente mais implacable, de l’avidité et de la bêtise*.

C’est un Leonardo DiCaprio des grands jours qui arrive, la mâchoire serrée, à Fairfax, Oklahoma. Ernest, vétéran de la Guerre 14, a l’air bête à manger du foin, mais son oncle King Hale (De Niro) est intelligent pour deux ; il l’accueille et le conseille sur son intégration dans cette communauté si particulière, où les Indiens sont ultra riches et les blancs, pauvres, travaillent pour eux…

Scorsese va alors lentement déployer son complot criminel. La bêtise d’Ernest devient tragique. L’avidité de King Hale, cachée derrière une apparente bienveillance, se révèle, et l’on est pris par surprise, comme Mollie, l’épouse Osage d’Ernest, et nous nous mettons à vivre dans la peur…

Or le cinéma, c’est justement vivre ce que les personnages ressentent. Rarement Scorsese aura atteint ce niveau d’empathie. Il le tiendra jusqu’à la fin, et révèlera, en clin d’œil, à quel point il est tombé amoureux de son sujet…*

Un de ses plus grands films, assurément.

* Soulignée par la très belle musique – omniprésente mais discrète – de son ami de toujours, feu Robbie Robertson, ex-leader de The Band

** Qui est pour moi un des rares ratés du film, car il fait sortir le spectateur du film…