mardi 4 octobre 2022


Athena
posté par Professor Ludovico dans [ Les films -Les gens -Pour en finir avec ... ]

Science sans conscience n’est que ruine de l’âme. Il en va de même pour le cinéma. Athena, de Romain Gavras, fait partie de ces films-là. Le cinéaste s’y enivre de sa propre virtuosité, sans réaliser que son œuvre a oublié son âme au passage.   

Au début, le film semble très clair : après la mort d’Idir – un jeune maghrébin tué, paraît-il, par des policiers –, ses trois frères réagissent différemment alors que la colère gronde dans la cité Athena. Abdel, militaire de carrière, tente de ramener le calme, alors que Karim, son cadet, dirige la révolte. Le troisième, Mokhtar, est un gangster et espère tirer les marrons du feu.

Le propos, lui aussi, est limpide : la misère des banlieues additionné au complotisme d’extrême droite mène tout droit à la guerre civile. C’est très clairement dit, on ne peut le nier*. Mais plus le film se développe – via des plans séquences étourdissants, comme on en a sincèrement jamais vus au cinéma -, plus Romain Gavras oublie l’essentiel, c’est à dire l’image qu’il renvoie de la banlieue : des jeunes sauvageons, à qui seul la colère anti-flic est accessible. Des familles apeurées, qui fuient leur propre cité sans réagir. Des CRS qui n’ont d’autre solution que mener l’assaut, façon siège médiéval.

Si le film était fun (on pense souvent à un film de zombies), tout cela serait très excitant. Mais Athena se veut un film politique sérieux. Sa description « réaliste » de la banlieue produit l’effet inverse : on est terrifiés par les « héros » d’Athena, et on ne souhaite, comme l’extrême droite, que leur éradication pure et simple. Ce qu’accomplit le film, dans l’explosion finale de l’immeuble.**

Filmer cela sans y réfléchir, c’est grave. Et pour une fois le Professore Ludovico est d’accord avec la critique de la Sainte Trinité, unanime :

« Ce tour de force technique, si impressionnant dans la forme, se révèle particulièrement embarrassant sur le fond »
Télérama

« Romain Gavras assomme le spectateur avec une désinvolture politique qui force l’irrespect »
Libération

« Faux brûlot d’un vrai fétichiste de violences urbaines » 
Les Inrocks

« Déluge de violence stylisée, personnages inexistants », « Romain Gavras assomme le spectateur avec une désinvolture politique qui force l’irrespect »
Libération

Sans parler de l’avis – définitif – du Professorino : « Romain Gavras n’arrive pas à se résoudre à l’idée qu’il n’est qu’un blanc privilégié et petit-bourgeois. »

C’est bien le problème d’Athena.

* Dans le making of disponible sur YouTube, le cinéaste parle de la Cité d’Athènes, de la poésie, de la violence, etc. Ce n’est pas interdit, d’autres l’ont fait. Apocalypse Now, La Ligne Rouge se sont aussi enivrés eux aussi de la beauté de la guerre. Mais ces films n’oublient jamais leur but.

** Par un ancien islamiste revenu de Syrie : cherry on the cake