dimanche 20 août 2017


Twin Peaks saison 3
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]

Il y a une justice finalement. Avec 250 000 spectateurs à chaque épisode aux États-Unis, Twin Peaks est un énorme flop. A titre de comparaison, la série réunissait 15 millions de spectateurs lors de sa première saison, en 1990.

A part les quelques francs-tireurs habituels, – Libé-Télérama*, you name it – qui ont cru bon s’extasier (et encore, seulement quelques journalistes au sein de ces rédactions), le reste du monde libre a compris que David Lynch était mort depuis longtemps en tant que cinéaste. Depuis Inland Empire, exactement, auquel cette saison fait paraît-il penser. Mais c’est si mal écrit, si mal joué, à un point qui serait inacceptable pour Joséphine Ange Gardien, que ça en devient une insulte. Une provocation, puérile et futile de la part d’un aussi grand cinéaste.

Bien sûr, il y a eu l’épisode huit – extraordinaire moment de cinéma expérimental à une heure de grande écoute sur une télé américaine – sur le Thrène pour les Victimes d’Hiroshima de Kristof Penderecki. Mais pour dire quoi ? On ne sait toujours pas, quatre épisodes plus tard. Lynch se moque du monde, mais cette fois-ci ce n’est pas drôle.

Une série, ce n’est pas un film. Une série, c’est avant tout des personnages auxquels on s’attache, qui font partie de la famille, que ce soit Columbo, Dr House ou Bobby, Audrey, Norma, et Dale Cooper. Ces fantastiques personnages, créés il y a vingt-cinq ans, c’est eux qui sont ridiculisés, humiliés, et insultés. Par leur propre créateur.

Alors que Lynch avait réussi quelque chose de magnifique en réunissant à l’écran ces acteurs, et qu’il avait l’incroyable opportunité de raconter à nouveau l’histoire de cette ville, deux décennies après le drame**, il se perd à filmer en noir et blanc des phonographes et des îles battues par le vent.

Ce qui nous attriste, (plutôt que ce qu’il nous inflige à nous – victimes masochistes et consentantes, incapables d’abandonner et préférant boire le calice jusqu’à la lie), c’est de voir cet immense créateur brûler sa propre toile, sans être capable de trouver la moindre explication à ce massacre.

* L’hebdo met encore cette semaine deux T à la série de Lynch, et un seul à L’Année du Dragon. Ça me fait penser à ce que disait récemment Michel Ciment au Masque et la Plume à propos de T. Malick : « La critique française descend son dernier film parce qu’il est incompréhensible, mais s’extasie sur un film roumain filmé dans le noir pendant 90mn. »

** Lynch se contente d’esquisser cette possibilité : Norma et Shelly fidèle au poste du Double R Cafe, Bobby devenu flic, etc. Ces moments nous font toucher ce du doigt ce que Twin Peaks, The Return, aurait pu être, et ne sera jamais.