samedi 19 octobre 2013


The Gospel According to Saint Alfred #2: « N’adapte jamais un chef d’œuvre »
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... ]

Suite des conseils de Maître Hitch, dans l’excellent podcast Hitchcock/Truffaut tiré du livre du même nom. Aujourd’hui, « N’adapte jamais un chef d’œuvre« .

Quand Truffaut lui pose la question, Hitchcock commence par éluder, à parler respect de l’écrivain, cet artiste qui travaille parfois toute une vie sur un livre, et voit son travail réduit à 2h de pellicule par un « simple artisan », selon les mots de Hitch. « Pour les Oiseaux, je n’ai lu la nouvelle de Daphné du Maurier qu’une fois, et je serais bien en peine de vous la raconter. Par contre, j’ai gardé l’idée. » « Pourtant vous pourriez faire un excellent Crime et Châtiment ! », lui dit Truffaut. « Oui, répond Hitch, mais c’est l’oeuvre de QUELQU’UN D’AUTRE ». Tout est dit : un grand maître ne se compare pas à un autre grand maître, fut-il d’un art différent.

C’est exactement ce que disait Kubrick, un peu méprisant à propos du Shining de Stephen King : « Il vaut mieux adapter de la littérature de gare ». Un chef d’œuvre, c’est d’abord un style, dirait King of Cote, c’est à dire quelque chose d’impossible à rendre au cinéma. Comment traduire les cut-up de Burroughs ? Les phrases magnifiques de Proust ? La simplicité de Carver ? Le cinéaste devient un pur illustrateur.

Et c’est sans parler de la communauté des admirateurs, ces gardiens du temple fanatiques qui gardent l’œuvre prisonnière. C’est le cas des adaptations du Seigneur des Anneaux, où Jackson déploie toute son énergie à rester dans les canons Tolkieniens, ce qui rend ses films le plus souvent fades.

Adapter Shining, c’est acheter de l’argile que l’on pourra sculpter comme on veut.