lundi 3 septembre 2007


Armageddon, part II
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... ]

Ce blockbuster, vous le savez, fut à l’origine d’un papier séminal du Professor. Depuis, l’eau a coulé sous les ponts. Mais à la revoyure récente dudit film, on peut suggérer quelques compléments d’analyse que nous vous livrons ici, en bloc.

Armageddon, ou la lutte contre la Tyrannie
Je vous rassure, Armageddon n’est pas marxiste. Mais il appelle pourtant, sournoisement, à la rébellion. Rébellion contre qui ? Contre la tyrannie. Vous croyiez que Bruce Willis et ses working class heroes combattaient le météorite censé détruire la terre ? Il n’en est rien. Ils combattent un ennemi beaucoup plus sournois, souterrain : l’ennemi intérieur, la technocratie, la bureaucratie, Washington et la NASA. En un mot, la Tyrannie.

Au mitan du film, le président des USA, qu’on voit toujours à la Maison Blanche, dans l’ombre (la Conspiration !), suit les conseils de son général en chef, qui n’a plus confiance dans Bruce Willis pour sauver le monde. Plus confiance dans Bruce Willis ??? Mais il est fou, celui-là ! Il n’a pas vu Piège De Cristal ???

Le Président ordonne donc de passer au Plan B. Immédiatement, des militaires des Forces Spéciales investissent la NASA et en prennent le contrôle. La scène est filmée comme un coup d’état. Et c’en est un… Leur objectif : faire sauter directement la bombe à la surface du météore, puisque Bruce Willis n’y arrive pas ! Mais en agissant ainsi, ils condamnent l’humanité, puisqu’il faudrait normalement déposer cette bombe à 250 m de profondeur, sinon le météore ne sera pas détourné de sa trajectoire meurtrière…

Cela n’arrête pas le Président, incompétent, mal conseillé, bref… Tyrannique !

Cette scène fait écho à d’autres productions Simpson/Bruckheimer : USS Alabama, par exemple, suit le même modus operandi. Denzel Washington lutte contre un autre Tyran, Gene Hackmann. Celui-ci est prêt à tout (risquer la vie de ses hommes, déclencher le feu nucléaire) dans le seul but d’appliquer les consignes. Phrase culte : « Nous sommes ici pour défendre la démocratie, pas pour l’appliquer !»… A la fin, nos deux personnages sont réconciliés, et jugés tous les deux fautifs par le tribunal militaire, mais… pardonnés : les deux personnages ne sont rien d’autre que les deux faces de cette même nation, l’Amérique, capable d’être la plus grande des démocraties comme de sombrer dans la plus noire des tyrannies.

Cette tension, on le retrouve aussi dans un face à face récent signé toujours Bruckheimer : Déjà vu, opposant le terroriste d’extrême droite au flic intègre (Denzel Washington, toujours).

Armageddon ou la lutte des classes
Armageddon, c’est aussi l’histoire de lutte des classes. Quelles sont ses forces en présence ? D’un côté, les héros, qui sont, sans exception des « damnés de la terre » : un obèse mangeur de donuts (Ken Hudson Campbell), un père abandonneur de famille (Will Patton), un cowboy paumé (Owen Wilson), un biker noir (Michael Clarke Duncan), un obsédé sexuel (Steve Buscemi). Le type même des losers white trash rejettés par Uncle Sam. Sans parler du monde entier : pauvres chinois dans leurs jonques, foules en extase religieuses devant le Taj mahal, français mangeurs de baguettes… et astronaute russe sans le sou, dérivant en orbite géostationnaire !

Dans le camp d’en face, les prototypes de la technocratie bien pensante, mangeurs de yaourt au bifidus, au profil tout aussi viril qu’indifférencié : ingénieurs à la NASA, dépenseurs d’impôts du contribuable, militaires obtus, ingénieurs loin des réalités du peuple. Heureusement, les working class heroes, aidé du seul mec bien de la NASA (Billy Bob Thornton, moche et handicapé) sauveront le monde de ces technocrates. Pour seul paiement, que réclament-ils ? De l’argent ? Des honneurs ? De la reconnaissance ? Non. Ils veulent des demandes simples, comme seul le peuple a la liberté de la faire : « Je veux que mes contraventions soient effacées, je veux savoir qui a tué Kennedy et surtout, ne plus payer d’impôts !!»

Armageddon ou la Guerre des Sexes
Armageddon est aussi un film sexuel, voire freudien : Bruce Willis veut mettre sa foreuse bien profond, au cœur du météore, tout en sauvegardant la virginité de sa fille (on est au XXI° siècle, Bruce, réveille-toi !), virginité sous la menace par des appétits sexuels de son meilleur foreur (Ben Affleck), qu’il considère pourtant – ou justement – comme son fils. « Occupe toi de de ma fille ! » Tel est le dernier message adressé par le Père au Fils. On ne fait pas dans la finesse, mais n’est-ce pas le charme des productions Simpson/Bruckheimer ?




lundi 3 septembre 2007


Le Fils de l’Epicier
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Vous pouvez vous pincer : oui, j’ai vu Le Fils de l’Epicier, et oui, j’ai trouvé ça bien ! Petite chronique sur la désertification des campagnes et la complexité des rapports père/fils, ça sentait le film français dans toute sa splendeur mais non, c’est une oeuvre sympathique, subtile, pas très bien interprétée, mais à voir quand même.




lundi 3 septembre 2007


Transformers
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Au moment où les hybrides (les voitures), s’installent à Los Angeles, un autre hybride, filmique, a envahi nos écrans cet été : il s’agit de Transformers. Loin de moi, a priori, l’idée d’aller voir la mise en images (de synthèse) d’un dessin animé pour enfants, fut-ce par le talentueux Michael Bay, auteur, comme chacun sait de chefs d’œuvres insondables comme Armageddon, The Rock ou Bad Boys I&II.

Hybride, oui, car il s’agit là du résultat d’amours coupables entre Michael Bay, cinéaste bruckheimerien pur jus (Hélicos, Explosions, Mauvais Esprit Républicain) et Steven Spielberg producteur (Bons Sentiments Démocrates, Enfance, Banlieue Américaine).

Le résultat est le portait composite et inattendu de ses deux papas : l’énergie brute de Bay, le sentimentalisme spielbergien. L’innocence de l’enfance (la petite fille), l’esprit potache adolescent (les histoires de branlette). La violence vue comme un parc d’attraction (Bay), la violence de la guerre vue comme une extermination (Spielberg). Tout y est, en quelque sorte. Un film pour les petits et un film pour les grands, la parodie, l’humour premier degré, le film d’action, la romance…

Sur le fond, Transformers est une hymne à l’Amérique, à la Bagnole et à la Liberté. Comme toujours chez les bruckheimeriens, le héros défie l’autorité, et le Méchant Etat Centralisateur. Le héros doit non seulement affronter les robots qui veulent détruire l’humanité, mais aussi une bande pitoyable de Men In Black appartenant au Gouvernement des Etats-Unis, et menés par un tout aussi pitoyable John Turturro. Les méchants robots, comme par hasard, s’incarnent dans les symboles du pouvoir : une radio sur Air Force One, une voiture de flic, un hélicoptère de l’armée. Les bons robots, au contraire, s’incarnent dans les symboles de la liberté américaine : la Chevrolet Camarro, le Truck Américain… Côté Spielberg, la solution ne peut venir que de la Banlieue Américaine, seul réservoir possible en Héros Ordinaires…

Des nouvelles du côté obscur, aussi : quelques relents post-11 septembre traînent de ci, de là, à la hauteur du traumatisme : les forces américaines sont au Qatar au début du film, et le Mal y jaillit pour la première fois. Pas les gentils arabes, que les marines sont là pour protéger, bien sûr, et qui les aident en retour, mais bien un de ces méchants robots-scorpions qui détruisent tout sur leur passage, notamment des mosquées ! Au final, la guerre se déroulera bien en Amérique, à Los Angeles même (l’affiche du film montre pourtant New York).

Au cas où on n’aurait pas compris, un soldat le rappelle au héros, qui voudrait éviter le combat : « Maintenant, nous sommes tous des soldats ! »

Faut-il y voir quelque chose de rassurant, comme un rappel des Minutemen venant à la rescousse de la démocratie menacée par l’envahisseur, ou au contraire, le présage plus inquiétant d’une Amérique angoissée, et remilitarisée ?




lundi 3 septembre 2007


Michael Collins
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD ]

Il faut le reconnaître, c’est toujours un bonheur de voir les américains se planter comme nous ! Vieux réflexe de cour d’école j’imagine, quand le prof de sport se vautre lamentablement aux barres asymétriques…

C’est le cas ici de Michael Collins, biopic raplapla réalisé en 1996 par Neil Jordan (qu’on connu plus caustique), sur le célèbre révolutionnaire irlandais. Ce film pourrait aisément passer pour un téléfilm français, avec Victor Lanoux dans le rôle titre, et réalisé par la subtile et raffinée José Dayan.

Tous les poncifs sont là : enchaînement de moment-clés, mais sans progression dramaturgique, reconstitution soignée, mais au détriment d’un véritable scénario, casting de luxe (Liam Neeson, Alan Rickman, Julia Roberts), mais casting anachronique, essayant, dans un effort pitoyable, de prendre l’accent irlandais…

Le tout parfumée à une sauce moralement assez indigeste: les odieux militaires britanniques contre les gentils assassins de l’IRA… On aurait espéré un minimum de pédagogie ! Mais Michael Collins, c’est le reflet, une fois de plus, des comptes qui se règlent à distance entre l’Angleterre et son ancienne colonie.