mardi 30 octobre 2012


Homeland, divided we fall
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]

« Pourquoi tuer un homme, si on peut tuer une idée ? » s’interroge un personnage de Homeland dans le Season Finale.

C’est, très simplement, ce que fait la série : tuer une idée, sa propre idée ontologique, celle qui donnait envie de rester coincé le jeudi en éteignait les portables, les tablettes, les iMachins et les iChoses. Une belle idée, en vérité. L’idée de décrire la culpabilité qui traverse la démocratie américaine depuis le 11 septembre. De trancher dans le vif, Guantanamo, l’Afghanistan, Haliburton et les échecs de la CIA et du FBI.

Malheureusement, à force de tordre ses concepts de départ : Armée – Famille – Patrie et de voir ce qu’il en reste après le tsunami al-qaedesque, Homeland montre ses limites, jusqu’à l’implosion.

C’est ce que le Professore appelle le « cinéma adolescent ». Un cinéma Mouai-Euh, On-Dirait-Que, Ho-Là-C’est-Trop-Injuste… Vous vous rappelez de ça, non ? Quand vous jouiez dans la cour de l’école à refaire Mission : Impossible ? Mais voilà, maintenant on est dans la cour des grands, on n’est plus censés jouer. Les américains, si. Et Homeland, c’est ça : quand tout à coup, effrayé de sa propre audace (un de ses GI, le cœur de l’Amérique, serait passé du côté obscur), il se sent obligé de tempérer son propos. D’expliquer sa conversion (en idéalisant l’Islam, voir chronique précédente). De justifier sa décision (les petits nenfants irakiens tués par les méchants drones américains). De pitcher évidemment, sa saison 2 (en relançant le suspense d’une manière abrupte)… Qui y perd là dedans ? Le réalisme, évidemment. On ne croit plus à ce personnage, qui semble aimer ses enfants, mais est prêt à détruire son pays, voire plus. Qui arrête son geste, parce que sa fille lui demande… qui peut être machiavélique et aimant à la fois… et invoquer les mânes de Gettysburg tout en voulant détruire le gouvernement américain ? On retombe là sur les fondamentaux US, décrits déjà dans Armageddon (oui, oui, le film avec le météore) : l’Ennemi est intérieur, ce qui nous guette c’est la tyrannie, c’est Washington.

Pitié.

Comme l’a dit De Villepin « c’est un vieux pays, la France, d’un vieux continent, l’Europe, qui vous le dit aujourd’hui, qui a connu les guerres, l’occupation, la barbarie… » Ce n’est plus possible de filmer de telles conneries (c’est le Professore qui ajoute), de faire un cinéma qui a peur de son ombre, de ses audaces à deux balles, et qui court se mettre à couvert quand les obus commencent à tomber.




jeudi 12 juillet 2012


Mélancolie sans fin
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Brèves de bobines -Les films ]

Revoir des bouts de Melancholia, l’Armageddon wagnérien, le Festen HD de Lars von Trier, voilà un plaisir qui ne se boude pas.

Dans dix ans, quand les polémiques cannoises (consciencieusement entretenues par l’insane punk danois) se seront tues, on découvrira enfin le chef d’œuvre Melancholia.




dimanche 22 avril 2012


Battleship
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Au départ, il y a une étude de marché extrêmement précise, lancée il y a deux ans auprès d’un panel très ciblé d’environ une personne, le Professore lui-même.

Sujet de ce panel test : Qu’est-ce que le Professore aurait envie de voir en salle en ce moment?

La réponse fut sans appel : de la GCA, de la bonne, de la vraie ! Les services marketing de Hasbro se mettent immédiatement au travail pour trouver la killer app qui conviendrait à cette niche spécifique : une bonne dose de Michael Bay (15% d’Armageddon, 5% de Pearl Harbour, 30% de Transformers) auquel on ajoute un peu de Coulez le Bismarck !, un kilo de patriotisme yankee et, suite à l’étude détaillée de mon profil Facebook, une blonde à gros seins pour finaliser le tout. Michael Bay n’étant pas disponible, Peter Berg fera l’affaire (je pense qu’ils ont également espionné CineFast)

Résultat : le marketing, ça marche ! Le Professore a applaudi chaque minute de Battleship : les gratte-ciels qui s’écroulent, les ovnis qui attaquent, l’USS Missouri qui reprend du service. C’est con, mais c’est bon ! Reprenant l’adage Bayen « The bigger, the passer » (en francais, « Plus c’est gros, Plus ça passe »), Peter Berg a revendu son stock de dentelle de Calais et l’a échangé contre de la fonte pure.

Donc, bien assis au poste de commandement de son cuirassé, le petit Peter ne recule devant rien, ni les dents de l’alien qui volent face caméra dans le combat de boxe final (depuis Star Trek, la série, on sait que les combats intergalactiques se résolvent à coups de poing dans la gueule), ni le USS Missouri qui repart comme en 40 avec trois marins et deux retraités, ni la blonde qui attaque le camp alien en Jeep Wrangler, non, non, rien ne nous sera épargné, parce qu’avec Peter Berg, oui, « Tout devient possible ! ». Tout, et surtout l’incroyable, c’est à dire adapter, vous avez bien lu, le jeu de la Bataille Navale TM au cinéma. Le truc de CM2, « B2-C2, contre-torpilleur coulé !», eh bien le petit Peter, il réussit même à placer une Bataille Navale TM* au cœur de l’action…

On pourra regretter quelques peccadilles, les dialogues assez faibles (pas de JJ « Armageddon » Abrams à l’horizon), on pourra estimer que le talent de Mr Berg est bien gâché (après les coups de maître Hancock, et Le Royaume), et que son talent aurait pu être utilisé à meilleur escient (Dune, toujours coincé dans un « pli de l’espace« ). Mais ne boudons pas notre plaisir : Battleship est drôle, Battleship est fun, Battleship est le film con et bon qu’il faut voir en ce moment …

* C’est bien ça le plus incroyable, Hasbro déposant le concept de Bataille Navale. Qu’Hollywood en fasse un film, cela devient presque naturel. Pirates des Caraïbes, une attraction Disneyland, est bien devenue une franchise à succès ; on parle même de Ridley Scott pour adapter Risk et d’une possible adaptation de Monopoly.




mardi 21 février 2012


Millenium
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Il fallait bien que ça arrive ; les géants finissent bien par trébucher. Voilà, Millenium est raté, c’est le premier film inintéressant du Cinéaste Chrétien cher à CineFast.

Des ratages comme ça, on en voudrait beaucoup. Excellemment joué par Daniel Craig, Stellan Skarsgård et surtout l’incroyable Rooney Mara, déjà prodigieuse dans ses deux petites scènes de The Social Network. Filmé avec maestria, mais c’est le moins que l’on attend de David Fincher. Musique splendide (encore signée Trent Reznor et Atticus Ross, Fincher a peut-être trouvé ses Danny Elfman/Angelo Badalamenti à lui). Et un générique d’anthologie, l’Immigrant Song de Led Zeppelin transmué en pétrole visqueux par les boucles de fil barbelé de Reznor.

Mais pour le reste, Millenium le film ne fait que révéler – encore plus que sa version européenne* – la vacuité de Millenium le livre. Délire masochiste d’un écrivain maudit (le livre de Larsson, comme chacun sait, ne sera publié qu’à sa mort), obsession sexuelles et culpabilité masculine, le tout finement caché sous une pseudo dénonciation de la Suède-qui-a-collaboré-avec-les-nazis, Larsson avait tous les atouts pour séduire un lectorat bien-pensant. Le genre de public, à droite comme à gauche, qui trouve qu’Armageddon est un film facho, mais se régale de la Loi du Talion version suédoise. On aura donc droit dans le Millenium façon Fincher aux mêmes scènes ignobles de vengeances Lisbethiennes, qui ne déparerait pas dans le final de L’Arme Fatale 2. Il manque clairement à cette version le message moral, et l’ambigüité des autres films de Fincher. Quant au conte de fée final (Lisbeth la Gothique se métamorphose en It Girl pour vider des comptes bancaires), on se croirait dans Mission : Impossible (perruque Barbara Bain en sus).

A vrai dire, tout cela n’est que l’écume des choses, car le vrai problème de Millenium, c’est évidemment la Loi d’Olivier, qui dit qu’un cinéaste ne peut pas être le seul maître à bord de son film. Or, pendant que l’on suit l’enquête Blomkvist/Salander, aucune piste ne nous est offerte. Ce qui peut marcher dans un livre, a fortiori un pavé comme Millenium, ne fonctionne pas dans un film. On vit, on réfléchit pendant des semaines dans un livre, on ne rêve que quelques heures dans un film.

La révélation finale, dès lors, tourne fatalement aux Mystères de l’Ouest : James West/Mikael Blomkvist enfin attaché très inventivement à la Machine Infernale, le Professeur Lovelace peut enfin révéler son enfance malheureuse et donc son ambition, assez peu originale, de devenir Maître du Monde. Ou ici, plus modestement, de tuer des jeunes femmes…

Mais Les Mystères de l’Ouest, au moins c’était rigolo.

* selon le quatrième évangile de Cinefast, disponible ici.
** Le film suédois de Niels Arden Oplev sonne plus juste : pas de faux accents suédois surjoué par les acteurs américains, et surtout un casting plus réaliste : contrairement au sex appeal jamesbondien de Daniel Craig, Michael Nyqvist est un Blomkvist gras du bide. Sa relation avec Lisbeth Salander est d’autant plus improbable, et donc d’autant plus érotique.




jeudi 3 novembre 2011


Le sexe c’est mal (aux USA)
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... ]

Le paradoxe est magnifiquement expliqué dans Évidences Invisibles de Raymonde Carroll : nous ne comprenons pas pourquoi les américains parlent de façon si obscène de l’argent, et nous, du sexe.

La visionnage de Zack et Miri Tournent un Porno m’a rappelé des passages de cet ouvrage, à recommander à tous les diseurs de généralités, sur les étrangers en général, et les américains en particulier.

Dans le film de Kevin Smith, le spectateur passe du porno au mélo sirupeux avec une confondante aisance. Ce n’est pas grâce à Kevin Smith, mais bien aux valeurs américaines qui sont en jeu.

Pour les américains, le sexe c’est mal. Ce qui compte, c’est l’image que peut donner le couple à l’extérieur. Une raison pour laquelle, d’ailleurs, les maisons américaines ont souvent de grandes baies sur la rue : rien ne doit être caché aux voisins. De même, si votre couple se déchire, il importe d’être « supportive », c’est à dire de continuer à soutenir sa femme ou son époux en société, ou dans ses projets.

En 1992, des amis américains m’avaient permis de concrétiser mon fantasme : piloter un avion. Quand je leur confiais, enthousiaste, que c’était « le meilleur quart d’heure de ma vie », ils regardèrent Mme La Professore avec commisération : le meilleur quart d’heure de ma vie n’était-il pas le jour où je l’avais rencontré ma tendre épouse ?

Pas étonnant que le sexe soit aussi censuré dans cet univers de decent american people, comme les fustigeait William Burroughs.

Partant, le cinéma US est d’une pauvreté absolue en la matière. Visuellement, l’amour physique ne peut être représenté que de deux manières, bien allégoriques : si on s’aime, c’est sagement et au lit. Si c’est une passion violente, subite, dangereuse, c’est contre le mur ou la porte. Toute autre possibilité représente une attitude anxiogène, souvent réservée aux méchants. Qu’on pense aux gâteries de Sharon Stone, dans une scène dramatique de Casino, ou à la diablesse Kathleen Turner dans La Fièvre au Corps. Quand la passion physique est au rendez vous, c’est que le crime ou la punition n’est pas loin. William Hurt sera bien puni de ses aventures avec Kathleen Turner, comme les héros de Volcano, où tous les pécheurs sont punis par le volcan : un couple brûle dans l’eau bouillante même où ils avaient batifolé. Dans Armageddon, Ben Affleck, même s’il aime sincèrement Liv Tyler, doit régulariser impérativement sa situation en l’épousant… Hey, les gars, c’est l’an 2000 !

Dans Zack et Miri tournent un Porno, Kevin Smith aligne les plaisanteries les plus salaces, pour ne pas dire les plus scatos, mais ne franchit jamais la ligne jaune du sexe pour le sexe.

Les seuls explorateurs de ces noirs penchants sont évidemment les séries, qui depuis HBO ont attaqué la Montagne du Sexe comme ils avaient déjà gravi les Cols de Drogue, de l’Homosexualité, et de la Politique.

Cela n’allait pas de soi, car les séries étaient encore plus consensuelles que leurs grands frères filmiques. Friends parlait cru, mais pour revenir ad nauseam sur les valeurs traditionnelles, tout en faisant mine de s’en affranchir. Seinfeld, lui aussi avait lancé le débat par de nombreuses allusions sexuelle (et son célèbre « Is it spongeworthy ? »), tout en assumant sa pudibonderie… Mais c’est le câble, et surtout Sex and The City qui ont fait énormément pour le sujet, en décomplexant la question, tout en conservant habilement la quête éternelle du Prince Charmant, mais en y fournissant quatre éclairages possibles. Oz, Rome, Spartacus, Six Feet Under, ont passé la barrière avec succès, en parlant d’autre chose.

Une preuve supplémentaire, s’il en fallait, que l’audace est à la télé.




lundi 3 octobre 2011


11 septembre : et si Ben Laden avait gagné ?
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... ]

Une fois retombées les commémorations et analyses du 9/11, on peut légitimement se poser la question. L’islam n’est il pas, objectivement, plus présent dans nos vies que dans les années 90 ? Malgré les circonstances déchirantes (11 septembre, guerres d’Afghanistan et d’Irak), malgré les clivages « français contre musulman », (comme si on ne pouvait être les deux !), l’islam modéré s’est imposé dans nos vies.

Émissions sur le ramadan à la télé, intellectuel musulmans dans les débats, organisme de représentation de la communauté (Conseil Français du Culte Musulman, par exemple), toutes ces manifestations sont imparfaites, mais elles n’existaient pas dans les années 90. On pourrait même dire que les musulmans n’existaient pas. Aujourd’hui, comme dans Une Séparation, et malgré les reportages racoleurs façons TF1, France 2 ou M6, on préfèrera une femme voilée modérée à une femme voilée ultra. Même si il n’est pas inconvenant de dire qu’on pourrait préférer pas de femmes voilées du tout.

C’est la victoire – paradoxale – d’Ousama Ben Laden. Il promettait un Islam de mort, il fait éclore un Islam modéré. Il voulait la destruction de l’Amérique, les américains préfèrent changer. Car c’est là l’objet de cette chronique. Si on accepte (et c’est un une obligation si on suit ce blog), si on accepte l’idée que le cinéma est l’âme d’une nation, alors, oui il est évident que les USA ont changé. Leur cinéma n’est plus le même, et ne le sera jamais plus. La GCA, à base de Capitole en flammes, de terroristes faisant sauter le World Trade Center, et de Président US se bastonnant à bord de Air Force One, ce cinéma a disparu. Fini Armageddon, Independance Day, Air Force One, Le Pacificateur, et autres productions Simpson Bruckheimer.

Depuis le 11/9, ce type de film n’est tout simplement plus possible.

On notera que les buildings ont mis du temps à réexploser (Transformers, 2012, …) et que leur explosion laisse un gout amer dans la bouche. L’étonnant Déjà Vu, ou Source Code n’ont plus ce ton triomphaliste… A l’instar de ces deux tours qu’elle a mis 10 ans à reconstruire, le cinéma américain est-il en pleine reconstruction, ou se cherche-t-il encore dans les décombres. Depuis 2001, de grands films ont traité le sujet : Syriana, Jarhead, W, WTC, Brothers, et bientôt l’adaptation de Extremely Loud And Incredibly Close, de l’excellent Jonathan Safran Foer.

L’Amérique est entrée dans l’ère post-11 septembre : pour le meilleur, ou pour le pire ?




lundi 29 août 2011


La nouvelle nouvelle guerre des boutons
posté par Professor Ludovico dans [ Hollywood Gossip -Le Professor a toujours quelque chose à dire... -Les gens ]

C’est l’histoire d’une guerre, souterraine, secrète, mais une guerre quand même. Cette guerre, c’est la guerre des boutons. Rappel des faits : en 1912, Louis Pergaud écrit La Guerre des Boutons, le livre, qui deviendra un film drolatique d’Yves Robert, en 1955. (Je peux écrire drolatique, parce que je ne l’ai pas vu, le film….)

Mais grâce à lui, les aventures de Petit Gibus deviennent cultes, comme les répliques « Si j’aurais su, j’aurais po v’nu ! »

Aujourd’hui, le livre est tombé dans le domaine public. Marc du Pontavice, ancien de la Gaumont et producteur de Gainsbourg, Vie Héroïque, flaire la bonne idée, pas chère (pas de droits à payer, malgré une notoriété inentamée : faisons un remake !). Un projet est lancé, sous la direction de Yann Samuell (Jeux d’Enfants) avec notamment Alain Chabat et Mathilde Seigner.

Mais Thomas Langmann (Astérix, Le Boulet) a eu la même idée. Il a monté lui aussi un projet, autour de Christophe Barratier (Les Choristes) et de Kad Merad et de Gérard Jugnot. Le conflit ne peut se régler devant les tribunaux, puisqu’il n’y a plus de droits cédés. Ca sera donc la guerre. On appelle comédiens, techniciens, décorateurs, et on menace « si tu fais La Guerre des Boutons avec Machin, tu ne travailleras plus jamais dans le cinéma français* », entre autres amabilités.

Moralité : deux films sortent, à une semaine d’intervalle (14 et 21 septembre), sans argumentaire marketing sérieux pour faire pencher la balance. D’un côté, l’humour Nuls, la sensibilité et l’esthétisme façon Yann Samuell, de l’autre le plus franchouillard, façon Choristes, Barratier-Merad-Jugnot. Il n’y aura à l’évidence aucun vainqueur, mais deux perdants. D’abord parce que personne de sensé n’ira voir les deux. Et que même si l’un l’emporte sur l’autre, il perdra quand même, mathématiquement, une bonne partie des entrées de son adversaire.

Petits dégâts collatéraux : comment sera géré la promo ? Invitera-t-on en même temps Kad Merad et Alain Chabat aux Enfants de la Télé ? Osera-t-on leur poser une question sur le ridicule de la situation ? Et si on ne le fait pas, c’est l’interviewer qui sera ridicule, d’enchaîner ainsi, sans rien dire, la promo du même film. Et cela promet aussi une belle foire d’empoigne lors des diffusions télé : « Si tu achètes la Guerre de Machin, n’espère pas avoir mon Astérix IV ! »

Rien de grave à tout cela, mais plutôt un sujet de rigolade, assez fréquent si on y regarde de plus près : il y a deux Borgia à la rentrée : celui que Canal+ a produit, écrit par Tom Fontana, et celui que Canal+ a acheté à Showtime, et qui est déjà diffusé partout dans le monde. Si Canal l’a acheté, c’est pour éviter de se faire griller deux fois. Une fois à l’international (c’est fait, personne n’achètera les Borgia façon Canal), et une fois en France (pas question que M6 ne diffuse un Borgia Showtime avant le mien)…

De même, 1998 vit l’affrontement titanesque de Deep Impact et d’Armageddon, sur le même sujet météoritique : Le Simpson-Bruckheimer l’emporta localement, laissant la victoire international au mélo de Mimi Ledder…

*Selon la formule célèbre de Julia Philips : « You’ll never eat lunch in this town again », titre de son livre de révélations sur Hollywood, et menace sous-tendue si elle publiait lesdites révélations. Quatre prostituées d’Hollywood reprirent l’idée dans leurs propres confessions « You’ll Never Make Love In This Town Again »




lundi 22 août 2011


Put the bunny back in the box !
posté par Professor Ludovico dans [ Brèves de bobines -Le Professor a toujours quelque chose à dire... ]

C’est l’histoire d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent connaître… Une Amérique pré Ben Laden, sûre d’elle même et dominatrice, qui produisait de la GCA sans complexe. Dimanche soir, TF1 diffusait Les Ailes de l’Enfer, Con Air en VO, Air Con pour les intimes*

Eh bien à ma grande surprise, ça n’a pas trop vieilli. Pas mal pour un film déjà pas terrible à l’époque. Loin derrière pourtant des autres productions du tandem roi de la décennie, Don Simpson-Jerry Bruckheimer ; loin derrière The Rock, Armageddon, USS Alabama

Mais bon, c’est peut-être le dernier bon Nicholas Cage, et c’est surtout le film d’une réplique, culte forever :

– « Repose le lapin dans la boîte »

*© James Malakansar




jeudi 21 juillet 2011


Des Hommes et des Dieux
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

Pour une fois, on ne va pas faire vraiment la critique d’un film, mais plutôt celle de son succès, démesuré. Comme un peu Woody Allen, à qui on ne refuse pas le droit de faire des films, mais dont la Allenmania critique et populaire nous rend un peu sceptique.

Le film, parlons-en vite fait : des moines perdus dans la montagne algérienne, mais intégrés depuis toujours à la vie de leur village, voient la guerre chaque jour se rapprocher. D’un côté, le GIA a la mauvaise manie de trancher la gorge à tous ceux qui ne sont pas d’accord avec eux ; en face, l’armée algérienne, brutale et corrompue, qui use de toutes les ficelles pour se maintenir au pouvoir. Dilemme : rester ou partir ? C’est, parait-il le sujet du film. En deux mots, on s’ennuie ferme. Ça pourrait s’arrêter là, si le film n’avait pas connu le succès que l’on sait.

Car le film de Xavier Beauvois, bon, ben, voila, c’est un film… Ni plus, ni moins. Des beaux paysages (pas génialement filmés), des acteurs sous-employés, et des dialogues ras les pâquerettes…

Pourquoi ça marche, alors? D’abord sûrement part ce côté téléfilm, facile d’accès, « Tiberhine pour les Nuls ». Ensuite parce que le film ne prend pas partie (en apparence, voir ci-dessous)… Et ça, les français aiment bien : les journalistes objectifs, les politiciens plutôt au centre (même s’ils ne votent jamais pour eux), et donc les films bayroutistes, « au miyeu »… Ben oui, mais l’art c’est pas ça. Dieu (et le cinéma) vomit les tièdes, comme dirait l’autre…

Donc on ne saura rien des défauts de ces gentils moines, de leur passé, de leurs motivations monacales, et donc on se fiche un peu qu’on leur tranche la tête.

Quand aux ennemis, les barbus qui font peur mais qui respectent le petit Jésus, ou les militaires méchants qui ne respectent même pas leurs ennemis, vous voyez bien ce que j’en pense… le problème, c’est tout simplement que Xavier Beauvois, c’est quelqu’un qui n’a pas confiance dans le cinéma. Quand un personnage a peur, il ne sait pas filmer ça. Il lui écrit une ligne de dialogue « J’ai peur ». Si un type est méchant, il le filme en colère. Il ne sait pas qu’un plan, une grimace, un montage particulier pourrait rendre le même service, plus subtilement.

Alors, ce succès ? Dans une France qui se vante à chaque coin de rue qui se vante d’être anticlérical et athée (mais qui entretient la moindre chapelle de village), dans un pays qui se moque de l’Amérique bigote d’Armageddon, on a du mal à comprendre. Car volontairement ou non, Des Hommes et des Dieux est un film de propagande. Ou, pour le dire plus gentiment, une belle image d’Epinal. Les français aiment les images d’Epinal, et les américains aussi.

Dans la collection Catholicisme, il y avait déjà du choix « Inquisition« , « Croisades« , « Méchant Pape contre Gentils Cathares« , il y a ici « Le Bon Curé« . Le type doux, aimant son prochain, gentils avec les pauvres algériens, qui soignent et qui nourrissent : les médicaments, et le miel.

Que ce soit bien clair : je ne doute pas une seule seconde que cela corresponde aux véritables Moines de Tiberhine.

Mais disons que le film de Beauvois fait sonner une corde sensible, celle de notre mission civilisatrice en Algérie (critiquée d’ailleurs par un demi-méchant du film). Et voilà notre rêve d’Algérie, terminé pourtant depuis cinquante ans, qui resurgit : les blancs amenant médecine, agriculture, tolérance. Vivant parmi les arabes qui les aiment et les respectent. Et en face, les mêmes clichés, vivaces : depuis qu’on est partis, qu’ont-ils fait de ce merveilleux pays que nous avions aménagé, irrigué, cultivé ? Des barbus terrifiants, et le pouvoir algérien issu du FLN.

Encore une fois, rien n’est faux là-dedans. Mais il fallait pour Xavier Beauvois adopter la forme du documentaire, ou bien accepter la fiction, et s’y plonger, complètement.




vendredi 8 juillet 2011


Transformers 3
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Assez ri.

Après la phase « Cinéma Iranien », revenons au fondamentaux : Transformers 3. Hélicos, explosions, baffes dans la gueule. En 3D*.

Après avoir dit tant de bien du premier, difficile de désavouer les suites, pourtant un peu lourdes sur l’estomac. Le Whopper c’est bien, le double Whopper c’est trop.

Et dans Transformers 3, il y a cette couche de graisse en trop, vingt bonnes minutes de baston, de répliques pas forcément cultes : « Les decepticons sont derrière le pont ! Feu à volonté !!! », etc., etc., On aurait pu, comme Pirates des Caraïbes 2, 3, 4, mettre les Transformers 2&3 à la diète.

Mais bon : pour toujours, Transformers restera un film-jouet ; il faut l’accepter. On avait parlé de bac à sable la dernière fois, et c’est toujours d’actualité : c’est comme si on avait les robots dans la main, et de l’autre, on empoignait un vieux Goldorak en plastoque, en hurlant les dialogues : « Ecoute moi Megatron, tu vas diiiiire à tes copaaaaains… » Il faut noter à ce sujet que dans la salle, les gens applaudissaient, riaient, hurlaient comme des enfants… Sept ans et demi, pour toujours…

Et comme Transformers 3 est un peu long, un peu basique, ça laisse le temps de réfléchir au sous-texte (toujours intéressant, lui !) et de préparer sa petite chronique CineFast.

De quoi ca parle, Transformers 3 ? Ben, de l’Afghanistan, pardi, et de la fin de la War on Terror ! Les héros sont fatigués, et l’Amérique, pas reconnaissante : Sam Witwicky est au chômage, et Obama lui a juste filé une médaille. « On s’en fout, nous on est républicains ! » comme le dit un des personnages et comme le pense, probablement, Michael Bay.

La guerre est finie, et les américains renient même leurs valeureux alliés, Bumblebee et consorts. Comme d’habitude chez les cinéastes républicains (Bay, Bruckheimer), c’est l’Etat qui a foutu la merde (voir Armageddon (, et ), je ne vais pas redévelopper ici). Donc, plus de navettes spatiales, opérations de cover-up sur la Lune, et tout le fric parti en fumée. Pire, on a confié la lutte contre l’Empire du Mal à une femme (Frances McDormand), une vierge noire psychorigide qui n’écoute pas ceux qui savent, les vrais héros…

Mais à cette petite musique vient s’en rajouter une nouvelle, pour le moins étonnante : la critique de l’entreprise, du business. Car qui a ruiné le programme spatial : des comptables ! En truquant les chiffres, ces salauds ont fait croire que le programme spatial était trop onéreux ! Et l’Etat , lâche comme toujours, a renoncé…

Autre piste, la culture d’entreprise : celle-ci se voit ridiculisé via les entretiens d’embauche délirants de Sam et particulièrement celui avec John Malkovich, caricature de l’entrepreneur imbu de sa personne, imposant dress code et couleur fétiche (IBM ? Apple ? les PCs du films sont des Lenovo, donc des IBM chinois). Acmé de tout ceci : une baston hallucinante dans des bureaux, où tout vole en éclats : ordinateurs, bureaux, cubicles… des papiers voletant dans le ciel de Chicago, la capitale du Midwest, pourtant cher à la Mythologie Bayenne.

On ne peut s’empêcher de penser aussi au World Trade Center, devant ces bâtiments éventrés, découpés, torturés par les decepticons… Démolir l’Etat centralisateur, le Pentagone manipulateur, passe encore, mais attaquer la corporate america, là c’est grave !

Et on se dit que nous amis américains, la deprime guette : eh les gars, ça a pas l’air d’aller très fort…

Ce qui nous ramène à la chronique 1 de Transformers : un film brillant, amusant, incroyablement riche, mais aussi le reflet inquiétant de la dépression américaine.

Bay était, avant 9/11, l’épigone de l’optimiste béat de l’Amérique. Il est devenu le peintre acide de ses doutes.

*Transformers 3 est évidemment en 3D, et évidemment, ça n’apporte rien. Les pubs M&M’s étaient mieux…