lundi 10 octobre 2016


Twin Peaks, la beauté et la vérité
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... -Séries TV ]

Troisième pèlerinage à Twin Peaks, cette fois-ci avec le Professorino. A cet âge-là, – quatorze ans – on déteste se faire imposer par le paternel un quelconque programme de visionnage. Il y a les parties commentées de League of Legends à mater sur Twitch, les messages à lire sur Messenger, et on veut suivre sa propre route ; finir par exemple la saison 3 d’Orange si the New Black, depuis que le vieux a décidé que les filles de Litchfield étaient devenues nulles. Sans parler de la carrière de Jean-Kevin Augustin qu’il faudrait faire décoller sur FIFA 17. Mais la soeur, déjà passé par Snoqualmie Falls, fait pression : ça sent le rite initiatique. On s’y colle donc.

Quand on regarde Twin Peaks pour la troisième fois, il est possible de s’attarder sur les détails. Et donc de remarquer les faiblesses de la série, son montage et ses coupures publicitaires parfois hasardeuses, ses longueurs non voulues (on ne parle pas des longueurs lynchiennes voulues*)…

Mais maintenant, nous pouvons approcher de près la toile Twin Peaks, et admirer un par un les détails, les coups de pinceaux, de Maître Lynch.

On remarquera ainsi que les pilotes des deux saisons sont des chefs-d’œuvre du genre. Et notamment celui de la saison deux, où un moment particulier fait exploser le talent de David Lynch et de ses comédiens.

Dans cette scène, on va enfin apprendre l’histoire d’Ed et de Nadine. Pourquoi ce couple si mal assorti, le garagiste beau ténébreux et la pirate folle des rideaux sont mari et femme. Dans une confession déchirante, Ed raconte les événements survenus vingt ans auparavant. Évidemment Ed aimait Norma, la sublime et émouvante patronne blonde** du Double R, LE diner emblématique de Twin Peaks. Et Norma aimait Ed. Mais un soir, Norma est parti avec Hank, futur voyou de Twin Peaks. De dépit, Ed s’est saoulé avec la première fille venue, Nadine. Nadine, la pas très jolie, mais si douce et si gentille.

Le lendemain, Norma est revenue ; il ne s’était rien passé avec Hank. Pas de chance, Ed et Nadine avait passé la frontière et s’étaient mariés. Tragédie. Vingt ans de malheur.

Cette histoire-là est si bien amenée depuis six épisodes (les regards déchirants des anciens tourtereaux, la folie absurde de Nadine, l’ombre menaçante de Hank qui va sortir de prison) qu’on est émotionnellement prêts à l’entendre. Et cette révélation est si formidablement interprétée par Everett McGill***, assis dans ce couloir d’hôpital, qu’il nous tire directement les larmes, comme à l’Agent Cooper.

Mais c’est à ce moment-là que David Lynch fait un truc absolumement incroyable, un truc qui définit totalement Twin Peaks, qui est totalement Twin Peaks : il inverse la charge émotionnelle de la scène.

Nous étions dans le mélo, nous passons dans la comédie.

En face d’Ed, dans ce couloir d’hôpital où Nadine est peut être en train de mourir, il y a un odieux personnage, qu’on a déjà vu : l’Agent Albert Rosenfield (génial Miguel Ferrer). Depuis le début de l’enquête sur Laura Palmer, Rosenfield représente le seul vrai flic de la série, dur, méchant, mécaniquement professionnel. Un des rares personnages réalistes de Twin Peaks, prêt à découper sans vergogne le corps de Laura pour l’autopsie, ou à moquer les manières de bouseux du Sherif Truman ou du docteur Hayward. Albert, c’est la méchanceté de la ville, c’est l’ombre de Washington qui plane sur l’Amérique des campagnes. Le type qui n’a rien compris à la vraie vie, au bon café, à la tarte aux cerises, aux pins Douglas. Un type qui ne saura jamais que la vraie vie est à la campagne ; un type qui n’a rien compris à Twin Peaks, la ville ou la série.

Et voilà que Rosenfield retient difficilement un fou-rire devant l’histoire d’Ed et de Nadine, d’Ed et de Norma. Plié en deux, maîtrisant à grand peine ses larmes, en contraste total avec la consternation des autres personnages.

Mais, nous, subitement, nous basculons vers Albert : cette histoire d’amour, c’est un cliché ridicule, c’est pathétiquement corny, c’est digne d’un épisode d’Invitation à l’amour, le soap que regarde Lucy avec assiduité.

Encore mieux, Lynch, après nous avoir fait basculer des larmes aux rires, va encore alterner entre ces deux sentiments. Nous avec Ed qui pleure, puis nous qui rigolons avec l’agent Rosenfield, puis retour à Ed, etc.

Arriver à nous faire ressentir en même temps ces deux sentiments, c’est tout bonnement extraordinaire. Ce n’est pas lynchien (l’homme de Missoula étant rarement drôle dans le reste de son œuvre). Est-ce que cela existe ailleurs ? Même pas sûr.

Mais c’est Twin Peaks, cette série-monde qui passe de la tragédie à la comédie, du polar au mélo, ou, comme dans la dernière scène de ce pilote saison 2, à la terreur pure.

Lynch a toujours dit vouloir montrer les choses telles qu’elles sont, et pas comme la morale nous a appris à les regarder. Le cinéaste expliquait ainsi garder dans un bocal de vieux chewing-gum mâchés par ses amis, ou, dans un autre, des mouches mortes. Deux choses bien dégoûtantes en vérité. Mais, expliquait-il, il suffit d’enlever les mots qui ont été plaqués dessus pour entrevoir une autre réalité : la beauté, la vérité. Plus de chewing-gum, plus de mouches, mais une belle pâte rose, brillante et aux formes étonnantes, ou les reflets noirs et irisés de l’autre bocal. Filmer en somme le Festin Nu, le projet littéraire de William Burroughs, la vérité au bout de la fourchette ; sans jugement, sans morale. La beauté et la vérité.

Twin Peaks n’a fait que montrer cela ; la pure et terrifiante beauté de la vie, et son horrifique réalité.

* Comme par exemple la scène trioliste de la James’ song, où James passe de Donna à Maddy en trois minutes quarante ; une scène tout aussi romantique que terrifiante
** Peggy Lipton, qui est aussi la maman de Rashida Jones, miss Perkins de Parks & Recreation ou l’avocate sexy de The Social Network
. Bon sang ne saurait mentir.
*** Everett McGill, qui joue aussi le Stilgar de Dune.




samedi 8 octobre 2016


Tchernia
posté par Professor Ludovico dans [ Les gens ]

On attendait la nouvelle depuis longtemps, puisqu’on ne voyait plus passer son petit sourire en coin chez Arthur. L’animateur, souvent insupportable, avait eu le mérite de payer hommage à ces pionniers de la télé ; Tchernia, ou Bellemarre. Mais voilà, Pierre Tchernia vient de mourir, et notre petit cœur se pince. Pour les quinquas, Pierre Tchernia c’est avant tout Monsieur Cinéma, émission de jeu pour cinéphiles avec 23 000 questions sur le sujet (merci Wikipedia) et bien sûr, les Fiches de Monsieur Cinéma, achetables dans votre presse la plus proche ; la version cinéphile en somme des figurines Panini.

Plus tard, nous apprimes que Pierre avait eu une vie avant nous, celle des pionniers de la télé, Discorama et Cinq Colonnes à la Une. Mieux, il avait réalisé des films très drôles, comme Le Viager ou Les Gaspards, qui inspira une vocation de catacombiste à certains… Sans parler des adaptations d’Asterix au cinéma…

Mais on ne retiendra finalement qu’une chose de Pierre Tchernia, ce petit éclat humide au coin de l’œil, ce mélange de finesse sarcastique et de franche gentillesse.

Adieu Pierre.




vendredi 7 octobre 2016


Peaky Blinders
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]

Comment se mettre à dos ses amis ? En regardant Peaky Blinders, une série recommandée à la fois par Notre Agent au Kremlin, Karl Ferenc Scorpios, et Rillettes du Mans.

Ce n’est pas le pitch qui cloche (l’histoire d’une famille de gangsters qui cherche à devenir un opérateur respectable de paris hippiques dans la riante Angleterre de 1919), ce n’est pas le casting, entre Cillian Murphy, toujours beau à tomber, (La Jeune Fille à la Perle, Batman, Red Eye, le Vent se Lève, Sunshine, Inception), Annabelle Wallis encore plus belle que la Jane Seymour des Tudors, ou notre chouchou nineties, Sam Neill toujours aussi bon depuis Calme Blanc, Jurassic Park, L’Antre de la Folie, Les Tudors, etc.) Ce n’est pas l’image somptueuse, avec des moments qu’on n’oubliera pas, comme ce cheval blanc qui traverse les hauts-fourneaux de Birmingham. Ce n’est sûrement pas la musique, avec la main rouge de Nick Cave, chanson fétiche du Professore, qui sert de comptine atroce quand nos héros déambulent dans les slums de Birmingham*.

Non, ce qui nous empêche d’apprécier pleinement Peaky Blinders, ce sont ses dialogues. Tout, dans la série, est expliqué par un dialogue. L’héroïne veut venger son père tué par l’IRA : son patron le dit. Elle trahit par amour : elle dit « j’ai trahi par amour »…

Steven Knight, le créateur de ces Blinders, aurait pu dans le premier cas, montrer une photo de la tombe du père, et dans le second, un beau regard triste de miss Wallis aurait suffi à nous aider à déchiffrer ses sentiments (chose assez facile, en vérité, puisqu’elle venait de faire l’amour avec le garçon en question). Mais non, tout est dit. Tout doit être dit. Comme si le spectateur n’était pas assez intelligent pour comprendre.

Contrairement à la leçon de maître Hitch, qui « aurait préféré que rien ne soit dit… »

Ou ce que vous trouverez dans n’importe quel manuel de scénario : « Show. Don’t tell. »

*Take a little walk to the edge of town
Go across the tracks
Where the viaduct looms
Like a bird of doom
As it shifts and cracks
Where secrets lie in the border fires
In the humming wires
Hey man, you know
You’re never coming back
Past the square past the bridge
Past the mills, past the stacks
On a gathering storm comes
A tall handsome man
In a dusty black coat
With a red right hand




dimanche 2 octobre 2016


De Battre mon Cœur s’est Arrêté
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Brèves de bobines -Les films ]

Il nous en manquait un, on l’a vu. De Battre mon Cœur s’est Arrêté était le seul Audiard qui nous manquait. Bon ça a un peu vieilli, et Romain Duris ne joue pas très bien. A-t-il bien joué un jour, on ne sait. En tout cas, c’est dans ce film là qu’il joue le mieux, et arrive à rendre crédible ce pianiste doué devenu petite frappe de l’immobilier. Mais Audiard reste cet élégant portraitiste de notre temps, le seul peut être capable de traduire ce qu’est la France d’aujourd’hui avec un tant soit peu de sérieux. Un cinéma politique sans être dogmatique.

C’est que De Battre mon Cœur s’est Arrêté, comme les autres Audiard, propose des personnages solides, sur une intrigue solide pourtant basée sur cet étrange polar mixant amour de Bach et spéculation immobilière.




vendredi 30 septembre 2016


Les Canons de Navarone
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

S’il y a une grande injustice dans CineFast, c’est bien celle-là. 1347 chroniques au compteur et toujours rien sur le chef d’œuvre GCA de J. Lee Thompson*. Le film qui enchanta notre enfance, vu et revu à Dourdan avec le paternel. Le Professore allait peu au cinéma, mais tous les films de guerre, il les a vus.

Celui-là a une qualité plastique particulière, qui a durablement impressionné nos esprits et façonné nos jeux d’enfants. Nous dessinions Les Canons de Navaronne, nous avons lu le livre d’Alistair McLean, nous les rejouions avec nos Lüger à pétard et nos pains de plastic en pâte à modeler, nous en reconstituions les grandes scènes avec nos Action Joe et nos figurines Atlantic.

Car même si son argument est classique, Les Canons de Navarone est une GCA particulière. On y réunit un commando disparate et on lui confie la destruction de ces fameux canons, qui bloquent sur une île de la Mer Egée le passage de navires anglais. Cette bande mal assemblée (Antony Quinn veut tuer Gregory Peck dans la première scène) est la réussite initiale du film : le colonel vengeur (Anthony Quinn), le séduisant mais pourtant implacable capitaine Mallory (Gregory Peck), l’artificier couard et sarcastique (David Niven), le « Boucher » inquiétant, tueur au couteau (Stanley Baker), le Major anglais qui a une tête à se prendre une balle (et c’est ce qu’il va faire, Anthony Quayle) et le jeune et séduisant résistant grec (James Darren).

Dès le départ, la mission semble mal engagée, de par sa difficulté même, mais aussi par l’assemblage de ces personnalités encore plus violemment antagoniste que dans les autres films du genre (Les 12 salopards, Quand les Aigles attaquent, etc.) Mais, comme dans les autres films de genre, c’est évidemment l’adversité qui va unir l’équipe.

Or l’adversité de manque pas. Un contrôle de routine qui tourne au massacre, un accostage dantesque dans une crique aux récifs décharnés, qui va proposer la première Grande Scène du film, et l’inscrire dans le patrimoine cinématographique. Car cette scène de tempête, puis de naufrage, puis d’escalade, va être réalisée par J. Lee Thomson avec une grande économie de moyens, et sans le moindre dialogue. Seul le bruit des tonnes d’eau qui se déversent sur le pathétique bateau de pêche, celui du tonnerre et de la pluie qui ruisselle de la falaise, va servir de fond sonore.

Il y a là un souci de réalisme : impossible de se parler en pleine tempête, et interdiction de le faire pendant l’escalade, faute de surprendre les sentinelles allemandes. Mais d’autres films ont déjà emprunté ce chemin avec moins de subtilité. Ici, le spectateur est littéralement mis à la place de ces héros qu’il n’a pas encore commencé à aimer. Et le silence renforce cet effet, créant un huis clos paralysant, malgré des scènes en extérieurs.

Le film va se poursuivre avec quelques twists et d’autres rebondissements, plus traditionnels, mais on va retrouver ce motif à deux reprises ; une fête grecque où le silence s’impose soudain par l’arrivée de soldats allemands, et une dernière fois à la fin du film, le sabotage des canons, qui se fait également dans le plus grand silence. Quand les allemands pénètrent enfin dans la batterie des canons de Navarone, leurs dialogues en allemands, non traduits, non sous titrés, sonnent comme des bruitages, jusqu’au dénouement final. Dans ces trois cas, une merveille de cinéma.

Bien sûr, la fin de ces Canons est très conventionnelle. Mais il ne faut pas s’arrêter là.

Gregory Peck signe là un de ses plus grands rôles, courageux et ambigu, qui cache sous le James Bond en costume beurre frais du début une brute pragmatique, prête à tout pour réussir. Les autres sont évidemment des faire-valoir, mais le charme et l’originalité de cette proposition est toujours intacte.

* Auteur ensuite de GCA sixties : Les Nerfs à Vif, La Conquête de la Planète des Singes, La Bataille de la Planète des Singes, Allan Quatermain et les Mines du Roi Salomon…




mardi 27 septembre 2016


Brigadoon
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

Gene Kelly. Cyd Charisse. Vincente Minnelli. Le gratin de la comédie musicale, à son âge d’or, 1954, deux ans après Chantons sous la Pluie, avec à peu près les mêmes (Stanley Donen et Gene Kelly aux manettes.)

Minnelli, c’est quand même Un Américain à paris, Tous en Scène !, Quinze Jours Ailleurs ou Gigi. Et bien ça ne suffit pas à nous emporter dans Brigadoon, un conte fantastique cucul la praline où Gene Kelly, parti à la chasse dans les highlands, découvre en même temps le village très endormi de Brigadoon et les jambes très éveillées de Cyd Charisse. Heureusement qu’elles les a, ces jambes, pendant une séquence dansée de cueillette de bruyère (sic) parce qu’à part ça, le pont de pierre joue de façon plus expressive.

Suite à une ancienne promesse, Brigadoon dort dans les brumes du temps et se réveille une fois par siècle ; pas de bol, c’est le jour où on a enregistré le Cinéma de Minuit. Puis le village se rendort, sauf si quelqu’un de très amoureux – suivez mon regard – cherche éperdument – suivez mon regard – son amour perdu.

Les chansons sont nulles, les ballets, de parfait mauvais goût, et les Ecossais sont laids.

Comme disait un ami, un gentleman, c’est quelqu’un qui sait jouer de la cornemuse et qui n’en joue pas.

Vincente Minnelli n’est pas un gentleman.




samedi 17 septembre 2016


Leftovers, saison 2
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]

C’est le début de la deuxième saison de nos disparus et c’est déjà la perfection. Jusqu’à preuve du contraire, The Leftovers fait déjà partie de la top liste.
Incroyablement bien construite, extraordinairement filmée et interprétée, The Leftovers confirme les espoirs placés dans la saison 1. Ces disparus font bien sûr penser à Lost, et la patte de Cuse/Lindehof est extrêmement repérable dans les deux. Les deux séries jouent à fond la carte du mystère mais, contrairement à notre île chérie/haïe, on s’est engagé ici à ne pas le résoudre.

Ce pari peut-il être gagnant sur le long terme ? Là est la question. Car si ce que le spectateur vit en ce moment sur The Leftovers est tout simplement magnifique, on ne jugera, comme toute œuvre, que la fin… c’est la tragédie de Lost, qui a fait vibrer… jusqu’au moment où elle a cessé de nous faire vibrer.

Jusque-là, The Leftovers accumule les questions. Pourquoi le sudden departure ? Cet événement séminal pourrait rester, comme promis, sans réponse. Mais avec toutes les questions annexes qui se sont accumulées sur les personnages, – et qu’on ne va pas révéler ici –, si l’on restait sans réponse, la déception pourrait être immense. Comme dans Lost.

Par ailleurs, The Leftovers se refuse à toutes les putasseries habituelles. Au spectateur de relier les fils entre les personnages, de reconstituer la chronologie*. C’est aussi, une série sans fard. La vérité nue, à l’image des deux actrices principales** qui acceptent de jouer démaquillées. Et un motif visuel récurrent apparaît dans chaque épisode de cette saison 2 : un affrontement face à face entre deux personnages, en long gros plans champ/contrechamp, qui laissent aux acteurs la part du roi.

Car c’est bien ça, le cœur de Leftovers ; l’examen brut de tous les recoins de notre humanité. Le couple, la parenté, la famille, la communauté sociale ou professionnelle, sous le choc d’un drame extraordinaire, à savoir la disparition de 140 millions d’habitants. Mais est-si extraordinaire qu’à ça ? Dès le pilote de cette nouvelle saison, le débat est lancé : L’humanité a déjà été menacée d’extinction, et des gens disparaissent tous les jours, pour bien d’autres raisons que le sudden departure. The Leftovers est déjà une critique de cette compétition mémorielle, et semble dire que la question de savoir qui souffre le plus est un non-sens Une question qui ne motive finalement que les religions établies ou celles qui veulent le devenir, sans parler des états et les marchands du temple.

Non, la question n’est pas là. Comment chacun regarde l’abîme, telle est la vraie question. Et c’est ça qui fascine le spectateur, lui aussi confronté à ces questions existentielles.

Même si la saison trois se révélait décevante, on conviendra qu’on voit rarement ça à la télé.

* Même quand ses auteurs se permettent des flash-back pour le moins étonnants. Ce qui rappelle les acrobaties de Lost avec la chronologie, et ses fameux flash forwards
** Amy Brenneman (Heat) ou Liv Tyler (Armageddon, Le Seigneur des Anneaux)




jeudi 15 septembre 2016


The Program
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

Pour avoir longtemps fréquenté le Tour de France de près – notamment pendant l’Age d’Or de Lance Armstrong -, pour tout simplement l’avoir regardé depuis ma plus tendre enfance, j’ai eu envie de regarder The Program.

Le film de Stephen Frears n’est pas si encourageant que ça ; on sait la difficulté d’aborder le sport au cinéma. Mais voilà, c’est l’été, pas de foot à la télé, et une indolence qui empêche, ou plutôt qui encourage, à regarder n’importe quoi. Donc The Program.

Et bien The Program, c’est pas mal du tout. Hormis la reconstitution cycliste assez faible (peu de moyens), mais ce n’est pas vraiment le sujet du film. On est plutôt à mi-chemin du film à thèse et du biopic. Les Hommes du Président meet Ali.

Première bonne idée : un point de vue, en la personne du journaliste David Walsh, auteur du livre LA Confidential et du scénario. On regarde Lance par ses yeux ; d’abord admiratif, puis suspicieux, avant d’être carrément excédé par le personnage. Reflet exact de ce qui est arrivé dans la réalité.

Deuxième bonne idée, c’est de faire non pas un personnage, mais deux. Le tricheur, Lance Armstrong, et le traitre, Floyd Landis. Tous deux également travaillés, ambigus, passionnants. La tragédie humaine d’un homme sorti du cancer qui veut tout gagner, contre la mort. Et celle tout aussi touchante, du petit amish qui ne peut plus continuer à mentir, d’autant plus qu’il se sent méprisé et floué. Les deux incarnés par deux grands comédiens, Ben Foster et Jesse Plemons.

Autre réussite, Le Programme est tout aussi fictionnant que réaliste : si ça n’avait pas été une histoire de gros sous (un assureur demandant le remboursement d’une prime versée pour ses Tours victorieux), Lance Armstrong n’aurait jamais perdu ses sept tours de France. Ce que le film montre très bien.




lundi 12 septembre 2016


Claude-Jean Philippe
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... ]

Une paire de demi-lunettes sur le front. Une voix douce, généreuse, gentille… Un souci de concision et de pédagogie : cinq minutes pour vendre Welles, Hawks ou Hitchcock. On a vu Macbeth à cause de lui. On s’est couché tard pour Asphalt Jungle (et on l’a regretté). On a découvert Kurosawa avec lui.

Nous devons tout – ou presque – au Ciné-Club de Claude-Jean Philippe. Un passeur, comme on dit. Notre Henri Langlois à nous. Il y en a eu d’autres ; le paternel pour les films de guerre, la marraine pour Tron et Bernard et Bianca, Patrick Brion et ses insupportables introductions du Cinéma de Minuit. Et Monsieur Eddy, bien sûr, le père de la GCA fifties dans sa Dernière Séance. Mais celui qu’on aimait le plus, c’était Claude-Jean Philippe.

Adieu l’ami.




mardi 6 septembre 2016


Mission Impossible : Rogue Nation
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

Petit, on passait les mercredis après-midi à regarder Mission Impossible, puis à jouer à Mission Impossible. Dans la Rémarde, un fleuve de 3 m de large et de 20 cm de profondeur qui irrigue les vastes plaines du sud des Yvelines, on refaisait la mission en en dynamitant le pont, à l’aide de télécommande de train électrique comme détonateur, et de la pâte à modeler en guise de C4. Avec les talkies-walkies qu’on avait eus à Noël, et le télescope grossissement x60, on observait les allées et venues des voitures sur le parking, et on notait les plaques d’immatriculation. On ne sait jamais. C’était le temps de la Guerre Froide, une réalité tangible pour les enfants des années 70.

Quand le premier film Mission Impossible est sorti, ce fut une horrible déception, comme théorisé par El Baba : faire de Monsieur Phelps le grand méchant de l’histoire n’était pas juste une trahison, c’était empêcher la transmission de la série aux générations suivantes. Car quelqu’un qui découvre aujourd’hui Mission Impossible, la série, sait que le héros, Monsieur Phelps lui-même, va trahir, vingt ans plus tard, dans Mission Impossible, le film.

Si on oublie ça, il est toutefois possible de regarder la franchise. Ce dernier épisode, Rogue nation, est dans les standards : un James Bond amélioré, toujours plutôt bien fait. C’est agréable, peu crédible, mais on passe un bon moment.

Pourquoi ? Probablement parce que c’est drôle, toujours bien joué, ce qui fait oublier les rebondissements Bondesques (le fichier caché dans une clef USB au fond d’une centrale énergétique en Tunisie dans un bassin qu’on accède seulement par un ventilateur qui ne peut être coupé que…) et l’inanité du scénario (le Professore Ludovico est bien incapable d’en faire un résumé).

Mission Impossible faisait peur (nous étions enfants, en même temps), les films ne sont que distrayants. Est-ce nous ou Mission Impossible qui a changé ? Peu importe.