lundi 27 novembre 2017
Un Village Français, finale
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]
Retour à Villeneuve, pour la dernière fois… Un Village Français, le champion du monde du Tell, Don’t Show, le Prince de la Dramaturgie Ratée est de retour.
Le show, qui a perdu son manuel de scénariste pendant l’Exode, revient pour six épisodes avec toujours les mêmes qualités, toujours les mêmes défauts. Tout dans la pédagogie, rien dans le scénario.
Avec une belle promesse, qu’on espérait à vrai dire depuis le début : raconter le destin de nos personnages au-delà de 1945 : comment Vichy, comment la Résistance ont défini la France d’aujourd’hui.
Raconter l’évolution de ses personnages, et montrer ce qu’ils sont devenus vingt ans après – comme la fabuleuse conclusion des Trois Mousquetaires d’Alexandre Dumas : la volonté est louable. Les gentils sont toujours punis et les salopards s’en sortent toujours.
Mais c’est évidemment du côté de la cinématographie que ça pêche. Ainsi, pour montrer l’admiration que Te Quiero a pour son père, et que l’immarcescible Daniel Larcher a toujours représenté pour lui la générosité, la probité, et l’honnêteté, les scénaristes ne trouvent rien de mieux que de faire dire à Te Quiero « Papa, je t’admirais. Pour moi tu étais la générosité, la probité, et l’honnêteté ». Degré zéro de l’écriture.
Le reste est à l’avenant : personnages outrés (Hortense, Lucienne), rebondissements téléphonés, et spoilers inclus dans le générique (sic !)
Dommage. Mille fois dommage.
samedi 25 novembre 2017
Borg-McEnroe
posté par Professor Ludovico dans [ Les films -
Les gens ]
C’est un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître. Björn Borg jouait au tennis, et nous aussi. Nous l’aimions car il était cool, calme et gentil. Laurent avait sa coupe de cheveux et son bandeau, et Jean-François sa raquette. Moi, j’essayais d’avoir son revers. Quand à ce petit con de McEnroe, nous le détestions. Parce qu’il était odieux, vulgaire, colérique, et qu’à côté, il y avait le gentil Borg.
30 ans plus tard, le film de Janus Metz vient remettre les pendules à l’heure. Les gentils ne sont pas si gentils et les méchants, pas si méchants.
Ce jour-là, final de Wimbledon 1980, le match était tellement ennuyeux que nous avons pris notre vélo pour faire ce que fait le suédois dans le film : taper contre un mur. Parce que Borg était gentil, mais son jeu était chiant comme la pluie.
C’est le talent du film : se focaliser sur Borg tout en offrant un contrepoint intéressant en la personne de l’american brat. Sans McEnroe, le film ne serait qu’un ennuyeux biopic de plus. De plus, Metz casse un peu la statue. Björn Borg n’était pas calme, il l’est devenu. C’était un psychopathe ; McEnroe l’était aussi. Il faut l’être pour devenir numéro un mondial*. Ces deux animaux sportifs sont formidablement incarnés par Sverrir Gudnason et Shia LaBeouf, ce qui fait beaucoup dans la réussite du film. La partie tennistique reste peu passionnante, comme toutes les tentatives de filmer le sport au cinéma.
* Dans Libé de ce samedi, Noah raconte que Connors, très fair play lors d’un match, était venu le relever après qu’il soit tombé. Applaudissements du public. Puis, in petto, il avait demandé à l’arbitre de disqualifier le français, resté trop longtemps au sol selon lui… Dans le même genre le CineFaster pourra voir Jimbo, l’excellent doc sur Connors.
samedi 18 novembre 2017
The Wire, saison 2, Le Port
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]
La cinéphilie, ça a du bon. Ca peut dévaloriser un film comme Usual Suspects (on y reviendra), mais ça peut aussi révéler, à la revoyure, une saison deux de Sur Ecoute.
Sur cette fameuse deuxième année, dite « du port », il est remarquable de constater, quinze ans après, qu’elle fait le même effet au Professorino, né en même temps qu’elle. On a beau être génération The Wire, on ne comprend pas plus que le paternel le virage orthogonal pris par David Simon, au moment même où celui-ci se battait avec HBO pour sauver le show.
Cette saison 2, ce n’est plus Sur Ecoute : plus de cité, plus projects, plus de drogue, plus de noirs. Juste des blancs, des putains de polacks, et des putains tout court, mortes d’étouffement dans le container qui les amenaient d’Ukraine en Terre Promise.
Mais force est de constater qu’il faut réévaluer à la hausse cette histoire de vitraux, de trafics, et de syndicat de dockers. David Simon joue le contraste à fond dans la scène hilarante où les rôles sont inversés : Herc, le flic blanc va sur le terrain acheter de la drogue, et ce sont les noirs, Carver et Kima, qui prennent des photos sur le toit.
Mais voilà, maintenant on a vu tout Sur Ecoute, et on a compris ce que voulait faire David Simon : pas un vulgaire cop show, mais rien de moins que le portrait d’une ville, de toutes nos villes. Pas l’Amérique qui gagne, mais l’Amérique qui perd : ses flics, ses truands, ses politiciens, ses prolos, ses profs et ses journalistes.
Stringer et Avon peuvent rester dans l’ombre, comme Maurice Levy ou Bubbles, parce qu’aujourd’hui, c’est l’heure de gloire du Grec, de Zig et Nick, de Beadie Russell, et bien sûr, de Frank Sobotka.
samedi 11 novembre 2017
Petit cours de décoration
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... -
Séries TV ]
Pour ceux qui pensent encore que le cinéma naîtrait, ex nihilo, du cerveau d’un seul cinéaste démiurge, que la beauté d’un plan, d’un costume, d’un décor serait le fruit du hasard, et pas l’exécution d’un travail planifié en amont, on se penchera sur trois minutes de Stranger Things.
Un nouveau personnage très excitant, Maxine, est venu enrichir la bande de copains de la fresque nostalgique des frères Duffer. Maxine est rousse. Dans l’épisode six, il y a un exemple parfait de la nécessité de stylisation que décrivait Hitchcock : « On découvre que deux personnages portent le même costume, et de fait, on ne sait plus qui est le méchant… »
La stylisation, c’est ce qui permet de caractériser le personnage d’un seul coup d’œil, car le spectateur a autre chose à faire : comprendre l’intrigue, écouter les dialogues et surtout, ressentir des émotions.
Donc, Maxine. Toutes les filles rousses vous le diront, ce qui leur va le mieux, c’est le vert. Parce que le vert, c’est la couleur complémentaire de l’orange, la couleur qui crée dans votre œil le plus fort contraste possible. Quand on est décorateur, costumier, on a appris ça à l’école.
Et on le met en pratique, dans cette scène très simple de la maison de Maxime. Il y a de l’orange partout dans cette maison : les vitraux de la porte, le papier peint, les coquillages dans le bocal… Mais il y a aussi du vert, le linteau de la cheminée, le bocal de coquillages, les rideaux… Ce n’est pas innocent, même si ce n’est pas fait de façon appuyée*.
Ces choix créent une ambiance : on est dans la maison de Maxine, vous savez, la petite rousse en survêtement vert. Dans le final de la saison, elle porte un masque de plongée comme les autres … mais le sien est orange ! Tous les masques de plongée des années 80 sont en plastique noir, sauf celui de Maxine : on la reconnaitra du premier coup d’œil. Dans Mad Men, Matthew Weiner faisait de même avec Joan Holloway ; Christina Hendricks se pavanait dans des robes vertes incendiaires. Mais il n’est pas besoin d’être aussi stylé que les années 50 pour faire ce travail de stylisation…
* Au contraire de Légion, ou de Kingsman qui cherchent, eux, à créer un univers ultrastylisé, type BD.
jeudi 9 novembre 2017
Stranger Things, saison 2
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]
Nouvelle crise de schizophrénie du CineFaster : on se jette comme la vermine sur le bas clergé sur Stranger Things, et on se repaît de notre dose quotidienne. Mais une fois fini, on n’a de cesse d’en pointer les innombrables défauts. Car il s’agit bien de cela : une série addictive mais faible, à l’exécution parfaite mais d’une faible originalité.
Les frères Duffer ont à l’évidence appris par cœur les manuels de Spielberg, Donner, de Palma, Carpenter, mais ils peinent à avoir le début d’une idée. Cette saison deux a une intrigue et une seule, qui ressemble beaucoup à celle de la première saison. Les personnages sont fossilisés dans leurs stéréotypes, la mère courage pleurnicheuse, les enfants indomptables, le flic frustre*. Il y a bien une ouverture – un instant mystérieuse – avec Maxine, mais qui ne mène finalement à rien.
Il reste néanmoins la perfection de l’exécution, la musique, les acteurs, la déco, et ce doux parfum de nostalgie eighties, talkies-walkies et Donjons&Dragons, promenades à vélo et cabanes dans la forêt yvelinoise, et le Commissariat à l’Energie Atomique de Bruyères-le-Chatel comme siège possible de l’Empire du Mal… C’est ce business de la nostalgie qui pilote Stranger Things, et seulement cela.
Si, comme l’a révélé la dernière séance de spiritisme menée par le Professore Ludovico au cœur de la forêt rambolitaine, Stranger Things devait durer 11 saisons, il va falloir songer à se trouver un scénariste.
* Sans parler d’un épisode (et d’un personnage) complètement ratés, qui sentaient le Trumpisme à plein nez comme le Framekeeper sent le Brocciu, et dont le message frôlait dangereusement les meilleures pages de la Loi du Talion.
dimanche 29 octobre 2017
Vietnam : Un Adroit Mensonge
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -
Les films ]
Luc Besson disait qu’il faut voir plein de mauvais films pour en faire des bons ; Hitchcock et Kubrick prétendaient eux qu’il ne fallait jamais adapter un chef-d’œuvre. Démonstration conjointe dans le complet ratage qu’est Vietnam : Un Adroit Mensonge, le biopic de Terry George sur John Paul Van, conseiller militaire au Vietnam, et adaptation du très grand livre de Neil Sheehan, L’innocence Perdue.
L’histoire de Vann est édifiante : conseiller militaire en 60, il dénonce les errements de la politique américaine, notamment les « hameaux stratégiques » qui braquent les paysans vietnamiens contre les USA et arment le viet-cong. Obligé de quitter l’armée, le chien fou revient en 1965 comme conseiller civil, pour mettre en pratique ses recommandations. Mais il est trop tard, le Vietnam est déjà perdu. Le livre bascule à mi-parcours, révélant un terrible secret pesant sur Vann.
Le film, lui, est l’exemple à ne pas faire : un cinéma illustrant de la manière la plus plan-plan qui soit les grandes étapes de la vie de Vann. Chaque scène est incroyablement ridicule, et le film confine au nanar. Les personnages entrent dans les scènes comme un décor de théâtre. Le tout filmé comme un court-métrage amateur. Si vous voulez voir du non-cinéma, il faut regarder Un Adroit Mensonge. Mais vous devriez plutôt lire le très grand livre qu’est L’Innocence Perdue.
* Pourtant, Terry George est le réalisateur du très bon Hotel Rwanda, et scénariste d’Au Nom du Père
dimanche 29 octobre 2017
Sully, deuxième
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -
Le Professor a toujours quelque chose à dire... -
Les films ]
Deux actionnaires de CineFast avec minorité de blocage, Ludo Fulci et le Rupélien, représentant chacun 18,6% des parts, ont exigé – contre la promesse de de me reconduire au poste de Chef Exécutive Officier – que je revienne sur certains films et que je revoie mon propos.
N’ayant pas de tâche plus excitante en vue que de défendre le cinéma américain et de vilipender le Film de Festival, je m’exécute. Sans trop me forcer : j’adore Dangers dans le Ciel et donc je reregarde Sully, en tout cas le bout qui passe en ce moment sur Canal. Et force est de constater qu’ils ont raison.
Si le film est toujours plombant dans son propos (Le-Héros-Américain-Seul-Contre-la-Bureaucratie-Tentaculaire), il est tout de même très bien fait. Même là où ça gratte. Sully est notamment très efficace à créer des personnages, loi numéro un de Ludovico.
Sully, formidablement joué par Tom Hanks, est une statue sculptée par Eastwood à petits coups de burin. Sully est normal, Sully est sympa, Sully boit un peu de vin de temps en temps, mais pas quand il vole. Eastwood ponce cette statue de True American Hero de l’extérieur, par les personnages secondaires, le chauffeur de taxi, la patronne de l’hôtel… Certes, ses sculptures du Mal sont plus caricaturales : l’ingénieure (déjà odieuse Mrs White de Breaking Bad, la pauvre Anna Gunn serait-elle condamnée à jouer les mégères moches ?), et les autres inquisiteurs du National Transportation Safety Board, tous pas sympas, bas du casque, etc.
Mais c’est la scène du crash, rejoué trois fois, et particulièrement la dernière, la plus complète qui va jusqu’au sauvetage par les autres american heroes (pompiers, marin des ferries…) qui est formidablement maîtrisée, mélange de film catastrophe réaliste et d’héroïsme spielbergien dont Tom Hanks est la figure de proue.
Là, on ne peut qu’admirer l’artisan à l’œuvre.
samedi 28 octobre 2017
Halt and Catch Fire saison 4, épisode 8
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]
Il aura fallu un autre épisode de HC&F pour montrer l’incroyable supériorité de la télévision actuelle sur le cinéma actuel.
Un épisode d’une série dont on n’arrête pas de dire qu’elle est en deuxième division, mais qui est capable de se payer le luxe de passer un épisode entier sur le deuil, et de raconter quelque chose aussi d’aussi peu passionnant ou cinématographique que le vidage de la maison d’un mort.
Plus aucun film ne sait faire ça aujourd’hui. C’est à AMC, et à Halt & Catch Fire, de le faire. Et de filmer une chose aussi compliquée qu’une réconciliation, en alternant, très lentement, la mise au point sur ses deux héroïnes filmée de profil. On a déjà vu ça cent fois, mais jamais comme ça. Toute la scène tenait à la finesse du focus puller, qui passait tendrement d’une actrice à l’autre, en laissant volontairement des moments imperceptibles de flou.
Du cinéma.
mardi 24 octobre 2017
Halt & Catch Fire, saison 4, épisode 7
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -
Séries TV ]
C’était l’autre soir ; on regardait Halt & Catch Fire, cette quatrième et dernière saison. Et l’émotion nous a saisi à la faveur d’un plan (volontairement) artificiel : on a compris qu’on aimait ces personnages depuis toujours.
Halt & Catch Fire n’est pas une grande série. C’est le Mad Men du pauvre. Qui échangerait ces magnifiques costumes trois pièces contre un survêtement Tacchini ? Mais même en deuxième division, si vous vous intéressez à ces histoires de serveur, de PC, de jeu vidéo en réseau, bref tout ce qui fait nos vies depuis 1980, cette série est pour vous. Malgré ses personnages hésitants, ses comédiens pas toujours parfaits, et ses scénarios un peu faibles, H&CF fait le boulot.
Adieu les amis.
dimanche 22 octobre 2017
Relire Dune
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... ]
Comme si nous n’avions que ça à faire, on s’est remis à lire Dune. Oui, le livre de nos quinze ans, déjà lu une fois en français, une fois en anglais, une fois en français, à des âges différents.
Alors, non, Dune n’est pas le plus grand chef-d’œuvre de tous les temps de notre adolescence, mais ce n’est pas non plus un sous-produit littéraire. Après le film, après la série télé, on peut le regarder avec peut-être un peu plus d’objectivité. Et trouver quelques points faibles, comme par exemple ces intellectualisations mal digérées de théorie jungienne.
Mais aussi, on peut s’émerveiller devant la profondeur et la multiplicité des thèmes abordés : la politique, la religion, le sexe, l’économie. Mais ça nous l’avions déjà perçu, dès le départ. Ce qu’on voit aujourd’hui, c’est la qualité de la dramaturgie. D’abord la structure, en trois actes. La précision des décors, de la langue, des accessoires, à la fois abscons et paradoxalement compréhensibles, qui nous immerge dans ce monde magique qu’est Arrakis. Enfin, des personnages passionnants, épais, multifacettes, ce que n’avaient pas réussi à rendre la manichéenne adaptation de de Laurentiis, avec ses gentils Atreides et ses méchants harkonnen.
C’est donc plein d’espoir que nous attendons le travail de Monsieur Villeneuve. Il aura de l’argent, du temps (plusieurs films), un sens graphique ; il lui faudra construire de beaux personnages. Mais il n’aura, comme on le dit juste avant, qu’à illustrer Dune, disposant déjà d’un scénario en béton, et de personnages construits**.
Jan, jan, jan !*
* en avant !
** Belle théorie empruntée à Karl Ferenc Scorpios