jeudi 29 juillet 2010
La dernière séance
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... ]
L’été, c’est aussi l’occasion de fréquenter les petites salles, un sport que je ne pratique plus depuis l’apparition des multiplexes, garantie d’une projection de qualité et de fauteuils confortables.
Mais voilà, c’est l’été, séance de rattrapage tous les soirs, dans les salles qui projettent encore le film qu’on avait raté trois mois plus tôt : Tournée au MK2 Bastille (la salle où l’on entend le métro, les gens qui passent dans la rue, ou les deux, n’est-ce pas, James ?), Dans ses Yeux au Gaumont Alesia (salle minuscule, écran à l’échelle), et ce soir, Millenium 2 au Saint Lambert Nouvelle Version (rue Peclet, et pas à Balard, pour les nostalgiques). L’ambiance est donnée dès l’entrée : les sièges sont à vendre ! (En fait, ils sont déjà vendus, 15€ pièce).
Pas d’inquiétude, le Saint Lambert est en rénovation, il rouvrira à la rentrée. Il n’empêche que dans la salle, couleur rouge vif, stuc fifties, on croirait entendre Eddy Mitchell.
Je vous laisse, car les lumières viennent de s’éteindre, et le film va commencer…
mercredi 28 juillet 2010
Requiem pour Un Massacre
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -
Les films ]
Décidément, j’ai un problème avec le cinéma russe, ses outrances, ses excès, sa faconde un peu pénible. J’ai cru mourir au travelling final du Stalker de Tarkovski, et depuis, j’évite. Mais comment résister à Requiem pour un Massacre, sur les partisans biélorusses lors des exactions nazies ? C’est forcément un sujet pour Le Professore.
Ca commence par vingt minutes d’exposition sur la paysannerie russe, la vie des partisans dans la forêt (récurer le faitout, faire cuire la viande, se doucher sous les arbres…), le tout ponctué de bourrades slaves, de grands éclats de rire hystériques, et d’improbables plans face caméra… Du cinéma russe, donc.
Heureusement, les allemands ont le bon goût de commencer le bombardement à ce moment-là. On a rarement filmé un pilonnage d’artillerie de cette manière (et c’est un artilleur qui vous parle !) ; les arbres sont déchiquetés, le héros devient sourd, la terre soulevée recouvre tout…
On repart ensuite pour quelques aventures lourdement symboliques, comme le franchissement d’une tourbière, interminable (Stalker, part two). Puis des nazis encerclent le village et massacrent la population. C’est incroyablement bien filmé, mais toujours aussi hystérique. La vengeance, et le message final qui tombe comme un cheveu dans le bortsch (« tuer le Hitler qui est en nous ») ne réussiront pas à nous convaincre.
Si l’on intègre le fait que le film a un quart de siècle, on y trouvera quelques excuses, car il est formidablement réalisé, mais c’est tout.
mardi 27 juillet 2010
Haro sur la 3D
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... ]
Au moment où sortent de nouveaux opus de Toy Story, de Shrek – en 3D évidemment -, où le producteur de l’ogre vert, Jeffrey Katzenberg, fanfaronne sur « le futur du cinéma », il est intéressant de se plonger dans la presse de la Mère-Patrie (Newsweek et le New York Times*), deux titres qui viennent de sortir des articles vengeurs sur le mythe de la 3D.
Celui qui s’attaque à cette nouvelle technologie n’est pas n’importe qui, c’est Roger Ebert lui-même. Roger Ebert, une icône populaire aux Etats Unis, qui a popularisé avec son compère Gene Siskel, l’expression « Two thumbs up! » : dans leurs émissions de télé, les deux chroniqueurs s’étripaient sur les films de la semaine. A la fin, à la romaine – pouce levé ou pouce baissé – les deux compères décidaient du sort du film. Deux pouces levés étaient rarissimes, signe d’un film immanquable*
Dans Newsweek, Ebert passe la 3D à la moulinette : ça fait mal aux yeux, c’est sombre, les lunettes diminuent le champ de vision, ça n’apporte rien à l’histoire, c’est cher pour le spectateur, c’est souvent de la fausse 3D (recollée en post-production comme dans Le Choc des Titans), et surtout, ce n’est pas adapté à tous les films « Irez-vous, ironise-t-il, voir le dernier Woody Allen, parce qu’il est en 3D ?»
Le New York Times reprend peu ou prou les mêmes arguments, y ajoutant le lobbying intensif des studios pour que les salles s’équipent. Car ce qu’il faut comprendre, c’est l’immense enjeu économique qui se cache derrière cette pseudo polémique « artistique » : pas moins d’un tiers du prix d’un billet de cinéma.
En effet, grosso modo, la moitié de votre billet va à la salle, et la moitié au distributeur. Il paye ses frais, prend sa marge, et rend ensuite le reste – le net – au producteur.
Car le distributeur a beaucoup de travail ; c’est lui, à ses frais, qui tire des copies du film pour qu’il soit diffusé dans les salles, qui assure les frais de marketing, d’affichage, de promotion. Le distributeur a la main sur le nombre de copies, la stratégie de distribution, et quelque part, la longévité du film en salles : c’est lui qui « dimensionne » le film : 10 copies (50 000 euros) ou 600 copies (4 millions d’euros)
D’où l’intérêt d’équiper les salles en numérique, ce qui est comme par hasard, indispensable pour la 3D. En supprimant la partie copie (qui pourrait être remplacé par la fibre optique et un gros disque dur dans la salle), l’industrie du cinéma se débarrasse donc d’un poste coûteux.
L’Ogre Shrek n’est pas celui qu’on croit.
*On les voit faire dans Y’a-t-il un Pilote dans l’Avion
C’est là :
– NYT du 7 mai 2010-07-11
– Newsweek du 30 avril
– Les Echos, de leur côté, se demandent le « Quels contenus pour la 3D ? »
vendredi 23 juillet 2010
Les Tudors, saison 3
posté par Professor Ludovico dans [ Les films -
Séries TV ]
« Sir Thomas !», « Yes, Your Grace ? », c’est reparti pour une troisième saison des Tudors, la saga BCBG de Michael Hirst.
Heureusement que les Tudors sont passionnants, côté historique (même si peu véridiqus), parce qu’on commence à se lasser du manque de compétences de Mr Hirst en matière de mise en scène ! Heureusement, il y a de beaux costumes, de beaux décors, de beaux comédiens, et on apprend plein de choses… mais sinon, c’est un peu planplan. Scène type : le personnage A entre dans la pièce ; « Bonjour A », lui dit B. « Bonjour B », lui dit A. C’est pédagogique ; au cas où on aurait oublié qui sont les deux gusses, qu’on suit déjà depuis 24 épisodes. A explique ensuite – en général pour la troisième fois – qu’il arrive l’événement z, et qu’il en est fort préoccupé. On savait déjà. Seule variation : le costume : vert, blanc, rouge, ou à poil (assez souvent)…
Mais le reste, la narration, les sentiments, les motivations de ses héros, tout ça, Michael Hirst n’en a cure. De nouveaux personnages apparaissent sans explication (Sir Francis, ou le légal du Pape). C’est la nouvelle saison, c’est comme ça… Henry VIII est blessé à la jambe, on ne sait pas pourquoi.
Hirst s’en fiche. Il est en train de peindre les 300 figurines de son petit diorama au 1/72ème : « L’Angleterre de 1536 » Oh le joli lansquenet ! Ah ! le légat du Pape, tout en rouge !!
Si ça ne vous plaît pas, il s’en fiche. Vous avez le droit de regarder, c’est tout.
Les Tudors,
le dimanche soir (20h45) sur Canal+
mardi 20 juillet 2010
Les Moissons du Ciel
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -
Les films ]
Il pourrait y avoir trois angles différents à cette chronique : les ressorties estivales, la collectionnite aiguë du cinéphile, ou le cas Malick. Qu’à cela ne tienne, on va faire les trois.
Avant, l’été, c’était le temps béni du CineFaster. Un : Kubrick ressortait un de ses chefs d’œuvres en copie neuve. Bon, on a vu huit fois Orange Mécanique, mais en copie neuve, ca ne se refuse pas. Deux : les festivals d’été. Le Max Linder s’en était fait une spécialité : ressortir en salles quelques chefs film cultes. Par exemple : les trois Parrain dans l’après midi. (Bon, ça, je déconseille…).
Mais maintenant, les stations touristiques sont bien dotées en salles, et Hollywood investit l’été comme au pays natal, avec le crucial 4 juillet. L’été est donc devenu la rampe de lancement des grosses machines, avec l’espoir de tenir jusqu’en septembre, par exemple : Shrek 4 et Toy Story 3.
Donc exit les grosses ressorties, sauf le Malick, invisible en salles depuis des lustres. Ce qui nous amène à l’angle numéro 2 : la collectionnite aiguë. Car le cinéphile est lui aussi un collectionneur ; pas l’espèce vulgaire, qui entasse les DVD sur son étagère en rotin, comme on le faisait jadis avec Tout Rabelais, relié pleine peau, aux éditions Jean de Bellot.
Non, le cinéphile collectionne du virtuel, des trucs en vrac dans la tête : des scènes célèbres, des répliques cultes, des filmographies exhaustives. Tout Mocky, c’est difficile, mais tout Malick ; fastoche ! 4 films en quarante ans, pas le temps d’avoir la migraine. Mais après tout – et c’est ce qui nous amène à l’angle numéro 3 – quid de l’œuvre Malick ?
Sous le charme de La Ligne Rouge, Le Professore lui-même avait succombé à la hype Malick : M. Le Maudit, le Misanthrope d’Hollywood, l’Auteur de Chefs d’Œuvres Immortels : de quoi nourrir tout Kubrickien normalement bâti.
Mais après Un Nouveau Monde alléchant mais prétentieux, Badlands, intéressant mais désormais daté, on peut également ranger Les Moissons du Ciel dans la dernière catégorie. C’est beau (très beau, même, photo de Nestor Almendros), c’est social (1916, le sort du lumpen prolétariat US, de la sidérurgie à la paysannerie (à la mode Les Portes du Paradis), c’est Malickien (la nature, le ciel, la barbarie humaine qui vient gâcher tout), mais ca reste très marqué 70’s et pas du meilleur. Dans le genre récit déconstruit, on préférera Antonioni ou Godard.
Donc c’est à voir, mais ça ne mérite pas l’étagère en rotin.
lundi 19 juillet 2010
Mais Où Est Donc Passé la Septième Compagnie ?
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -
Les films -
Pour en finir avec ... ]
L’été, c’est redif’ à tout va, et c’est du lourd cette année : Le Chanteur de Mexico (1957), Le Gendarme de St Tropez (1964), et Mais Où Est Donc Passé la Septième Compagnie ? (1973)
Ce dernier tient une place particulière dans la filmographie du Professore ; il fait partie des rares films que j’ai vus au cinéma en étant enfant, et j’en garde d’excellents souvenirs, dont des rigolades ininterrompues avec ma mère. En outre, ce film (et ses suites) remportèrent d’énormes succès à l’époque (4 millions de spectateurs, par exemple, pour le premier opus).
C’est donc se replonger à la source que de les regarder, 37 ans après, dans l’espoir de retrouver quelques scènes cultes : « J’ai glissé chef » et autres « Le fil rouge sur le bouton rouge »*…
Mais malheureusement, s’il y a bien quelque chose qui subit vraiment l’outrage du temps, c’est l’humour. Certes, on n’est pas forcé de s’attendre à Citizen Kane, mais là, c’est plutôt Le Désert des Tartares.
Pendant une heure – montre en main – pas de gag ! Rien. Et même, plutôt, du drame. Une patrouille – pas fut-fut’ – perdue dans un cimetière. Une compagnie (la 7ème, donc), prisonnière des allemands. Pas de gag, mais plutôt le blues, version « drôle de guerre ».
Et puis les premiers gags arrivent, et là, c’est le drame ! On voit bien le positionnement des gags, là où on devrait rire, mais on ne rit pas. Chaussettes trouées, mimiques de Jean Lefevbre, allemands ridiculisés, les zygomatiques restent coincés.
A la fin du film, on aura ri deux ou trois fois. Avec l’impression troublante d’avoir visité le Jurassic Park de l’humour français.
*en fait dans un sequel : On a retrouvé la Septième Compagnie, ou La Septième Compagnie au clair de Lune.
mercredi 14 juillet 2010
Carlos
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -
Les films -
Séries TV ]
Après quelques péripéties footballistico-magnetoscopières, on peut enfin finir Carlos, le biopic-événement. Enfin, l’événement auto-décreté par Canal+. Car à part l’ambition du projet, on ne voit pas vraiment ce qu’il y a d’événementiel dans Carlos.
Carlos, le film, c’est un peu Tintin. Le Tintin première période, Tintin chez les Soviets, Tintin en Amérique, Tintin au Congo, etc. C’est à dire, pas le meilleur. Comme disait Hergé : « A l’époque, on dessinait une page, un gag à la dernière case, et on ne savait pas trop ce qu’on mettrait la semaine suivante »
Dans Carlos à Vienne, Carlos au Yémen, ou Carlos et les Prostituées de Budapest, c’est pareil. Assayas est un garçon doué avec une caméra, pas de doute. Les acteurs sont bons, la reconstitution est aux petits oignons (on a ressorti une impressionnante collection de 4L, de R12, et de Peugeot 304.
Mais c’est à peu près tout.
Carlos tue des gens, fait de grandes déclarations dialectiques, des dizaines d’avions se posent sur des dizaines d’aéroport, « Aéroport d’Aden, Mai 1979 », Carlos
fume une clope, boit un verre de whisky, achète des armes, fume une autre clope, vend des armes, fume une clope, prend des otages à Vienne, fume pleins de clope… Carlos est une véritable ode au tabac, pas une scène sans voir nos héros la clope au bec, quand ce n’est pas Jacques Vergès ou le Colonel Rondot. Au bout d’un moment, ça en devient presque drôle.
On se croirait un peu dans OSS 117.
Mais à part ça ? L’influence de Carlos qui décline dans les années 80, son discours qui devient confus, ses errements dialectiques, on ne saura rien du personnage Carlos, de ses envies, de ses motivations. Est-il un grand méchant ? Un benêt !? Un voyou auto-investi d’un rôle historique ? On ne le saura pas, parce qu’Assayas reste sagement à distance, sans prendre parti. Pas de point de vue, pas d’enjeu, pas de personnage, pas de dramaturgie.
N’accablons pas trop le cinéaste ; on sent bien qu’Assayas n’est que l’exécutant de luxe, la caution « intello » de Canal.
Intéressant pour quiconque s’intéresse à la periode, mais inintéressant pour le cinéphile. Rétrospectivement, La Bande à Baader, c’était pas mal.
dimanche 11 juillet 2010
Dommages collatéraux de Lost
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -
Séries TV ]
Tombant sur Flash Forward hier, je me suis surpris à rêvasser devant pendant vingt minutes. Puis, après une scène de poursuite plutôt nulle, j’ai fini par mettre le premier épisode de Battlestar Galactica Saison 3 dans le DVD.
En tout cas, ce qui est sûr, c’est que je n’ai pas envie de voir Flash Forward. Malgré le pitch, étonnant (pendant quelques secondes, les protagonistes voient leur futur), la réalisation (toujours nickel) et le cast (beaucoup d’anciens de Lost*), je n’ai plus envie de me faire prendre. Plus envie de découvrir que tout ça n’est qu’un rêve, qu’ils sont en enfer, au paradis, ou dans un univers parallèle. Plus envie de découvrir que John, qu’on croyait membre du Projet Nharta, est en fait le chef des Ceux-là.
Plus envie de se faire avoir.
Cette année, en tout cas.
*Et pourtant aucun lien avec Lost ou JJ Abrams, si ce n’est ABC qui produit le show (et qui a décidé de l’arrêter après des audiences désastreuses, au 22ème épisode…)
jeudi 1 juillet 2010
Nous ne sommes plus Lost !
posté par Professor Ludovico dans [ Pour en finir avec ... -
Séries TV ]
Ça y est, Lost, c’est fini. Et s’il ne restait qu’une question dans la série événement de JJ Abrams, et une question qui nous taraudait depuis le début, c’est bien « Mais comment vont-ils faire pour boucler leur bouzin ? » Lost allait-elle être une nouvelle déception, comme les X-Files, ou même la fin du Prisonnier ? Vu l’incroyable imbroglio fantastico-mystique déballé depuis six ans, c’était hautement probable.
Depuis mercredi, on a la réponse, une réponse finalement en demi-teinte. Car contrairement à ce que l’on a pu entendre ici et là, ce dernier épisode est tout à fait logique et plausible ; tout peut s’expliquer, depuis six ans, par cette fin. Et les dernières images de la série, et la séquence post-générique, qui nous ramènent là où tout a commencé, sont parmi les plus émouvantes de la série. Le cœur est donc satisfait, et apaisé.
Mais la tête ne l’est pas : tout ça pour ça ? 121 épisodes pour finalement revenir là ? Car c’est avant tout un problème de longueur : si Lost n’avait duré qu’une année, cette fin aurait été parfaitement acceptable.
C’était compter sans les mensonges de la prod, qui avait juré ses grands dieux – et c’est particulièrement le cas de la dire – que l’île n’était absolument pas… Ce qu’elle se révèle être aujourd’hui, dans l’épisode final !
Le problème, ce n’est pas tant le mensonge, c’est l’éternel problème scénaristique du Playing God. L’auteur ne peut pas être le dieu omniscient de son œuvre, au contraire, celle-ci doit se construire avec celui ou celle qui la reçoit, lecteur ou CineFaster, spectateur de théâtre ou amateur d’opéra. Bien sûr, l’auteur à toute liberté pour jouer au chat et à la souris avec son public, mais il doit maintenir une certaine connivence. Ici, tous les fans de Lost étaient prêts à suivre JJ Abrams jusqu’en enfer – et c’est ce qu’ils ont fait finalement -, mais cette révélation finale, toute logique qu’elle soit, ne cadre pas avec le reste. Pour une bonne raison : nous nous sommes passionnés pour toutes les intrigues annexes (le projet Dharma, les Autres, le Temple, Widmore) et nous attendons des réponses… En développant ces autres mystères, les scénaristes amènent des centaines de nouvelles questions dans la tête des spectateurs (qui est Juliet ? Que veut Widmore ? Que signifient les Chiffres ?) Et comme toutes ces questions doivent trouver une réponse (c’est la base de la dramaturgie), les enjeux augmentent aussi vite qu’une table de poker. Notre intérêt grandit, et nous voulons être satisfaits : nous voulons des REPONSES*.
En résumé,si l’on était le District Attorney qui devait juger contre J.J. Abrams, Jeffrey Lieber, Damon Lindelof, et ABC, on pourrait résumer notre réquisitoire ainsi :
– 2004 : sur une commande de Lloyd Braun, JJ Abrams rewrite le concept de Lost : survivants + île mystérieuse + flashbacks. En complicité avec ABC, (mais aussi parce que toutes les séries fonctionnent ainsi) aucune fin n’est imaginée. Si la série est un succès, on ouvrira ainsi plus facilement l’histoire sur de nouvelles intrigues, et donc de nouvelles saisons.
– Le succès étant au rendez-vous, l’accusé Abrams propose alors des pistes annexes diablement intéressantes : l’expérience psychosociologique (saison 2), L’enfer, c’est les Autres (saison 3 (ma préférée)), puis il invente carrément un procède scénaristique, le flash-forward**, qui lui permet de raconter le retour au pays de nos héros. C’est brillant, mais cela ne repose pas sur grand-chose, et la série se met à décliner (saison 4)
– Comme à son habitude, le déserteur Abrams abandonne son bébé pour en adopter un autre (Star Trek, puis Fringe). Il obtient pourtant – luxe exorbitant à la télé US – le confort artistique de finir la série en deux saisons (35 épisodes !) C’est cette chance-là qu’il gâche, et c’est ce qu’on peut le plus sûrement lui reprocher, avec ses deux co-scénaristes : (saison 5 (le Voyage dans le Temps) et 6 (le Bien et le Mal) : deux saisons très faibles, dont on sent qu’elles sont très nettement fabriquées au rabais (mauvais scénarios, réalisation poussive, effets spéciaux pourris, décors en carton-pâte, dialogues miteux, et acteurs peu convaincants…)
– Désormais, il faut au tandem Lieber/Lindelof, à qui ABC a confié les clefs du camion, trouver une fin, oui mais laquelle ? Les saisons 2 et 3 ont lancé tellement de pistes passionnantes que le spectateur est accro. C’est d’ailleurs devenu si compliqué que la prod’ elle-même ne s’y retrouve plus ; elle engage un spécialiste de la continuité pour assurer la cohérence avec le reste. Cela ne suffira pas, car répondre aux questions est un art difficile, beaucoup moins amusant que d’en poser en permanence. On rajoute donc de nouveaux mystères (le Temple, l’Univers Parallèle) et de nouvelles péripéties ridicules (aller chercher l’avion, aller chercher le sous-marin, détruire l’avion, détruire le sous-marin) pour finalement aboutir à cette fin pirouette, qu’on aurait pu placer à importe quel moment de la série.
Que reste-t-il, alors, de Lost ? Des innovations (le flash forward), de beaux moments (un épisode pilote d’anthologie, le retour des Oceanic 6, le bunker), des personnages originaux (Jack, Sawyer, Hurley, Juliet, Ben, Locke, Faraday), une musique magnifique, une réalisation de grande qualité…
On retiendra aussi que JJ Abrams fut le premier à transcender son media, en ajoutant du web, et des jeux vidéos, à la structure scénaristique de la série.
Mais en même temps, qui recommanderait Lost à un newbie ? Le voyage fut passionnant (et mes 28 chroniques en témoignent), mais infligerait-on 80 heures d’une série, dont la moitié seulement est réellement passionnante ? En cela, et malgré ses nombreuses innovations, Lost est peut-être la dernière série télé « à l’ancienne ». Un pur produit industriel, manufacturé tant qu’il y a de la demande, et dont on arrête la production quand le public n’en veut plus. Ce schéma économique fonctionnait dans l’antique système de télédiffusion, à la fin du XXème siècle, quand l’on attendait chaque samedi avec impatience son nouvel épisode de Dallas. Mais dans le monde du téléchargement, de la VOD, quel intérêt d’acheter – très cher – l’intégrale de Lost quand seulement la moitié vaut le coup ? On en regarde quelques-uns, et puis on zappe. On ne va pas acheter l’intégrale…
Pour cela, Lost est condamnée à rester en deuxième division, avec les X-Files, Desperate Housewives, Heroes, 24, loin derrière le firmament des véritables œuvres : Sur Écoute, les Sopranos, Six Feet Under, Seinfeld ou A la Maison Blanche…
*A ce titre, Lost est peut-être la série à avoir le plus généré de théories, comme on peut s’en rendre compte sur l’immense Lostpedia
** Dont il fera une série éponyme, qui ne rencontrera pas le succès (une saison seulement), bientôt sur Canal+
mercredi 30 juin 2010
Hadopi, y’a quand même un problème…
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... ]
Oui, il y a un problème avec Hadopi, et ça se voit à de toutes petites choses.
Lu hier dans Métro, quotidien gratuit peu suspect d’être l’organe central d’organisations terroristes visant la destruction du système capitaliste : un article sur le lancement d’Hadopi, insistant sur le peu de moyens de l’instance de régulation et de sanction. Jusque là, ça va encore. Mais dans un encadré, le journaliste explique qu’il y a déjà des moyens de contourner la loi, en sortant du peer to peer. Plutôt que de laisser Shrek 4 traîner sur votre disque dur, téléchargez-le à partir d’un site (et non d’eMule ou de Bittorrent), ou regardez-le en streaming. Ou cachez votre IP grâce à des logiciels adaptés. L’article donne même les adresses où trouver ces logiciels.
Rien de très original là-dedans, si ce n’est que c’est Métro qui les publie ! Qu’un journal mainstream, très populaire, publie des conseils de piratage, voilà qui devrait pour le moins interpeller nos politiques. Imagine-t-on Le Figaro, dans les années 50, donner des conseils pour pirater le téléphone ?
Je ne suis pas un défenseur acharné du piratage, mais à l’évidence, l’industrie du spectacle a raté le virage digital.
Par le passé, elle avait su profiter des nouvelles technologies et les retourner à son compte (phonographe, radio, cassette, magnétoscope), réussissant même à générer de nouvelles sources de revenus.
Mais là, elle semble complètement dépassée par les événements, et se retourne vers l’Etat (d’habitude méchant, régulateur, et centralisateur) pour lui demander de réussir, là où elle a échoué.
Quand il était encore temps, il eut fallu proposer des solutions efficaces et attractives de téléchargement légal. Aujourd’hui, c’est trop tard, et il est temps de penser à autre chose que de, selon la belle réplique d’Apocalypse Now, « verbaliser pour excès de vitesse aux 24h du Mans* ».
* »How many people had I already killed? There were those six that I knew about for sure. Close enough to blow their last breath in my face. But this time, it was an American and an officer. That wasn’t supposed to make any difference to me, but it did. Shit… charging a man with murder in this place was like handing out speeding tickets in the Indy 500. »