mardi 16 novembre 2010


Les Petits Mouchoirs
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Faisons court : il faut aller voir Les Petits Mouchoirs, un film sympa, drôle et émouvant. Ce qui ne l’exempt pas de toute critique.

C’est dur et peut-être méchant de le dire, mais Canet, qui s’impose déjà, en quelques films, comme un grand cinéaste français, n’a pas encore tout à fait la maturité pour tourner un grand mélo comme Les Petits Mouchoirs. Et pour être complètement franc – et brutalement honnête – les français (les européens) ne savent pas faire de mélo. Parce que pour le mélo, il faut une énorme dose de candeur, de naïveté, d’amour du prochain que le Vieux Monde a perdu.

Donc, notre ami Canet veut faire son Les Copains d’Abord à lui. Pour les âmes les plus jeunes qui fréquentent ce blog, The Big Chill est un film qui lança un grand mélodramaturge (qui s’est un perdu depuis), Lawrence Kasdan. Tant pis, les étoiles les plus brillantes sont celles qui brûlent moins longtemps : Kasdan eut quand même le temps d’écrire Les Aventuriers de l’Arche Perdue et de L’Empire Contre Attaque (le seul Star Wars potable), La Fièvre au Corps (le meilleur polar des années 80), et Grand Canyon (LE mélo sur Los Angeles)…

Et The Big Chill, donc. Argument : des copains se réunissent pour l’enterrement de leur meilleur ami, ce qui leur donnera l’occasion de vider leur sac et de se réconcilier. On le voit, quelques ressemblances avec Les Petits Mouchoirs. La différence, c’est que Kasdan assume son choix du mélo, et donc qu’il y va à fond. On est là pour sortir les mouchoirs et toutes les ficelles, (même les plus grosses) sont convoquées.

Ici, paradoxalement, c’est le manque de subtilité qui encombre le film. Tout est trop appuyé, tout est trop évident. On sent le scénario bien écrit sur le papier, mais mal dirigé côté comédiens. Certains acteurs sont parfaits (Benoît Magimel, Laurent Lafitte, Valérie Bonneton), d’autres pas mal (Pascale Arbillot), ou, comme Lellouche ou Cluzet, bons de temps en temps. Ce qui donne l’impression que Canet est tellement content de ses dialogues, qu’il ne voit pas la caricature ou le jeu faux.

A l’image, par exemple, de la leçon de morale ostréicole assénée à la fin, qui montre que Canet n’a pas vraiment choisi son film. L’ostréiculteur sympa (forcément) reproche à la bande d’amis de s’entredéchirer au lieu d’appeler leur ami à l’hôpital. Cette tirade flotte comme un cheveu sur la soupe, parce qu’on ne sait toujours pas dans quel film on est. Si on est dans la comédie, ou la satire sociale, le film doit être plus saignant comme chez Klapish ou Bacri-Joaui (Le Goût des Autres) ou même carrément entomologiste (Kubrick dans Eyes Wide Shut). Mais si on est dans le mélo, on doit être dans l’empathie, l’amour des gens (Le Mariage de mon meilleur Ami, Pretty Woman, les films de Kasdan ou de Capra). Cette tirade moralisatrice n’a alors pas lieu d’être, et on doit être avec eux, pas contre eux.

Visiblement, comme il est un peu tendre, Canet n’a pas su choisir. Il est meilleur dans un genre plus établi (le polar, dans Ne Le Dit à Personne). S’il veut encore grandir, il doit choisir : Capra, ou Kubrick.


Votre réponse