mardi 8 septembre 2015


Love
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Gaspar Noé a tout d’un frère. Il a notre âge, il aime les mêmes choses que nous, et partage grosso modo le même point de vue libéral sur la techno, le sexe, les drogues. Sur la sexualité, il se pose la question que nous nous posons depuis toujours : pourquoi le sexe est aussi mal représenté à l’écran ? Dans le cinéma américain, en effet, il semble n’y avoir que deux itérations possibles : la position du missionnaire pour le couple amoureux, et la fille plaquée debout contre la porte pour la passion fougueuse. Tout le reste du kama sutra semble réservés aux personnages damnés, comme expliqué ici.

Au contraire, dans le cinéma français, tout est bon pour montrer des filles nues, souvent jeunes, avec des vieux beaux qui ont systématiquement vingt ans de plus.

Gaspar Noé a donc décidé de prouver le contraire. En montrant une histoire d’amour avec la sexualité, crue, à l’écran. Ce parti pris-là, au moins, est réussi. Le problème de Love n’est pas là. Le problème de Love, c’est que Noé n’a rien à dire au-delà de ce postulat de départ. Et c’est peu pour faire un film, parce que le reste de l’histoire est très faible : un jeune homme se retrouve marié trop tôt, père trop tôt. Il maudit sa compagne tombée enceinte et regrette son amour perdu… c’est beaucoup pour 2h14.

Love est donc constitué essentiellement de flash-backs : comment s’est-on rencontrés ? Comment s’est-on aimés, puis engueulés ? Ponctué, comme un banal film pornographique, de toutes les situations sexuelles possibles. C’est là, évidemment, que le projet de Gaspar Noé devient beaucoup moins intéressant ; ces personnages sont en carton, n’ont aucune épaisseur psychologique ; le petit branleur américain (Karl Glusman), et sa laborieuse voix off, sa pénible épouse, obligatoirement chiante (Klara Kristin), et la vraie femme (Aomi Muyock), brune et ténébreuse comme il se doit. On ne sait pas s’ils jouent mal, car les scènes de sexe sont une performance en soi et les dialogues faiblards les desservent énormément.

Et comme souvent chez Gaspard Noé, c’est trop long partout, il y a trop de scènes de sexe, longues et ennuyeuses et répétitives. Il ne suffit pas de vouloir choquer le bourgeois, il faut un peu le titiller… au final, ces personnes mal joués n’ont pas de personnalité ; on ne les aime pas et c’est bien le paradoxe de Love.

Il reste comme d’habitude chez Gaspar Noé des fulgurances graphiques (cadrages, stroboscopes, …), mais ça n’a jamais suffi à faire un film.