mercredi 29 avril 2015


Breaking Bad
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]

Avec l’amicale pression de mes amis, j’ai fini par regarder la première saison de Breaking Bad. Qu’est-ce que j’en pense, c’est là la question.

Il y a quelques années, nous sommes allés au Canada avec la Professora, également sur l’amicale pression de nos amis : « Vous verrez, le Canada c’est formidable ! Le pays est gigantesque, les gens sont sympas, ils ont des bagnoles énormes et des paysages à couper le souffle ! » Nos amis avaient juste oublié quelque chose ; nous étions déjà allés aux Etats-Unis, et pas eux. Les Etats-Unis, un pays où les gens sont sympas, qui ont des grosses bagnoles, et leurs paysages sont à couper le souffle. Le Canada est un pays sympathique, mais qui n’a pas le niveau avec les USA (mais où, pour le coup, les gens sont vraiment sympas).

C’est un peu la même chose avec Breaking Bad. C’est un show sympathique, très bien fait, qui a plein de qualités mais n’est pas à la hauteur des grandes séries. Et le Professore Ludovico a la faiblesse de penser que les gens la trouvent géniale parce qu’ils n’ont pas vu Oz, The Corner, Sur Ecoute, pour ne prendre que des séries sur le même thème.

Ce qui gêne sur Breaking Bad, c’est que c’est une série comique, et que finalement, ça ne donne pas tellement envie de la regarder. Car pour être comique, Breaking Bad se doit d’être caricaturale : les femmes sont des desperate housewives, les flics un peu trop cons, et les gangsta latinos un peu trop terrifiants. Enfin, et c’est l’éternel problème, Breaking Bad se croit être clivante et dérangeante parce qu’elle est trash. Comme Dexter. Comme 24. « Tu vas voir ce que tu vas voir ! », nous glisse-t-on à l’oreille. Des gens qu’on fait fondre dans l’acide. Des gens qu’on étrangle avec un antivol. Qu’on fait sauter à l’explosif.

Je m’étonne toujours qu’on soit fasciné par ce genre de violence rigolote, dont Quentin Tarantino s’est fait le chantre absolu. Car j’y vois plus les grandes frustrations de l’Amérique (et les nôtres avec) qu’une véritable provocation. The Wire est dérangeant, parce qu’il montre que Baltimore est entièrement gangrénée par l’argent de la drogue, du dealer à la Mairie : ça, c’est dérangeant, ça c’est clivant. Mais Breaking Bad n’est que l’étalage de la grande frustration de la guerre désormais perdue contre la drogue qui ravage un pays, et qui ne trouve rien d’autre comme héros rédempteur qu’un pauvre type, prof de chimie bouffé par le cancer. Walter White – le point de vue de Breaking Bad – est comme par hasard un grand frustré (sexuel, familial, et professionnel), bien décidé de se venger de l’American Way of Life. Des bonnes femmes qui font chier, de la famille qui pèse comme un couvercle bas et lourd, des beaux-frères machos et stupides, des collègues qui ont réussi et des gamins qui n’écoutent pas en classe.

Si c’est ça la transgression, ce n’est pas si intéressant. Dire du mal de l’Amérique, c’est facile. En dire du bien (comme Aaron Sorkin ou Peter Berg) est plus difficile. Et dire quelque chose, quelque chose d’intéressant, ça, c’est très difficile. C’est ce que fait Friday Night Light, les Soprano, Generation Kill, Mad Men ou Game of Thrones, qui, comme chacun sait, est la grande série sur l’Amérique de 2010, on y reviendra peut-être un jour.

Après, qu’on se comprenne : Breaking Bad est une bonne série, rigolote, marrante, qu’on a envie de regarder en mangeant des chips. En creux, ce n’est pas une série qui vous arrête de boire et de manger. Va-t-on y passer cinq saisons ? That is the question.