Plutôt que s’embêter devant les biopics, il reste une option : la vraie vie. Ainsi, la contemplation de Jonah, le Souffle de la Colère, sur Canal+ ce week-end, valait bien trois J. Edgar et deux La Môme.
Jonah, c’est bien entendu Jonah Lomu, l’un des plus grands joueurs de rugby de tous les temps, l’icône qui fit passer le rugby d’aimable compétition celtique à un sport mondialisé. Ce qu’on peut regretter, bien sûr, mais là n’est pas le propos.
Jonah, le Souffle de la Colère, c’est l’histoire d’un parcours rare, et pourtant coutumier de la légende sportive. Un petit tongien néo-zélandais, élevé à la dure par son père, mais protégé par sa mère, dans les bas-fonds d’Auckland. La rédemption par le pensionnat, où sa mère supplie le proviseur de l’accepter. Le rugby à VII, à XIII, puis à XV. Et une trajectoire inédite : directement All Black à 19 ans, le plus jeune Homme en Noir de l’histoire de la plus grande équipe du monde.
2 coupes du monde plus tard, toutes deux perdues lors de deux matches historiques, la finale contre l’Afrique du Sud (oui, celle d’Invictus) et la demi-finale magique contre la France, peut-être le plus grand match de notre Quinze à nous. Dans l’enceinte sacrée de Twickenham, grâce à deux essais de Lomuh, les néo-zélandais mènent 17-10 à la mi-temps. Mais les hommes de Villepreux, les géniaux Lamaison, Dourthe, Dominici, Bernat-Salles humilient les hommes en noir lors d’une deuxième mi-temps anthologique, 45 à 31.
Lomuh ne gagnera aucune coupe du monde, et seulement 3 Tri-nations. Il sera frappé par la maladie, ce mauvais rein qui fait mal depuis toujours. Après la transplantation, Lomuh reprendra l’entrainement mais ne retrouvera évidemment jamais son niveau et mettra un terme à sa carrière en Fédérale 1, échouant à aider le petit club de Marseille à passer en ProD2…
Jonah, le Souffle de la Colère se paye le luxe d’être formidablement filmé, mis en musique, na mâchons pas nos mots, à la Terrence Malick. Une perfection esthétique au service d’un sport brutal, et peu porté sur la finesse. Mais c’est avant tout la trajectoire d’un homme, mal compris dans son pays mais adulé ailleurs, et ce qu’il est, au-delà du rugby. Le documentaire de Stéphane Le Goff aligne un casting de rêve (Fitzpatrick, Hastings, Piennaar, Benazi, Lievremont, N’Tamack, Catt, Williams) mais surtout il révèle un homme simple, qui priait avant chaque match pour que personne ne soit blessé (!) et qui est tout étonné à 32 ans d’être encore en vie…