lundi 5 mars 2012


Extrêmement Fort et Incroyablement Près
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Il ne suffit pas, pour réussir un film, d’accumuler une incroyable somme de talents. Un romancier génial (Jonathan Safran Foer), de talentueux acteurs (Tom Hanks, Sandra Bullock, Max von Sydow, et tout particulièrement le jeune Thomas Horne), Alexandre Desplat à la musique et Stephen Daldry à la réalisation, un habitué du succès (Billy Elliott, The Hours), Scott Rudin à la production, n’en jetez plus, la coupe est pleine…

Non, le cinéma fait partie des Arts Etranges, de la magie du Côté Obscur, des sombres alliances avec les forces telluriques des Unseelie. Si tel n’était pas le cas, les forces démoniaques du marketing aurait totalement pris le contrôle du 7ème art et produiraient systématiquement des chefs d’œuvres, ce qui n’est pas le cas, on en conviendra…

Non, le cinéma reste une industrie de prototypes, et c’est tant mieux.

Dès le début du film, on est envahi par la voix off et une musique qui se veut légère mais qui plombe chaque plan, nous guidant maladroitement dans les émotions que nous sommes censés ressentir. Ces deux là vont éteindre en nous, dès les premières minutes, la flamme du mélodrame qui ne demandait qu’à brûler, cette étincelle de magie qui manque cruellement à Extrêmement Fort et Incroyablement Près

Pourtant cette histoire avait tout pour nous émouvoir : après la mort de son père (Tom Hanks) dans la tragédie du World Trade Center, un enfant légèrement psychotique cherche désespérément le propriétaire d’une mystérieuse clef trouvée dans les affaires paternelles. La relation père-fils était fusionnelle, cette quête ne fait que détruire l’enfant déjà instable.

Comme dans tout bon récit d’aventure, le jeune Oskar va néanmoins rencontrer un mentor, dans la peau d’un étrange vieillard énigmatique et muet (Max von Sydow). Il va aussi s’éloigner de sa mère (Sandra Bullock), et vivre plein de péripéties avant d’achever sa quête.

Tout ce qui marchait formidablement dans le chef d’œuvre méconnu de Liev Schreiber qu’est Tout Est Illuminé, une autre quête sur les racines, adaptée du livre éponyme de Jonathan Safran Foer. Mais ce film là réussissait le tour de force de passer de la comédie (le petit juif new yorkais coincé qui débarque chez des ukrainiens free style) à la tragédie (les traces de l’extermination…)

Dans Extrêmement Fort et Incroyablement Près, on commence par la tragédie, et c’est tout le problème. Daldry voudrait nous laisser pénétrer dans le drame intérieur vécu par cet enfant, mais sa voix off ne fait que nous en sortir. Refusant de se détacher des excellents dialogues/monologues vifs et brillants, probablement extraits du roman, Daldry et son scénariste plombent le drame. Au lieu d’être touchés, on a vite qu’une envie : mettre deux claques au préado, malade d’Asperger ou pas, lui crier que son père, Tom Hanks ou pas, est mort, et qu’il ne reviendra pas, et le remettre sur le droit chemin ! Les obsessions habituelles de Foer (troubles compulsifs, collections diverses, sacs plastiques zippables, régimes végétariens, peur de l’étranger, nostalgie mitteleuropa), tout ce qui faisait le sel de Tout Est Illuminé, transforment Extrêmement Fort et Incroyablement Près en goulasch immangeable.

Dommage, on aurait bien aimé aimer.




jeudi 1 mars 2012


Kick-Ass
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

« Faire les choses sérieuses avec légèreté, et les choses légères avec le plus grand sérieux » : voilà une profession de foi qui me convient.

Elle semble convenir parfaitement à Kick-Ass, un film important déguisé en pochade pour ado.

Je n’aime pas les films de super héros, mais je dois convenir qu’une vague de modernisation de ce concept souffle depuis quelques années. BD d’Alan Moore (Watchmen, Promethea, Topten), films déconstructivistes (Incassable, Hancock, Spiderman) et maintenant, Kick-Ass.

Le film part d’une idée simple : comment apparaissant les super héros ? Probablement du cerveau d’un ado puceau, fan de comics, rêvant de vivre les aventures pour de vrai, et d’émerveiller ainsi une petite amie potentielle… Un tour chez Mr Bricolage, et voilà un joli costume jaune et vert, du meilleur effet. Ajoutez-là une (vaine) tentative d’interposition lors d’une bagarre, filmée évidemment sur Smartphone par la foule en délire (qui ne vient pas à l’aide de notre infortuné héros , scène-clef du film), puis Twitto-Facebookée, et voilà notre héros mondialement connu. Malin, Matthew Vaughn joue la carte de la dérision sur ce versant-ci : pas besoin d’une mère tuée par quelque gangster, ou d’une enfance sur Krypton, ou d’une araignée radioactive pour devenir super héros. Mais Vaughn ajoute bientôt un autre versant, où il reprend toute cette thématique, au sérieux cette fois-ci. Big Daddy et Hit Girl, le père et la fille, sont des vigilantes plus traditionnels ; leur femme/mère a été tuée par le parrain local, et ils veulent se venger. Bientôt les deux intrigues vont se lier, pour le plus grand bonheur du spectateur. Car le film mélange avec soin la parodie (Nick Cage en Batman, père de famille modèle et fan de la NRA), la tragédie (le fils du parrain qui veut devenir parrain mais n’en a pas réellement les « qualités »), la love story teen movie (et son lot de problématiques crypto-gays), les références pop (« This Town Ain’t Big Enough for Both of Us » des Sparks, Lost, Batman, Superman…), le film d’action (des fusillades à couper le souffle), le tout dans un New York nimbé de lumière, mi-réaliste, mi-fictionnel.

Et sous cette couche d’entertainement, coule une rivière glacée, politique, un portrait en creux d’une Amérique surarmée, fascinée par le pouvoir des armes et la violence, en quête d’un homme providentiel pour la sauver, plutôt que de faire le premier geste civil qui pourrait tous nous sauver.

Ne ratez pas les prochains films de Matthew Vaughn, ni de sa tripotée d’acteurs, tous aussi doués les uns que les autres…