vendredi 15 décembre 2017


Neutralité du net
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... ]

On fait rarement de politique ici, ou alors pas directement. Mais là on est obligé. Bien sûr, la neutralité du net, ce n’est pas la faim dans le monde, le massacre des rohingyas, ou un accident routier de plus.

Pourtant, c’est un problème très important. Important pour vous, qui êtes en train de lire cette chronique.

En gros, les États-Unis viennent d’abolir un principe qui veut que tout contenu, quel qu’il soit, doit être acheminé de la même manière par les fournisseurs d’accès internet. La photo de votre grand-mère ou une pub Dior, la vidéo de votre témoin de mariage ou celle de Macron…

En supprimant cette neutralité, on instaure un internet à deux vitesses qui ne profite qu’aux riches. Pas aux utilisateurs riches (ça, ça existe déjà, entre la fibre et la mauvaise 3G) ; non, aux fournisseurs d’accès. Les FAI vont pouvoir commercialiser un internet qui va vite (et qu’ils vendront aux plus offrants (Dior et Macron)) et un internet qui va lentement (qu’ils vendront à votre grand-mère et votre témoin de mariage)…

Tout ça n’a pas l’air très grave. Pourtant, c’est une terrible atteinte à la liberté d’expression et la liberté d’entreprendre : tout simplement, à la démocratie. Ce qu’Internet a permis, c’est qu’un clampin comme le Professore Ludovico puisse donner son avis – comme un Michel Ciment moyen – sur le cinéma américain. Et qu’il soit lu partout dans le monde, par des milliers de lecteurs, lui qui, avant, n’avait qu’une demi-douzaine de copains pour auditoire.

Cette chronique, aujourd’hui, vous pouvez y accéder aussi rapidement qu’un article de lemonde.fr. Demain, Free, qui possède le journal Le Monde, pourra vous offrir (et il le fera, soyez-en sûrs !) un accès rapide à son site et un accès lent à CineFast et à tous les sites qui ne pourront pas payer le péage de l’autoroute à grande vitesse.

Il en va de même pour l’innovation. La garantie d’un internet neutre, c’est aussi la possibilité à trois guignols de la Silicon Valley de bâtir Google, parce que petite start-up, ils ont quand même eu accès à l’ensemble du web, avec immédiatement un potentiel de milliards de clients pour pouvoir se développer.

C’est pourquoi des mastodontes comme Google, Netflix, Apple, sont farouchement opposés à ce recul, et on ne peut pas dire que ce soit pas des philanthropes de la liberté d’expression.

C’est en fait la mort programmée de l’internet tel que nous le connaissons : un immense espace de liberté d’expression qui permet à tout un chacun de donner sa voix. Ce bouleversement civilisationnel, on a encore du mal à appréhender ; le renversement, en un mot, de la pyramide du savoir. La transition d’un monde élitiste où quelques sachants étaient seuls autorisés à transmettre la bonne parole, à une démocratie d’en bas (avec ses dérives, évidemment).

Aucun secteur n’y échappe : l’éducation (Wikipédia), le cinéma (IMdB), la médecine (Doctissimo), mais surtout l’entreprise, les medias, les gouvernements… l’élite est obligé de réviser son discours, d’être plus humble dans la connaissance, plus transparent, plus à l’écoute du public… en un mot, plus démocrate.

C’est pourquoi la neutralité du net est si importante.