dimanche 24 janvier 2010


TopTen 2009
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Dimanche dernier c’était TopTen, c’est-à-dire le meilleur, selon nous, de l’an de grâce 2009. Nous, c’est à dire une communauté de cinéphiles – non CineFasters – qui se réunit en janvier pour conclure la campagne 2009. Chacun élit son Topten, on ajoute les points et on obtient LE TopTen.

Mais, tout d’abord, celui du Professore :

Après quelques hésitations entre le premier et le deuxième, j’ai tranché pour Un Prophète comme meilleur film de l’année. C’est à l’évidence un très grand film, mais surtout, il devrait durer, ce qui ne sera peut-être pas le cas de Loin De La Terre Brûlée, un film dont je garde pourtant un souvenir très fort.

Vient ensuite Marching Band, le documentaire très émouvant de Claude Miller sur la nouvelle Amérique d’Obama, puis District 9, un grand film « de genre », mais dont on dira un jour que c’était « le premier Neill Blomkamp ».

Very Bad Trip fait un beau cinquième, sûrement la plus belle surprise Hollywoodienne de année. Esther, Meurtres à la Saint Valentin, sont deux must cinefastiens de l’année : films de genre réussis, ou très drôles dans leur genre.

La grande surprise, le scoop énorme, c’est sûrement la présence – pour la première fois – d’un Woody Allen dans le TopTen du Professore* : Whatever Works, c’est vrai, ça le fait ! (et peut-être la présence de mon héros, Larry David, roi de la méchanceté et co-créateur de Seinfeld)

Reste deux « aurait pu mieux faire cette année », avec des grosses machines qui révèlent plus le talent de leurs géniteurs que leurs propres qualités intrinsèques : Watchmen et Avatar.

Dans mon BottomFive, on notera que le grand gagnant est évidemment Good Morning England, l’escroquerie lacrymale annuelle de Working Title : c’est juré, on ne m’y reprendra plus.

Gran Torino est un deuxième moins évident (cf. classement final plus loin), mais c’est tout autant une escroquerie sémantique : sous des dehors antiracistes et autocritiques, Clint Eastwood refait le même film idiot et détestable de ses débuts. Silver City est un Bottom pour initiés : ceux qui ont aimé John Sayles ne peuvent qu’être consterné par son (ses) derniers opus.
Le reste du Bottom est plus classique : Anges & Démons est le film idiot et arrogant que seuls les américains savent faire, et Mutants est le film de zombies que les français ne savent pas faire…

Ce qui donne, au propre :

un prophete
loin de la terre brulée
marching band
district 9
very bad trip
esther
meurtres à la saint valentin
whatever works
watchmen
avatar

et le BottomFive :
good morning england
gran torino
silver city
anges & démons
mutants

Une fois les votes dûment enregistrés par huissier, le TopTen est devenu cela :

1. Good Morning England
2. Avatar
3. District 9
4. Slumdog Millionaire
5. Harvey Milk
6. Un prophète
7. Gran Torino
8. ex. ae. Welcome
9. ex. ae. Mademoiselle Chambon
10. Inglorious Bastards

Et voici le Bottom3 (pas de Bottom Faïve pour eux) :

Trésor
Public Ennemies
De l’autre côté du lit

En deux mots, je suis dans l’opposition (mais ce n’est pas ni la première ni la dernière fois, vous vous en doutez…)

*Woody A. a déjà eu à deux reprises les honneurs du BottomFive : Harry Dans Tous ses Etats et Le Sortilège du Scorpion de Jade.




dimanche 24 janvier 2010


Shoah
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films -Les gens ]

Shoah. Le film devenu nom commun. Que fait Shoah dans CineFast ? Et bien Shoah n’est pas seulement au panthéon du Professore Ludovico, Shoah n’est pas seulement son contenu, le documentaire le plus abouti à ce jour sur l’extermination des juifs, c’est aussi un très grand film.

La preuve l’autre soir, quand Arte rediffusa Shoah en deux parties de 5 heures. Car Shoah c’est ça, un film interminable mais qui vous accroche jusqu’au bout, quand la plupart des documentaires vous lâchent au bout de 90mn.

Claude Lanzman, par ailleurs plutôt détestable*, est un grand cinéaste. Il refuse les facilités habituelles du documentaire, et c’est peut-être pour ça que Shoah est un chef d’œuvre.

Quelques exemples : Lanzman ne coupe rien, il ne double pas les témoignages. Lanzman pose les questions en français, elles sont traduites en polonais, les réponse sont en polonais, traduites en français, et on a droit au quatre versions, en plan séquence. Résultat, pas de contestation possible : vous avez entendu le témoin, si vous voulez contester sa validité, vous pouvez traduire sa réponse. Imparable.

Ensuite, vous avez cet accès direct à la langue, aux accents, aux intonations, et c’est terrifiant. Les explications dans l’allemand gouailleux du Sergent SS, le polonais enjoué des enfants témoins devenus vieillards, l’allemand scandé, teinté de yiddish, du coiffeur de Tel Aviv, qui article parfaitement les mots de la mort : douches, fours, cadavres…

Ensuite, le refus du sensationnalisme est l’autre « marque de fabrique » de Shoah : pas d’images de propagande. Pas d’image de Nuremberg, pas d’images des armées britanniques ou US. Pas d’images nazies. Pas de photos, non plus, des morts du temps de leur vie, pas d’apitoiement. Au contraire, Lanzman filme aujourd’hui : pas les trains de la mort, mais les trains d’aujourd’hui… Pas les fosses pleines de cadavres, mais la plaine d’Oświęcim aujourd’hui, avec, peut-être, au fond, la silhouette de Birkenau. Pas Treblinka, dont il ne reste rien, mais seulement un monument à Treblinka aujourd’hui (une horreur en pierre de 3 m de haut), dans un travelling terrifiant qui se termine sur l’interstice entre deux pierres, noir comme un trou sans fond.

Car Lanzman filme quelque chose d’impossible : le vide, le néant. Il n’y a plus rien des juifs d’Europe centrale. Comme le disait Primo Levi, dans les Naufragés et les Rescapés : « On ne peut pas raconter un naufrage, parce que ceux qui racontent, par définition, sont des rescapés. Ils n’ont pas participé au naufrage. »

Lanzman n’a que des rescapés à filmer, et très justement, le film respecte parfaitement ce propos.

*Claude Lanzman avait notamment « interdit » à Spielberg (au moment de la Liste Schindler) de filmer l’holocauste. Se prétendre l’ « unique dépositaire de la Shoah » est un des aspects les plus désagréables de Lanzman….