dimanche 22 novembre 2015


Macbeth
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

Comment a-t-on découvert Shakespeare ? La plupart du temps, par Orson Welles.

Au-delà de Citizen Kane, LE chef d’œuvre réputé du cinéma, Welles a été le grand pédagogue du barde éternel. L’homme de Falstaff, Macbeth et Othello a su mettre en images, avec une créativité inouïe, (et souvent en les raccourcissant de moitié) les grandes œuvres shakespeariennes.

Macbeth, nous l’avons découvert au Cinéma de Minuit. Il y en avait deux à l’époque, et on ne se rappelle plus bien s’il s’agit du Ciné-Club de Claude-Jean Philippe, du Cinéma de Minuit, encore animé aujourdhui par Patrick Brion sur France 3. Peu importe, car on se rappelle du choc visuel, en plein milieu de la nuit, de l’intro hallucinée de ce Macbeth de monsieur Welles. Qu’on en juge : trois sorcières psalmodient une étrange prédiction autour d’un chaudron puant ; When shall we three meet again? In thunder, lightning, or in rain?

Et puis vient l’étrange prédiction ; aucun homme né d’une femme ne blessera Macbeth, personne, en fait, tant que la forêt de Birnam ne bougera pas.

Comme chacun sait, ces deux prédictions se réaliseront pourtant à la fin.

Aujourd’hui quand on revoit le film, soixante-dix ans après, on reste toujours stupéfait par le génie bricoleur de Welles. Avec seulement 75 000 dollars, Welles bâti son décor, filme des contre-jours époustouflants (les meurtrières, les crucifix, les arbres), puis enchaîne plan séquence sur plan séquence avec une facilité déconcertante. En utilisant le grand angle, qui est sa marque de fabrique, Welles crée de la netteté partout en produisant d’étonnantes perspectives : le très gros visage de Macbeth au premier plan semble être un ogre dément prêt à dévorer un petit soldat minuscule perdu en contrebas.

Reste le miracle shakespearien, une langue ourlée, à la limite de l’incompréhensible, mais qui cinq cent ans après touche toujours l’âme humaine, à l’image du désespoir existentiel qui possède son héros :

– « Eteins-toi, brève chandelle !
La vie n’est qu’une ombre qui passe,
Un pauvre acteur qui s’agite et parade une heure sur la scène,
Puis on ne l’entend plus.
C’est un récit plein de bruit, de fureur,
raconté par un idiot et qui n’a pas de sens. »*

Shakespeare est éternel, Orson Welles aussi.

*Out, out, brief candle!
Life’s but a walking shadow, a poor player
That struts and frets his hour upon the stage,
And then is heard no more.
It is a tale told by an idiot, full of sound and fury,
Signifying nothing.


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