jeudi 27 juin 2013


Le Passé
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

On a mis du temps avant d’aller voir Le Passé, un peu terrifié à l’idée de ce qu’Asghar Farhadi, notre nouveau chouchou de Une Séparation, Les Enfants de Belle Ville, et A Propos d’Elly, ait pu devenir dans les griffes de la production française.

Ils sont nombreux, en effet, à avoir quitté le pays d’origine pour chercher un eldorado – Paris ou Hollywood – et y avoir perdu leur talent. Comme si ce talent était intimement lié à la terre qui avait produit ce cinéaste et son cinéma, et n’autorisait pas une greffe en terre étrangère. Ainsi, la rose Haneke avait perdu beaucoup de ses épines en terre française, malgré Auteuil, Binoche et Huppert. Probablement parce qu’il est très difficile de diriger un comédien quand on ne maitrise pas sa langue : comment savoir s’il joue faux, par exemple ?

Soit Farhadi parle très bien le français, soit il a un excellent premier assistant. Les acteurs du Passé sont très bons (Bérénice Bejo, Tahar Rahim, Ali Mosaffa), et notamment les enfants (Pauline Burlet, Elyes Aguis, et Jeanne Jestin). Et, dans ce transfert de Téhéran à Sevran, le film de Farhadi gagne ce que la production française peut apporter de mieux : super travail de déco, et photo magnifique.

On retrouve néanmoins les habituelles obsessions Fahradiennes : la fin de l’amour, séparation, les problèmes de l’adolescence, et ses motifs coutumiers : les vitres qui empêchent la communication, les voies de chemin de fer qui dressent d’invisibles frontières, les patrons et les ouvriers, et, comme toujours, les mensonges qui tuent ; le poids du passé qui nous empêche d’avancer.

Mais, comme le prédisait l’Oracle du Kremlin, il y a comme un goût de trop peu dans cette dernière livraison farhadienne : est-ce l’Iran qui nous manque ? Ou le manque d’intensité ? Pas de meurtre, pas de menace, pas de disparition : l’enjeu de ce film-là n’est pas assez fort pour nous coller sur notre siège. Quand, au bout d’une heure, arrive le célèbre Farhadi Time : le moment où l’intrigue se noue, et notre estomac avec.

Il reste néanmoins un très bon film, comme on en voit peu dans l’année de toute façon.


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