mardi 24 mars 2009


Gran Torino
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Clint Eastwood s’est fait Woodyallenisé. Involontairement ou pas, l’Inspecteur Harry a été élevé par la critique et le public français au rang d’icône. Et si la carrière du Clint est extraordinaire – du vigilante réac au subtil réalisateur d’Un Monde Parfait -, il n’est pas normal que ses films ne soient plus critiqués a posteriori, mais adorés a priori.

Le Professore est tombé, lui aussi, dans le piège, plein d’a priori positifs, la tête pleine de Million Dollar Baby et Mémoires de Nos Pères. Le pire cas de figure pour aller voir un film.

Pourtant, il n’y a pas mensonge sur la marchandise ; c’est bien de rédemption qu’il s’agit. Kowalski-Eastwood, ce pourrait être Dirty Harry à la retraite, un vétéran de la Corée qui refuse de se pardonner les choses qu’on lui a fait faire. Eastwood est censément la plus a même de jouer cela, vieux Céline-Rigodon à Meudon, crachant sa haine des nègres, des pédés, des bridés…

Mais bon, si rédemption finale il y a, elle est, à l’image du film lui-même, hautement improbable. Et même si l’on est happé par ces dix dernières minutes, par l’émotion-mélo un peu cheap, on ne peut malheureusement oublier les 105 minutes précédentes, consternantes à plus d’un titre.

Ce n’est pas tant que l’histoire soit incroyable, c’est que c’est surtout mal fait. Rien ne nous est épargné : le vieux qui se redîme, les gamins et leur inévitable console de jeu-chewing-gum-piercing, la nourriture chinetoque « pas si mauvaise que ça », et la chienne qui – sic !- pleure à la fin.

Quant à Clint, il n’est qu’une pauvre caricature de lui-même. Non content de nous déclamer sa bordée d’injures racistes à chaque plan « gook, jew, pussy, zipperface, nigger, snowball », ce qui – et ce n’est pas un hasard – déclenchait des rires malsains dans la salle, le réalisateur d’habitude plus subtil souligne ici son propos en commentant l’action à voix haute : « Il n’y a plus que des rats des marais dans le quartier ! », «les jeunes, de nos jours ! », « Qu’est ce que je fais ici ? Je suis plus à l’aise que dans ma propre famille !». On se croirait dans un Blake & Mortimer, alors que le regard de pierre de l’ancien maire de Carmel aurait suffi.

Ce manque de subtilité, c’est ce qui tue tout le film. Le gentil est caricatural (dans sa méchanceté initiale comme dans sa gentillesse finale), les gangs de méchants sont ridicules, les coréens très gentils, le curé puceau mais couillu au final….

Pitié ! On n’en peut plus !

En fait le film fait très années 70. Autant on peut regarder Dirty Harry avec un second degré critique (ben oui, c’est réac, mais dans ce temps-là, ma bonne dame !!), aujourd’hui ce n’est plus possible. L’eau du cinéma a coulé sous beaucoup trop de ponts. On ne peut plus filmer les gangs comme dans West Side Story : The Wire, Boys in the Hood, Colors, Oz, sont passés par là. La famille, les relations père-fils, la jeunesse : cf. Juno, Six Feet Under, les films de Sean Penn, de Gus van Sant. La rédemption raciste, avec presque le même thème, le même contexte : L’Année du Dragon.

Non décidément, à des problématiques compliquées, L’inspecteur Harry offre des réponses simples. Trop simples.


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