vendredi 21 septembre 2012


Fight Club
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

« The first rule of Fight Club is: you do not talk about Fight Club.
The second rule of Fight Club is: you DO NOT talk about Fight Club!
»

C’était en 1999. Et, il faut bien l’avouer, un moment pas glorieux du Professore.

On sortait de Fight Club par l’escalier qui mène à Saint Eustache, downtown Paris, UGC Ciné Cité Les Halles. Et James Malakansar, le sourire aux lèvres, qui me balance son traditionnel « Alors ? »*

Je le connais ce sourire. Je sais qu’il a aimé. Il a déjà adoré Seven, ce film de pubard, trop brillant pour être honnête. Je suspecte le Malakansar d’être bêtement fasciné par ce cinéma de chef op’, beau et vide, tendance Jeunet/Ridley Scott… C’est un de nos rares points d’achoppement.

Moi, j’ai détesté Fight Club. Et je le dis. « Un film qui s’écoute parler. Un film scandaleux, faussement provocateur, sale, mais proprement sale, pour seulement choquer le bourgeois ! » Mais heureusement, je laisse une phrase en suspens, qui me sauvera plus tard : « En même temps, c’est peut-être l’Orange Mécanique des années quatre-vingt-dix ! »

2005. Par une nuit sans lune, armé d’un simple lecteur DVD, le Grand Sorcier Framekeeper initie quatre jeunes Padawan à l’Epiphanie Fincherienne. Seven, Fight Club, un bout de The Game. Colombes, trois heures du matin. Trois hommes nus, recouvert du sang sacrificiel tiré d’un journaliste de Télérama, psalmodient en chœur l’Indicible Dyptique « Fincher est un Cinéaste Chrétien ! Fincher est un Cinéaste Chrétien ! » Ils abandonnent leur identité, et prennent des noms de bataille : Michel Vaillant, The Snake, Professore Ludovico. CineFast est né.

Enfin, nous avons LA révélation. Il y a dans Fight Club, un film dans le film. Et déjà, en trois films, une œuvre. Un artiste.

2011. On montre Fight Club à la Professorinette. En Première CFA, le programme est chargé : Alien, Fight Club, bientôt Citizen Kane et Orange Mécanique. Et interro écrite.

Fight Club, le film n’a pas pris une ride. Si maniéré à sa sortie, et pourtant propre comme un sou neuf. Limpide même, beaucoup plus clair que la première fois. Entre temps, je l’ai déjà revu une fois, certes, et j’ai lu le livre (excellent)…

Mais surtout c’est un film prémonitoire : les tours qui s’écroulent… l’éffondrement du crédit… la colère masculine…l’obsession de l’apparence… la consommation impulsive… la tyrannie des marques… Fight club, c’est No Logo, un an avant Noemie Klein.

***

Fight Club, c’est l’histoire d’un type qui découvre son aliénation (la Narrateur, Edward Norton), et qui se réfugie dans les bras d’un gourou, Tyler Durden (Brad Pitt), prêt à se sacrifier pour sauver l’humanité du cauchemar consumériste. Jésus-Christ 1999.

Ce que l’on ne perçoit au premier abord, à cause de la noirceur de l’image et du propos, c’est que Fight Club est une comédie. Noire, mais une comédie. Un conte philosophique. Candide chez les Dust Brothers. Zadig chez Banksy.

Maintenant, on connait mieux Fincher, et on sent plus nettement la comédie grinçante qui rampe sous le propos. Le punk qui sommeille en David F. est là, dans tous ses films : le tueur de Seven, Marc Zuckerberg dans The Social Network, Tyler Durden dans Fight Club.

Mais aussi, la couche girardienne qui irrigue l’œuvre. Pitt prend des poses christiques, mais il est aussi Job. Il doit être sacrifié pour que les autres survivent. Il en va de même pour les apôtres du Projet Chaos, qui perdent leur nom, mais deviennent Robert Paulson s’ils meurent au combat.

Que fait Fincher, sinon décrire une église en train d’être bâtie (Project Mayhem), avec son Prophète (Tyler Durden), ses apôtres (les Hommes en Noir) et sa mauvaise conscience (le Narrateur) qui semble être le seul à voir la dérive du projet initial ? Venus pour se défouler, les adeptes de Fight Club deviennent des apôtres sans cerveau répétant mot pour mot ce que dit le messie ; quelle meilleure définition du fondamentalisme religieux ? Ce qui est dit dans la Bible ou la Coran doit être interprété littéralement, disent les intégristes. Tandis que d’autre plaident une simple morale religieuse (la foi me commande de ne pas faire certaines choses). Et cette morale peut évoluer, selon les évolutions de la société (Vatican II, par exemple)…

Fincher joue avec cette imagerie (Brad Pitt, les bras en croix), pour mieux passer un message finalement personnel, presque augustinien : la morale, la grâce, le libre arbitre, sont en toi.

Quand aucun homme ne se dresse devant les faux prophètes qui hantent tes pensées, il ne te reste, métaphoriquement, qu’à te faire un vrai trou dans la tête, pour laisser sortir, comme une fumée de cigarette, le double schizoïde qui annihile ta pensée.

Tu es le seul maître de tes actes, et nul ne peut te les retirer.

Le message – finalement – d’Orange Mécanique. La boucle est bouclée.

Fight Club est donc un film indispensable, encore plus aujourd’hui qu’au siècle dernier.

Et en plus, il est drôle.

* Nous avons une coutume, tous les deux : ne jamais sauter sur l’autre après la projo, pour dégotter un avis. Non, comme un bon vin, laissez le générique filer, sortir du cinéma, bref, se « réveiller » alors, seulement, on a le droit de parler…


3 commentaires à “Fight Club”

  1. Karl Ferenc Scorpios écrit :

    Fight Club est un phénomène singulier à l’image de la filmographie de son réalisateur Monsieur Fincher.

    Quelques années avant la sortie de l’OVNI, à l’instar de ce que raconte le Professor, le Karlo sort d’un cinéma avec son Associé. Dehors il pleut, il fait froid. Le silence qui suit la séance est respecté. Un briquet claque, la cigarette s’allume puis l’Associé du Karlo lâche les yeux fixés dans le vide un « bon .OK, là le gars il nous a un peu calmé et pourtant et on n’est pas du genre à qui on la fait ». A cette époque où Internet s’appelle le Minitel, on ne sait rien alors on cherche et on trouve des bribes, des miettes.

    Le type s’appelle David Fincher : on connaît pas.
    Le blond, Brad Pitt : on l’a repéré dans Entretien avec un vampire. La connexion n’est pas encore faite avec True Romance, on verra l’armée des 12 singes plus tard.
    Le black : c’est notre chouchou. Morgan Freeman que l’on suit depuis Robin des Bois et les Evadés.
    Le dingue : on ne le reconnaît pas tout de suite mais à la sortie du DVD on hurlera de joie : c’est Keyser Söze !

    Alors, on prend des résolutions. Oui quoi que la vie nous réserve, on ira voir les films de Monsieur Fincher parce que nom de Zeus : « Seven c’est une bombe atomique larguée depuis l’Etoile de la Mort sur une bande d’Ewoks fans de l’inspecteur Derrick ! ».

    Allez hop, le Karlo se lance dans un traité sur Fight Club car depuis il a tenu sa résolution et que son Associé n’est plus (1). Résumons l’affaire :

    Fight Club et son auteur Chuck Palahniuk :

    Pour reprendre une expression chère au Professor , Chuck c’est gentillet . Quelque part du côté de Bret Easton Ellis ou, pour les plus réticents à la littérature mais adeptes des tabloids, de Frédéric Beigbeder. Bref, on l’aura compris à moins d’être traumatisé par un accident de la route et nourri exclusivement à la Danette, c’est à oublier sans peine voire carrément à passer. Quitte à se rendre triste et malheureux tout en restant snob, autant ne pas faire semblant et écouter en boucle New Order (Ah ! Ah ! sacré Professor) entrecoupé par un best of de Jesus and the Mary Chain. Autre solution plus dangereuse : l’héroïne (2).

    Ficht club et les moments à ne pas louper :

     Meat Loaf et ses seins qui poussent,
     Ikéa qui est très bien résumé,
     les bonnes recettes de savon qui raviront les fans de Canibal Holocaust,
     une méthode efficace pour préparer puis mener à bien les entretiens annuels (à usage des collaborateurs et des managers),
     Edward Norton (ce qui donne envie de revoir Crève Smoochy Crève et American History X soit deux manières de traiter le nazisme au cinéma)
     Last but not least : les Pixies mais chez Monsieur Fincher la BO de qualité c’est une constante.

    Fight Club et son message :

    Une très belle illustration brillante et codée (3) qui démontre que des types paumés ayant du mal à s’insérer dans la société, vaguement qualifiés mais réellement motivés, bien dirigés et relativement organisés peuvent réaliser des choses incroyables qui finalement les dépassent voire les déçoivent.

    Le tout c’est d’avoir un but et surtout un patron /boss / gourou pour haranguer la troupe. Pour le dit patron de la bande qui généralement est un dingue, c’est également une classique puisque cela ne finit pas bien non plus.

    Veilles thématiques les amis reprisent par, certes les religions extrêmes et les sectes, mais également les mouvements politiques, les stratèges de tout poil et régulièrement illustrées au cinéma (4) et à la télévision (5).

    Sur le reste du message, la maîtrise de ses actes et les références à Saint-Augustin, le Karlo connaissait déjà la chanson et n’a jamais été trop fan de l’ambiance « suicidez-vous le peuple est mort » même reprise en bourrée auvergnate.

    Fidèle à une ma récente adhésion à la Secte Cinéfastienne, j’offre humblement une autre piste de lecture de l’œuvre de Monsieur Fincher au Professor et à ses complices. Et si les deux piliers de son ouvrage étaient : les dingues / l’argent (en combinatoires évidemment) ? Faites le test : Alien 3, Seven, The Game, Fight Club, Panic Room, The Social Network, Millénium.

    Au fait, Professore vous qui savez beaucoup, c’est vrai cette histoire que le bon David va s’attaquer à 20 000 lieux sous les mers ?

    (1) Sans parler du fait qu’on va pas laisser le vieux bouc pérorer sous prétexte qu’il a écrit la critique définitive sur Dune et que lui il a déjà vu la saison 2 du Trône de Fer.
    (2) Pour les lecteurs de vrais livres qui veulent du décalé, intelligent, spirituel et irrespectueux sur l’histoire d’un type un peu perdu qui va faire de grande choses il est obligatoire de se jeter sur l’Agneau de Christopher Moore. Attention c’est également dangereux car ensuite on est pris de spasmes violents qui se soignent uniquement avec la lecture très recommandée de l’ensemble des ouvrages de l’auteur. Totalement compatible pour les lecteurs qui du fait de leur vie professionnelle ou personnelle doivent veiller à rester snobs.
    (3) C’est sa patte au David le beau, brillant avec des codes planqués un peu partout, c’est la formation à la réclame qui veut ça !
    (4) . Pour la fin des dingos au cinéma, les cinéphiles ont l’embarras du choix : Aguirre ou la colère de Dieu, la Chute, il était une fois l’Amérique, la série Die Hard etc.
    (5) Voire en cela dans un format plus mainstream la série l’agence tout risque (si si faut y réfléchir).

  2. Professor Ludovico écrit :

    Que Monsieur Karl veuillent devenir maitre du monde, passe encore. Mais qu’il vienne citer ici, même en tout petits caractères d’une note de bas de page, L’Agneau de Christopher Moore, ça s’appelle une déclaration de guerre. Car L’agneau est LA bio de Jesus Christ qu’il faut avoir lu dans sa vie. Si on a le sens de l’humour, évidemment ! Après on peut enchainer sur sa bio du Grand Cthulhu, Le lézard lubrique de Melancholy Cove mais que faut-il lire d’autre, cher Karl ?

    Quant à votre thèse, oui, elle est intéressante, bien que l’argent dans Alien 3, faut que je creuse…

  3. Karl Ferenc Scorpios écrit :

    Le Professor mérite décidément son Titre. Attachez vos ceintures, éteignez vos mégots ! ci-dessous ce qu’il faut lire de Monsieur Moore en plus des titres cités par le Savant :

    « Un blues de Coyote » sur les Golden Boys, les indiens (ceux avec la peau rouge), le chamanisme et le Coyote (format Grand Père Coyote des légendes). C’est indispensable !

    « Le secret du champs des baleines » sur la biologie, Hawaï et les baleines. Pour les fans hard core seulement.

    Pour Alien, je n’aurais qu’une question « et la Weyland-Yutani ? ! le Professor croit-il réellement qu’elle construit des mondes meilleurs ou qu’elle veut s’en mettre plein les fouilles ? »

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