samedi 19 octobre 2024


The Making of The Guns of Navarone
posté par Professor Ludovico dans [ Hollywood Gossip -Le Professor a toujours quelque chose à dire... -Les gens ]

Ce n’est pas un très bon livre. Nous l’achetons, nous le lisons, parce qu’à notre connaissance il n’y a pas d’autres livres sur la question, c’est-à-dire sur Les Canons de Navarone, un des films du panthéon du Professore Ludovico. C’est plutôt un livre d’amateur, genre autoédité. Brian Hannan se passionne pour le Box-Office, combien de dollars ont fait les films des différents acteurs, ou des Billings, c’est-à-dire leur position sur l’affiche*.

On apprend quand même des choses dans ce Making of, et notamment la principale : Hollywood ne change pas, Hollywood ne changera jamais :

•      Le producteur est le vrai fabricant du film. Carl Foreman, réalisateur frustré, exilé en Angleterre pour cause de Maccarthysme, remonte la pente grâce aux Canons de Navarone. Il s’occupe de tout : scénario, casting, recherche de sites. Il impose même l’idée qu’il n’y aura pas de deuxième équipe, puisque la première équipe, c’est déjà lui qui la dirige ! Il finira par y renoncer, sous la pression de son réalisateur (J. Lee Thompson, finalement assisté de Peter Yates, futur réalisateur de Bullitt, La Guerre de Murphy, Krull…)

•      Le casting est l’art principal du cinéma, avec le montage. Foreman choisit de modifier le livre d’Alistair McLean pour des raisons de narratologie et de marketing. Tous les personnages sont masculins : impossible de faire un film sans femme, ce qui équivaut à se priver de la moitié du public. Foreman crée alors deux pseudo-histoires d’amour (Gia Scala et Gregory Peck, Anthony Quinn et Irène Papas)**. Il faut aussi des grecs, pour aider à la production (Quinn et Papas), des jeunes (James Darren***, Gia Scala) pour toucher un public teenager

•      L’adaptation est une trahison. Foreman aménage l’œuvre pour intégrer ce casting marketing, mais aussi pour transformer un livre en objet filmique. Le livre d’Alistair McLean est passionnant, mais descriptif. les personnages se parlent peu. C’est un commando qui agit en silence. un film, lui, a besoin d’interactions entre les différents personnages, et c’est Foreman qui les crée.

•      Les choix des uns et des autres sont dictés par des contingences bien matérielles : Gregory Peck accepte le rôle parce que sa carrière est financièrement à la ramasse. Cary Grant, un moment envisagé, trouve le personnage trop noir et refuse. Tant mieux, il aurait fait un horrible Mallory… Gregory Peck accepte, car le tournage en Angleterre est très intéressant fiscalement.

Le film sera un gros succès au Box-office, 2ème de l’année aux états unis, derrière West Side Story. Il inspirera une mauvaise suite, L’Ouragan vient de Navarone, avec… Harrison Ford.

The Making of The Guns of Navarone, Brian Hannan
Baroliant Press

* Ce qui, justement, donne une idée exacte de leur position au box-office.

** A ce propos, Foreman est très en avance : il propose un partenariat avec Olympic Airways, la compagnie aérienne grecque. Les apprenties starlettes se verront offrir un billet d’avion pour les emmener à Londres faire leur audition. Elles seront cantonnées dans un dortoir, et filmées en permanence par un circuit de télévision. Bizarrement, la production refuse…

*** Futur héros de notre série sixties Au Cœur du Temps




vendredi 18 octobre 2024


For All Mankind
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]

Une œuvre d’art ne peut être jugée qu’à l’aune de celles qui l’ont précédée (dans notre cerveau de CineFaster en tout cas).  C’est pourquoi la jeunesse s’enthousiasme et la vieillesse fait la fine bouche. Le vieux cinéphile a déjà tout vu, et la nouveauté ne lui paraît pas si nouvelle que cela.

On regarde For All Mankind, nouvelle série de Ronald D. Moore, parce qu’on a vu Battlestar Galactica. Moore nous avait enthousiasmé avec son reboot inspiré de la série de notre adolescence, à la fois fun et politique.

Ici aussi, on est très excité. Dans le genre What If : que se serait-il passé si l’URSS avait posé en premier le pied sur la Lune ? La conquête spatiale, ce rêve absolu des sixties, aurait perduré. Et on serait déjà sur Mars, sans Elon Musk ! Voilà de quoi allécher, mais on oublie que Moore a aussi réalisé Outlander, série plus mélodramatique. Et c’est évidemment dans cette veine que se situe For All Mankind. Un what if drama, orienté sur les problèmes familiaux, les pères et les fils, les femmes et les amants…

La série est bonne, très (et parfois un peu trop) américaine, mais ce n’est pas ce que le Professore attendait (combats spatiaux et intrigues diplomatiques sur Pluton)… D’où une légère déception.




jeudi 17 octobre 2024


Silo
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]

La littérature américaine de science-fiction a l’étrange capacité à inventer de mystérieux et passionnants enjeux pour se retrouver ensuite dans l’incapacité de les résoudre. C’est le cas de romans récents comme Silo, de Hugh Howey, ou Spin, de Robert Charles Wilson. Des livres très bien écrits, avec de jolis personnages, mais qui se terminent en queue de poisson.

Il y a quelques années, le Professore Ludovico avait décidé,  après avoir vu le plutôt bon Da Vinci Code de Ron Howard, de s’atteler au très mauvais roman de Dan Brown. Mais surtout, de lire en même temps sa source d’inspiration, L’Énigme Sacrée, de Michael Baigent, Richard Leigh et Henry Lincoln.

Ce dernier livre, type L’Aventure Mystérieuse – couverture rouge, démontrait une problématique bien connue de la dramaturgie : s’il est facile de poser des questions (et donc des enjeux : le christ a-t-il été marié ?), il est difficile d’y répondre. Le livre accumulait ainsi des suspenses (étranges manuscrits qui disparaissaient, tout aussi mystérieusement), mais l’inexplicable restait inexpliqué, ou ridicule (L’Eglise Catholique, prête à tout pour cacher ce « secret »)

C’est le cas de Silo, le livre comme le film. Mais pour aller plus loin, il faut spoiler.

Après une apocalypse, probablement nucléaire, l’humanité s’est réfugiée dans un immense silo. Tout y est bien ordonné, à commencer par la natalité (qui nécessite une autorisation), jusqu’aux classes sociales, bien ordonnées entre les riches et les pauvres, les mécaniciens qui vivent dans les profondeurs, les informaticiens au milieu, et l’élite, évidemment tout en haut. Et comme il n’y a qu’un escalier de 144 étages, vous voyez la suite…

Juliette – très bien interprétée par Rebecca Ferguson -, accepte de devenir shérif. Elle va être amenée à découvrir pourquoi l’humanité est enfermée dans le silo… Qu’y a-t-il à l’extérieur ? Tout en haut, à la cafétéria, une immense baie vitrée donne à voir un paysage désolé, comme un avertissement : obéissez ici, car dehors c’est l’enfer. La punition ultime est d’ailleurs d’exiler les condamnés à l’extérieur et de contempler leur agonie sous les radiations.

Mais voilà, on suit dès les premiers épisodes quelques condamnés et on découvre que l’extérieur n’est pas radioactif, qu’il est au contraire peuplé d’arbres et d’oiseaux. Pour autant, les pauvres hères meurent quand même, sans explication.

Tout cela devient diablement passionnant. L’amateur de SF pense à un des meilleurs livres de Philip K. Dick, La Vérité Avant Dernière, où l’on cache à l’humanité que la Troisième Guerre Mondiale n’a pas eu lieu.

Quelques épisodes plus loin, un piratage informatique permet enfin de montrer aux citoyens du Silo la vérité. Très bien, enjeu résolu. Ou pas ?

C’est là que ça commence à se gâter. L’héroïne, qui se doute de quelque chose et complote pour sortir, se retrouve trahie et condamnée… à sortir.  Pourquoi pleure-telle ? Pourquoi n’accepte-t-elle pas ? Mystère.

Le spectateur est désormais perdu. D’autant qu’elle finit dehors et découvre, bon sang de bonsoir ! qu’on a menti deux fois au spectateur. L’illusion qui cachait les arbres et les petits oiseaux cache elle-même la réalité qui est… que la terre est polluée !!??

Fin de la saison 1. Cliffhanger putassier pour donner envie d’une saison 2. On n’est pas trop sûr que la résolution de ce double mystère va avoir du sens. A force d’appâter le spectateur, ça ressemble pas mal à une lostienne fuite en avant.

Dans le métier, on appelle ça une JJ Abrams.




jeudi 10 octobre 2024


Simple comme Sylvain
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

La force de la littérature – en tout cas de la grande littérature – c’est sa capacité à décrire avec profondeur et justesse les sentiments humains. C’est ce qui fonde les grands livres, de Céline à Conrad, de Yourcenar à Franzen.

Le cinéma a du mal à faire ça ; c’est un art visuel, moins profond, il n’a pas les mots pour décrire les sentiments. Il lui faut donc des visages, des situations, des intonations, des dialogues, pour donner les sentiments en spectacle…

Simple comme Sylvain peut pourtant démontrer le contraire. Caché derrière une comédie romantique innocente, le film de Monia Chokri se révèle d’une grande profondeur, tout en restant drôle et simple d’accès.

Sophia est professeure de philosophie à Montréal. Trentenaire en couple, c’est une bobo bien-pensante, totalement intégrée dans son milieu. Lorsqu’elle rencontre Sylvain, un charpentier venu aménager son chalet au bord d’un lac des Laurentides, ils tombent immédiatement amoureux. Et follement. S’agit-il d’une passade, intense mais ponctuelle ? D’une incroyable alchimie sexuelle ? Ou de la fin d’un couple, et la création d’un nouveau ?

Avec une grande économie de moyens, et, en même temps, un génie simple de la mise en scène, Mona Chokri organise les débats avec virtuosité pendant 110mn, sans une seule minute d’ennui. Ses comédiens, chacun s’évertuant dans leur propre trajectoire, sont parfaits. L’intrigue est même parsemée de virgules philosophiques, sous la forme des cours données par la bien nommée Sophia. Mais la cinéaste n’est pour autant pas dupe de la fracture sociale qui est à l’œuvre.

Une comédie romantique et réaliste : une rareté, donc.




lundi 7 octobre 2024


Megalopolis
posté par Professor Ludovico dans [ Hollywood Gossip -Les films -Les gens -Pour en finir avec ... ]

L’échec cosmique que représente Megalopolis – et le suicide artistique qui va avec – nous oblige à démonter enfin la légende du génie Coppola, colportée depuis cinquante ans. C’est l’objet de cette rubrique « Pour en finir avec » qui en a vu d’autres, mais celle-ci sera probablement la plus prestigieuse.

Qu’est-ce qu’un génie  ? C’est a minima quelqu’un qui a réalisé de nombreux chefs-d’œuvre. Si on se cantonne au cinéma, cela existe : Fellini, Welles, Eisenstein, Clouzot, Hitchcock, Kubrick, Ozu, Miyazaki, Spielberg… Ça ne veut pas dire qu’ils n’ont pas connu d’échec, mais qu’il y a une certaine continuité dans l’œuvre.

Coppola, pour sa part, est l’auteur de trois chefs-d’œuvre : Le Parrain I et II, et Apocalypse Now, placé, comme on le sait, tout en haut du panthéon du Professore.  

Pour le reste, il y a fait quelques films intéressants : Cotton Club, Jardins de Pierre, Dracula, des films moyens : Outsiders, Rusty James, Peggy Sue s’est Mariée, et des films oubliables et oubliés : Jack, L’Homme sans Age, L’Idéaliste, Tetro, Twixt… Et aussi quelques films prétentieux et mégalomaniaques qui l’ont ruiné : Coup de Cœur, Tucker.

On peut dire sans se tromper, que depuis trente ans, et le flamboyant Dracula, Francis Ford Coppola n’a rien fait.

Où est le génie, dans ce cas ?

Malheureusement, chez les marketeux du cinéma et leurs victimes (les cinéphiles), on appelle abusivement génie quelqu’un qui combat seul le méchant système des studios. Rien n’est moins vrai, évidemment. Le cinéma est l’affaire de millions de dollars, de francs, de lires, de yens et d‘euros. Et rien, absolument rien, ne se fait sans les studios. Même Godard, même Kubrick, même Justine Triet, aucun film ne se fait sans une dizaine d’acteurs, une centaine de techniciens, et un producteur.

S’agissant de Coppola, ses grands films ont été faits grâce aux studios. Le Parrain ne serait rien sans le très grand patron de la Paramount Robert Evans, tout simplement parce que Coppola ne voulait pas le faire. Et même Apocalypse Now, produit pas Coppola lui-même, n’aurait pas existé si United Artists n’avait accepté de le distribuer.   

La jolie histoire qu’on raconte sur Megalopolis veut que Coppola se soit ruiné une nouvelle fois pour produire sa grande œuvre, que personne ne voulait. Vrai ou faux, cela a peu d’importance. Le film est projeté en salle, donc il a trouvé un distributeur (Le Pacte)… et donc parlons-en.

Megalopolis est la démonstration, comme les innombrables remontages et director’s cut de son vrai chef d’œuvre conrado-vitenamien, de ce qu’est un film sans producteur. Un film de mégalomane, qui s’est auto-proclamé génial, sans personne (commanditaire, collègue ou ami) pour lui dire son fait. Plus personne d’ailleurs ne peut dire quelque chose à Francis Ford Coppola, et il n’a pas l’intention de demander conseil. Il sait ce qui est bien pour le film, pour ses acteurs, et pour ses futurs spectateurs.    

Personne n’a pu lui susurrer que son film était prétentieux, pontifiant, verbeux, incompréhensible, mal monté, et par-dessus tout, d’une laideur absolue. Que son pitch – les États-Unis vu comme une Rome décadente au bord du gouffre – était plausible, mais qu’on ne voyait pas ce que venait faire là-dedans son histoire d’architecte façon Cités Obscures de Schuiten/Peeters ? Que ses dialogues – volés à Shakespeare -, sa parodie de Trump – pas très claire -, et l’Amour avec un grand A faisait un drôle de cocktail… Et que sa vision, très rancie, de la décadence (des femmes qui s’embrassent, vraiment ?), n’était plus trop de saison.

Non, comme César Catilina, son architecte, Coppola était seul tout en haut du Chrysler Building, à ruminer de noires pensées, un pied dans le vide. Comme lui, il espérait arrêter le temps, et peut-être revenir en arrière. En arrière, quand Francis Ford Coppola était un génie.

En 1979.




dimanche 22 septembre 2024


Succès artistique, succès commercial…
posté par Professor Ludovico dans [ Hollywood Gossip -Le Professor a toujours quelque chose à dire... -Les gens ]

C’est la phrase du jour : « Le succès artistique est délibéré, le succès commercial est accidentel ». Attribué à Herbert Ross, bon faiseur de Hollywood mais surtout réalisateur du très bon Potins de Femmes (Steel Magnolias), qui l’aurait fait broder sur un coussin.

Quoi de mieux pour résumer l’industrie du prototype qu’est Hollywood ? Pour être un artiste, il faut le vouloir. Vouloir se battre pour ses idées, lutter contre le système qui veut appliquer des formules pour obtenir un succès à tout prix, et qui coûte le moins cher possible. Si vous arrivez à survivre dans cette fosse aux requins, vous réussirez artistiquement, quitte à ce que le film soit un bide…

Mais obtenir un succès commercial à tous les coups, c’est très difficile. On le voit avec les franchises, capables d’échouer alors que toutes les chances ont été mises de leur côté : budget, artistes, techniciens, et licence solide…

Une anecdote, parmi mille autres, pioché dans l’excellent « Il y a bien longtemps, dans une salle de montage lointaine, très lointaine », le livre de souvenirs de Paul Hirsch, prêté par le Professeur Pichard. Paul Hirsch, le monteur attitré de Brian de Palma mais aussi de La Guerre des Etoiles, La Folle Journée de Ferris Buller et de Mission Impossible




lundi 16 septembre 2024


Emilia Pérez
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

On avait quelques doutes sur le génie Jacques Audiard. Les génies ne sont pas éternels, et Les Olympiades montraient quelques signes d’essoufflement, de vieillissement, chez l’un de nos plus grands cinéastes.

Le sujet d’Emilia Pérez n’était pas fait pour rassurer : un narco mexicain veut devenir une femme pour faire le bien sur la terre : on avait connu chez Audiard sujet plus réaliste.  

Mais bon, nous voilà assis au fond du MK2 Bastille Beaumarchais, pour profiter pleinement, non pas de la photographie sublime de Paul Guilhaume, mais des 55 éclairages d’évacuation, quand Zoe Saldaña se met à chanter. Et à danser.

Et là, tout bascule.

Sur un tel sujet, un film sérieux (comme à l’habitude d’Audiard), aurait été abscons, irréaliste, insupportable de naïveté politique. Mais en comédie musicale, Emilia Pérez passe dans une autre dimension, celle de la fable, du conte moral.

Porté avec une grande fluidité par trois actrices d’exception (Zoe Saldaña, Karla Sofía Gascón et Selena Gomez) le film explose le genre. Pas le genre masculin, mais le genre cinématographique. Le film n’est pas une apologie de la transidentité, mais une métaphore du changement, une histoire de rédemption. Quelqu’un qui décide de changer tout pour devenir enfin, peut-être pas quelqu’un de bien, mais quelqu’un de mieux.

Audiard ne perd pas le réalisme en route ; tout le reste sonne juste : le Mexique, les narcos, le polar. L’intrigue, abracadabrantesque, retombe sur ses pieds dans un final impeccable.

Le génie français est de retour.




mercredi 11 septembre 2024


La Veuve Couderc
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

La mort d’Alain Delon permet de rattraper des films, La Veuve Couderc par exemple. Bon, à vrai dire, le Professore Ludovico a longtemps confondu ce film avec Les Granges Brûlées, et La Horse.

La Veuve Couderc est basé sur un roman de Simenon dont le pitch est simple mais démontre qu’en 1h30 – contrairement à ce qu’on dit partout – on peut créer des personnages et les faire évoluer sans avoir besoin de six heures sur Netflix. Ici, la veuve en question (Signoret) vit chichement dans une ferme au bord d’un canal. Elle rencontre au début du film un beau mec (Alain Delon) qui cherche du travail. Ça tombe bien, elle en a, exploitant désormais seule la ferme de son mari (au grand dam de sa belle-sœur, l’éclusière, dont la fille, lolita déjà fille-mère, complète l’ensemble). Le drame est posé. Une femme vieillissante qui cherche un homme, qui va passer de sa protectrice à la nymphette.  

Comme on l’a dit précédemment, Delon ne joue pas très bien, et est peu crédible en costume de ville binant les champs de pommes de terre. Mais La Signoret est impériale comme à son habitude. Sa seule voix, emplie de tabac, de tristesse, et de colère tout à la fois, les larmes perlant au bord de ces yeux bleu acier suffisent à retourner n’importe quel spectateur.

C’est la Signoret post Casque d’Or que nous avons toujours connue, celles des années 70, de L’Aveu à Police Python 357. Et puis il y a Simenon, cette ambiance campagnarde, l’écluse, les bateaux, le bal, et le drame qui pointe. Et une conclusion/explication étonnante.

Ça suffit à faire film.




mardi 10 septembre 2024


Alien : Romulus
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Il pleuvait sur la vallée. Ridley Scott entra en bougonnant dans la salle de réunion, au dernier étage des 20th Century Studios. Il savait déjà ce que les suits allaient lui dire :

Ridley, faut qu’on change notre fusil d’épaule, on se fait massacrer sur Sens Critique, et l’ayatollah Ludovico dit partout que tu as brûlé ta propre œuvre. On peut pas continuer comme ça…

Très bien, dit l’anglais, posant négligemment les clés de sa Bentley sur le dossier Alien : Romulus. On va leur donner ce qu’ils veulent. MAIS NE COMPTEZ PAS SUR MOI POUR DIRIGER CE FILM !!

– Tu as une idée à nous soumettre ?

– Prenez qui vous voulez, j’en ai rien à branler, mais il a pas intérêt à merder !

Fede Alvarez savait à quoi s’en tenir. Le film n’arrête donc pas de donner des gages au fanboy. Dès la première scène, Alvarez invoque Blade Runner, téléportant l’univers de Scott dans les colonies Weyland-Yutani. Six prolos, exploités par la mégacorpo, ont trouvé un plan pour se tirer de là. Dès qu’ils montent dans le vaisseau, la déco est à l’avenant : ordinateurs seventies, fumées et néon, décors sales et sombres. C’est parfait, et pas seulement parce que l’on respecte l’univers initial. L’important, c’est que les personnages agissent selon de véritables motivations, et non selon les caprices scénaristiques de Ridley « J’ai le melon » Scott (cf. Prometheus et Covenant).

Alien : Romulus est plein de bonnes idées, qui jouent avec le cadre, avec la mythologie Alien. On ne regrette pas sa soirée, comme on dit dans Papy fait de la Résistance. Il est juste dommage que Fede Alvarez se sente (ou soit ?) obligé de payer autant sa dette. La fin est longue, très convenue, copié/collé absolu d’Alien, premier du nom.

Il est facile de considérer que c’est le 2ème meilleur film, devant Aliens (très surcôté parce qu’il a inventé les Space Marines) et Alien3 (très surcôté parce qu’il s’agit d’un Fincher raté, mais d’un Fincher quand même. )

Alien : Romulus est plaisant, et ce n’est pas un massacre : c’est déjà beaucoup.




jeudi 5 septembre 2024


Alain Delon
posté par Professor Ludovico dans [ Les gens -Pour en finir avec ... ]

Alain Delon a disparu pendant l’été. A vrai dire, l’acteur avait disparu depuis longtemps. Les années 80, pour être précis, et pour fixer les choses, Le Choc ou Trois Hommes à Abattre.

Odieux connard mais bon acteur, beauté incandescente mais insupportable réac : comment évaluer sereinement la carrière de Delon ? Un artiste n’a pas besoin d’être quelqu’un de bien pour être d’extraordinaire ; c’est le cas de Chuck Berry, Mick Jagger, Bob Dylan, Stanley Kubrick, Philip K. Dick.

Delon ne peut être réduit à sa personnalité, mais ce n’était pas non plus un acteur gigantesque. Son œuvre est longue, il est tourné avec les plus grands (Visconti, Melville, Antonioni, etc.) Mais quels sont ses grands rôles ? Comme me l’avait un jour expliqué Mademoiselle K., il y a une différence entre acteur et comédien. Un comédien sait tout jouer, un acteur ne joue que lui-même. Par exemple, Delon*. CQFD.

Delon n’était pas De Niro ou Pacino, ni même Gabin, Trintigant ou Depardieu. Il ne pouvait pas tout jouer. On n’imagine pas Delon jouer un cuistot, un soldat traumatisé ou un autiste.

Delon jouait lui-même et le jouait très bien. Sa filmographie parle pour lui, et cela suffit.

* Elle me précisa immédiatement qu’elle était comédienne…