vendredi 14 novembre 2025
Capitaine Philips
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -
Les films ]
Pendant longtemps, on a renâclé à l’idée de regarder Capitaine Phillips, le film de Paul Greengrass, parce que nous étions presque trop impressionnés par son Vol 93. Son film 9/11 repasse régulièrement, et reste si hypnotique qu’on n’arrive jamais à le lâcher avant la fin. Eblouis par son réalisme, fascinés par le sujet, en admiration devant la perfection scénaristique qui colle au siège, sans jamais pouvoir enlever la ceinture de sécurité…
Il paraissait donc difficile de s’infliger le même supplice, à savoir une prise d’otage ultra violente sur un cargo dans l’Océan Indien.
On finit par pointer au chef-d’œuvre. C’est la même technique, Greengrassienne, qui est à l’œuvre : mise en scène ultra réaliste. Caméra à l’épaule. Personnages vrais et dialogues parfois improvisés, comme la formidable scène entre Tom Hanks et une véritable médecin des Navy Seals.
Le film fonctionne à l’identique, avec l’intelligence de présenter les deux points de vue. D’un côté, le cargo de la « mondialisation heureuse », de l’autre des Somaliens condamnés à la piraterie…
Le film est un petit peu plus faible que Vol 93. D’abord, par son final Michael Bay, put-that-gun-down sur fond de néons bleutés.
Mais il tient néanmoins sa promesse, décrire le monde tel qu’il va…
lundi 10 novembre 2025
Shogun
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]
Sur la recommandation de Karl Ferenc et d’AJ Beresford, on s’est abonné à l’Empire du Mal, Disney, c’est à dire le Côté Obscur qui cache en son sein Marvel, Pixar, ABC, LucasFilm et toutes les horreurs disneyennes, évidemment. Tout ça pour voir Alien: Earth (une immense déception), alors on cherche dans le catalogue de la plate-forme de quoi rentabiliser les 11€ mensuels…
Eh bien il y a Shogun, le reboot de la série avec des années 80. À part l’idée de voir des samouraïs, des belles armures, et des cerisiers en fleur, il n’y a pas grand-chose de motivant là-dedans. Mais bingo ! C’est exactement ça. La série est une ode au Japon, sa culture, ses valeurs, son art de vivre…
Pour qui est allé au Japon, l’exotisme ne vient pas du pays, mais des Japonais eux-mêmes. Leur rapport à l’honneur, la parole donnée, le sentiment d’appartenir quelque chose de plus grand, tout ça fait la splendeur de Nihon. La série justement, ne se contente pas de magnifiques paysages (filmés en Colombie Britannique !) mais incarne cette incompréhension.
Elle reprend pour cela le duo Blackthorne/ Mariko, le barbare échoué sur les rives du japon médiéval et sa jeune traductrice…
Richard Chamberlain est remplacé par un acteur génial, Cosmo Jarvis, qui joue les brutes bas du casque comme peu d’acteurs oseraient. Car c‘est l’inversion de Shogun, la série. Les barbares, c’est l’Occident. La Civilisation, c’est le Japon. Les Orientaux sont beaux, propres, intelligents, extrêmement civilisés… Avec, en face, un Anglais mal dégrossi, sale et un peu idiot.
Dans tous les films américains, on parle étranger pendant cinq minutes et puis on bascule, comme par magie, vers l’anglais. Shogun utilise au contraire la barrière de la langue comme ressort dramatique : on parlera japonais pendant dix heures. Et le personnage clef sera ici la traductrice, Dame Mariko (Anna Sawai).
Comme on dit, traduction égale trahison ; tout est là. Mariko va s’efforcer de traduire les demandes de son Maître, le Daimyo Toranaga (Hiroyuki Sanada, notre Ayato de San Ku Kaï !) Elle traduit aussi les réponses de Blackthorne. Tous les dialogues sont ainsi en double, ce qui parait fastidieux de prime abord. Mais on comprend vite que ce projet est le cœur de Shogun. Ce que dit Toronaga n’est pas compréhensible par Blackthorne : il faut que Mariko l’explique. La réponse du marin est offensante : elle doit l’atténuer pour le Daymio…
La grande force de la série est de tenir jusqu’au bout cette posture, et de l’incarner ailleurs, dans l’histoire d’amour impossible entre la Marin et la Dame.
Mais l’amour, n’est-ce pas la tentative désespérée de comprendre l’autre ?
samedi 8 novembre 2025
Le Mécano de la « General »
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -
Les films ]
Regarder Le Mécano, c’est assister à l’enfance de l’art. C’est visiter la grotte de Lascaux du cinéma, c’est admirer la naissance d’Hollywood…
Jusque-là, Buster Keaton était surtout connu pour faire des slapsticks, ces petits films d’une bobine où on tombe d’une échelle, on glisse sur une peau de banane, et on est poursuivi par les flics…
Mais là, c’est le grand projet : un film d’une heure et demie sur la Guerre de Sécession. Une comédie, mais pas que. L’histoire de Johnnie Gray, un petit gars du Sud amoureux d’une jeune fille. Et qui veut absolument s’engager, car la guerre est déclarée. Malheureusement, Johnnie est réformé, à la consternation de son amoureuse : trop chétif, trop utile (il est cheminot). Evidemment, Johnnie va devenir un véritable héros en démasquant les plans machiavéliques des espions du Nord, et en les déjouant avec la « General », sa fidèle locomotive.
Au-delà de l’émotion, on est fasciné par les cascades (entièrement réalisées par Buster Keaton qui saute, descend, remonte sur une vraie loco en marche !) et par des scènes de bataille assez imposantes, dont une chute de loco d’un pont. A l’époque, rien de moins que la scène la plus onéreuse du cinéma muet…
Même si le propos pique un peu les yeux (les gentils sudistes contre les vicieux nordistes), Le Mécano de la « General » est un must see.
vendredi 7 novembre 2025
Le Meurtre était Presque Parfait
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -
Les films ]
Dans Hitchcock/Truffaut, le Maître explique que c’est un projet run for cover, c’est-à-dire un projet qu’il avait accepté parce qu’il il ramait sur son projet inachevé Bramble Bush. Hitch, en contrat avec la Warner, a donc convenu d’adapter cette pièce à succès sachant, comme il le dit, que c’était un truc pour lui.
Et c’est vrai que Hitchcock est à son affaire dans cette histoire de bourgeois cocu. Tony Wendice (Ray Milland), un tennisman désargenté veut hériter de Margot, sa belle et jeune épouse (Grace Kelly), en délégant son meurtre à quelqu’un d’autre. Le Hitchcockien averti retrouvera évidemment les prémisses de L’Inconnu du Nord Express, un film en noir et blanc sorti trois ans plus tôt, et bien mieux réussi*…
Dans une des premières scènes en tout cas, Wendice expose son plan à l’assassin qu’il a sélectionné. Cette longue scène se passe entièrement dans le salon et Hitch ne fait qu’alterner simplement les plans, et pourtant ce n’est jamais ennuyeux.
L’erreur commune, quand on adapte du théâtre, c’est de vouloir sortir à l’extérieur pour faire cinéma, dit le Hitch en substance à son padawan français.
De fait, Hitch ne sortira pas de l’appartement, et cette unité de lieu créé une ambiance angoissante, anxiogène, qui va culminer jusqu’au meurtre lui-même…
Après, il est vrai que le film faiblit un peu quand on passe à la résolution façon Cluedo / Colombo.
Mais tout de même, c’est le haut du panier…
* Hitch avait-il une dent contre les tennismen, on ne sait…
mercredi 5 novembre 2025
Le mystère Dylan
posté par Professor Ludovico dans [ Hollywood Gossip -
Le Professor a toujours quelque chose à dire... -
Les gens -
Pour en finir avec ... ]
Qui peut comprendre Bob Dylan ? Après avoir vu Un Parfait Inconnu, nous avons emmené le Professorino voir la bête sur scène, sans trop d’illusions. C’était pas mal en 1995, mais déjà pas terrible en 2003.
Le Palais des Congrès était plein à craquer de septuagénaires. L’octogénaire sur scène, lui, n’a pas offert grand-chose. Ni bonjour ni merci, on a l’habitude. Ce qu’on demande en revanche, c’est a minima un groupe qui joue juste, quelques paroles qu’on arrive à capter et peut-être, s’il vous plait, une ou deux vieilles chansons…
Monsieur Dylan ne nous donnera pas ce plaisir.
Le Professore a eu la chance de voir plein de concerts. Des gens qui venaient ramasser le pognon (ZZ Top), des gens qui n’en avaient rien à foutre (Pink Floyd, Happy Mondays), des machines ultratechniques sans âme (Madonna), ou des génies bourrés qui ne pouvaient plus jouer (Amy Winehouse). Mais tout ça ne s’applique pas à Dylan. Ça reste un mystère…
Donc voilà une liste de suggestions : Robert Zimmermann, I wrote a list for you…
- Tu aimes profondément la musique…
Alors, joue juste (ou laisse ton groupe jouer), comme les bluesmen que tu vénères…
- Tu n’es pas un junkie, tu n’es pas alcoolique…
Alors, fais un effort pour chanter mieux que ça…
- Tu en as marre de jouer tes vieilles chansons…
Alors, propose alors des beaux écrins pour qu’on découvre les nouvelles…
- Tu n’es pas fainéant (une centaine de concerts par an, et deux heures sur scène)…
Alors, fais moins, mais mieux !
mercredi 29 octobre 2025
Alien: Earth
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]
Disney avait toutes les cartes en main : une licence quadragénaire, un showrunner ultra respecté, et des moyens… Faire du shocker SF une saga de super héros teen semble donc un drôle de pari…
Bien sûr, il y a le génie palimpseste de Noah Hawley pour réécrire par-dessus les grandes œuvres, comme dans Fargo. Hawley s’amuse à filmer les scènes culte de la saga : le chestbuster, la cantoche du Nostromo, la baston avec le robot… Il y rajoute une petite couche Apocalypse Now (jungle thaïlandaise + fondu enchaîné) mais ce qui domine, c’est un sentiment de what the fuck… Tout ça ne tient pas debout, est assez moche, le xénomorphe est en plastique, et la métaphore Peter Pan est extrêmement lourdingue…
Bref, la déception de l’année…
jeudi 23 octobre 2025
The Many Saints of Newark
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -
Les films ]
Le marketing tue tout. Savoir que The Many Saints of Newark c’est tout pourri, que sa note est très mauvaise sur IMDb (6.3, c’est très mauvais, je vous assure), que les trois premières minutes vous le prouvent (le port de New York en CGI, ça va pas le faire), que le maquillage à la truelle, c’est pas possible, et bien tout ça on s‘en fout, parce que Netflix nous dit que ça va disparaître de la plate-forme ! C’est tout autant stupide, puisqu’on a HBO, et que c’est toujours disponible sur leur plateforme, là, à deux clics de télécommande.
Mais bon la chair du CineFaster est faible… Et malgré David Chase au scénario et à à la production, c’est pas terrible. Un rappel des impôts ? Un pari perdant sur les Jets ? On ne sait…
Chase essaie de faire son Scorcese (ce que Les Sopranos n’ont JAMAIS eu besoin de faire), met de la musique sixties et des belles bagnoles, mais il n’arrive jamais à nous faire comprendre l’arc de Dickie Moltisanti, père de Christopher et oncle de Tony.
Alors oui, ça raconte Tony Soprano: The Beginnings, et c’est pour ça qu’on regarde : une stupide prequel-nostalgie où, façon Où est Charlie, on cherche les jeunes versions de Livia, Carmela, Paulie, Pussy, Oncle Junior, Sylvio et Artie…
Mais la nostalgie n’est pas un outil scénaristique. C’est du marketing.
Si CineFast sert à quelque chose : n’y allez pas.
vendredi 10 octobre 2025
1883
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]
Ce qui se passe dans les arcanes du KGB reste un mystère… L’un de ses plus célèbres représentants, l’Agent du TAROT Karl Ferenc Scorpio, dont la trouble fascination pour l’Amérique capitaliste ne cesse d’étonner, transmet ses instructions à ses taupes recrutées en Occident.
Malheureusement, pour une sombre histoire de dettes de jeux contractée au Prix d’Amérique, le Professore Ludovico se doit de répondre régulièrement à ces injonctions, tant que cela ne met pas en danger la Libre Entreprise.
En l’occurrence, suivre précisément le programme Montana. Trois saisons de Yellowstone, une saison de 1883, une saison de 1923, puis éventuellement finir la série originelle.
Qu’est-ce qui lui prend à Karl Ferenc Scorpio à affirmer sans ciller que 1883 est – mot rare chez lui – un chef-d’œuvre ? Aurait-il pris du pentothal ? Est-ce une nouvelle tentative de déstabilisation ? Ou un simple test de nos défenses ?
Car oui, 1883 est une saine respiration après trente épisodes de Yellowstoneries (on y reviendra plus en détail), il n’y a pas chef d’œuvre dans ce stand-alone. Ça commence bien, c’est-à-dire comme une sorte de Terrence Malick meilleure période, l’Homme face à la Nature, mais ça se termine comme La Petite Maison dans la Prairie, et c’est pas gentil pour La Petite Maison…
Peut-être que Karl Ferenc Scorpio est tombé amoureux de l’héroïne, petite blonde plutôt marrante, mais qui pérore ensuite pendant huit épisodes sur la Vie, l’Univers et le Reste.
vendredi 10 octobre 2025
Valeur Sentimentale
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]
Il existe des cinéastes invisibles comme il existe des chefs-d’œuvre invisibles. Joachim Trier fait partie de cette élite. Un cinéaste qui fait des choix, mais ne les étale pas à la face du monde, comme par exemple Paul Thomas Anderson.
Rien ne semble en effet distinguer l’art de Joachim Trier : un cinéma modeste, nordique, protestant. On avait ainsi adoré Oslo, 31 août, pas trop goûté l’europudding Back Home, et voilà que débarque Valeur Sentimentale, pas loin du chef-d’œuvre.
Le pitch : un vieux cinéaste, père abandonniste (Stellan Skarsgård) se lance dans son « dernier film » en espérant y embarquer sa fille actrice (Renate Reinsve). Mais un trop grand fossé s’est creusé entre eux. Par un heureux hasard – au Festival du Cinéma Américain de Deauville ! –, il tombe sur une actrice américaine à la recherche d’un grand rôle (Elle Fanning).
Autour de ce trio, Trier va tisser sa toile avec une douceur infinie, mélangeant fiction et passé familial, en ajoutant par petites touches quelques personnages secondaires.
Le film n’est pas subtil : il n’est fait que de subtilités. Ainsi, une vieille maison de famille prendra le rôle de narrateur*, une sœur jalouse apportera un contrepoint tendre, un couple mal formé révélera les ambiguïtés d’un personnage.
À aucun moment, on ne sentira la mise en scène, pourtant elle est là, dans ses glissando sur le vernis rouge et vert d’un balcon, ou ses caméras portées disruptives, ou le jeu des acteurs, calibrés a minima.
Nous regardions en même temps le Shogun de Disney+, (qui est par ailleurs remarquable), mais dont beaucoup de scène d’ « extérieur » sont tournées en studio à l’aide de la CGI. C’est le cinéma d’aujourd’hui, revenu aux techniques des années 50, et qui n’ose plus mettre le nez dehors.
Valeur Sentimentale nous apportait ce sentiment réconfortant de la réalité vraie, celles des décors comme des sentiments. Ce qui reste, parmi peu d’autres, une bonne raison d’aller en salle…
* « Une maison aime-t-elle se faire caresser [par des mains d’enfants] ? Est-elle contente, ou triste, quand tout le monde est parti ? »
mercredi 8 octobre 2025
Une Bataille après l’Autre
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]
C’est décidé, on n’aime pas le style de Paul Thomas Anderson. On a vu tous ses films, et on aimait le PTA du début, quand il faisait son Sidney Lumet (Double Mise), son Martin Scorsese (Boogie Nights), ou son Robert Altman (Magnolia). Tout s’est gâté quand il a pris son virage fabuliste, et fait tomber un piano du ciel dans Punch Drunk Love*. A partir de là, PT Anderson a commencé à se regarder filmer. Il ne peut s’empêcher d’en rajouter, ce qui est agaçant…
Certes, son talent est indiscutable, et il le démontre une fois de plus, dans un genre qu’il n’a jamais abordé, le thriller. Il adapte à nouveau, après Inherent Vice, son auteur fétiche Thomas Pynchon, et il filme comme Pynchon écrit, c’est-à-dire de manière cryptique. On peut trouver drôle ces Suprémacistes Blancs qui se baptisent Club des Aventuriers de Noël, rire aux allusions pour initiés** parsemées ici et là, mais tout cela est-il émouvant ? On sourit de temps de temps en temps, mais surtout, on est là pour admirer…
Oui, PTA réinvente la scène de poursuite, oui PTA nous enivre avec ses plans séquence, mais PTA fait plus de mal à la tête que de bien au cœur. Trop de dialogues, trop de musique, trop de gags souvent étirés jusqu’à l’ennui…
On sent un cinéaste sûr de lui, sans aucun contrepouvoir (studio ? producteur ?). Alors oui, on s’émerveille devant le talent, mais on n’aura pas forcément envie d’y retourner.
* Et un camion qui roule à l’envers dans Licorice Pizza, et la course en moto dans The Master, et la hotline terroriste d’Une Bataille après l’Autre…
** Le Colonel Lockjaw (Bouche fermée), le prix Bedford Forrest (Confédéré sanguinaire célèbre), etc.