samedi 19 juin 2010


Le Ruban Blanc
posté par Professor Ludovico dans [ Les films -Les gens ]

Il y a quelques années, ma fille partit avec son école en Classe de Campagne. Pendant son séjour, elle visita la reconstitution d’une école de nos aïeux, où on lui expliqua en long, en large, les punitions, les fessées, le froid dans la classe, l’obéissance au Maître, etc. Quand je lui demandais ce quelle avait retenu de ce musée, elle me répondit : « Les profs voulaient nous montrer à quel point ils étaient sympas ».

Brave Professorinette ! Elle a tout compris à Michael Haneke, qui veut aussi, avec son Ruban Blanc, nous faire comprendre que la vie dans l’Allemagne de juin 1913, c’est pas trop sympa. On s’en serait douté. Pas de Câble, pas de Wii, pas d’iPhone. Le ciné le plus proche à vingt bornes, et faut y aller en vélo… Alors évidemment, quand la Guerre vient, c’est une libération…

Tout ça, l’intention, comme on dit à Hollywood, on a bien compris, Professor Haneke. Et on a compris, aussi, avec le cinéaste autrichien, grand déconstructeur du cinéma, qu’il ne faut pas trop compter sur acte I, acte II, acte III, résolution !

Depuis toujours, Michael Haneke est un cinéaste du rebrousse poil, tout sauf complaisant avec les goûts du public, et avec la soi-disant « sagesse populaire ». Les enfants-tueurs (Benny’s Video), les mensonges de la vie bourgeoise (Code : Inconnu, Caché), le retour à la barbarie (Le Temps des Loups), rien n’a été épargné aux spectateurs (consentants) de l’autrichien. Ce système a trouvé son apex dans l’effroyable Funny Games, le chef d’œuvre d’Haneke, sa critique radicale du cinéma US, mais aussi, son repoussoir le plus absolu*.

Depuis son exil en France, le cinéma d’Haneke s’est un peu abâtardi, comme si le fait de diriger des comédiens français créait une barrière, un frein, à sa créativité et à sa virulence. Malgré des choses intéressantes, ses films sont devenus plus faibles…

Avec Le Ruban Blanc, un retour à l’allemand, Haneke renoue avec son exigence d’antan, un noir et blanc somptueux, une thématique passionnante. Mais coté histoire, c’est trop peu… En grand sadique, Haneke joue avec nos nerfs en bâtissant son histoire façon feuilleton du XIXème (« Le village s’éveillait tout juste de l’hiver quand survint un premier événement mystérieux »), pour mieux nous priver d’une résolution tant attendu des mystères… Certes, on ne souhaite pas tout savoir, découvrir qui a fait quoi, et pourquoi ceci a causé cela, ou que les méchants soient punis… Mais quand même un peu d’explication n’aurait pas été de trop. La fin dans les limbes, brutale, et voulue comme telle, est trop intellectuelle pour être honnête.

*Haneke déclara à la sortie qu’il ne comprenait même pas que les gens aillent voir son film.


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