mardi 4 juillet 2006


La Colline A Des Yeux
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Il y a deux films dans La Colline A Des Yeux, l’un raté, l’autre non.

Le film débute comme un film d’horreur classique : une famille type : le père « ronchon–républicain–RA », la fille « gentille », le gendre « démocrate-suspendu-à-son-portable, pro-gun control », la mère « coincée mais ex hippie », le petit jeune « nerveux ». Et puis il y a deux chiens… Très important, les animaux dans le film d’horreur : se rappeler le chat dans Alien, par exemple.

Malheureusement, c’est pas Ridley Scott derrière la caméra, c’est juste un élève de la Ridley’s School for Beginners. Alors, le petit Aja, il rate complètement son entrée : son suspense fait même pas peur (il nous prévient en SoundSurround que les mutants, y sont derrière le petit jeune, là, à gauche ! environ 15 secondes avant…

Et puis il sait pas jouer avec le cadre. Très important le cadre, il aurait du faire un stage chez Carpenter, période Vendredi 13. Parce que là, avec le cinémascope, le vieux il te fait recracher ton esquimau chocolat-noix de pécan.

Pourtant, il essaye, Aja, il balance la purée. Le père et le gendre partent chacun de leur côté chercher de l’aide… Le petit jeune part tout seul chercher les toutous qui se sont perdus… La fille se met à bronzer pour exciter les mutants… A croire qu’ils ont jamais vu Scream ???

Mais non, ça se traîne. On voit pas très bien où il veut en venir, le Aja. On sait pas si on doit rigoler ou avoir peur… Comble de l’hérésie, il nous montre même les méchants ! Qui sont moches mais intelligents, qu’ont même une stratégie pour se taper la petite famille : du grand n’importe quoi, vous dis-je !

Et puis au bout d’une bonne heure, ça commence à cogner, et là, là, on change de film, on passe au slasher.

Et là, c’est du tout bon. Parce que le film d’horreur, c’est un genre. Le slasher, c’est un autre genre. Et ça se respecte le film de genre ! C’est même là qu’on fait les meilleures soupes !

Mais pour ça, il faut respecter les Lois du Genre. Si tu fais de la sitcom, il faut respecter les règles de la sitcom. Si tu fais du film d’horreur, faut respecter les règles du film d’horreur. Et si tu fais dans le slasher, faut respecter les règles du slasher, hache dans la gueule, mutant transpercé à coup de drapeau américain, doigts coupés, je t’en passe et des meilleures. Et surtout passer en mode humour 35 000° degré!

Là, le petit Aja, il exprime enfin tout son talent. Ca y est, on sait où on est, on est rentrés à la maison !




samedi 31 décembre 2005


Tout est illuminé
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

C’est l’histoire d’un jeune type avec des grosses lunettes. C’est l’histoire d’un vieux monsieur aveugle. C’est l’histoire d’un type qui trouve un anneau. Ce type est joué par un type qui a joué un type qui détruit un anneau, dans un film qui a coûté 40 fois plus cher. C’est un film réalisé par un type (Liev Schreiber) qui a joué dans « La Somme De Toutes Les Peurs » et Scream 1, 2 et 3. Ca vous fait peur ? Vous avez tort.

C’est l’histoire d’un américain en Ukraine. C‘est l’histoire d’un ukrainien. L’américain est juif, l’autre pas. L’américain recherche l’ukrainienne qui a sauvé son grand père des nazis, en 1942. L’ukrainien et son petit fils ont monté un business : emmener les riches juifs américains qui veulent retrouver des traces de leurs ancêtres, victimes de la Shoah.

Des films sur la Shoah, y’en plein, et pas que des bons. Mais là, c’est un premier film, et c’est un grand film. Un film qui part de la comédie (le choc des cultures, l’Ukraine, les USA*), et qui glisse tout doucement, de gag en gag, vers son sujet : Les souvenirs, la mémoire…

Sur un sujet aussi casse gueule, il était facile (surtout pour les américains) de faire dans la faute de goût. Ce n’est pas parfait, il y a trop de musique, quelques effets faciles, mais Liev Schreiber tient son sujet jusqu’au bout. Probablement grâce au garde fou du livre éponyme de Jonathan Safran Foer , il ne sombre jamais.

* on sait depuis Armageddon, que l’Ukraine et les USA, c’est la même chose : « Depuis la Chute du Mur, les américains ne peuvent taire plus longtemps leur authentique amour des russes. Car dans le fond, qu’est ce qui ressemble plus à un russe qu’un américain ? Même culture pionnière, même mythologie de conquête et de valorisation du territoire, même esprit fermier. »




jeudi 1 septembre 2005


Panthéon Clandestin
posté par FrameKeeper dans [ Les films ]

Une plage quelque part à Punta Cana. Un restaurant de langoustes grillées. Initiation aux cigares locaux avec, pour se finir, du vieux rhum. Rien de très avouable certes mais rien non plus de réellement désagréable. Alors on se lâche et on parle Cinéma… Inutile aujourd’hui de fouiller les bibliothèques des gens pour les connaître: il est bien plus efficace et rapide de les interroger sur leurs films préférés.
Attention à bien préciser « depuis 1970 » si on souhaite éviter les réponses toute faites genre Intolérance, Jeanne d’arc (non pas celui de Luc) ou l’Aurore.
Attention encore, ça ne marche pas sur les amis déjà acquis et au contraire ce type de discussion peut provoquer des fâcheries graves… Si la critique officielle est aux mains des derniers chryptos-marxistes, mes compagnons de CSP se révèlent souvent doués pour l’inquisition: Comment peux-tu ne pas aimer Ken LOACH? Avec toutes ces conneries américaines que tu t’infuses.. et Klapish, tu ne peux pas ne pas aimer Klapish, il a sauvé le cinéma français… J’ai beaucoup de tendresse pour Dépléchin, qui est moins grand public, mais Klapish tout de même…
Heureusement, Punta Cana est loin de la place de l’Odéon et puis 10 ans séparent les fumeurs de cigares: quasiment deux générations de lycéens… Allez comprendre… les échanges sont rapidement fructueux…

« – Soyons clair : Predator est un pur chef d’œuvre
– Je dirais même plus, Predator est le paradigme du chef d’œuvre moderne avec sans aucun doute et même s’il se situe de l’autre côté de la Force « Un jour sans fin » …
« Piège de cristal » a marqué un tournant dans l’histoire du cinéma et du scénario mais comporte trop de failles pour être qualifié de chef-d’oeuvre
– Je souscris : finalement « Piège en haute mer » est bien plus réussi. On est souvent injuste avec Segal..
– Comme avec Jacky Chan d’ailleurs.
– Total respect pour Jacky Chan…

Et pour Nikita, Point Break, Matrix, L’effet papillon, Heat, The faculty, Hidden, Au revoir à jamais, L.A. Confidential (le plus incroyable travail de scénariste jamais réalisé), Pitch black, Et au milieu coule une rivière (c’est toujours bien ce que fait REDFORD, d’ailleurs même Les Experts c’était pas mal), Abîmes (non pas Abyss, Abîmes le film de sous-marin), Freddy (presque tous, désolé Wes), Scream, Society, Fin d’automne, Blade Runner (Producer’s cut), Alien, Reservoir Dog, Volte-Face, Miller’s Crossing, Remember the Titans, le Fugitif, Fargo, Princesse Mononoké, J’irais au Paradis puisque l’Enfer est ici, Vidéodrome, Galaxy Quest, Le Baiser mortel du Dragon, Le Voyage de Chiiro… Et puis, tout Fincher bien sur: Se7en, The Game, Fight club et même Panic Room pour qui accepte l’idée du double fond…. la liste reste ouverte mais ne pas oublier de se munir de son ticket d’entrée au guichet CINEFAST..

Les points de divergences sont minimes (Usual suspect, le Seigneur des Anneaux), et pourtant, malgré son évidence, à une ou deux exceptions près, ce Panthéon n’a pas d’existence légale : ces films sont tricards, transparents, tout juste bon à une critique coup de trique de 4 lignes en bas de page… « Ouste, du balai, repassez vite fait l’Atlantique à la nage en sens inverse et bonne chance aux requins.. Chassons de bon cœur les marchands du Temple. »

Eternelle rupture épistémologique entre une critique d’avant-garde, ivre de festivals de courts-métrages et d’avant-premières happening, délicatement nourrie au cinéma iranien ou bosniaque, et la grande masse des spectateurs, abrutie par des années de Navarro et gavée aux ciné-quick de Stallone et autres Swarzsenhéger ?

Pas si simple ! si parmi ces films, la plupart sont des succès publics, un bon nombre a dû attendre la sortie DVD ou télé avant d’être reconnus cultes. Certains attendent toujours … D’autres, en revanche, et pourtant du même père ou de la même mère, sont également des succès mais ne figurent pas volontairement dans cette liste.

Alors ? Alors, votre mission, si vous l’acceptez, sera d’obtenir, et par requête motivée, la Green Card à tous ces films, collectivement et sans possibilité de discussion au cas par cas, afin que nos enfants puissent un jour avouer les avoir fréquentés sans avoir à rougir de leurs parents.

Vous avez carte blanche pour parvenir à vos fins mais comme toujours, si vous-mêmes ou l’un de vos agents étaient capturés ou tués (c’est possible) au cours d’un débat public, le département d’état nierait avoir eu connaissance de vos agissements ….

Never Give up, Never Surrender. Saint Rio Bravo, priez pour nous…




jeudi 30 juin 2005


Lost
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]

Ainsi donc, nous voilà Lost… Perdus sur une île déserte, puisque c’est le bon vouloir de TF1. La 1ère chaîne s’est résignée à abandonner pour une fois Dolmen, Julie Lescaut et autre Zodiaque, pour acheter la plus grosse série américaine du moment.

Ca vaut le coup de s’y pencher, par passion sériesque d’abord, et puis dans une optique cinéma, car Lost invoque les mânes des grands anciens.

Pitchons : Des rescapés d’un accident d’avion se retrouvent perdus sur une île déserte. Il s’organisent pour survivre et chercher du secours. En explorant la jungle environnante, ils découvrent soudain de surprenantes créatures… Que s’est-il passé sur cette île ?

Ca commence comme Seul Au Monde, ça tourne à Jurassic Park, pour finir à la X-Files. Rien qu’avec ça, on vous offre des millions à Hollywood ! Voilà en tout cas qui donne envie d’y jeter un coup d’œil.

Néanmoins, le premier résultat est mitigé, et c’est l’objet de cette chronique : qu’est ce qui fait la différence entre un grand film, et un film moyen ? Alors que les sujets sont les mêmes ? Qu’il n’ya pas différence de moyens ? Qu’est-ce qui nous attire dans Lost, et qu’est-ce que qui nous repousse ? Comparons…

L’accident
Point de passage obligé du film catastrophe, il est traité foncièrement différemment dans Lost et dans son modèle supposé. Si ça ressemble à Seul au Monde, ce n’est pas Seul au Monde ! Là où Zemeckis met en place une formidable scène de crash au cœur de la nuit, à la limite du cinéma expérimental, avec une bonne minute d’écran noir traversé de bruits divers, Lost contourne l’accident sous forme de flash-backs, vécus différemment par chacun des protagonistes. Dans le traitement ça reste très soft : pas de cadavres gore, pas de sang, pas de membres découpés à droite à à gauche : on est clairement dans une fiction grand public, pour une heure de grande écoute.

Les personnages
On ne fait pas dans la dentelle et c’est très typé : le docteur « bonne conscience », le rocker « drôle mais attachant », l’héroïne « avec-un-passé-trouble », l’électronicien « irakien-mais-sympa-quand-même ».

Le casting
Il est à l’avenant : orientés top model, le héros est beau, l’héroïne est belle, et même après une chute de 20 000 pieds, une explosion, et une nuit dans la jungle, rien ne vient entamer le rouge à lèvres l’Oreal.

A contrario, c’est typiquement là où le génie des Spielberg-Zemeckis peut s’exercer. Sur la même situation, mais avec de formidables acteurs passe-murailles comme Tom Hanks, il y a ce supplément d’âme qui manque à Lost. Le héros de Seul au Monde est bien sûr un cliché. Mais Tom Hanks va créer une distance, une évolution du personnage, qui le grave dans nos mémoires. Dans Jurassic Park, Spielberg, a l’intelligence de confronter un couple falot (Sam Neill/Laura Dern) avec un sidekick de luxe en la personne de Jeff Goldblum*

Le scénario
C’est le point fort de Lost, et des séries en général. Tout d’abord, un enjeu formidable est posé : où sont-ils ? Vont-ils s’en tirer ? Quel spectateur de Cinefast peut résister à la tentation d’avoir une réponse à ces questions ?

Ensuite, les 48 personnages (héros, personnages secondaires, figurants) sont une mine d’intrigues secondaires : l’électronicien irakien-mais-sympa va-t-il s’entendre avec l’obèse dont le frère a fait la Guerre du Golfe ? Le jeune veuf noir va-t-il sauver la jeune japonaise soumise des griffes de son mari ? Qui est le mystérieux miraculé qui joue au backgammon ? etc. etc.

Outre le plaisir un peu régressif de déguster Lost comme une énième redif’ de Jurassic Park en avalant du pop corn, on peut donc de continuer de regarder… en attendant la suite.

* avec notamment sa fameuse réplique de Jurassic Park II, quand son ex. s’extasie devant les gentils dinosaures : « Oooh! Ahhh! That’s how it always starts. Then later there’s running, and screaming… »