vendredi 6 novembre 2015


Seul sur Mars
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Et si le documentaire était la véritable ambition artistique de Ridley Scott ? Et si depuis quarante ans, le réalisateur anglais n’avait rêvé que de transmettre ses connaissances sous forme de docudramas habilement déguisés en fictions de luxe payées par Hollywood ? Et si Seul sur Mars était la révélation ultime de ce procédé ?

Qu’on y pense ? De la Retraite de Russie, la Vie au XXI° siècle, la Mafia Japonaise, la Condition Féminine dans le Southwest, les Croisés de Jérusalem, la Conquête de l’Amérique, les Combats de Gladiateurs, la Bataille de Mogadiscio, la Vie en Provence, le Marketing de la Drogue, l’Exode Biblique et maintenant… la Vie sur Mars, Ridley Scott, enlumineur de génie, n’a fait que poursuivre le travail d’encyclopédie populaire, à l’instar des Tout l’Univers et autre Dis Pourquoi ? de notre enfance.

Seul sur Mars, son dernier projet, coûte la bagatelle de 108M$. C’est cher pour un film dont l’unique vocation semble être de passer sur National Geographic Channel avec voix off ad hoc : « Si l’homme devait un jour s’installer sur mars, comment s’y prendrait-il pour survivre ? ». Avec une réponse de 144mn sous forme de cours de botanique (comment faire pousser des pommes de terre avec son caca), de cuisine (les 1001 façons d’accommoder les dites pommes de terre), de bricolage (sachez fabriquer une serre (ou une coque de vaisseau spatial), avec seulement de la toile plastique et du chatterton), ou de maths : sachant que je produis 30 kg de patates par récolte, combien me faudra-t-il de récoltes pour tenir jusqu’à l’arrivée des secours ?

Le tout emballé, comme tout Danger dans le Ciel qui se respecte, d’une alternance de documentaire et de drame reconstitué. Ici, on n’a pas fait les choses à moitié : plutôt que le sosie de Matt Damon, on a pris Matt Damon lui-même. Avec le gratin de l’Hollywood actuel (Jessica Chastain, Jeff Daniels, Sean Bean), ou à venir (Kate Mara (House of Cards), Chiwetel Ejiofor (12 years a Slave), Mackenzie Davis (Halt and Catch Fire))…

Heureusement qu’ils sont là, les comédiens : les pauvres mettent tout leur talent au service de personnages même pas esquissés (pas d’enjeu personnel, pas de famille, pas de motivations). Ca a un gros avantage : ça permet de voir exactement ce qu’apporte de grands comédiens ; tout ce qu’il y a dans le film, c’est eux qui l’ont apporté.

Pas non plus de trace de dramaturgie à la surface martienne, (faute aux radiations, probablement), sauf l’unique et inquiétante question façon Man vs Wild: comment va-t-on faire pour survivre ?

Une ambiance incroyablement feelgood évite toute inquiétude inconsidérée de la part du spectateur : grâce au courage, au travail, à l’amitié et à la solidarité, et bien sûr à l’ingéniosité américaine, Matt va bien trouver un moyen, putain de dieu, pour faire les 225 000 000 km qui lui reste à parcourir jusqu’à Pasadena.

À côté, Apollo 13, c’est Desplechin, Seul au Monde, c’est Robert Bresson, et Armageddon, c’est Tarkovski. Le parallèle avec le brûlot politico-philosophique des Simpson/Bruckheimer ne s’arrête pas là : pour sauver un homme dans l’espace, la NASA ne suffit toujours pas. La différence, c’est qu’on ne fait plus alliance avec les Russes, mais avec les Chinois (Wladimir Poutine ne va pas être content).

Malgré cela – et tout à fait inexplicablement – on finit par être emporté à la fin et on est bien content que Matt Damon réussisse à rentrer chez lui.

Zut, je crois que j’ai raconté la fin.




samedi 2 mai 2015


Boardwalk Empire
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]

Boardwalk Empire est une série du milieu. C’est-à-dire, pas la daube habituelle des soirées TF1 ou France2, mais pas non plus le chef d’œuvre immanent. On sent un peu trop le pitch marketing qui pointe, ce qui n’est pas l’habitude de HBO : un film d’époque en costume avec du sexe et de la violence. Les Soprano, pendant la Prohibition. Ou le Game of Thrones des Années 20. Ou le Deadwood de la côte est.

Pour autant l’époque est passionnante (voir la série documentaire de La Prohibition de Ken Burns) ; l’Amérique en train de se construire tandis qu’un trafic (d’alcool, mais ce pourrait être la drogue) peut tout aussi bien la détruire. Et comment le trafic défait le tissu même des institutions, de la police, de la justice, des politiciens…

Ce qui est intéressant dans Boardwalk Empire, ce n’est pas la reconstitution (entre parenthèses, un petit peu empruntée, un peu trop propre) mais plutôt la création d’un personnage génial, Nucky Thompson, joué par un comédien tout aussi génial, Steve Buscemi, que nous aimons depuis Jarmush ou les Frères Coen (Miller’s Crossing, Fargo, Big Lebowski) mais aussi pour ses rôles délirants chez Bay/Bruckheimer (Les Ailes de l’Enfer, Armageddon, The Island)

Ce personnage de Nucky Thomson, c’est l’incarnation même du réalisme politique. Dès les premières secondes du premier épisode, il fait un discours très émouvant sur la façon de sortir d’une famille alcoolique devant une assemblée de suffragettes, évidemment fer de lance des prohibitionnistes. Nucky sort de la salle, et avec un flegme très buscemiesque, lampe une gorgée de whisky et enchaîne une autre réunion évidemment abolitionniste. La série incarne cela, la capacité à survivre dans un monde de brutes – la politique à Atlantic City dans les Roaring Twenties – grâce à un réalisme et un pragmatisme sans faille. Gérer les problèmes les uns après les autres, avec la famille, les amis, les amis des amis, les gens qui votent pour vous et les gens qui ne votent pas pour vous. En utilisant parfois par la violence mais en l’évitant le plus possible, quitte à acheter la paix à prix fort. Nucky est le Louis XI d’Atlantic City.

Steve Buscemi était déjà un immense acteur ; il prouve ici sa capacité à tenir une série de bout en bout avec son physique ingrat et ses fêlures internes, au milieu d’un cast énorme.

Si le série reste assez classique, elle vaut le détour rien que pour cela.




dimanche 21 septembre 2014


No Pain No Gain
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

On défend ici, contre vents et marées, l’auteur Michael Bay, convaincu que l’on finira par reconnaître l’œuvre, un jour. Une œuvre, c’est à dire un ensemble de films à la fois cohérent et protéiforme, de The Rock à Armageddon, en passant par quelques ovnis (The Island). On occulte pourtant souvent une partie de son talent : la comédie. Cette composante est pourtant présente dans tous ses films, de Bad Boys à Transformers

Et Michael Bay a beau être un républicain pur sucre, nationaliste et chauvin, ce n’est pas un puritain pour autant.

No Pain No Gain en est la parfaite illustration. Bay sort de son répertoire habituel – le film d’action – pour réaliser un biopic, et une comédie. Enfin, sort, c’est vite dit : No Pain No Gain ferait passer Transporteur pour un film de Tarkovski.

C’est peut-être grâce à cette vivacité, et ce style inimitable, que Michael Bay réussit enfin à nous faire un BOATS digne de ce nom. Si vous avez au moins suivi la promo, vous savez que cette histoire de pieds nickelés est vraie* : trois idiots d’un club de muscu décident de se faire un de leurs clients, riche et odieux (Tony Shalhoub). Malheureusement, c’est un coriace, qui se laisse torturer sans vraiment parler et refuse même de se faire tuer, quand on lui roule dessus. Il faudra l’intervention d’un privé (Ed Harris), pour qu’on arrête les frais, car la police ne croit pas à son histoire.

La force de No Pain No Gain, c’est ce qui a toujours été la force de Michael Bay, une forme de second degré qui n’exclut pas l’empathie pour ses personnages. Une qualité, faut-il le répéter, essentielle au cinéma.

On ne peut s’empêcher de frémir pour Daniel Lugo (superbe Mark Wahlberg), ce « doer », incarnation sous stéroïde du rêve américain, qui ne veut plus être un « don’ter ». Un pauvre type de Miami, qui veut ce que les autres ont à Miami : une belle voiture, une belle femme, une belle maison. Bay fait de même pour les deux autres personnages, en nous installant dans une compassion amusée pour Paul (Dwayne Johnson, quel acteur quand on pense que ce type a commencé dans Le Roi Scorpion !), une âme d’enfant perdue dans une montagne de muscle imbibée de catholicisme mal digéré, ou encore pour Adrian (Anthony Mackie), un sidekick minable, entièrement obsédé par la longueur de son pénis, mais gentil dans le fond. C’était ce qui était typiquement à l’œuvre dans Transformers, un film pour enfant avec de l’humour paillard dedans, et où l’on pouvait à la fois être du côté de Sam Witwicky et se moquer de lui : « Were you… masturbating? »

Mais ici, le fond de No Pain No Gain, c’est – de manière très surprenante – une critique acide du rêve américain. Surprenant parce qu’elle émane de l’un de ses plus principaux promoteurs à Hollywood. Dans les films précédents de Michael Bay, difficile de ne pas trouver un plan de la Bannière Etoilée… Mais ici, c’est comme si l’auteur de Pearl Harbor s’amusait à ruiner tous les stéréotypes US dont il s’est auparavant servi à haute dose : la victime, incarnation du Self Made Man (il a monté sa franchise de restaurants) est une parfaite ordure, prétentieuse, mettant du fric à gauche et insultant flics, infirmiers, employés et tortionnaires, comme si certains ne le méritaient pas un peu plus que d’autres. Dans la même veine, la police est incompétente, le prêtre est pédophile, la musculation se fait sous dopage, et les séminaires vendant l’american way of success ne sont que de morbides escroqueries menant au meurtre, à la torture, à l’extorsion. La propagande russe des années soixante n’aurait pas fait mieux.

Si vous aimez Michael Bay et l’Amérique survitaminée qu’il nous propose depuis vingt ans, vous devez regarder cette curiosité qu’est No Pain No Gain. Si vous ne l’aimez pas, vous devriez aussi.

* Un des meilleurs gags de NPNG est de rappeler, par un arrêt sur image, que cette histoire est vraie, à chaque fois que ça devient encore plus invraisemblable
« Rappelons qu’il s’agit d’une histoire vraie »




dimanche 9 février 2014


Le Naufrage du Costa Concordia
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Truer than fiction. C’est le nom d’un festival de documentaires ; ce pourrait être aussi le sous-titre de ce documentaire, à mi-chemin entre Cloverfield et Titanic. Son principe : raconter le naufrage du Costa Concordia, à base d’images filmées par les passagers.

Le résultat est tout bonnement extraordinaire. L’effet de réel, stupéfiant. Comme dans l’épopée mélo de James Cameron, on commence par La Croisière s’Amuse ; les passagers s’extasient, tout en le filmant avec leur smartphone les dimensions du moloch dans lequel ils ont embarqué*. Oh la belle salle de bal ! Oh les ascenseurs de dix étages ! On voit même le capitaine Francesco Schettino, sablant le champagne lors du traditionnel Dîner du Capitaine.

Puis on bascule dans le naufrage. Les lumières qui s’éteignent dans la salle de restaurant, les premiers rires gênés qui fusent. Le personnel, comme chacun sait, essentiellement philippin ou vietnamien, qui ne comprend pas bien, car pas bien formés, pas bien informés… et le bazar qui s’installe.

Pire, quelqu’un filme dans la cabine de pilotage. Le dialogue devient alors surréaliste. Les secours de l’île de Giglio disent avoir été alertés par un membre d’équipage, qui parle d’une éventration de la coque sur cinquante mètres. La réponse qui fuse pourtant avec plein d’assurance :

– « Non, pas de problème ! Il s’agit juste d’un problème de générateur. Nous vérifions et nous repartons. »

Giglio insiste, mais le Costa Concordia, sûr de repartir, va ainsi perdre une heure avant que le capitaine ne donne l’ordre d’évacuer. Une évacuation très particulière : en commençant par sa propre personne. Entendons-nous, ce n’est pas la faute d’un homme, même si celui-là atteint un niveau rarement constaté**, mais bien celui d’un système : celui de Costa, le croisiériste, tout à sa vocation disneyenne – garder sourire figé en permanence, pour ne pas gâcher la fête. Tout comme la White Star et son titan incoulable, cent ans plus tôt, comme le raconte si bien Joseph Conrad.

Quand la décision est prise, c’est la panique, le bateau gîte dangereusement, mais l’humanité, pareille à elle-même, danse sur le volcan : des touristes penchés à 45 degrés, mais se filmant quand même sur leur iPhone, rigolards… Que dire aussi de ce quinquagénaire, caricature de touriste avec sa caméra perpétuellement en bandoulière, filmant sa croisière jusqu’au bout façon reportage de M6 ?

C’est d’ailleurs le plus étonnant : au milieu de la panique, on continue de filmer. Ce qui avait semblé un peu ridicule dans Cloverfield, était en fait totalement prémonitoire. Le jour de l’Armageddon, il y aura toujours quelque un pour filmer l’astéroïde percutant l’Atlantique.

Dernier moment incroyable : le fameux échange entre les secours de Giglio qui somment le capitaine de remonter sur son bateau pour coordonner les secours. La plupart des 4000 passagers a été évacuée avec beaucoup de difficultés. S’il y a assez de canots cette fois ci, manœuvrer les bossoirs est toujours aussi compliqué quand un bateau n’est pas droit.

Mais il reste des passagers bloqués sur le flanc. Pourtant, le capitaine élude. Il fait nuit… On n’y voit rien. La capitainerie finit par lui hurler dessus. « Vous n’êtes plus capitaine !! vous avez abandonné votre navire ! Maintenant c’est moi qui commande ! Je vous ordonne de retourner sur le bateau !! »

Le film se termine sur les passagers, réfugiés dans une église, se partageant quelques malheureuses couvertures.

Titanic, toujours.

*Le Costa Concordia fait 11m de plus que le Titanic.
** Le Capitaine est réglementairement obligé de quitter son navire en dernier. Ce n’est pas seulement une tradition.




lundi 14 octobre 2013


« De quoi vous plaignez-vous ? »
posté par Professor Ludovico dans [ Le Professor a toujours quelque chose à dire... ]

Dans Le Nouvel Hollywood, Paul Schrader, ex-cinéphile devenu cinéaste, interpelle les cinéphiles d’aujourd’hui, c’est à dire vous et moi : « De quoi vous plaignez-vous ? Quand nous, nous voulions voir un vieux film de Jean-Luc Godard, il fallait trouver une copie 16mm quelque part, un projecteur, et tendre un drap blanc sur le mur d’un copain. Vous, il vous suffit d’aller au vidéo club ! »

Je me suis posé la même question hier, devant l’incroyable programmation télé de ce dimanche soir. J’ai pu ainsi surfer de The Town en VO sur TF1 (que je n’ai pas voulu regarder puisque j’avais manqué le début), rire aux éclats devant le Bambino d’OSS 117 Le Caire Nid d’Espions, revoir les dix dernières minutes – magiques – de Deep Impact, l’Armageddon mélo de Mimi Ledder, éviter La Belle et Bête sur Arte ou Thelma et Louise sur 23, jeter un œil à Beignets de Tomates Vertes, changer d’avis sur La Reine Margot, dont je n’avais pas su apprécier la mise en scène arty à sa sortie, et même revoir en replay les 6 buts de l’équipe de France face à l’Australie. On se plaint souvent de la médiocrité de la TNT (« thirteen channels of shit on the T.V. to choose from » comme on dit dans The Wall), pourtant, il y a du choix.

Que demande le peuple ?




samedi 13 juillet 2013


Room 237
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Il y a une anecdote amusante dans une interview consacrée à Kubrick. Le journaliste lui fait remarquer qu’il y a cette présence obsédante du monolithe, jusque dans Full Metal Jacket. « Hein ? Où ? » Kubrick ne voit pas trop à quoi on fait allusion. Mais si, à la mort de Cowboy, il y a un monolithe en contre-jour, c’est dans l’arrière-plan ! Kubrick jure ses grands dieux qu’il n’y est pour rien, que ce n’est pas du tout intentionnel, le journaliste a du mal à le croire, et nous aussi.

C’est tout le sujet de Room 237 : on ne prête qu’aux riches. Le documentaire de Rodney Ascher donne la parole à neuf « spécialistes » de Shining, qu’on pourrait également qualifier de psychopathes. Car Room 237 est décevant de ce point de vue ; ce n’est pas neuf analyses du grand film d’horreur kubrickien, c’est plutôt neuf thèses monomaniaques. Plutôt que d’invoquer des hypothèses, nos analystes sont sûrs de leur fait : Shining est un film sur la culpabilité de Kubrick (qui, comme chacun sait, est le véritable auteur des images d’Apollo XI), Shining est un film sur le massacre des indiens, Shining est une allégorie sur l’Holocauste.

Et évidemment, à partir de là, tout fait sens. 2x3x7 = 42, date de la conférence de Wannsee. Il y a 42 voitures sur le parking de l’Overlook Hotel, Danny et Wendy regardent Un Eté 42, etc. Ça tourne vite au pathétique, car leurs thèses s’appuient la plupart du temps sur des erreurs de montage, des faux raccords, etc.

Mais là c’est aussi que ça devient diabolique, au moment où cela entre en collision avec le mythe de Kubrick l’Infaillible. L’auteur de 2001 étant réputé parfait (notamment sur ce site), démiurge monomaniaque se chargeant de tout, de la lumière au son en passant par les tirages de copies à New York ou la taille des publicités thaïlandaises, choisissant et vérifiant chaque accessoire, son infaillibilité, comme celle du Pape, ne saurait être mise en doute. Donc s’il y a une erreur, elle est forcément intentionnelle. Le trajet de la petite voiture de Danny ne colle pas avec le « vrai » plan de l’hôtel ? C’est fait exprès. Il manque une chaise pour être raccord dans l’arrière-plan ? C’est fait exprès. Danny a un pull Apollo XI ? C’est fait exprès.

On pourra reprocher à l’auteur de ces lignes de faire parfois pareil, de chercher la petite bête dans Armageddon ou Titanic, Eyes Wide Shut ou Les Sentiers de la Gloire. Nous partageons en effet cette conviction que l’œuvre est plus puissante que les intentions de l’auteur, qu’elle est porteuse de plus de sens, même si elle ne prétend qu’au divertissement. Transformers, par exemple, nous en dit beaucoup sur l’Amérique d’aujourd’hui et les œuvres de Kubrick, de Michael Bay ou d’Asghar Farhadi sont irriguées de motifs par trop répétitifs pour qu’il n’y ait pas un sens derrière tout cela. La différence avec les hurluberlus de Room 237, c’est qu’il n’y a pas de certitudes, que tout cela n’est qu’hypothèses indémontrables, et pures spéculations.

C’est là que nous pouvons trouver un terrain d’entente avec Room 237 : oui, le cinéma est un formidable miroir de nos âmes, et nous y déversons nos convictions comme nos doutes, nos angoisses comme nos passions les plus profondes…




mardi 9 juillet 2013


Man of Steel
posté par Professor Ludovico dans [ Les films ]

Il y a des films cons, et il y a des films concons. Des premiers, le Professore a fait une catégorie à part entière : la GCA, Grosse Connerie Américaine, un genre qui emplit une bonne partie de CineFast. Armageddon est la formule gagnante de ce cinéma : un scénario épais comme un sandwich SNCF, des personnages bourrins, des clichés à la pelle. Mais de ce viatique on peut faire des bons films : Armageddon, The Rock, ou des mauvais : 2012, Independance Day.

Man of Steel appartient à une autre catégorie : le film concon. Il voudrait être une GCA, mais il n’y arrive pas. Pour cela, il faudrait travailler un peu ce scénario.

D’ailleurs, il faudra un jour réévaluer à la baisse Christopher Nolan, n’en déplaise à Karl Ferenc. Ce que Nolan apporte à Batman, il ne sait pas le faire chez Superman : cette remise à plat du mythe ne marche pas, et pas uniquement parce qu’à la base, Superman, c’est déjà très con.

Non, c’est bien d’un manque de cinéma qu’il s’agit : pas assez de scénario, pas assez de bons dialogues, pas assez de bons comédiens, pas assez de mise en scène. Notre chouchou Zack Snyder livre ici sa plus mauvaise performance, mis à part peut-être les réjouissantes – mais longuettes – séances de baston. Il ne sait pas quoi faire de ses comédiens, pourtant excellents, issus d’A La Maison Blanche, Battlestar Galactica, Oz, Les Tudors… Il rate Russell Crowe, Amy Adams, Michael Shannon, et Kevin Costner, un comble ! Henry Cavill, notre chouchou des Tudors, est lamentable en Superman, cucul la praline de bout en bout. Les dialogues sont d’une bêtise absolue, et les quelques gags sont lourdement mis en scène. Quant au scénario, c’est carrément celui d’une série B, ce dont on s’aperçoit dès la pitoyable séquence d’ouverture.

En réalité, pendant tout le film on ne cesse de penser à Christopher Reeves, le Superman de 1978, et son onirique ballade amoureuse dans le ciel avec Margot Kidder, ou sa course-poursuite au missile nucléaire dans la faille de San Andreas ; deux scènes qui pourtant ne volaient pas bien haut, on en conviendra. Quand on pense à un autre film pendant qu’on en regarde un au cinéma, c’est déjà plié.

Concon, cucul, caca : on cherchait le plus mauvais film de l’année, on l’a trouvé.




vendredi 10 mai 2013


Iron Sky
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films ]

Voilà un genre qui intéresse peu le Professore – la série Z – mais qui prolifère aujourd’hui via le direct to video. Un film sort ici du lot, grâce à sa thématique grindhouse, et une bande annonce d’enfer, légèrement survendeuse, qui a incité le Professore à donner immédiatement 4,99€ à myTF1 pour visionner enfin Iron Sky, en HD VOST.

Le pitch est effectivement extraordinaire : la présidente des Etats Unis (on aura reconnu Sarah Palin) envoie un noir sur la Lune pour faciliter sa réélection : « A Black on the Moon : Yes She Can« . Mais notre héros, James Washington (sic) découvre le terrible secret qui se cache derrière la dark side of the moon : pas Syd Barrett (qu’on entend sur l’album du même nom), pas un engin extraterrestre (Transformers), pas une mission spatiale restée secrète (Apollo 18), non, non, une base nazie, bien sûr ! Réfugiés depuis 1945, les astronautes d’Hitler exploitent une mine d’Helium3, le carburant ultime, dans le but de lancer leur vaisseau ultime, le Götterdämmerung, pour reconquérir la terre et y apporter enfin paix, prospérité et Lebensraum. Difficile, on en conviendra, de résister à un tel pitch, même si à l’évidence, Iron Sky est sous-casté, sous-filmé, sous-scénarisé : une vrai série Z donc.

Mais quand même. On se régale des situations gagesques, des parodies qui traversent chaque scène d’Iron Sky. Tout y passe : de la conseillère media de la Présidente qui singe Hitler dans la cultissime scène de la Chute « Que toutes les personnes qui ne dirigent pas un département quittent la pièce !! « , à la jeune nazie qui ignore tout du vrai Hitler (elle n’a vu que la version courte du Dictateur), de Star Wars à Star Trek, d’Apollo 13 à Armageddon, mais aussi Einstein, Dr Folamour, Wagner (la BO concoctée par Laibach sample allègrement Siegfried)… Sans oublier tous les clichés de la Blaxploitation, avec son héros black aidée d’une sidekick en porte jarretelles, jeune et blonde, nazie mais sympa quand même…

On passe un excellent moment, le popcorn dans une main, et le coca dans l’autre…




jeudi 31 janvier 2013


The Rock
posté par Professor Ludovico dans [ A votre VOD -Les films -Les gens ]

En 1996,  The Rock signe l’aboutissement du film « High Concept » mis en place par le duo  de producteurs Simpson/Bruckheimer ; une aventure des eighties à découvrir dans Box Office, le passionnant livre de Charles Fleming consacré à Don Simpson.

Or ce film, c’est aussi le dernier : la même année, Don Simpson meurt dans ses toilettes, une bio d’Oliver Stone à la main. Incident cardiaque, dû à l’abus de médicaments et de drogues. Simpson ne verra pas Armageddon, futur film de leur poulain Michael Bay. Or, The Rock n’est que le brouillon d’Armageddon, en alignant les mêmes thématiques, et les mêmes figures de style. Démonstration.

Le parcours du héros

The Rock et Armageddon, c’est – malgré les apparences – la même histoire, le même Parcours du Héros Simpsono-Bruckheimerien. Deux types ordinaires, deux real McCoys sauvent la planète, en combattant à la fois l’ennemi intérieur (qui n’en est pas vraiment un) et l’Etat Tyran  (qui nous a vraiment mis dans le pétrin).

Dans Armageddon, c’est le duo Willis/Affleck, binôme antique Vieux Con/Jeune Con, qui sauve la planète, aidé par une joyeuse bande de Village People issue des recoins de l’Amérique trash. Dans The Rock, ce binôme est déjà là : Nicolas Cage débute sa fructueuse coopération avec les S&B dans le rôle de Stanley Goodspeed (« Bon vent » en anglais (1)), un ingénieur spécialisé dans les armes bactériologiques. Sean Connery est John Patrick Mason, un ancien détenu d’Alcatraz, évadé multirécidiviste. Les voilà obligés de faire équipe pour empêcher un général renégat, Hummel, (Ed Harris, en beauté !), de bombarder San Francisco, pour (sic !), restaurer l’honneur perdu des centaines de Marines morts au combat dans des missions secrètes. Pour cela, le duo Mason/Goodspeed doit se rendre sur The Rock, qui n’est pas un astéroïde tueur mais bien la prison d’Alcatraz, dans la baie de San Francisco.

L’Etat Tyran, l’Etat Menteur

Constante américaine, constante républicaine, constante simpsono-bruckheimerienne : depuis la Révolution de 1776, les américains semblent vivre dans l’angoisse du retour de la tyrannie, sous la férule d’un ennemi extérieur (les british, les communistes, les extraterrestres), ou intérieur (l’administration fédérale, le FBI, Washington) (2). Un propos parfaitement illustré par X-Files, 24 ou Homeland.

Mais chez Simpson/Bruckheimer, l’ennemi extérieur n’existe pas. Les Russes d’Armageddon sont nos amis. Les Russes d’USS Alabama sont nos amis, aussi, à part quelques exaltés, vite réduits au silence par les troupes loyalistes. Il y a bien une menace extérieure dans Top Gun (des Lybiens), mais le véritable ennemi de Maverick, c’est lui-même. La constante de Simpson/Bruckheimer, c’est bien la tyrannie intérieure, le risque d’un état centralisateur, omnipotent, manipulateur, qui commande tous les espaces de nos vies. L’état est une menace ; l’état, c’est LA menace.

C’est précisément l’argument de The Rock : le Général Hummel prend Alcatraz, ses 80 touristes, et la ville de San Francisco en otage pour extorquer au gouvernement 100M$ : une récompense pour les familles des soldats morts en opération secrète, sans sépulture. On n’a rien dit aux familles : premier mensonge. Cet argent, Hummel veut qu’il provienne des trafics d’armes de la CIA, c’est à dire l’Irangate (vente d’armes à l’Iran pour financer les Contras nicaraguayens). Deuxième mensonge.

Pour cela on fait appel à Mason, un type qui a passé trente ans à Alcatraz, parce qu’il est l’agent secret britannique qui a volé… les dossiers secrets de Hoover ! « This man knows our most intimate secrets from the last half century! The alien landing at Roswell, the truth behind the J.F.K. assassination. » Troisième, quatrième, cinquième mensonge !!! L’état nous ment, et il nous ment depuis toujours ! Kennedy, Zone 51, Irangate.

Dans cette introduction, Bay a posé le dilemme : même si ses méthodes sont contestables, Hummel met le doigt où ça fait mal, sur l’état manipulateur, qui surveille les citoyens, bafoue leurs libertés individuelles, et qui – terrible péché – nous ment. Comme dans Armageddon, Ennemi d’Etat, USS Alabama, ou Déjà Vu.

Cela permet de justifier – au passage – le port d’arme, autre obsession redneck. Chaque citoyen devant être capable, comme les Minutemen de 1776, de se retrouver armes à la main pour casser de l’Habit Rouge. C’est traité ici au travers d’une blague : le gardien d’Alcatraz n’est pas autorisé à porter une arme (comme s’il pouvait faire quelque chose contre cinquante marines surentrainés !) Une mama noire, touriste otage, se moque de lui : « Oh you’re not allowed to carry a gun? I got a goddamned gun! If I’d’a known this was gonna happen, I’d’a brought my mother-fuckin’ gun! » Si on avait armé les citoyens, tout cela ne serait pas arrivé ; heureusement, deux citoyens lambda vont prendre les choses en main.

Le Président des Etats-Unis, créature luciférienne

Si les démocrates – et donc Hollywood en général – magnifient souvent la fonction (A La Maison Blanche, Président d’un Jour, Deep Impact, 2012…), c’est une antienne du cinéma « républicain », que d’en faire la critique. Avec une autre illustration de la tyrannie : l’imagerie présidentielle.

Dans Armageddon, POTUS (3) donne l’ordre de faire sauter l’astéroïde et sacrifie ainsi Bruce Willis. Idem dans The Rock : le Président ne croit plus en Goospeed et Mason, il envoie donc ses avions bombarder le rocher d’Alcatraz, alors que nos héros sont justement sur le point de stopper Hummel et ses Marines terroristes.

Manque de confiance dans l’héroïsme du Citoyen lambda ? Usage inconsidéré de la force brute ? Décisions absurdes, prises dans le brouillard ? Cette critique de la fonction présidentielle est déjà développés dans l’USS Alabama de Tony Scott, où des procédures foireuses, sans tête, rédigée en haut lieu sans le pragmatisme du terrain manquent de mener à l’apocalypse nucléaire, c’est à dire : l’Armageddon.

Comment mieux illustrer ce gouvernement « sans tête » ? En évitant de le filmer. Dans toutes ces oeuvres, on ne voit rien du Président des Etats-Unis. Invisible dans USS Alabama, simple regard bleu-vert dans The Rock, nimbé d’une sorte de vapeur (le diable ? l’indécision ?), et carrément dans l’obscurité du Bureau Ovale dans Armageddon, tel Méphistophélès dans les ténèbres, force immatérielle possédé de noirs desseins.

Les soldats perdus de l’extrême droite

Les extrémistes de droite sont des personnages récurrents dans l’univers Simpson/Bruckheimer. Provocation Sudiste et républicaine (4) vers un Hollywood Nordiste, bien-pensant et démocrate ? Pas seulement. Les personnages très à droite de leurs films sont toujours nuancés et un perpétuel mouvement de balancier vise à les mettre en perspective. D’abord de manière très négative, puis sensiblement positive, jusqu’au point où ces films finissent irrémédiablement par sonner comme un plaidoyer avec circonstances atténuantes. Un processus tout à fait à l’œuvre dans Le Plus Beau des Combats, mélo sur le foot US, sorti en 2000. Le facho n’est pas celui qu’on croit : l’entraineur sudiste a les idées plus ouvertes qu’on ne le suppose de prime abord, et le vrai facho (sur le terrain, du moins), c’est Denzel Washington, le coach noir imposé au premier. A la fin, ce mouvement de balancier aura « positivé » les deux personnages, qui deviendront amis, comme dans la vraie vie.

Dans The Rock, Michael Bay poursuit ce même but : Hummel est d’abord présenté comme un personnage sombre, terrifiant et sans pitié : il fait tuer des dizaines de soldats pour s’emparer des munitions. Mason – tout à son rôle de sidekick british – moque l’absurdité de la démarche (et au passage, du scénario !) : « I don’t quite see how you cherish the memory of the dead by killing another million. And, this is not combat, it’s an act of lunacy, General Sir. Personally, I think you’re a fucking idiot. » Cette autodérision scénaristique est une indication du caractère comique, autoparodique, de The Rock.

Mais ensuite, Hummel révèle une grande compassion pour tous les soldats, amis ou ennemis, et un grand sens de l’honneur (5). Dans un mexican standoff (6) d’exception, les Navy Seals (commandés par Anderson, un officier ayant servi sous les ordres du Général) se font piéger dans les douches d’Alcatraz, ce Fort Alamo du pauvre. Ils refusent de se rendre, et se font abattre jusqu’au dernier.

Hummel, consterné par un massacre qu’il a tenté d’éviter, montre alors toute son humanité (au mépris de tout réalisme scénaristique !) Hummel est certes un facho, mais 1) il a des raisons valables (le message politique du film, voir plus haut), 2) il peut se montrer humain. A la fin du film, Hummel déviera même un missile avant sa chute fatale sur San Francisco. « Me prenez-vous pour un dément ? Je n’allais pas tuer des milliers de gens !! » : Hummel admet sa défaite, et demande à ses hommes de se rendre. Mais certains ne sont pas aussi nobles : « I want my fucking money !!! » Ce sont eux, les véritables traîtres. Ils n’étaient là que pour l’argent, pas pour l’honneur. CQFD.

La Loi du Talion

« L’Europe est baignée dans le culture du Nouveau Testament (égalité, charité, pardon), tandis les Etats-Unis sont dans le culte primitif de l’Ancien Testament (Dix Commandements, Loi du Talion) » Si je me permets de citer la théorie du FrameKeeper, c’est que c’est une constante du cinéma US, qui irrigue tout aussi bien le film d’action (La Loi du Talion) que la comédie (happy ending sur les valeurs familiales). The Rock, mi-film d’action, mi-comédie, possède évidemment les deux.

Quand sonne l’heure du jugement, séparant le bon grain de l’ivraie, Hummel « l’Homme d’Honneur » meurt dans les bras de Goodspeed, qui a tenté de le sauver d’un deuxième mexican standoff. Comme un châtiment divin, il répond au premier : « Qui vit par l’épée périra par l’épée ! » Les autres terroristes subissent également la Loi du Talion, symboliquement punis en fonction des crimes commis : empalé par le missile qu’il allait lancer, ou avalant la munition bactériologique qu’il allait répandre sur San Francisco.

La rédemption des pères

Si les femmes sont rigoureusement absentes de The Rock, hormis les quelques apparitions habituelles (et minuscules) de la Fille ou de l’Epouse/Mère (7), c’est que le thème de la famille, et particulièrement des défaillance paternelles, est central.  En mineur dans The Rock, et en vrai thème dans Armageddon, les pères sont à la ramasse à Alcatraz.

Mason a passé sa vie à tenter de s’évader (dans tous les sens du terme) et n’a jamais vu sa fille. Nick Cage est un adulescent, qui tripatouille sa guitare et commande via Fed-Ex des vinyls des Beatles ; il ne veut pas d’enfant. Pas de bol, sa compagne est enceinte.

Voilà donc nos deux personnages principaux confrontés aux affres de la maturité. C’est l’objet d’une scène, lourde de sens, au sommet de San Francisco, dans le jardin du Musée des Beaux Arts (le bâtiment s’appelle aussi Legion of Honor !) Au milieu de colonnes grecques, de l’Athena moderne, nos deux mâles gagnent en sagesse : Mason promet à sa fille de revenir, en faisant un mea culpa retentissant, et Goodspeed lui sauve la mise (en faisant croire qu’il est « en mission », et pas évadé de nouveau)…

Même cause, même effet dans Armageddon. Bruce Willis n’a pas été un bon père pour Liv Tyler : sa rédemption finale sera de « confier » sa fille à Ben Affleck. Will Paxton est divorcé : il retrouvera épouse et enfant. Steve Buscemi est un obsédé sexuel : il voudra un enfant, après ses exploits interstellaires. La morale est sauve : tout désordre, même après la pire catastrophe humaine possible (l’armageddon !) doit retourner à l’ordre moral, social et familial, dans la plus pure tradition puritaine US.

Le Rookie/L’Homme d’Expérience

Etait-ce une allégorie de leur propre association ? Ou le signe de brûlures plus intimes ? Les deux producteurs ont multiplié les duos de mâles dans leur cinématographie : 48 heures, Le Flic de Beverly Hills, Bad Boys, USS Alabama, Jours de Tonnerre, jusqu’à ce duo de père et fils virtuels.

Mason, le Père, a tout raté : il multiplie les conseils à Goodspeed, son « Fils », lui-même père en devenir : « Losers always whine about their best. Winners go home and fuck the prom queen ! » ; « I’m fed up saving your ass. I’m amazed you ever got past puberty. » ; « I’m sure all this will make a great bed time story to tell your kid. »

Selon les canons de la comédie américaine, ces personnages ne sont que deux faces interchangeables, que l’on réconcilie à la fin. Goodspeed devient courageux et bagarreur, Mason devient sage et plein d’honneur. Le coup de génie étant d’avoir inversé les rôles au début. On croit que Mason est un vieux gâteux, il est en fait un agent secret en forme exceptionnelle, et Goodspeed, qui a montré son courage dans l’intro en désamorçant une bombe bactériologique serbe, se révèle plutôt poule mouillée. Les scènes d’action du milieu du film s’en trouvent renforcés, car le spectateur jubile devant l’énergie du vieux et le regard perpétuellement effrayé du rookie, le tout appuyé de dialogues délicieusement hardboiled (« Je vais très bien, CONNARD !!! »).


Le partenariat avec la Navy

Avec Top Gun, les Simpson Bruckheimer ont développé un partenariat riche avec l’US Navy (8). La Marine avait mis à leur disposition porte-avions et F-15 sans compter, elle fut récompensée par un clip de recrutement de 110 mn. Ces bonnes relations serviront ensuite à monter USS Alabama, et The Rock. Les « méchants » sont des Marines, les gentils des Navy Seals, et les méchants avions qui vont les bombarder sont eux aussi prêtés par la Navy (mais on cache soigneusement leur appartenance !)

Figures stylistiques

Côté style, rien de nouveau sous le soleil : l’œuvre simpsono-bruckheimerienne n’est qu’un éternel work in progress, de Flashdance  aux Experts. Entre les deux, la « patte » S&B se sera installée, elle aura même fait florès dans tout Hollywood.

Côté image, The Rock perfectionne le look fluo mis en place dès Top Gun. Vert et bleu pétant, et jolis filtres Belkin, furieusement eighties, pour des couchers de soleil couleur tabac. Côté musique, grosse pop qui tache pour vendre des CD, et musique russo-wagnérienne de gros tonnage pour le reste.

Au-delà de cette averse de couleurs et de sons, un déluge phénoménal de cascades et d’explosions, même quand l’action le justifie peu. L’évasion de Mason dans San Francisco donne lieu par exemple à une course-poursuite dantesque et totalement irréaliste (la Ferrari 355 explosant fenêtres et devantures sans jamais se rayer, jusqu’à sa destruction finale.) Le tout, faut-il le souligner, sans aucun trucage numérique…

Ce style apocalyptique est devenu la marque de fabrique de l’usine Bruckheimer. Des Experts à l’ensemble de la filmographie qui va suivre : Les Ailes de l’Enfer, 60 Secondes Chrono, Black Hawk Down, Bad Company, The Island, Transformers

Mais The Rock est sûrement l’apogée de ce style. Don Simpson va mourir. Le duo commençait à battre de l’aile, devant ses excès coke-médocs-putes, mais la mort de Simpson va profondément affecter Jerry Bruckheimer. De fait, sa production va s’assagir : moins de violence (Coyote Ugly), plus de films familiaux grâce à un contrat en or avec Disney (Pirates des Caraïbes, Benjamin Gates), ou plus profonds (Le Roi Arthur, Le Plus Beau des Combats). Il entamera aussi une série de succès exceptionnels à la télé avec Les Experts, mais aussi Cold Case, et FBI : Porté Disparus.  Aujourd’hui, son royaume est consensuel. Question de business, mais aussi d’âge.

De son côté, Michael Bay sera finalement le plus fidèle continuateur (9), avec des films sur-vitaminés (Bad Boys II), mais eux aussi plus profonds (The Island), ou plus familiaux, sous influence de Spielberg (Transformers)

The Rock, (Ge Rock pour les intimes, attachés à la prononciation toute particulière de Sir Connery) sera évidemment massacré par la critique à sa sortie et tout aussi évidemment un formidable succès en salle.

Il reste aujourd’hui le parangon de ce cinéma drôle et écervelé.

Et, disons-le tout net, un classique.

  1. On dit aussi God speed, ce qui est aussi le nom d’un bateau célèbre, chargé de colons qui qui fondèrent la colonie de Jamestown en Virginie. Les Pères Fondateurs, encore, toujours.
  2. Comme le dit le Commandant Anderson (Michael Biehn), chef des Navy Seals venus l’intercepter : « But like you, I swore to defend this country against all enemies, FOREIGN, sir… and DOMESTIC »
  3. President Of The United States
  4. Jerry Bruckheimer est un des rares donateurs du parti républicain à Hollywood
  5. Tout comme le personnage de Déjà Vu, interprété par Jim Caviezel
  6. Figure de style chère au western spaghetti, où trois cowboys  (ou plus) se menacent mutuellement. Ça finit en général par un carnage.
  7. On notera l’obsession Bayenne pour les filles pointues, aux yeux en amande et brunes : Kate Beckinsale dans Pearl Harbor, Liv Tyler dans Armageddon, Vanessa Marcil dans The Rock, Megan Fox dans Transformers
  8. Il faut à ce propos absolument lire l’excellent livre de Jean-Michel Valantin « Hollywood, le Pentagone et Washington, Les trois acteurs d’une stratégie globale ».
  9. Il fera encore trois films avec Jerry Bruckheimer : Armageddon, Pearl Harbor et Bad Boys II

 




mardi 30 octobre 2012


Homeland, divided we fall
posté par Professor Ludovico dans [ Séries TV ]

« Pourquoi tuer un homme, si on peut tuer une idée ? » s’interroge un personnage de Homeland dans le Season Finale.

C’est, très simplement, ce que fait la série : tuer une idée, sa propre idée ontologique, celle qui donnait envie de rester coincé le jeudi en éteignait les portables, les tablettes, les iMachins et les iChoses. Une belle idée, en vérité. L’idée de décrire la culpabilité qui traverse la démocratie américaine depuis le 11 septembre. De trancher dans le vif, Guantanamo, l’Afghanistan, Haliburton et les échecs de la CIA et du FBI.

Malheureusement, à force de tordre ses concepts de départ : Armée – Famille – Patrie et de voir ce qu’il en reste après le tsunami al-qaedesque, Homeland montre ses limites, jusqu’à l’implosion.

C’est ce que le Professore appelle le « cinéma adolescent ». Un cinéma Mouai-Euh, On-Dirait-Que, Ho-Là-C’est-Trop-Injuste… Vous vous rappelez de ça, non ? Quand vous jouiez dans la cour de l’école à refaire Mission : Impossible ? Mais voilà, maintenant on est dans la cour des grands, on n’est plus censés jouer. Les américains, si. Et Homeland, c’est ça : quand tout à coup, effrayé de sa propre audace (un de ses GI, le cœur de l’Amérique, serait passé du côté obscur), il se sent obligé de tempérer son propos. D’expliquer sa conversion (en idéalisant l’Islam, voir chronique précédente). De justifier sa décision (les petits nenfants irakiens tués par les méchants drones américains). De pitcher évidemment, sa saison 2 (en relançant le suspense d’une manière abrupte)… Qui y perd là dedans ? Le réalisme, évidemment. On ne croit plus à ce personnage, qui semble aimer ses enfants, mais est prêt à détruire son pays, voire plus. Qui arrête son geste, parce que sa fille lui demande… qui peut être machiavélique et aimant à la fois… et invoquer les mânes de Gettysburg tout en voulant détruire le gouvernement américain ? On retombe là sur les fondamentaux US, décrits déjà dans Armageddon (oui, oui, le film avec le météore) : l’Ennemi est intérieur, ce qui nous guette c’est la tyrannie, c’est Washington.

Pitié.

Comme l’a dit De Villepin « c’est un vieux pays, la France, d’un vieux continent, l’Europe, qui vous le dit aujourd’hui, qui a connu les guerres, l’occupation, la barbarie… » Ce n’est plus possible de filmer de telles conneries (c’est le Professore qui ajoute), de faire un cinéma qui a peur de son ombre, de ses audaces à deux balles, et qui court se mettre à couvert quand les obus commencent à tomber.